Atiyah : pensées

Le 22 mars 2010  - Ecrit par  Joël Merker Voir les commentaires

Michael Atiyah [1]
né en 1929, a fait ses études a Cambridge, fut professeur de géométrie
à Oxford (1963-69), professeur de mathématiques à l’Institut
d’Étude Avancée de Princeton (1969-72), puis de nouveau
professeur — Royal Society Research Professor — à Oxford.
Entre autres honneurs, il a reçu la médaille Fields au Congrès
International des Mathématiciens en 1966 à Moscou, il est membre
des académies nationales de France, de Suède et des États-Unis
et a obtenu le prix Abel en 2004.

Ses recherches couvrent des domaines très étendus des mathématiques,
allant de la topologie, de la géométrie, et des équations
différentielles jusqu’à la physique mathématique.

Soul-searching

« Malgré leur ancienneté, les mathématiques sont à notre époque très
actives et en très bonne santé. Des problèmes anciens sont
régulièrement résolus et de nouvelles perspectives sont constamment
ouvertes. Il y a très peu d’incertitude ou de manque de confiance dans
la communauté mathématique. La plupart de mes collègues sont trop
occupés à démontrer des théorèmes pour se livrer aux examens de
conscience que j’entreprends ici. »

Emerge by intelligently looking at a collection of problems

« Il est impossible de développer des idées complètement nouvelles ou
des théories dont on prédirait le destin à l’avance, mais
fondamentalement, elles doivent émerger en examinant intelligemment
tout une collection de problèmes [2].
Toutefois, des personnes différentes doivent travailler de manière
différente. Certains décident qu’existe un problème fondamental qu’ils
veulent résoudre, par exemple la résolution des singularités ou la
classification des groupes finis simples. Ils consacrent une grande
partie de leur vie à atteindre ce but. Je n’ai jamais fait cela, en
partie parce que cela nécessite une assiduité absolue à un sujet
unique, ce qui est un pari formidable. »

Return to the origins, merge and produce cross-fertilization

« Quand on abstrait quelque chose en mathématiques, on sépare ce sur quoi on
veut se concentrer de ce que l’on considère comme
non-pertinent. Maintenant, cela peut être commode pour un certain temps ;
cela concentre l’esprit. Mais par définition, on a éliminé un grand nombre
de choses que l’on a déclarées inintéressantes, et sur le long terme, on a
coupé un grand nombre de racines [3]. Si l’on développe
quelque chose axiomatiquement, à un certain moment, on doit retourner aux
origines [4], fusionner les éléments et produire des fertilisations
croisées. C’est sain. On trouve des vues comme celles-ci exprimées par
von Neumann et Hermann Weyl, quelques dizaines d’années en arrière. Ils
s’inquiétaient sur la manière dont les mathématiques allaient évoluer ; en
s’éloignant trop de leurs sources, elles risqueraient de devenir
stériles. Je crois que ces vues sont fondamentalement correctes. »

Mathematics should be thought of as a unity

« Il est très difficile de séparer sa propre personnalité de ce que
l’on pense au sujet des mathématiques. Je crois qu’il est très
important que les mathématiques soient pensées comme une unité. Et la
manière dont je travaille reflète cela ; il est difficile de dire ce
qui a le plus d’importance. Je trouve que les interactions entre les
différents domaines des mathématiques sont intéressantes. La richesse
d’un sujet provient de sa complexité, et non pas du côté `pur’ et de
la spécialisation isolée. »

Why do we do mathematics ?

« Mais il y a aussi des arguments sociaux et philosophiques. Pourquoi
faisons-nous des mathématiques ? Nous faisons des mathématiques
principalement parce que nous aimons faire des
mathématiques. Mais en un sens plus profond, pourquoi devrions-nous
être payés à faire des mathématiques ? Si l’on demande une
justification pour cela, alors je pense que l’on doit considérer que
les mathématiques sont une partie de la culture scientifique
générale. Nous contribuons à une collection organique d’idées dans leur
ensemble, même si la partie des mathématiques que je pratique en ce
moment n’est pas d’utilité ou de pertinence directe pour d’autres
personnes. Si les mathématiques sont un corps cohérent de pensées, et
si chaque partie est potentiellement utile à tout autre partie, alors
nous contribuons tous à un objectif commun [5]. »

Notes

[1Les citations traduites ici sont extraites du premier
volume de ses œuvres complètes.

[2Phrase à méditer, car beaucoup
de problèmes n’ont un sens que
lorsqu’ils sont inscrits dans le tout de l’unité des mathématiques.

[3Par exemple, couper tout lien avec la
pensée littéraire, historique ou philosophique.

[4En cela doit résider le sens principal de l’histoire des
mathématiques.

[5Great ! Great !
I really enjoy what you are saying, Sir.

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Pour citer cet article :

Joël Merker — «Atiyah : pensées» — Images des Mathématiques, CNRS, 2010

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