Bourbaki et la guerre
Pista verde El 24 octubre 2016 Ver los comentarios (2)
«N. Bourbaki ? Une modernité mathématique» est une exposition consacrée à l’entreprise Bourbakiste de refondation des mathématiques qui présente des documents inédits issus des archives Bourbaki : des photos, un film, des manuscrits mais aussi un bureau et un tableau pliant ! À voir à l’École normale supérieure de Paris du 3 juin au 27 juillet 2016 puis à l’École polytechnique- Palaiseau, de février à mai 2017.
Une version inédite d’une partie du catalogue de l’exposition « N. Bourbaki ? Une modernité mathématique » est proposée aux lecteurs d’Image des mathématiques.
Why have some of the most intricate theories in mathematics become an indispensable tool to the modern physicist, to the engineer, and to the manufacturer of atom-bombs? Fortunately for us, the mathematician does not feel called upon to answer such questions, nor should he be held responsible for such use or misuse of his work. [1]
Bourbaki est né et a grandi sous le signe de la guerre. Les jeunes hommes qui formeront le groupe sont enfants pendant la Première Guerre mondiale et en sont marqués à jamais. Comment le jeune Cartan a-t-il vécu l’investissement de son père dans l’hôpital de l’École normale supérieure où affluaient les blessés ? Qu’a pensé Dieudonné lorsque sa famille a été déplacée ? Que se sont-ils dit intérieurement pendant les premières minutes de silence organisées devant le monument aux morts de la rue d’Ulm ou en croisant ces étudiants mutilés sur les bancs de l’École ou en chaire, à commencer par leur maître Gaston Julia blessé à la face ?
À l’instar de certains de ses contemporains, Weil n’a pas le désir de combattre pendant la Deuxième Guerre mondiale pensant qu’il a mieux à faire en se consacrant aux mathématiques. Cette position, qui lui vaut d’aller en prison, est aussi le reflet d’une pensée qui a pris forme dès 1915 à l’École normale. À cette époque, on se rend compte de l’ampleur du désastre lorsque les trois quarts des élèves sous les drapeaux sont morts, blessés, disparus ou prisonniers. On se met à penser qu’en cas de conflit les mathématiciens d’élite doivent servir à autre chose que de chair à canon.
Si Bourbaki ne livre pas les combats de la Guerre froide, il revisitera ceux de la Première Guerre mondiale à plusieurs reprises. Dans plusieurs de leurs écrits historiques, les membres de Bourbaki forgeront le mythe d’une communauté mathématique décimée par cette guerre et tenteront ainsi d’expliquer les conditions de leur émergence. Selon eux, les mathématiques françaises déclinent et stagnent suite à cette hécatombe… jusqu’à l’arrivée des nouvelles générations bourbakistes. Mais faut-il les croire sur parole ? Les travaux récents des historiens montrent que leurs aînés sont actifs après guerre et que, s’il y a bien rupture entre ces derniers et les jeunes Bourbakis, les raisons en sont plus complexes.
La rédaction d’Images des Maths, ainsi que l’auteur, remercient pour leur relecture attentive et leurs commentaires les relecteurs Bernard Valentin, Sébastien Martinez et Valentin Kilian.
L’exposition «N. Bourbaki ? Une modernité mathématique» a été conçue par David Aubin, Frédéric Brechenmacher, Julie janody, Bertrand Rémy et Claude Viterbo.
À voir à l’École normale supérieure de Paris du 3 juin au 27 juillet 2016 puis à l’École polytechnique- Palaiseau, de février à mai 2017.
Notas
[1] «Pour quelle raison certaines des théories mathématiques les plus complexes sont-elles devenues un outil indispensable au physicien moderne, à l’ingénieur, au fabricant de bombes atomiques ? Heureusement pour nous, le mathématicien n’est pas tenu de répondre à de telles questions et ne devrait pas être tenu responsable d’une telle utilisation ou abus de son travail». N. Bourbaki, The Journal of Symbolic Logic, Vol. 14, No. 1 (Mar., 1949), pp. 1-8)
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Para citar este artículo:
David Aubin — «Bourbaki et la guerre» — Images des Mathématiques, CNRS, 2016
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Bourbaki et la guerre
le 24 de octubre de 2016 à 15:00, par Christian Robert