[Rediffusion d’un article publié le 9 janvier 2013]

Café ou lait ?

Piste verte Le 18 décembre 2021  - Ecrit par  Romain Bondil Voir les commentaires (2)
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Les mathématicien(ne)s ont l’habitude de voir un cœur dans un bol de lait, en sachant que ce sont deux morceaux de reins... voici de vrais reins, en lumière et en mousse !
Vous l’avez compris, nous voulons sonder les reins et les cœurs.

[Rediffusion d’un article publié le 9 janvier 2013]

Les cuisines sont décidément des endroits formidables pour les mathématiques. Voici deux expériences simples faites dans la mienne :

En jouant avec la lumière

Dans son article « Caustiques », Michèle Audin nous a déjà parlé de ces figures que la concentration de la lumière va dessiner dans nos tasses, nos bols de lait ou de café.

Ainsi, il est très facile de voir un cœur dans une tasse de lait :

La zone à droite du cœur est plus lumineuse que sa partie centrale. Cette zone plus éclairée l’est en fait à cause de la lumière réfléchie sur le bord de la tasse en plus de la lumière directe. Par contre, le centre du cœur n’est éclairé que par la lumière directe. La frontière entre ces deux zones est la zone la plus lumineuse, on va voir pourquoi ci-après. Enfin, à gauche il y a une zone qui est dans l’ombre du bord de la tasse.

Tout cela, vous pouvez l’expérimenter dans votre propre cuisine, et regarder la diversité de formes possibles, bouclées ou pointues, suivant la position de votre tasse par rapport à la source de lumière.

Or les mathématiciens aiment calculer, prévoir la forme de ces courbes où les rayons lumineux se concentrent. Dans le cas où la source lumineuse est sur le bord de la tasse, les calculs prévoient un vrai cœur. Mais dès que la source s’éloigne un peu, la courbe devient un morceau de courbe en forme de reins dont le tracé mathématique complet ressemblerait à cela :

La droite indique la direction des rayons lumineux. Quand la source de lumière s’éloigne très loin, les rayons lumineux deviennent parallèles entre eux.

Cette courbe est calculée par réflexion de la lumière sur le bord de la tasse considéré comme circulaire...
mais en réalité, la lumière ne vient que d’un côté, donc ne se réfléchit que sur un demi-cercle. Ainsi, on ne voit toujours que la moitié (ici la moitié droite) de la courbe mathématique ci-dessus, donnée par les calculs.

Cela se comprend mieux sur le dessin suivant, où chaque trait rouge est un rayon lumineux. Ce dessin a été fait avec la petite appliquette..

En jouant avec l’appliquette, vous comprendrez ce que je raconte sur le fait que les rayons ne se réfléchissent que sur une moitié du cercle.

Moralité : Le cœur de la tasse ci-dessus est en fait une demi-paire-de reins (sic).

Bref, on ne voit toujours que la moitié de la courbe auquel pense le mathématicien... toujours... c’est ce que je croyais jusqu’à cette photo que j’ai prise dans ma cuisine.

La partie haute, avec le point le plus lumineux est ce qu’on a l’habitude de voir, la partie que l’on voit plus rarement est la partie basse... celle-ci demande une réflexion supplémentaire : la lumière se réfléchit sur un bord de la casserole puis sur l’autre.

Ce qui est sûr, c’est que l’éclairage de ma cuisine aide bien : on y obtient très facilement des caustiques avec l’ampoule à économie d’énergie.

En jouant avec la mousse

Une autre activité importante pour moi est la confection de café, à la cafetière italienne.
Pour ceux qui ne connaissent pas, elle ressemble à ça (c’est le modèle design) :

Le principe est que l’eau qui est au départ en bas de la cafetière, une fois chauffée, monte, traverse le café qui est au milieu, pour se retrouver dans le compartiment supérieur.

Or voici une vue de dessus de ma cafetière une fois que le café y est monté (il ne faut pas tenir compte du petit disque métallique au centre qui est le conduit de la cafetière) :

Ici, il ne s’agit pas d’une forme dessinée par la lumière mais par la mousse, or on retrouve ce même contour pointu que dans les reins, avec deux lobes.

Physiquement il s’agit d’un tout autre phénomène, mais mathématiquement l’idée est que cette forme géométrique est suffisamment stable pour se retrouver dans des phénomènes naturels. On peut jouer sur la formation de la mousse en baissant le gaz au moment où le café monte...

Je ne connais pas l’explication physique de ce phénomène, cela a-t-il un rapport avec la convection de Rayleigh-Bénard ? En tous cas, la cafetière est dans sa partie supérieure un cylindre parfait, cela doit aider. Merci d’avance à ceux qui en sauront plus, j’espère que ce café sera un dialogue.

Des objets pointus

Dans les deux cas précédents, les images montrent une pointe à un endroit, les mathématiciens disent une singularité. Pour les caustiques, c’est l’endroit le plus lumineux... est-ce l’endroit le plus goûteux de ma mousse de café ?

On pourra voir d’autres singularités dans l’article le pli et la fronce, d’E. Ghys et J. Leys, ainsi que dans la galerie de Herwig Hauser.

Post-scriptum :

Je remercie Thierry Barbot pour ses questions et ses remarques, ainsi qu’Aurélien Sagnier et blanvill pour leurs encouragements.

Article édité par Patrick Popescu-Pampu

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Pour citer cet article :

Romain Bondil — «Café ou lait ?» — Images des Mathématiques, CNRS, 2021

Crédits image :

Image à la une - Réalisée par T. Wallez avec le logiciel open source blender.
img_9051 - L’appliquette est sur le site de Prof. Pantaloni. Toutes les autres images sont de l’auteur.

Commentaire sur l'article

  • Précision cafetière

    le 11 janvier 2013 à 17:38, par Quentin

    Bonjour,

    c’est en effet un curieux phénomène. J’aimerais savoir si le café remonte par deux trous (qui seraient sous les deux pointes) ou bien il remonte de manière à peu près uniforme du fond de la cafetière (auquel cas le phénomène me semblerait encore plus curieux et je n’aurais pas le début d’une idée d’explication).

    Cordialement.

    Répondre à ce message
  • Café ou lait ?

    le 11 janvier 2013 à 21:23, par Romain Bondil

    Bonjour,
    le café remonte dans le petit tube cylindrique que l’on voit briller au centre de la photo, jusqu’en haut de la cafetière. Il sort alors par deux trous diamétralement opposés, expulsé par la pression.

    La symétrie de la figure est donc raisonnable, mais n’est pas forcément toujours vérifiée en pratique. En général j’obtiens plutôt un côté pointu et un côté arrondi ou plus émoussé (si j’ose dire en parlant de mousse).

    La permanence d’une forme pointue, qui n’étonne pas les mathématiciens de la morphogenèse, n’est donc pas acquise ``des deux côtés’’.

    Répondre à ce message

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