Des mathématiques à la photographie numérique : bruit, dynamique
Piste bleue Le 28 mai 2014 Voir les commentairesLire l'article en


Un samedi après-midi par mois environ (hors vacances scolaires), le séminaire Mathematic Park se réunit à l’IHP et propose, à un public d’étudiants, de professeurs et de passionnés de mathématiques, un exposé d’une heure et demie sur des thèmes variés. C’est ainsi que le 20 avril 2013, Julie Delon, chargée de recherche au CNRS, est venue nous parler de quelques outils mathématiques impliqués dans la photographie numérique. Cet article (piste bleue) est une introduction à son exposé (hors-piste).
Lorsque vous appuyez sur le déclencheur d’un appareil photo, tout un processus se met en place pour convertir l’information lumineuse (la scène que vous être en train de photographier) en information numérique (un fichier informatique encodé le plus fréquemment en jpeg). Ce processus fait intervenir des dispositifs optiques, physiques et technologiques complexes mais, bien que cela ne paraisse pas aussi évident à première vue, il fait aussi intervenir des outils mathématiques sophistiqués servant en particulier à corriger les erreurs de mesure et à dépasser les limites des instruments utilisés.
Un premier problème : le bruit
Lorsque vous prenez une photographie, des millions de cellules photosensibles (ou pixels) mesurent l’intensité lumineuse reçue, mais comme tout instrument de mesure, le font uniquement avec une certaine précision. Typiquement, si l’intensité lumineuse qui frappe un certain pixel est égale à 10, la mesure effectuée par le capteur pourra être tantôt un peu inférieure à ce nombre et tantôt un peu supérieure, cela se produisant de façon non prévisible et variable d’un pixel à l’autre.
Imaginez à présent que vous photographiiez une feuille de papier entièrement blanche et uniformément éclairée. Dans ce cas, chaque pixel reçoit la même intensité lumineuse. Cependant, à cause du phénomène que nous venons de décrire, individuellement, chaque capteur n’effectuera pas la même mesure. À ce stade, l’image sur la photographie n’apparaît donc pas uniformément blanche, mais avec de petites fluctuations aléatoires que l’on appelle bruit. On dit alors que la photographie est bruitée.
Comment faire pour corriger ce défaut ?
Raisonnons dans le cas simpliste où l’on photographie une feuille blanche. Rappelons que le capteur de notre appareil photo est équipé de plusieurs millions de pixels qui, sous l’hypothèse simplificatrice que nous avons faite, sont supposés mesurer chacun exactement la même intensité lumineuse, que l’on veut déterminer. Comme on connaît la mesure de chaque capteur, on dispose de plusieurs millions d’approximations différentes de cette intensité. Certaines d’entre elles sont trop grandes, d’autres trop petites, mais ces erreurs ont tendance à se compenser. Ainsi, en calculant la moyenne de toutes ces mesures, on obtient une nouvelle valeur qui se rapproche de la valeur réelle.
Maintenant, si nous photographions non plus une feuille blanche mais un paysage, le raisonnement ci-dessus ne fonctionne plus que dans les zones sur lesquelles la couleur et l’intensité lumineuse varient très peu (le ciel par exemple). Dans les zones non constantes de l’image, cette méthode de la moyenne a un défaut rédhibitoire : elle introduit du flou. Pour débruiter une image sans introduire de flou, il faut faire une moyenne non pas entre un pixel et tous ses voisins, mais entre un pixel et les pixels de l’image qui lui ressemblent. On parle alors de moyennes non locales.
Un second problème : la saturation
Vous avez certainement remarqué qu’il est très difficile de prendre des photographies de scènes qui présentent à la fois des zones très sombres et des zones très claires, typiquement un coucher de soleil.
En effet, si on choisit un temps d’exposition court, les zones claires seront bien rendues mais les zones sombres apparaîtront entièrement noires car les pixels correspondant à ces zones n’auront pas eu le temps de recevoir une quantité suffisante de lumière. A contrario, si on choisit un temps d’exposition long, les zones sombres seront rendues fidèlement mais les zones claires apparaîtront entièrement blanches car, cette fois-ci, les pixels correspondants auront reçu trop de lumière et seront saturés. La solution qui semble s’imposer d’elle-même est donc de prendre deux (ou plus !) photographies — une avec un
temps d’exposition court et l’autre avec un temps d’exposition long — et de les recombiner de manière intelligente. C’est à ce point qu’interviennent à nouveau les mathématiques, et plus particulièrement les statistiques, et encore une fois la notion de moyenne (pondérée).
L’exposé de Julie Delon
Dans son exposé au séminaire Mathematic Park, Julie Delon aborde les deux problèmes que nous venons de mentionner : elle présente une modélisation mathématique précise de chacun d’eux et explique comment les résoudre dans le cadre qu’elle s’est fixé. L’exposé est agrémenté de nombreux exemples et, cela va sans dire, de très jolies photographies.
Visionnez-le ci-dessous. Attention, certains passages de cet exposé sont classés hors-piste.
Je remercie Julie Delon, d’une part, pour son exposé et, d’autre part, pour avoir relu et corrigé une version préliminaire de cet article.
Le logo utilisé pour cet article est une des images les plus utilisées comme exemple dans le domaine de la photographie numérique. Comme on l’apprend en écoutant l’exposé de Julie Delon, cette photographie est tirée de la couverture d’un numéro du magazine Playboy : Lena, la fille de la photographie, pose en fait nue.
On peut lire sur Images des Mathématiques, 2 articles sur ce sujet :
- Le traitement numérique des images (piste bleue).
- Compression d’image ( hors-piste ).
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Pour citer cet article :
Xavier Caruso — «Des mathématiques à la photographie numérique : bruit, dynamique» — Images des Mathématiques, CNRS, 2014
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