Rediffusion d’un article publié le 16 septembre 2009.
Emprunts : mensualités, intérêt, taux, TEG, risque de taux
Ou comment impressionner son banquier
Piste rouge Le 15 octobre 2021 Voir les commentaires (17)
Lorsque l’on sollicite un banquier pour un prêt, le conseiller tapote sur son ordinateur et fournit des chiffres : un taux d’intérêt et une mensualité entre autres. Ces nombres paraissent bien mystérieux. Voyons quelles sont les équations (pas toutes compliquées à résoudre) qui sont derrière cela. On utilisera les mêmes principes pour estimer le risque de taux présenté par un emprunt obligataire.
Article publié le 16 septembre 2009.
1/ La mensualité constante du prêt à taux fixe
Imaginons que vous souhaitiez emprunter à votre banque un certain capital, appelons-le $C_0$ (par exemple $150\ 000$€) sur une certaine période, exprimée en mois car les remboursements seront mensuels. Appelons $N$ ce nombre de mois de remboursement (par exemple $20$ ans, soit $240$ mois). Votre banquier vous fera une proposition de taux d’intérêt (en avril 2009 par exemple $0,4\%$ par mois). L’ordinateur du banquier vous indiquera alors que dans ces conditions, vous aurez à verser chaque mois une mensualité $M$ (dans notre exemple, $M=973,44$€). Et peut-être vous donnera-t-il le montant total des intérêts versés sur la durée (ici $83\ 624,69$€).
D’où sort donc cette mensualité $M$ qui vous intéresse tant, puisque c’est ce que vous devrez payer chaque mois ?
Comprenons le principe d’un tel prêt. Chaque mois vous versez une mensualité constante que l’on va chercher à déterminer, on la considère pour le moment comme une inconnue. Cette mensualité sert d’abord à vous « mettre à jour » avec la banque en lui versant la rétribution due ce mois-là pour la somme que vous restiez lui devoir depuis le mois précédent. Une fois « quitte » avec la rétribution de la banque, le reste de la mensualité sert à rembourser une partie du capital prêté (qui diminue ainsi progressivement, on parle de prêt à amortissement progressif). Tout cela est calculé pour que vous ayez remboursé la totalité à la mensualité $N$.
C’est pour cela que ce qui est important, c’est le taux d’intérêt par période (le mois en général), c’est-à-dire le montant que votre banque réclame pour vous prêter un euro pendant un mois (fixe sur toute la durée du prêt ici). Appelons ce taux $t$ et entrons dans le calcul.
À l’origine, la banque vous prête $C_0$.
- Un mois plus tard, vous versez $M$. Cette somme sert avant tout à rétribuer la banque pour vous avoir prêté $C_0$ sur un mois, vous lui versez donc un intérêt $I_1=C_0\times t$ . Le reste de la mensualité, soit $M-I_1$, sert à rembourser la banque. Après quoi vous ne lui serez donc plus redevable que de : \[C_1=C_0-(M-I_1)=C_0-(M-(C_0 \times t))=C_0(1+t)-M\]
(Vous remarquerez que par principe on veut rembourser un peu de capital, la mensualité doit donc être supérieure à l’intérêt, c’est-à-dire que $M > C_0\times t$)
- Le deuxième mois, vous versez encore $M$, dont une part rétribue la banque par un intérêt $I_2=C_1\times t$ , vous remboursez $M-I_2$ de capital et ne devez donc plus à la banque que : \[C_2=C_1-(M-I_2)=C_1(1+t)-M = (C_0(1+t)-M)(1+t)-M = C_0(1+t)^2-M(1+t)-M .\]
- Le troisième mois, vous versez encore $M$, dont une part rétribue la banque par un intérêt $I_3=C_2\times t$ , vous remboursez $M-I_3$ de capital et ne devez donc plus à la banque que : \[C_3=C_2-(M-I_3)=C_2(1+t)-M = (C_0(1+t)^2-M(1+t)-M)(1+t)-M= C_0(1+t)^3-M(1+t)^2-M(1+t)-M.\]
- Et ainsi de suite. Le i-ème mois, vous payez un intérêt $I_i=C_{i-1}\times t$ et vous remboursez $M-I_i$, il reste une dette de $C_i=C_{i-1} (1+t)-M$
En continuant le processus, on trouve
\[C_i = C_0(1+t)^i-M(1+t)^{i-1}-M(1+t)^{i-2}-...-M\]
\[= C_0(1+t)^i-M \left[ (1+t)^{i-1}+(1+t)^{i-2}+... +(1+t)+1\right]\]
Et en inversant l’ordre des termes dans la somme entre crochets (habitude de matheux) :
\[ C_i \ =\ C_0(1+t)^i-M \left[ 1+(1+t)+(1+t)^2+...+(1+t)^{i-1} \right] \]
On apprend dans certaines classes de lycée comment se calcule une somme de puissances d’un nombre, faisons ce calcul.
Si \[S=1+(1+t)+(1+t)^2+...+(1+t)^{i-1}\] alors en multipliant par $(1+t)$
\[(1+t)S=(1+t)+(1+t)^2+(1+t)^3+...+(1+t)^i\]
En enlevant la première équation à la seconde, beaucoup de termes s’annulent et il vient $(1+t)S-S=tS=(1+t)^i-1$.
D’où $S=\frac {(1+t)^i-1} {t}$ et
$C_i=C_0(1+t)^i-M \frac {(1+t)^i-1} {t}$
Revenons au principe de notre prêt, nous devons le rembourser en $N$ mois, on veut donc : $C_N\ =\ 0\ =\ C_0(1+t)^N-M \frac {(1+t)^N-1} {t}$ ce que l’on peut encore écrire
\[\begin{equation}C_0(1+t)^N\ =\ M\ \frac {(1+t)^N-1} {t} \label{equation_0}\end{equation}\]
Voilà donc l’équation qui régit les prêts à taux fixe mensualité constante (et amortissement progressif).
Si l’on connaît $C_0,\ t,\ N$ , on trouve la mensualité car l’équation se résout exactement :
\[\begin{equation}M\ =\ \frac {C_0 \times t \times (1+t)^N} {(1+t)^N-1}\label{equation_1}\end{equation}\]
Muni d’une calculatrice qui traite les puissances, vous voilà en mesure de calculer une mensualité
[1]. C’est votre banquier qui va être surpris ! Vous pouvez d’ailleurs vérifier que dans l’exemple plus haut, la mensualité est bien celle qui a été annoncée :
\[\frac {150000 \times 0,004 \times (1,004)^{240}}{(1,004)^{240}-1} \ =\ 973,4362...\]
En reprenant l’exemple ci-dessus, un emprunt de $150\ 000$€ à un taux de $0,4\%$ par mois sur $240$ mois, j’ai reproduit dans le tableau plus bas la décomposition de la première mensualité de chaque année en principal et intérêts.
Si le taux était plus élevé, par exemple $0,6\%$ par mois, on aurait la répartition suivante, pour une mensualité de $1181,02$€
Et pire, avec un taux de toujours $0,6\%$ par mois, mais une durée de 30 ans, on aurait la répartition suivante, pour une mensualité totale de $1018,18$€
On voit que dans ce dernier cas, on commence vraiment par ne payer presque que des intérêts ! Ceci explique sans doute que les prêts sur des durées supérieures à 20 ans, jusqu’à 30, ne soient vraiment apparus que ces 10 dernières années, avec la chute des taux de prêt.
2/ L’information trompeuse : les intérêts payés
Les banquiers donnent souvent le total des intérêts payés, c’est-à-dire le montant, en euros, que la banque va encaisser sur la durée du prêt. Il s’agit de $I=I_1+...+I_N$.
C’est aussi la différence entre le montant total versé et le capital emprunté :
\[I\ =\ MN-C_0 \ = \ N\ \frac {C_0 \times t \times (1+t)^N} {(1+t)^N-1}-C_0\]
Cette information doit être utilisée avec précaution et ne permet pas de comparer deux prêts s’ils ont des durées différentes. En effet cette information dit certes combien on va donner à la banque, mais pas à quel moment ! Or un banquier sait bien (c’est son cœur de métier) qu’à cause de l’inflation et des placements sûrs, une même somme en euros n’a pas vraiment la même valeur selon la date à laquelle on la reçoit.
Si l’on vous propose de payer $10\ 000$€ aujourd’hui ou $11\ 000$€ dans 10 ans, il vaut mieux la seconde solution. Par exemple, si vous mettez ces $10\ 000$€ sur un livret A et en supposant que celui-ci rapporte $2\%$ par an, au bout de 10 ans, vous aurez $10000 \times (1,02)^{10}\ =\ 12\ 189,94$€, car les intérêts sont versés chaque année et portent à leur tour intérêt : ce sont les fameux intérêts composés, qui se traduisent par des puissances (et les formules plus haut comportent des puissances). Vous paierez alors les $11\ 000$€ et il vous restera encore $1189,94$€.
Donc attention, la donnée qui traduit vraiment l’effort de la banque, c’est le taux d’intérêt. C’est pour cela que c’est ce que l’on négocie âprement avec son banquier, ou que les informations données dans les sites Internet sur les prêts sont exprimées en taux.
- Extraits d’une pub dans ma boîte aux lettres aujourd’hui
3/ Parenthèse : taux mensuels et annuels
Je vous ai expliqué que pour un emprunt à remboursements mensuels, la donnée importante est le taux d’intérêt par période, c’est-à-dire par mois. Mais l’habitude fait qu’un taux annuel est plus parlant. La question devient donc : comment transformer un taux mensuel en taux annuel ?
Même si c’est seulement un problème de convention, il y en a deux :
- La méthode dite proportionnelle : on décide que le taux annuel est 12 fois le taux mensuel. Ainsi le taux de $0,4\%$ par mois évoqué plus haut donnera un taux annuel calculé selon la méthode proportionnelle de $4,8\%$.
- La méthode dite actuarielle : on imagine que les intérêts sont composés chaque mois. On considère donc $(1+0,004)^{12}\ =\ 1,04907021$. Ainsi le taux de $0,4\%$ par mois évoqué plus haut donnera un taux annuel calculé selon la méthode actuarielle de $4,91\%$ !
Puisque seul compte le taux par période et qu’il s’agit juste d’une convention pour le ramener à l’an, pourquoi ne pas prendre systématiquement l’une de ces deux conventions ? Très bonne question ! Mais pour des raisons mystérieuses, et même pour les seuls prêts immobiliers, l’usage est que les prêts bancaires classiques utilisent la méthode proportionnelle, alors que par exemple les prêts d’épargne-logement réglementés utilisent la méthode actuarielle !
Par exemple, un prêt d’un plan épargne-logement aujourd’hui à $4,2\%$ est plus intéressant qu’un prêt que vous consentirait directement la banque, affiché au même taux ! Les $4,2\%$ du PEL donnent un taux mensuel de $\sqrt[12]{1,042}-1\ =\ 0,3434...\%$ et les $4,2\%$ en proportionnel donnent un taux par période de $0,35\%$ !
4/ Capital empruntable
Une fois que l’on a l’équation $\ref{equation_0}$ régissant le prêt, on peut se poser d’autres questions.
Par exemple, si vous estimez pouvoir verser une certaine mensualité sur une certaine durée, combien pouvez-vous emprunter ? Vous regardez un site sur les taux, pour connaître les taux pratiqués par les banques sur une telle durée, et vous reprenez la formule régissant les prêts.
Vous avez alors :
\[\begin{equation}C_0\ = \ M \ \frac {(1+t)^N-1} {t(1+t)^N} \label{equation_2}\end{equation}\]
Ainsi, si vous estimez pouvoir rembourser $1000$€ par mois sur 20 ans et que le taux pratiqué par les banques est de $0,4\%$ par mois environ, vous pouvez emprunter jusqu’à :
\[1000 \times \frac {(1,004)^{240}-1} {0,004 \times (1,004)^{240}}\ = \ 154\ 093,30\]
La formule $\ref{equation_2}$ peut se réécrire :
\[C_0 \ = \ \frac {M}{t} \left[ 1- \frac {1}{(1+t)^N} \right] \]
Ce qui veut dire que vous ne pourrez jamais emprunter plus de $\frac {M}{t}$, puisque l’on avait vu plus haut que $M>C_0 \times t$. Voici plus bas, pour $t=0,4%$, la courbe du montant empruntable, en fonction du nombre de mensualités.
En ordonnée, on n’a pas porté le capital empruntable, mais le pourcentage du maximum $\frac {M} {t}$ qui est asymptote. On voit ainsi qu’il faut près de 600 mois pour que l’on puisse emprunter $90\%$ du maximum possible !
La formule $\ref{equation_2}$ permet également de répondre à la question que je posais à la fin de la remarque 2 du paragraphe 2/. Pour $100$€ prêtés gratuitement sur 12 mois, on paye une mensualité de $100/12$. Au taux de $0,5\%$ par mois, combien pourrait-on emprunter sur 12 mois avec des mensualités de $100/12$ ?
\[C_0 \ = \ \frac {100} {12} \ \frac {(1,005)^{12}-1} {0,005 \ (1,005)^{12}} \ =\ 96,82443...\]
Donc l’escompte naturel est de $3,17557\%$. Proposer un crédit gratuit de 12 mois, c’est en gros faire un cadeau de $3,17557\%$.
5/ Période d’endettement
Problème concret : vous avez trouvé l’appartement de vos rêves, savez donc combien vous devez emprunter pour l’acheter, vous savez combien vous pouvez rembourser chaque mois au maximum et vous connaissez les taux en général pratiqués par les banques. Vous souhaitez estimer sur combien de temps vous devrez vous endetter.
En d’autres termes, vous connaissez $C_0,\ M,\ t$ et vous recherchez $N$.
On reprend donc l’équation $\ref{equation_0}$ régissant le prêt et l’on cherche à la « résoudre » en $N$. Vous remarquerez que cette donnée apparaît en exposant. L’outil est donc le logarithme.
On re-écrit l’équation :
\[\left[ \frac {M} {t}-C_0 \right] \times (1+t)^N \ = \ \frac {M} {t} \]
c’est-à-dire $(1+t)^N\ = \ \frac {M} {M-C_0t}$ et en appliquant le logarithme à cette équation $N \ln (1+t) = \ln (M) - \ln (M-C_0t)$
ou encore
\[\begin{equation}N \ = \ \frac {\ln (M)- \ln (M-C_0t)} {\ln (1+t)} \label{equation_3}\end{equation}\]
Ainsi, à supposer par exemple que vous deviez emprunter $150\ 000$€, pouvez rembourser au maximum $1000$€ par mois, et les taux pratiqués sont autour de $0,4\%$ par mois, vous devrez emprunter sur au minimum :
\[N \ = \ \frac {\ln (1000)-\ln (1000-0,004 \times 150000)} {\ln (1+0,004)} \ = \ 229,53...\]
Donc pas la peine d’espérer vous endetter sur 15 ans…
6/ Calculer le taux d’un prêt
Vous pouvez aussi connaître $C_0,\ N,\ M$ et rechercher le taux $t$ .
Par exemple, si vous connaissez la somme que vous voulez emprunter, la mensualité maximale que vous pouvez verser et la durée maximale sur laquelle vous êtes en mesure de vous endetter, vous souhaitez calculer le taux qu’il vous faudra négocier avec la banque et savoir, par exemple en consultant des sites de taux, si vous avez une chance d’obtenir cela.
On reprend l’équation du prêt $\ref{equation_0}$, écrite différemment :
\[P(t)\ = \ \frac {C_0}{M} \ t(1+t)^N-(1+t)^N+1 \ = \ 0\]
La formule comporte un polynôme en $t$ (somme de multiples de puissances de $t$ ) de degré $N+1$ (le degré est la plus grande puissance qui apparaît). On a noté ce polynôme $P(t)$. Il s’agit de trouver un point où il s’annule : $P(t)=0$ , on dit que $t$ est une racine du polynôme.
Si le polynôme est de degré 2, on apprend dans certaines classes de lycée une formule qui donne les racines (le fameux $\frac {-b± \sqrt {b^2-4ac}}{2a}$).
Mais ici $N$ est très grand. On sait depuis les travaux des mathématiciens Ruffini et Abel au début du 19ème siècle, que pour des polynômes de grand degré (à partir de 5), il n’existe pas de formule donnant la ou les racines du polynôme avec des radicaux. Il n’en existe pas non plus avec des « fonctions usuelles ».
Je ne peux donc pas vous donner une « formule » donnant $t$ à partir de $C_0,\ N,\ M$.
Pour calculer une valeur approchée de $t$, il faut utiliser une méthode numérique de résolution d’équation. Les tableurs utilisent de telles méthodes.
L’une des plus anciennes, assez efficace, est due à Newton, et porte son nom : la méthode de Newton (voir l’article de Tan Lei La méthode de Newton et son fractal). Le lecteur qui n’est pas intéressé par le fonctionnement de cette méthode peut passer directement au paragraphe suivant.
Pour résoudre $P(t)=0$ , on commence avec un $t_0$ choisi et l’on regarde l’endroit où la tangente en $t_0$ au graphe de $P$ coupe l’axe des abscisses. C’est-à-dire que l’on considère :
\[t_1 \ = \ t_0- \frac {P(t_0)}{P'(t_0)}\]
où $P'$ est la dérivée de la fonction $P$, qui est encore un polynôme.
Je reproduis une figure de l’article de Tan Lei :
C’est une méthode itérative, on recommence à partir de $t_1$ et on itère le procédé :
$t_2 \ = \ t_1- \frac {P(t_1)}{P'(t_1)}$, etc… $t_{k+1} \ = \ t_k- \frac {P(t_k)}{P'(t_k)}$ …
Si la valeur initiale $t_0$ a été bien choisie (assez près d’une solution), au bout de quelques itérations, on a une approximation d’une racine de $P$ ; en pratique le programme arrête l’itération lorsque les décimales souhaitées ne bougent plus. En revanche, si la valeur initiale a été mal choisie (trop loin d’une solution), l’itération peut ne rien donner.
Les tableurs procèdent avec de telles méthodes itératives lorsque vous leur demandez de calculer un taux. Si vous lisez le mode d’emploi, vous verrez qu’ils partent avec une donnée initiale raisonnable, par exemple 10%, et ils itèrent. Si l’itération ne débouche pas sur une solution, le tableur vous renverra un message d’erreur et demandera de choisir la valeur initiale.
Prenons un exemple : $C_0=150\ 000 \ ; \ N=240 \ ; \ M=1000$
Dans cet exemple :
\[P(t) = 150t(1+t)^{240}-(1+t)^{240}+1\]
\[P'(t) = 150(1+t)^{240}+150 \times 240 \times t(1+t)^{239}-240(1+t)^{239}\]
Si on programme la méthode de Newton, pour $t_0=10\%$ comme un tableur, on obtient les itérations suivantes :
itération | |
---|---|
0 | 0,100000000 |
1 | 0,095631206 |
2 | 0,091288897 |
3 | 0,086973729 |
4 | 0,082686459 |
5 | 0,078427974 |
6 | 0,074199309 |
7 | 0,070001683 |
8 | 0,065836539 |
9 | 0,061705601 |
10 | 0,057610937 |
11 | 0,053555060 |
12 | 0,049541047 |
13 | 0,045572714 |
14 | 0,041654852 |
15 | 0,037793564 |
16 | 0,033996750 |
17 | 0,030274813 |
18 | 0,026641690 |
19 | 0,023116372 |
20 | 0,019725081 |
21 | 0,016504234 |
22 | 0,013504038 |
23 | 0,010791687 |
24 | 0,008451555 |
25 | 0,006578013 |
26 | 0,005256689 |
27 | 0,004526687 |
28 | 0,004291260 |
29 | 0,004267846 |
30 | 0,004267625 |
31 | 0,004267625 |
32 | 0,004267625 |
33 | 0,004267625 |
34 | 0,004267625 |
35 | 0,004267625 |
36 | 0,004267625 |
On voit qu’au bout de 30 itérations (ce n’est pas beaucoup pour un ordinateur), on a le résultat avec de nombreux chiffres significatifs : $0,4267625\%$ par mois.
Si on avait pris une valeur initiale plus raisonnable pour un taux mensuel, par exemple 1%, on voit qu’on a le résultat avec le même nombre de chiffres à la 7ème itération seulement :
itération | |
---|---|
1 | 0,007798439 |
2 | 0,006093020 |
3 | 0,004960124 |
4 | 0,004408683 |
5 | 0,004275036 |
6 | 0,004267647 |
7 | 0,004267625 |
8 | 0,004267625 |
9 | 0,004267625 |
10 | 0,004267625 |
11 | 0,004267625 |
12 | 0,004267625 |
13 | 0,004267625 |
14 | 0,004267625 |
15 | 0,004267625 |
7/ Encore le taux
Prenons un nouvel exemple où l’on est amené à calculer des taux.
Vous voulez emprunter $150\ 000$€, vous démarchez les banques
- Une première vous propose un taux de $0,4\%$ par mois, sur $17$ ans, assorti d’une assurance avantageuse de $30$€ par mois.
- Une seconde vous propose $0,39\%$ par mois, mais sur $15$ ans au maximum, et avec une assurance moins avantageuse de $45$€ par mois.
Vous hésitez, parce que sur $17$ ans la mensualité plus faible vous conviendrait mieux, mais le taux paraît plus élevé. Comment comparer ces deux prêts de durée différente ? En calculant un taux d’intérêt assurance comprise, bien sûr.
Comment faire ? Pour chaque prêt vous calculez la mensualité à l’aide de $\ref{equation_1}$, puis vous ajoutez le montant de l’assurance, et vous calculez comme on l’a vu plus haut le taux correspondant au total prêt + assurance.
- Pour le premier prêt, la mensualité hors assurance s’élève à $1077,04$€ soit $1107,04$€ avec l’assurance, ce qui donne un taux d’intérêt par mois, assurance comprise, de $0,43125\%$.
- Pour le second prêt, la mensualité hors assurance s’élève à $1161,34$€ soit $1206,34$€ avec l’assurance, ce qui donne un taux d’intérêt par mois, assurance comprise, de $0,43805\%$.
C’est donc le premier prêt qui est le plus intéressant, malgré son taux nominal plus élevé, à cause d’une assurance meilleur marché.
8/ Le taux effectif global (TEG)
Mais il n’y a pas que les frais d’assurance qui viennent augmenter le coût du prêt. Il y a aussi les frais de dossier, les frais de caution ou hypothèque (dont on peut éventuellement récupérer une partie à l’issue du prêt), etc…
Comment comparer deux prêts si toutes ces conditions sont différentes ?
Il faut donc calculer un taux tenant compte de tous les frais annexes.
C’est ce que fait le fameux TEG pour Taux Effectif Global. Comprenant tous les frais, il permet de comparer deux opérations avec des modalités différentes. C’est pour cela que la loi impose qu’il soit calculé et figure sur tous les contrats de prêt.
Pour le calculer, on utilise le
Ce qu’on modélise avec un taux $a$ , en disant que cette somme $S$ vaut $(1+a)S$ à la période suivante, $(1+a)^2S$ à la période $p+2$, etc... et équivalait à $\frac {S}{1+a}$ à la période $p-1$, et à $\frac {S}{(1+a)^2}$ à la période $p-2$, etc…
Ces deux principes vont nous permettre de définir le TEG. Une opération de prêt c’est, sur un nombre $N$ de périodes, des flux de trésorerie à chaque période. On les affectera du signe + lorsque vous les recevez, - lorsque vous les payez. À la période 0 vous recevez $C_0$ et payez les frais annexes, puis chaque mois vous payez la mensualité et l’assurance.
Lorsque, sur $N$ périodes on a des flux de trésorerie $F_0, \ F_1, \ ..., \ F_N$ (avec un signe selon que vous recevez ou payez), on a ce que l’on appellera le taux de rendement interne. C’est le taux $a$ tel que si l’on ramène toutes les sommes à une même période (par exemple la dernière) à l’aide de la modélisation du principe 2 évoquée plus haut, les sorties et les entrées s’équilibrent.
En formule, on cherche donc $a$ tel que
\[(1+a)^N F_0+ (1+a)^{N-1}F_1 + (1+a)^{N-2}F_2+...+F_N \ = \ 0\]
Ce qu’on note en général avec un symbole de sommation (la lettre grecque Sigma majuscule) :
\[\sum_{i=0}^N {(1+a)^{N-i} F_i}=0\]
Vous remarquerez qu’il s’agit de trouver une racine d’un polynôme, donc en général on n’aura pas de formule donnant la solution, on devra utiliser une méthode numérique (par exemple de Newton) pour la calculer.
Testons sur deux exemples :
a) Si vous placez $10\ 000$€ sur un livret à $2\%$ capitalisés annuellement pendant dix ans avant de les retirer, on a : $F_0=-10000 \ ; \ F_{10}=+10000 \times (1,02)^{10}$. Le taux de rendement interne doit donc vérifier :
\[-10000 \times (1+a)^{10} +10000 \times (1,02)^{10} \ = \ 0\]
Clairement, $a=2\%$ est solution, ce qui n’est pas une surprise !
b) Pour un prêt ne comportant ni frais annexe ni assurance, au taux par mois $t$, on a : $F_0=+C_0 \ ;\ F_1=F_2=...=F_N=-M$.
Donc le taux de rendement interne vérifie :
\[C_0 (1+a)^N- \left( \sum_{i=1}^N {(1+a)^{N-i}M} \right) \ = \ 0\]
ce qui se reformule (somme de puissances comme plus haut) :
$C_0 (1+a)^N- M \left( \sum_{i=1}^N {(1+a)^{N-i}} \right) \ = \ C_0 (1+a)^N- M \ \frac {(1+a)^N-1} {(1+a)-1} \ = \ C_0 (1+a)^N-M \ \frac {(1+a)^N-1} {a} \ = \ 0$
Et en mettant $(1+a)^N$ en facteur, et simplifiant (puisqu’on veut égal à 0)
\[C_0 -M \ \frac {(1+a)^N-1} {a(1+a)^N} \ = \ 0\]
et en utilisant la formule $\ref{equation_1}$ donnant la mensualité :
\[C_0- C_0 \frac {t(1+t)^N} {(1+t)^N-1} \ \frac {(1+a)^N-1} {a(1+a)^N} \ = \ 0\]
Vous constaterez que $a=t$ est solution.
On peut donc donner la
Vous remarquerez que pour un prêt sans assurance ni frais, ce TEG est égal au taux nominal du prêt. Pour un prêt avec assurance, on a fait plus haut deux calculs de TEG qui est plus élevé que le taux nominal.
En reprenant les deux exemples vus en 7/ en rajoutant seulement des frais de dossier de $1500$€, on trouve les données suivantes :
- Premier prêt. Taux nominal : $0,4\%$ ; taux avec assurance : $0,43125\%$ ; TEG : $0,44277\%$.
- Second prêt. Taux nominal : $0,39\%$ ; taux avec assurance : $0,43805\%$ ; TEG : $0,45088\%$.
En ce qui concerne le TEG, je renvoie à la définition du Code de la consommation ici et je joins le journal officiel scanné, puisque legifrance semble ne pas pouvoir afficher des formules mathématiques.
Ceux qui liront attentivement verront peut-être que le gouvernement a choisi que les TEG des prêts immobiliers soient ramenés à l’année par la méthode proportionnelle, alors que pour les prêts à la consommation, il s’agit de la méthode actuarielle !
9/ Taux variables, prêts modulables
Un prêt à taux variable diffère de ce qui précède par le fait que le taux n’est pas entièrement connu à l’origine (la signature du prêt).
Il s’agit d’un contrat passé avec la banque qui vous prête. Ce contrat prévoit que le taux appliqué au prêt est révisé avec une certaine périodicité (l’an par exemple dans les exemples plus bas), selon une formule définie au contrat, en fonction des taux (court terme) qui sont pratiqués au moment de la révision (un indice). Ce contrat précise aussi comment les variations de taux sont reportées sur le prêt (variation des mensualités, de la durée, des deux…).
Il y a donc dans ces contrats un vrai risque si l’évolution des taux est défavorable. Or qui a lu tous les petits caractères et peut apprécier l’étendue de ce risque ?
- Extrait de « Les Bidochon », Maison, sucrée maison de Binet
En tout cas, avec un tel prêt, vu l’incertitude, on n’est pas en mesure de calculer son TEG à la signature, on ne pourra le faire qu’une fois le prêt soldé…
Pour un tel prêt, ce qui est prévu initialement c’est un capital prêté $C_0$ , une durée en mois $N$ et un taux initial $t_0$. On fait alors exactement comme pour un taux fixe et on calcule une mensualité $M_0$, qui est versée pendant un an, comprenant une part d’intérêt et une part de capital.
Au bout d’un an soit 12 mois, il reste à rembourser un capital qui était noté $C_{12}$ plus haut.
On regarde alors la clause du prêt sur les taux. Elle prévoit qu’à compter de là, le taux est fonction d’un indice officiel (EURIBOR par exemple) à une certaine date, majoré d’une marge et éventuellement avec un maximum (dans un abominable anglicisme, on parle de prêt capé). Cela donne un nouveau taux $t_1$ qui va s’appliquer pour l’année suivante.
Pour voir que les variations des taux du marché ne sont pas forcément anodines, je donne le graphe de l’EURIBOR 1 an sur les quatre dernières années :
Comment reporter les variations de taux sur les mensualités ? Cela dépend de ce qui est prévu au contrat, et dans la pratique il y a beaucoup de variantes. On va en envisager 3.
1°) S’il est prévu au contrat que les variations se reportent sur la mensualité, c’est assez simple. On fait comme si commençait un nouveau prêt, pour un montant $C_{12}$, à un taux $t_1$, pour une durée $N-12$. Et on recommencera l’année suivante avec un nouveau taux, etc… L’ennui de cette formule est que si les taux augmentent beaucoup, la mensualité va aussi augmenter beaucoup. Cela sera particulièrement le cas si le taux de la première année était un « taux d’appel » particulièrement bas.
2°) Le contrat peut prévoir que la mensualité reste constante, la variation de taux étant reportée sur la durée. À chaque mensualité suivante, on calculera l’intérêt dû depuis la mensualité précédente au taux $t_1$, le « reste » de la mensualité remboursant le capital. Et on continue comme cela tant que tout ne sera pas remboursé, en changeant le taux tous les ans.
Le très gros ennui ici est que si les taux augmentent beaucoup, la mensualité peut se trouver inférieure aux intérêts ! Du point de vue mathématique, c’est juste que le principal remboursé $P_i$ devient négatif. Du point de vue pratique, c’est plus grave, cela veut dire que votre mensualité ne paye plus qu’une partie des intérêts et que votre dette à la banque augmente !
Prenons un exemple. Vous empruntez $150\ 000$€ sur $20$ ans ($240$ mois) à taux variable, avec un taux initial (d’appel ?) de $0,2\%$ par mois, soit $2,4\%$ l’an en méthode proportionnelle. La formule $\ref{equation_1}$ vous dit que la mensualité initiale sera de $787,57$€.
Au bout d’un an, il vous restera un capital à rembourser de $144\ 084,40$€. Imaginons que le taux de votre prêt soit basé sur le taux interbancaire et que celui-ci s’envole (comme en 2007-2008). Le nouveau taux de votre prêt peut alors passer à $0,6\%$. Mais $0,6\%$ de $144\ 084,40$€ cela fait $864,51$€. Si votre mensualité ne doit pas bouger, elle ne couvrira pas les intérêts et votre dette augmentera de $76,94$€ le premier mois, etc …
On peut même imaginer que si les taux restent durablement élevés, la somme due ne cesse d’augmenter et que vous ne finissiez jamais de rembourser… J’imagine que les banques n’aiment pas trop une telle éventualité et que c’est peut-être pour cela qu’il existe des prêts s’approchant du type 3°) plus bas.
3°) Certains des prêts décriés en 2008 semblaient combiner les deux méthodes. Si les taux augmentaient, l’augmentation était d’abord reportée sur la durée, mais dans une certaine limite. Au-delà, l’augmentation était reportée sur la mensualité. Le problème semble être que certains emprunteurs n’avaient pas clairement conscience que leurs mensualités pouvaient augmenter !
Prenons le même exemple d’un emprunt de $150\ 000$€ sur $20$ ans au départ, avec un taux initial de $0,2\%$ par mois. Imaginons cette fois que la montée soit moins forte mais qu’un an plus tard le taux passe à $0,5\%$. En utilisant la formule donnant le nombre de mensualités, pour un emprunt de $144\ 084,40$€ à $0,5\%$ et une mensualité de $787,57$€, on voit qu’il faudrait $493$ mois pour solder le prêt à un tel taux sans toucher à la mensualité !
Si le contrat dit que les variations de taux sont reportées sur la durée, dans une limite de $30$ ans par exemple, on calculera la nouvelle mensualité sur la base de $29$ ans, et elle passera donc à $874,60$€ (avec une durée totale à 30 ans !). Et si les taux montent à $0,6\%$ la mensualité passera à $987,68$€. Cela alors que le client avait peut-être compris que la mensualité n’augmenterait pas et s’est ainsi engagé au maximum de ses possibilités …
Pour ce que j’en ai compris, dans l’affaire des subprimes, outre les problèmes de titrisation, il y avait pas mal de prêts à taux variable avec des taux bas les premières années, qui se sont révélés des pièges lorsque les taux ont monté et les prix de l’immobilier ont baissé (vendre la maison ne suffisant même plus à rembourser le prêt).
Enfin, je signale qu’aujourd’hui, la plupart des prêts commercialisés par les banques, même à taux fixe, sont « modulables ». Ils ont des clauses au terme desquelles on peut demander une augmentation ou une diminution des mensualités, assortie d’un raccourcissement ou d’un allongement du prêt ; voire un différé d’amortissement (on ne rembourse plus de capital pendant un certain temps), ou même un différé de remboursement, etc.
En appliquant les principes exposés plus haut, vous pourrez apprécier les conséquences de telles modifications.
10/ Risque de taux sur les obligations
En ce moment
[3] les journaux ont de pleines pages de publicité pour l’emprunt EDF (et que dire de l’annonce d’un grand emprunt d’état).
On voit qu’on y promet un rendement de 4,5% taux fixe pendant 5 ans.
Mais il y a un astérisque avec « la durée conseillée de l’investissement est de 5 ans. Toute revente des obligations avant l’échéance peut entraîner une perte ou un gain ».
Et si on lit la brochure, on y voit : «
RISQUE DE TAUX
Les Obligations portent intérêt à taux fixe. Les investisseurs doivent être
conscients que des variations substantielles des taux de marché pourraient
avoir des conséquences négatives sur la valeur des Obligations, dans la
mesure où ces variations pourraient affecter la rentabilité des Obligations. »
Les éléments vus plus haut permettent d’estimer ce risque.
Qu’est-ce qu’une obligation (classique, nous n’allons pas parler des ORA, OCEANE et autres produits) ?
Il s’agit d’un titre d’un certain montant, ici $1000$€, représentant un prêt de ce montant à une entreprise ou l’État. Le titulaire initial de ce titre est celui qui a prêté l’argent. Dire que l’obligation est à taux fixe de $4,5\%$ et remboursement intégral du capital au terme (5 ans), c’est dire que chaque année, le détenteur de l’obligation encaisse un coupon [4] de $45$€ et que la dernière année, il encaisse $1045$€, le dernier coupon plus le capital. Il n’y a pas ici d’amortissement progressif. Si l’on garde l’obligation jusqu’au bout, pas de problème, tout est clair (sauf si la société fait faillite, ou l’État ne rembourse pas, voir les emprunts russes).
Mais pour que les souscripteurs n’hésitent pas à s’engager, ces titres peuvent être revendus avant l’échéance par leur détenteur, sur un marché boursier qui confronte les vendeurs et les acheteurs. Il y a même des banques qui sont « animateurs de marché » pour qu’un vendeur trouve contrepartie sans délai.
C’est là que les choses ne sont plus claires : à quel prix, à un moment donné, l’obligation trouvera-t-elle preneur ?
Imaginons qu’au moment où l’on veut revendre, les taux aient changé et que des obligations équivalentes soient émises à $9\%$. Bien sûr, personne ne voudra acheter l’obligation $1000$€, il préférera acheter une obligation nouvelle qui lui rapporterait $90$€ chaque année. Pour vendre l’obligation à $4,5\%$, il faudra donc baisser son prix. Mais de combien ? Il faudra tenir compte qu’à l’issue, l’acheteur recevra plus que ce qu’il a payé, en plus des coupons, ce qui augmente la performance.
Au contraire, si les taux ont baissé, l’obligation pourra se revendre plus cher que sa valeur de remboursement, mais de combien ?
On trouve plus bas un graphique de l’évolution des taux longs, emprunts d’état sur 10 ans (les entreprises empruntent à des taux plus élevés).
- Image extraite de meilleurtaux.com
La réponse est simple : le « juste prix » est le prix tel que pour l’acheteur, le taux de rendement interne de l’opération soit le taux pratiqué au moment de la vente pour des obligations nouvelles de sociétés comparables pour la durée restante. C’est à ce point d’équilibre que le rachat de l’obligation rapporte autant qu’une nouvelle.
Pour notre obligation EDF, plaçons-nous dans un an, juste après le paiement du premier coupon, il restera alors 4 ans avant le terme. Si le taux pratiqué à ce moment-là pour des obligations de 4 ans est $b$, le prix raisonnable de l’obligation EDF sera $P$ tel que :
\[-(1+b)^4P+(1+b)^3 \times 45+ (1+b)^2 \times 45 + (1+b) \times 45 + 1045 = 0\]
Ce qui donne
\[P \ = \ \ \frac {1045+(1+b) \times 45 + (1+b)^2 \times 45 + (1+b)^3 \times 45} {(1+b)^4}\]
Dans le tableau suivant, j’ai fait les calculs, avec cette formule et les formules équivalentes (que je vous laisse établir) pour dans 2, 3 et 4 ans, du prix prévisible de l’obligation, selon les taux $b$ en vigueur.
On voit par exemple que si, dans un an (il restera 4 ans), les taux sont passés à $12\%$ (hypothèse très hautement improbable) et que vous êtes contraints de revendre l’obligation, vous perdrez en théorie $227,80$€.
On voit également que plus l’on se rapproche du terme de l’emprunt, moins les variations de taux ont de l’influence sur le prix, ce qui est logique.
On dit que plus le terme est lointain, plus la sensibilité de l’obligation aux variations de taux est grande. C’est pourquoi les SICAV monétaires, investies en prêts à très court terme (quelques jours), ne comportent pas de risque de taux
alors que les SICAV obligataires longues, investies en obligations ayant encore une grande durée de vie, sont au contraire sensibles au risque de taux.
Juste pour marquer cela, imaginons une obligation avec les mêmes caractéristiques, sauf une durée de vie de 10 ans et refaisons les calculs au bout d’un an, il lui restera alors 9 ans de vie.
S’il vous prenait l’idée de consulter un tableau de cotation d’obligations, sachez qu’elles sont cotées en pourcentage de la valeur nominale et « au pied du coupon », c’est-à-dire non compris le coupon à venir, qui viendra s’ajouter au prix d’achat, réparti entre acheteur et vendeur au prorata du nombre de jours où ils auront détenu l’obligation.
Qui fait de tels calculs ?
Les mathématiques utilisées dans cet article sont anciennes. Ne serait-ce sa longueur, il aurait peut-être plus trouvé sa place dans la rubrique billets, d’autant plus qu’il est né de discussions d’actualité avec des collègues et que je ne suis nullement spécialiste de maths financières.
Si les mathématiques utilisées sont anciennes, les prêts à modalités compliquées ne sont apparus que relativement récemment, peut-être parce que les calculs peuvent être lourds et nécessiter des moyens informatiques. Il y a 30 ans, si l’on sollicitait son banquier pour un prêt, il sortait un tableau fourni par le siège et une calculette toute simple ... De même, les obligations légales sur le calcul et la mention du TEG ne datent que des années 1970.
Tout cela suppose qu’il y ait au siège des banques (ou dans les sociétés de services pour les programmes informatiques) des personnes qui fassent un travail mathématique, c’est-à-dire les calculs plus haut, pour d’une part préparer les « produits » (les contrats que va proposer la banque aux clients), d’autre part programmer les logiciels de la banque pour gérer ces produits. Comme on l’a vu plus haut, il y a aussi nécessairement au ministère des finances des gens qui font le même type de calcul. J’avoue ne pas savoir qui sont les gens qui font ce travail mathématique, leur formation et si cela constitue une part importante de leur travail.
Ces prêts doivent aussi nécessiter des compétences mathématiques plus sophistiquées. En effet, les banques doivent normalement estimer les risques occasionnés par ces prêts, et envisager des techniques pour les « couvrir » ; les banques emploient donc des gens, notamment des actuaires, pour estimer ces risques.
Notes
[1] En parcourant Internet par curiosité, j’ai trouvé ici un site de calculs bancaires, qui indique, en annonçant la formule, « ça ne s’invente pas ». J’espère qu’à défaut d’inventer la formule, cet article permettra de la comprendre !
[2] Note ajoutée le 15 septembre 2010.
Ce qui est dit dans l’article sur ce point est désormais faux.
En effet, la loi 2010-737 du 1er juillet 2010 a remplacé l’obligation de proposer un escompte pour paiement comptant par une simple possibilité, dont je ne suis pas sûr que les commerçants s’empresseront de la proposer.
Voir le dossier législatif ici
Vous verrez que l’article 2 de cette loi dispose (entre autres) :
« I. ― Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du même code est ainsi modifié :
1° Les articles L. 311-7 et L. 311-7-1 deviennent respectivement les articles L. 311-28 et L. 311-29 ; »
Puis après un passage par l’article 5 que je vous épargne, on trouve
au B du II de l’article 13 :
« B. ― L’article L. 311-28 du même code, tel qu’il résulte de l’article 2 de la présente loi, est ainsi modifié :
1° A la première phrase du premier alinéa, les mots : « au sens des articles L. 311-4 à L. 311-6 » sont supprimés ;
2° La seconde phrase du premier alinéa et le second alinéa sont supprimés. »
C’est le point 2° qui supprime l’obligation que j’évoquais dans mon article.
Un mathématicien facétieux ne pourra toutefois s’empêcher de remarquer (si vous avez du courage, allez voir l’article 61 de la loi) qu’il y a un gros problème de logique interne dans cette loi.
Car l’article 2 prend effet le 1er mai 2011, tandis que le 2° du B du II de
l’article 13 prend effet dès le 1er septembre 2010. Pour résumer, au moment où la loi dit
qu’il faut supprimer une phrase dans un article, cet article ne contient pas ce que la loi
voulait supprimer !
Cette modification a été faite pour encourager la consommation et le développement du crédit gratuit.
Voilà ce que dit l’exposé des motifs du projet de loi :
« Par ailleurs, afin d’éliminer tout frein au développement du crédit gratuit, l’obligation qui pesait sur les vendeurs d’octroyer un escompte sur les paiements au comptant en cas de crédit gratuit est supprimée. »
et ce que dit le rapport du sénat :
« En revanche, il supprime l’obligation d’octroyer un escompte sur les paiements au comptant en cas de crédit gratuit, n’en faisant désormais qu’une faculté. En effet, la disposition actuellement applicable est préjudiciable au développement du crédit gratuit puisque :
- d’une part, l’arbitrage du consommateur au regard de ses intérêts n’est pas simple à réaliser et il peut préférer l’achat au comptant « à prix réduit » alors même que la remise du coût du crédit qui lui est consentie pourrait s’avérer en réalité plus favorable ;
- d’autre part, le vendeur est obligé de réduire sa marge non seulement sur l’achat effectué à crédit « gratuit » (s’il prend directement en charge tout ou partie du coût de celui-ci), mais aussi sur l’achat proposé au comptant. »
ainsi que le rapport de l’assemblée :
« Votre rapporteur considère néanmoins qu’il convient d’encourager ce type d’initiative commerciale en ce qu’elle favorise la consommation sans pour autant aggraver l’endettement des ménages. »
J’avoue ne pas très bien comprendre en quoi faire payer plus ceux qui veulent payer comptant favoriserait la consommation et je me demande bien si cela n’est pas quelque peu contradictoire avec l’objectif de la loi, que je reproduis ici :
« Le crédit est utile et nécessaire à la vie des ménages. Le crédit à la consommation joue un rôle tout particulier dans ce domaine. Il permet aux ménages de réaliser certaines dépenses au moment où elles sont les plus utiles. Il permet de faire face à des dépenses imprévues (comme le remplacement d’un appareil électroménager qui tombe en panne). Il peut permettre de passer des « coups durs » dans la gestion d’un budget. Ce sont ainsi neuf millions de ménages - c’est-à-dire un tiers des ménages - qui ont un crédit à la consommation aujourd’hui.
Mais le crédit est aussi un acte qui engage. Les conséquences de cet engagement doivent être mesurées à la fois par les ménages qui souscrivent un crédit et par les professionnels qui les distribuent. L’entrée en crédit n’est un acte anodin ni pour le ménage qui souscrit un crédit ni pour le professionnel qui le distribue. Une entrée en crédit réussie, c’est une responsabilité partagée entre un ménage et un professionnel pour s’assurer que l’engagement pris par le ménage est adapté à sa situation.
C’est dans cet esprit que le Gouvernement souhaite développer un crédit plus responsable. Le présent projet de loi propose une profonde réforme du crédit à la consommation pour prévoir des garde-fous à l’entrée dans le crédit (1°) et mieux accompagner les personnes qui connaissent des difficultés d’endettement (2°). »
J’ajoute enfin que cette loi modifie légèrement la définition du TEG pour la rendre conforme à une directive européenne, l’objectif étant que ce taux soit calculé à partir des mêmes éléments partout en Europe.
[3] La première version de cet article date de juin 2009
[4] Il n’y a encore pas si longtemps (la « dématérialisation » des titres date du milieu des années 1980), une obligation était un document qui comportait en bas de petits papiers pour chaque échéance. À la date de paiement, le titulaire de l’obligation devait découper aux ciseaux le papillon correspondant et le présenter à sa banque pour toucher son intérêt annuel. C’est pour cela que l’on parle de « coupon ».
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Pour citer cet article :
Claude Danthony — «Emprunts : mensualités, intérêt, taux, TEG, risque de taux» — Images des Mathématiques, CNRS, 2021
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Emprunts : mensualités, intérêt, taux, TEG, risque de taux
le 30 octobre 2015 à 08:55, par Claude Danthony