Gaspard Monge
le beau, l’utile et le vrai
Pista roja El 24 diciembre 2011 Ver los comentarios (4)
«Dans le court trajet de cette vie, quelques hommes supérieurs, secondés par la fortune, immortalisent leur passage et signalent leur puissance, avec des œuvres qui triomphent des ravages du temps. Leur gloire est bien plus pure et bien plus noble encore, lorsque, dans les âmes de la jeunesse, ils élèvent un édifice de science et de raison ; lorsqu’ils y font éclore et fleurir le goût éclairé du beau, de l’utile et du vrai ; lorsqu’enfin, par leurs encouragements, leurs préceptes et leurs exemples, il entraînent et dirigent une génération toute entière, dans la voie laborieuse qui conduit à la prospérité, à la puissance, à l’illustration de la patrie.»
Ainsi s’exprimait Charles Dupin en hommage à son maître Gaspard Monge qui venait de mourir, en 1818
[1].
Nous sommes à cette période de l’histoire où les savants vont cesser d’être des individus.
Monge sera l’un des premiers qui prendront conscience de la nécessité de créer des lieux de transmissions, des Écoles, presque des laboratoires de recherche.
Je voudrais évoquer ce personnage extraordinaire, un passionné aux multiples visages
[2].
Dans un article compagnon, qui demande un peu plus de connaissances mathématiques, je me propose de décrire l’un de ses mémoires les plus célèbres, «sur les déblais et les remblais»
[3] (présenté en 1776, publié en 1781)
que l’on peut considérer comme le point de départ de la théorie du transport optimal, aussi bien que comme un texte fondateur en géométrie différentielle.
NB : Toutes les figures peuvent être agrandies par un clic. Voir aussi le bouton «Crédits images» à la fin de cet article.
Gaspard Monge
Monge était avant tout un géomètre.
On lui doit la formalisation de la géométrie descriptive
[4],
qui fut enseignée dans nos lycées jusque dans les années 1960 et qui préfigurait le dessin industriel.
Il était aussi un analyste, l’un des quelques pionniers partis à la découverte des équations aux dérivées partielles
[5].
Peu de mathématiciens ont eu une vision aussi claire des liens profonds qui unissent l’Analyse et la Géométrie.
Il faut comprendre que toute l’approche scientifique de Monge n’est qu’un mélange permanent de théorie et d’applications.
Nous en verrons quelques exemples.
Il est bien plus important encore de comprendre que Monge accordait une place considérable à l’enseignement.
Il a compris que la nation avait besoin d’un grand nombre d’ouvriers, d’ingénieurs et de scientifiques, et qu’il leur fallait un enseignement de qualité, en particulier en mathématiques.
Chez lui, recherche mathématique et enseignement sont deux facettes d’une même activité.
Monge est en particulier l’un des fondateurs de l’École Polytechnique
[6]
et l’un des enseignants à l’École Normale de l’an III.
Comme l’écrira Darboux, «Monge ne se contentait pas de faire des découvertes, il faisait aussi des élèves, ce qui vaut quelquefois mieux»
[7].
Belhoste et Taton écrivent : «Monge appartient à cette sorte de savants pour qui l’enseignement est une source d’inspiration incomparable.
C’est pour ses élèves, et pour eux seuls, qu’il trouva la force de mettre par écrit ses idées concernant l’Analyse et la Géométrie, idées déjà anciennes mais qu’il n’avait fait connaître qu’en partie et dans des mémoires dispersés»
[8].
Monge fut aussi métallurgiste, ministre de la Marine, attaché au Comité de Salut Public, expert en diamants et en manuscrits anciens, ambassadeur, sénateur, ami intime de Napoléon Bonaparte etc.
Quelques repères [9]
Monge est né en 1746 et mort en 1818.
Voici quelques-uns des mathématiciens de son époque :
- Euler : 1707-1783
- Lagrange : 1736-1813
- Condorcet : 1743-1794
- Laplace : 1749-1827
- Legendre : 1752-1833
- Lazare Carnot : 1753-1823
- Fourier : 1768-1830
- Gauss : 1777-1855
Euler domine tout le dix-huitième siècle mathématique ; il sera toujours une source d’inspiration pour Monge.
Les événements politiques de cette époque vont jouer un rôle central dans la vie de Monge.
Voici quelques dates, pour vous rafraîchir la mémoire :
- Règne de Louis XV : 1715-1774
- Règne de Louis XVI : 1774-1792
- Première République : 1792-1799
- Consulat et Empire : 1799-1815
- Restauration : 1814-1830
On peut distinguer plusieurs périodes assez différentes dans la vie de Monge.
Jusque 1789, c’est la période qui nous intéressera le plus, celle de la Science.
D’abord essentiellement mathématicien, il commencera par la suite, vers 1781, à s’intéresser à la chimie, à la physique, etc.
Voici par exemple les titres des mémoires qu’il présente à l’Académie des sciences en 1781 :
«machines diverses»; «sur le froid de 1776»; «calcul des chances»; «machine à remonter les bateaux»; «moulins à sucre»; «théorie des torrents et des rivières et moyen d’empêcher leurs ravages».
La Révolution, sera une période d’engagement politique total.
Ce sera l’époque de l’enseignement révolutionnaire, de la fondation de l’École Polytechnique et de l’École Normale de l’an III.
Puis, ce sera la rencontre avec Napoléon Bonaparte, deux longues visites en Italie, la campagne d’Egypte et les honneurs.
Enfin, la Restauration entraînera sa disgrâce.
Il meurt en 1818.
Quelques problèmes de Géométrie
A 18 ans, Monge s’était fait remarquer en dessinant un plan de sa ville natale de Beaune.
N’a-t-on pas oublié de nos jours que la géométrie et le dessin ont des liens intimes ?
On lui propose alors de venir travailler à l’École du génie de Mézières, non pas comme élève, mais plutôt comme dessinateur ou assistant préparateur.
Il ne peut d’ailleurs pas y être admis comme élève car il aurait fallu pour cela qu’il soit noble ou tout au moins qu’il soit d’une famille «respectable».
Il y deviendra par la suite professeur et y travaillera, au moins à temps partiel, jusque 1784 environ.
Cette École formait chaque année une vingtaine d’ingénieurs militaires, spécialisés dans les fortifications.
On la présente souvent comme l’ancêtre des Écoles d’ingénieurs à la française
[10].
C’est l’un des premiers endroits où, sous l’impulsion de son directeur Chastillon et de Monge, on instaura un enseignement mêlant la théorie et la pratique.
En particulier, Monge est confronté à l’enseignement de quatre sujets qui forment une partie importante du cursus des élèves.
Défilement
Le premier concerne ce qu’on appelle le défilement d’une place fortifiée «à la Vauban».
Voici une carte qui représente une forteresse, délimitée par une courbe polygonale et entourée par certaines collines.
A quelle hauteur faut-il monter les murs d’enceinte pour que les hommes soient à l’abri de la vue (et des tirs) des ennemis ?
Pour simplifier la discussion, nous supposerons que la forteresse est dans un certain plan horizontal et qu’elle est limitée par un polygone dans ce plan.
Parfois, pour se cacher de l’ennemi, il n’est pas nécessaire de monter des murs.
C’est le cas si tout le paysage avoisinant est au dessous du plan de la forteresse (si celle-ci s’installe au sommet d’un promontoire).
La figure suivante illustre cela en coupe.
La forteresse est représentée par le segment $AB$ et les ennemis sont postés sur les collines rouges.
Je représente en gris la zone que l’ennemi ne peut pas voir et en bleu la zone que l’ennemi peut voir.
Bien sûr, tout le segment $AB$ est à l’abri.
Mais il peut arriver qu’une colline surplombe la forteresse et les murs sont alors nécessaires.
Imaginons d’abord qu’il n’y a pas de murs d’enceinte.
Pour chaque côté du polygone, considérez le plan vertical passant par ce côté et faites-le basculer progressivement autour de ce côté jusqu’au moment où il touche une colline avoisinante sur laquelle des ennemis peuvent se placer.
Tous les point de la forteresse qui sont au dessus de ce plan limite sont vulnérables.
Il faut construire ce plan limite pour chaque côté du polygone et on obtient ainsi un ensemble de plans limites, lorsqu’on fait le tour de la forteresse.
La zone protégée est donc située en dessous d’une surface polyédrale, probablement assez compliquée, dont le bord est le polygone d’enceinte.
La zone visible par l’ennemi est représentée en bleu sur la figure ; elle descend sous le sol de la forteresse même si on peut en effet trouver étrange de chercher à protéger le sous-sol !
Quoi qu’il en soit, les défenseurs situés sur le segment $AB$ sont bien sous le regard ennemi.
C’est bien pour cela qu’il faut des murs !
Il s’agit donc de monter les murs d’une hauteur juste suffisante pour que cette surface passe au dessus du plan de la forteresse : joli problème de géométrie dans l’espace !
S’il est possible de construire graphiquement ces plans limites, on pourra en déduire la hauteur qu’il faut donner aux murs pour vous protéger. Sur la figure suivante, on a monté les murs $AA'$ et $BB'$ juste suffisamment pour que tout l’intervalle $AB$ soit à l’abri.
La mise en œuvre pratique de ces constructions sur un plan coté est le premier succès mathématique de Monge
[11].
Pour plus de détails sur Monge et le défilement, voir
[12]
ou
[13].
Coupe des pierres
Le deuxième problème concerne la coupe des pierres.
Voici une planche qui illustre le problème
[14] :
Comment faut-il découper les pierres lorsqu’on veut construire des ouvrages complexes, comme des arches ou des voûtes de pierres ?
C’était une partie importante de l’enseignement à Mézières
[15].
Je décrirai plus tard la solution proposée par Monge.
Ombres
Le troisième problème concerne le dessin qu’on n’appelait pas encore industriel.
Il s’agit de comprendre et de dessiner les ombres.
Voici le début d’un cours de Monge sur les ombres
[16].
Le rapport avec le défilement et les fortifications est immédiat : la forteresse doit être à l’ombre de la lumière des ennemis.
Déblais et remblais
Enfin, le quatrième problème, tout aussi concret, est celui des déblais et des remblais.
Lorsqu’on creuse des fossés, lorsqu’on fabrique des talus, il faut déplacer beaucoup de terre, probablement avec des brouettes...
Il s’agit de minimiser le travail que cela impose.
Si l’on se propose de transporter un tas de terre d’une forme donnée en un endroit donné pour former un autre tas de terre, de même masse, situé ailleurs, comment faut-il s’y prendre ?
Comment décider où transporter chaque parcelle de terre du point de départ vers sa destination, du déblai vers le remblai, pour minimiser le travail accompli ?
Monge s’est posé ces quatre problèmes très tôt, probablement dès son arrivée à Mézières.
Tous les quatre le mèneront au même concept, celui de surface développable, qui est véritablement au cœur de son œuvre.
Flash back au dix-septième siècle : la courbure d’une courbe plane
Il me faut revenir au dix-septième siècle.
La géométrie différentielle a commencé par l’étude des courbes planes.
C’est une longue histoire mais je voudrais me limiter à la courbure.
Là encore, tout vient d’une question pratique.
En 1673, Huyghens cherche à fabriquer des horloges de précision.
L’enjeu est important en particulier pour permettre aux navires en mer de déterminer la longitude.
La période d’oscillation d’un pendule dépend de sa longueur et de l’amplitude de l’oscillation, c’est-à-dire de l’angle maximal qu’il fait avec la verticale.
Galilée avait observé que la période dépend très peu de l’amplitude mais cette dépendance existe néanmoins : la période augmente avec l’amplitude
[17].
Tout le monde sait par ailleurs qu’un pendule court bat plus rapidement qu’un pendule long.
Huyghens a l’idée de raccourcir le pendule au fur et à mesure qu’il s’écarte de la verticale.
Regardez ces figures.
La ficelle rouge est fixée en $A$ et, lorsqu’on l’écarte de la verticale, elle s’appuie sur la courbe noire, si bien que la partie qui est en mouvement se raccourcit.
Si on choisit bien la courbe noire, on peut espérer que le raccourcissement soit tel que la période d’oscillation soit indépendante de l’amplitude.
Huyghens montre qu’il suffit de choisir pour la courbe noire une courbe bien connue à l’époque : une cycloïde [18] renversée.
Aujourd’hui on dit que la courbe bleue est la développante de la courbe noire,
que la courbe noire est la développée de la courbe bleue,
que le point $A$ est le centre de courbure de la courbe bleue au point $a$, que le rayon de courbure en $a$ est la distance $aA$.
On dit aussi que la développée est l’enveloppe des normales à la courbe bleue.
Voici le dispositif proposé par Huyghens.
Vous conviendrez qu’il s’agit d’application concrète...
Voyez la développée d’une ellipse.
Théorie des surfaces
En 1767, Euler fonde la géométrie différentielle des surfaces
[19].
Son approche est très simple.
On considère une surface, son plan tangent en un point, et la direction normale, perpendiculaire au plan tangent.
On coupe alors la surface par un plan qui contient la direction normale et on observe la section obtenue, dont on peut évaluer la courbure au point considéré.
Euler montre que lorsque le plan tourne autour de la direction normale cette courbure passe par un maximum et un minimum et que les plans correspondants sont perpendiculaires : ce sont les plans de courbures principales.
Il y a donc deux courbures principales en chaque point d’une surface.
Les courbes tracées sur la surface qui sont partout tangentes à l’une des directions principales sont appelées les lignes de courbure.
Voilà à peu près tout ce qu’on savait de la géométrie des surfaces en 1767.
Surfaces développables
Les surfaces développables ont été découvertes presque en même temps par Euler et Monge.
Euler a publié son article en 1772.
Monge a présenté son mémoire à l’Académie en 1775 et l’a publié en 1780.
Il déclare d’ailleurs qu’il connaît le travail d’Euler et que c’est cette lecture qui l’a inspiré.
Dans le mémoire «Des solides dont la surface peut se déployer sur le plan»
[20]
Euler se demande quelles sont les surfaces qu’on peut recouvrir par du papier.
Si l’on tente d’envelopper une sphère avec du papier, la feuille se fripe et se replie sur elle-même.
Dans d’autres situations, si on cherchait par exemple à recouvrir une selle de cheval, le papier se déchirerait.
En revanche, on peut enrouler sans problème une feuille de papier sur un cylindre ou fabriquer un cône en papier.
On dit qu’une surface est développable s’il est possible de la recouvrir localement par de petits bouts de papiers.
La terminologie provient du fait qu’on peut les développer sur un plan, dans le sens d’étaler, d’étendre, en quelque sorte le contraire de envelopper.
[21]
.
Euler cherche donc à déterminer toutes les surfaces développables.
Examinons rapidement son mémoire [22].
Notez en passant qu’Euler n’envisage pas une surface en tant que telle ; pour lui une surface n’est que le bord d’un solide.
Il faudra beaucoup de temps pour dégager ce concept abstrait de surface et les élèves d’aujourd’hui ont encore souvent du mal à distinguer une sphère d’une boule.
Dans cet article, Euler commence par prendre une bande de papier et à la plier le long d’un certain nombre de segments disjoints traversant la bande de part en part.
Bien sûr, on obtient une surface qui peut se développer sur un plan, mais elle n’est pas lisse et Euler cherche implicitement des surfaces lisses.
Alors, il fait tendre le nombre de segments vers l’infini si bien qu’il plie en quelque sorte la bande de papier le long d’une famille continue de segments : il a construit des surfaces développables.
Voici le mémoire correspondant de Monge
[23], publié dix ans plus tard.
Là encore, on constate le lien avec les applications «à la théorie générale des ombres et des pénombres».
Voici les résultats principaux qui concernent les surfaces développables.
- Une surface développable est balayée par une droite qui se déplace dans l’espace. On dit qu’il s’agit de surfaces réglées
[24].
Monge pense toujours à une surface comme construite à partir d’un procédé concret et bien souvent mécanique.
Toutes les surfaces réglées ne sont pas pour autant développables.
Voyez par exemple cette surface qu’on appelle un «hyperboloïde» et qui est en effet décrite par le mouvement d’une droite qui se déplace dans l’espace.
Intuitivement, si on essaye de la recouvrir par du papier, il restera des plis.
Autrement dit l’hyperboloïde n’est pas développable.
- Pour qu’une famille de droites balaye une surface développable, il faut que cette famille soit très particulière : il doit s’agir de la famille des tangentes à une courbe dans l’espace
[25].
Ici, on représente une simple hélice et la famille de ses tangentes.
On voit donc une surface développable avec ses deux faces, bleue et verte.
Si l’on déforme progressivement la courbe pour l’appliquer dans le plan, la surface finit par se développer (s’expliquer) sur le plan.
Voici une surface développable.
- Imaginez un plan $P_t$ dans l’espace qui varie en fonction d’un paramètre, qu’on peut penser comme le temps $t$.
On assiste donc à un «film» dans lequel on voit un plan mobile.
Deux plans «consécutifs» $P_t$ et $P_{t+dt}$ dans ce film se rencontrent sur une droite $D_t$
[26].
La droite mobile $D_t$ balaye alors une surface réglée qu’on appelle l’enveloppe de la famille de plans $P_t$.
Euler et Monge démontrent (presque) que toute surface développable est l’enveloppe d’une telle famille de plans.
On retrouve le défilement des forteresses, mais aussi les ombres.
Imaginez une sphère lumineuse, comme par exemple le Soleil, qui éclaire une autre sphère plus petite, comme la Terre.
La zone qui est à l’ombre du Soleil est bien sûr un cône.
Si le globe lumineux et le globe éclairé ne sont pas sphériques, la zone d’ombre a une géométrie plus compliquée.
Son bord est cependant une surface développable : c’est l’enveloppe de la famille des plans qui sont tangents aux deux globes.
De manière générale, la surface qui limite l’ombre d’un objet éclairé par une source de lumière quelconque est une surface développable.
Voici quelques figures du mémoire de Monge.
On y reconnaît des plans qui varient, on voit la courbe dont on considère les tangentes.
Voici une autre surface développable, extraite de ce site (qui contient d’ailleurs beaucoup de jolis modèles en papier qui permettent une véritable compréhension des surfaces développables).
On considère une courbe dans l’espace et les plans qui lui sont tangents en deux endroits.
On peut aussi penser à une courbe fabriquée en fil de fer que l’on fait rouler sur le sol.
Dans son mouvement, la surface développable touche le sol le long d’un intervalle qui varie.
Ces intervalles sont exactement les segments que Euler utilisait pour plier sa bande de papier.
Euler et Monge considèrent qu’ils ont obtenu ainsi toutes les surfaces applicables sur un plan.
Ce n’est pas tout à fait vrai... il manque une hypothèse très forte de régularité sur la surface, implicite à l’époque [27].
Flash forward aux dix-neuvième, vingtième et vingt-et-unième siècle
Le thème des surfaces développables était jadis un sujet classique pour les élèves de classes préparatoires.
Il a maintenant quitté les programmes officiels.
Pourtant, un même thème peut se décliner de tant de manières différentes, dans des siècles différents.
Je suis sûr que Monge aurait adoré les deux anecdotes qui suivent.
On raconte qu’à la fin d’un cours à l’École Normale Supérieure en 1899 dans lequel Darboux démontrait qu’une surface développable est localement réglée, l’élève Lebesgue sortit son mouchoir de sa poche et objecta qu’il était développable sur un plan mais qu’il n’était pas réglé.
On pourrait objecter qu’il n’est pas clair qu’un mouchoir soit développable : lorsqu’on le met dans sa poche on peut imaginer qu’il se déforme différemment d’une feuille de papier.
Une feuille de papier chiffonnée illustre mieux l’idée de Lebesgue : elle est développable puisque, précisément, elle est obtenue à partir d’une feuille de papier plane et elle n’est en général pas réglée si elle est suffisamment chiffonnée.
Lebesgue proposait ainsi d’étudier des surfaces qui ne sont pas lisses : elles n’ont pas de plan tangent.
La feuille chiffonnée est très irrégulière : on y voit de nombreuses lignes de plis le long desquelles la surface n’a pas de plan tangent
[28].
Voici l’exemple le plus simple décrit dans sa note aux Comptes-rendus de l’Académie des sciences.
On voit ici un tronc de cône tout simple.
Pour le décrire, on commence par tracer un segment dans un plan vertical qui fait un angle de $45°$ avec l’horizontale.
On fait ensuite tourner le segment autour d’un axe vertical contenu dans ce plan.
Lors de la rotation, le segment balaye le tronc de cône.
Ce cône est bien sûr développable, et réglé.
Maintenant, on fait tourner autour du même axe vertical une ligne polygonale partant du même point que le segment initial, mais dont les différents tronçons font des angles avec l’horizontale qui sont alternativement $+45°$ et $-45°$, comme ici avec trois tronçons.
La surface obtenue n’est pas lisse, car elle présente des plis le long de cercles, mais on peut «l’appliquer» sur le cône précédent
[29].
Cette surface est donc toujours développable mais elle contient quand même beaucoup de segments de droites, si bien qu’on peut encore la considérer comme réglée.
Si on prend beaucoup de tronçons comme ci-dessus, de plus en plus petits, et qu’on passe à une limite convenable, on obtient une surface qui est développable et qui ne contient aucun segment.
Bien entendu cette surface ne sera pas lisse et n’aura pas de plan tangent.
Elle est en quelque sorte fractale.
Monge et Lebesgue auraient été bien étonnés de voir qu’il est possible de construire des exemples de surfaces développables non réglées qui possèdent cependant partout un plan tangent.
En 1954, Nash, puis Kuiper, démontrent un théorème extrêmement général qui entraîne en particulier l’existence de tels objets surprenants.
La preuve est par itération d’un processus qu’on appelle de «tôle ondulée».
Les objets de Nash et Kuiper sont bien plus réguliers que ceux de Lebesgue mais
bien moins que ceux considérés par Euler et Monge.
Tout cela est assez abstrait mais quatre jeunes collègues, Vincent Borrelli, Saïd Jabrane, Francis Lazarus et Boris Thibert, ont entrepris tout récemment d’essayer de dessiner ces objets étonnants.
Leurs images sont superbes
[30].
Revenons au dix-huitième siècle...
Le mémoire sur les déblais et les remblais
Dans le volume de 1781 des procès verbaux de l’Académie, on trouve un compte-rendu de ce mémoire de Monge écrit par Condorcet, alors secrétaire perpétuel de l’Académie
[31].
Il avait lu et compris que Monge ne résout pas vraiment le problème concret qu’il prétend traiter, mais que la théorie est riche de promesses.
Il écrit cette belle phrase dans ce même volume :
«Rejeter la théorie comme inutile, c’est proposer de retrancher les racines d’un arbre sous prétexte qu’elles ne portent point de fruits».
En effet, Monge ne résout pas vraiment le problème posé mais il fait de superbes percées en géométrie différentielle, tout en s’inspirant du problème concret des déblais et des remblais.
Je consacre un article, nécessairement «hors piste», à la description de ce mémoire et je me contenterai ici d’exposer quelques-uns des résultats de Monge.
On dispose de deux tas de terre de même masse, déblai et remblai, et on se propose de transporter l’un sur l’autre en faisant en sorte que le «coût total» du transport soit aussi faible que possible.
Pour chaque transport du premier tas vers le second, chaque particule infinitésimale est déplacée sur une certaine distance et le coût total est la somme (l’intégrale) de toutes ces distances.
Le texte du mémoire se décompose en deux parties, selon que les déblais et les remblais sont des domaines en dimension 2 ou 3.
Déblayer de la terre depuis un domaine du plan vers un autre domaine du plan semble un vrai problème concret et utile.
On a beaucoup de mal cependant à imaginer un transport d’un domaine 3D vers un autre domaine 3D dans lequel la terre serait amenée à suivre des trajectoires dans l’espace.
Après tout, les brouettes se déplacent au niveau du sol.
Monge veut surtout présenter «quelques propriétés nouvelles des surfaces courbes considérées en général».
A mon avis, la première partie n’existe que pour préparer la deuxième.
Voici la solution trouvée par Monge en dimension 2.
Supposons (hypothèse que Monge ne fait pas) que le déblai et le remblai soient des domaines convexes
[32]
du plan, de même aire.
Une droite est alors appelée une équisécante
si chacun des deux demi-plans qu’elle définit coupe le déblai et le remblai sur des domaines de même aire.
Monge affirme que par chaque point du déblai passe une unique équisécante.
Il affirme ensuite que la méthode optimale de transport consiste à «pousser» les particules de terre le long de ces équisécantes.
Pour le cas de la dimension 3, Monge développe des méthodes magnifiques, fondées sur sa connaissance profonde des surfaces développables.
Imaginez toutes les droites normales à une surface, comme des rayons lumineux qui émanent de la surface.
Monge affirme que le meilleur transport d’un domaine de dimension 3 vers un autre s’opère le long de la famille des normales à une certaine surface.
Quelle surface faut-il choisir si on connaît le déblai et le remblai ?
Monge établit une équation aux dérivées partielles extrêmement compliquée, qu’on appelle aujourd’hui l’équation de Monge-Ampère, dont les solutions permettent, en principe, de déterminer la surface cherchée et donc le transport optimal.
Tout cela n’est ni rigoureux, ni correct.
Il faudra longtemps pour comprendre et c’est encore aujourd’hui un sujet de recherche actif (voir par exemple ceci ou cela).
Le mémoire de Monge n’en reste pas moins un superbe travail de géométrie différentielle.
L’autre article de Images des Maths que je consacre spécifiquement à ce sujet entre dans un plus grand luxe de détails.
Je me contenterai ici d’indiquer le lien entre ce dernier sujet et celui des surfaces développables.
Considérez une courbe $c$ tracée sur une surface $S$.
A quelle condition la surface réglée $\Sigma_c$ engendrée par les normales à $S$ le long de $c$ est-elle développable ?
Réponse de Monge : si et seulement si la courbe $c$ est une ligne de courbure.
Ce n’est probablement pas évident pour le lecteur mais l’encouragera peut-être à lire l’autre article !
La géométrie descriptive
Comme le lecteur l’aura compris, toutes les constructions géométriques de Monge doivent pouvoir être réalisables en pratique sur une feuille de papier.
La géométrie descriptive a été conçue par Monge dès son arrivée à Mézières.
Il s’agit tout à la fois d’une « géométrie rationnelle », qui permet de penser les objets dans l’espace et de travailler sur eux sans les outils analytiques, et d’une technique de représentation graphique. Cette géométrie descriptive est le langage dans lequel Monge aime s’exprimer. Pour bien comprendre que Monge voyait dans la géométrie descriptive une discipline qui allait bien au delà d’une simple technique, on peut lire les deux premières pages de son cours à l’école normale que nous allons discuter plus bas.
Ensuite...
Monge accorde une importance capitale à la transmission des idées.
La Révolution lui donnera l’occasion de s’exprimer.
A la différence de Lagrange, Laplace ou Legendre, Monge s’y engagera passionnément tout comme Condorcet ou Carnot.
Je ne peux pas décrire tous les aspects de cet engagement ; ce serait trop long et surtout hors-sujet.
Quelques repères seulement.
Il est proche des montagnards.
C’est en qualité de ministre de la marine en 1792, qu’il assiste à l’exécution de Louis XVI.
Il ne restera pas longtemps ministre ; il n’est pas doué pour la politique.
Arrive ensuite la période où «la patrie est en danger», attaquée de toutes parts.
Il faut des armes, de la poudre, des canons.
Monge est nommé expert à la section des armes du comité de salut public.
Il développe une énergie incroyable, supervise la fabrication du salpêtre, organise la fabrication à la chaîne de 800 fusils par jour.
C’est un enseignant avant tout.
Il participe à l’élaboration d’un concept nouveau : l’enseignement révolutionnaire.
On réinvente tout pendant la révolution.
Monge (et Condorcet) sont persuadés que l’instruction publique est une priorité nationale.
On le voit par exemple, en 1793, rédiger un programme scolaire pour l’enseignement secondaire : impensable pendant l’ancien régime.
A l’heure du danger pour la patrie, il fonde l’«École des armes».
Chaque département de France envoie deux élèves, dont l’un doit savoir lire.
Ces élèves viennent à l’École des armes suivre des cours, par exemple sur la fabrication des canons, et s’engagent à revenir dans leur département et à y répéter l’enseignement qu’ils ont reçu.
C’est un succès.
Tous les cours de Monge dans cette École se terminent par le même cri «Vive la République !».
Une fois le danger immédiat écarté pour la patrie, il peut enfin réaliser son grand rêve : la création (avec d’autres) de l’École Polytechnique qui possède une structure pédagogique complètement nouvelle.
Il s’inspire de l’École de Mézières mais il voit beaucoup plus grand.
D’abord l’École a une vraie ambition nationale : 400 élèves provenant de toute la France.
Ensuite, il instaure un enseignement qui associe en permanence la théorie et la pratique.
Cette École Polytechnique, fondée en 1794, sera l’un des bonheurs de sa vie.
Je voudrais cependant décrire une autre aventure pédagogique à laquelle il participe : l’École Normale de l’an III.
Une utopie incroyable qui ne dura pas longtemps, mais une belle utopie.
Je cite Lakanal :
«Pour la première fois, les hommes les plus éminents en tout genre de sciences et de talents, les hommes qui jusqu’à présent n’ont été que les professeurs des nations et des siècles, les hommes de génie vont donc être les premiers maîtres d’une École, d’un peuple ! »
Voici le décret de la Convention du 9 brumaire de l’an III dont on peut lire des extraits sur le fronton de cette École :
"La Convention nationale, voulant accélérer l’époque où elle pourra faire répandre d’une manière uniforme, dans toute la République, l’instruction nécessaire aux citoyens français, décrète :
Art. 1. - Il sera établi à Paris une École normale où seront appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous les professeurs les plus habiles dans tous les genres, l’art d’enseigner.
Art. 2. - Les administrations de district enverront à l’École normale un nombre d’élèves proportionné à la population : la base proportionnelle sera d’un pour vingt mille habitants [33] ;
Art. 11. - Les élèves formés à cette École républicaine rentreront à la fin du cours dans leurs districts respectifs [34] : ils ouvriront dans les trois chefs-lieux de canton désignés par l’administration de district une École normale dont l’objet sera de transmettre aux citoyens et citoyennes qui voudront se vouer à l’instruction publique, la méthode d’enseignement qu’ils auront acquises dans l’École normale de Paris.
Les professeurs ne doivent pas réciter un cours mais doivent l’improviser, sans notes !
Une fois chaque décade, on organise des débats entre élèves et professeurs.
Monge avait une élocution difficile mais on dit qu’il parlait avec son corps et fascinait les étudiants.
Peut-on imaginer une de ses leçons, seul face à plus de 1000 étudiants, sans micro, sans vidéoprojecteurs ?
Les cours de Monge à l’École Normale sont une merveille.
Je recommande chaleureusement le beau livre édité par Dhombres sur les cours de maths à l’École Normale de l’an III
[35].
Bien sûr, Monge y parle de développables, de courbures, etc.
Comme toujours, ces cours sont illustrés par les applications les plus diverses.
C’est là, et dans un cours qu’il fait simultanément à Polytechnique, qu’il parle de la coupe des pierres.
Lorsqu’un tailleur de pierres tape sur son burin, il découpe un petit bout de plan, si bien que pour lui, les surfaces les plus faciles à tailler sont des enveloppes de plans, c’est-à-dire des développables.
Monge suggère donc de tailler les pierres le long des développables associées aux lignes de courbure de la voûte qu’on veut construire.
Souvenez-vous : la surface réglée engendrée par les normales à une surface le long d’une ligne de courbure est une surface développable.
Il prend un exemple remarquable : celui des voûtes ellipsoïdales à trois axes différents.
Il réussit le tour de force analytique d’en déterminer les lignes de courbure.
Voici une épure qui représente ces lignes : en projection sur les plans de coordonnées, ce sont des ellipses.
L’anecdote raconte que Lagrange fut impressionné.
« J’aurais aimé le démontrer», aurait-il dit.
Dupin expliquera ces courbes en termes de «systèmes triples orthogonaux» : un joyau géométrique.
Voyez cet article pour une animation qui illustre le théorème de Monge-Dupin et qui vous donnera peut-être des idées pour fabriquer un four à pain en pierres dans votre maison de campagne.
Monge, en pleine révolution, enseignait les lignes de courbures devant 1000 ou 1500 élèves...
Je ne sais pas s’il existe des voûtes ellipsoïdales construites selon ce procédé.
De belles phrases enflammées de Monge proposaient qu’on construise l’Assemblée Nationale sur cette idée.
Voici cependant un plan coté du dix-neuvième qui indique comment il faudrait faire
[36].
Les honneurs et la disgrâce
La suite ne relève plus trop de la science.
Monge rencontre Napoléon Bonaparte et il est subjugué par le personnage.
Il deviendra un ami intime et lui pardonnera tout, même l’impardonnable.
En retour, Napoléon le couvrira d’honneurs, comte de la Péluse, président du sénat etc.
Monge fera deux séjours en Italie, pour le compte du «comité des œuvres d’art».
En clair, il s’agit d’aller piller les musées et les églises d’Italie et de remplir le Louvre d’œuvres qui n’ont rien à faire en France
[37].
J’ai quand même trouvé un aspect sympathique de l’œuvre de Monge en Italie.
Il semble que Monge ait été très intéressé par la fabrication du parmesan et, comme dit Dupin, «comme il ne négligeait aucune occasion de se rendre utile à son pays, il suivit attentivement toutes les manipulations de cette fabrication».
Il publie bien sûr un mémoire sur ce sujet
[38].
La restauration entraîne sa disgrâce.
Il reçoit un coup dur : sa radiation de l’Académie des sciences par Louis XVIII
[39].
Il meurt en 1818.
Les élèves de l’École Polytechnique ne sont pas autorisés à assister à son enterrement.
Conclusion
Quelles leçons puis-je tirer de l’étude de la vie et de l’œuvre de Monge ?
- Que la géométrie est belle quand elle est concrète, quand on peut la voir, presque la toucher !
Comme disait Dupin, «le vrai, le beau, l’utile» !
La géométrie contemporaine n’oublie-t-elle pas parfois l’utile ?
- L’intrication entre la Géométrie et l’Analyse reste toujours l’un des moteurs de la recherche mathématique d’aujourd’hui.
Le titre de son cours à l’École Polytechnique montre d’ailleurs que c’est bien l’Analyse qui est utile ... pour comprendre la Géométrie.
- Comme disait Taton, «Monge est le premier mathématicien moderne dont l’activité professorale fut aussi riche en résultats que son œuvre écrite».
On peut penser que Monge n’aurait pas été favorable au statut du chercheur CNRS qui n’a aucune charge d’enseignement !
- Il y a chez Monge cette passion pour la révolution, cette remise en question pédagogique, ce sentiment que la science est au service de la République, une et indivisible.
Aujourd’hui, alors que la cohésion scientifique de notre pays est en péril, que les universités se font la guéguerre, est-il déplacé de rappeler ce genre d’utopie républicaine ?
Il m’entendra peut-être si je conclus comme il aimait conclure ses cours :
Vive la République !
Merci à Thomas Boulier,
Bruno Belhoste, Karine Chemla, Renaud Chorlay, Shalom Eliahou, Pierre de la Harpe,
Guillaume Jouve et
Marie Lhuissier pour leurs lectures attentives et leurs commentaires.
Notas
[1] Dupin, Charles, Essai historique sur les services et les travaux scientifiques de Gaspard Monge, 1819.
[2] Cet article et son compagnon sont inspirés d’une conférence que j’ai présentée le 5 janvier 2011 à l’École Normale Supérieure de Paris, dans un colloque en l’honneur de Cédric Villani, à l’occasion de sa médaille Fields.
[3] Gaspard Monge,
Mémoire sur la théorie des déblais et des remblais,
Histoire de l’Académie royale des sciences avec les mémoires de mathématique et de physique tirés des registres de cette Académie (1781), 666-705.
[4] Gaspard Monge, Géométrie descriptive, leçons données aux Écoles Normales, l’an 3 de la République.
[5] Pour faire court, l’Analyse est l’étude des fonctions, c’est-à-dire des relations entre plusieurs quantités variables.
L’aire $A$ d’un carré de côté $r$ est une fonction de la variable $r$, à savoir $A=r^2$.
Lorsque la fonction dépend d’une seule variable, l’outil fondamental est celui de la dérivée de la fonction par rapport à cette variable, exprimant la variation (infinitésimale) de la fonction quand la variable subit une variation infinitésimale.
Une fonction dépend souvent de plusieurs variables, comme l’aire d’un rectangle dépend de sa longueur et de sa largeur.
Lorsqu’une fonction dépend de plusieurs variables, on peut considérer des dérivées par rapport à chacune d’entre elles ; on parle alors de dérivées partielles.
Une équation aux dérivées partielles est une équation dans laquelle l’inconnue est une fonction de plusieurs variables et qui exprime des relations entre les diverses dérivées partielles par rapport aux variables.
Beaucoup de ces équations jouent un rôle fondamental en physique.
[6] Patrice Bret, Gaspard Monge. Le fondateur de Polytechnique, Annales historiques de la Révolution française [En
ligne], 328 | avril-juin 2002, mis en ligne le 11 mai 2006.
[7] Gaston Darboux, Les origines, les méthodes et les problèmes de la géométrie infinitésimale, Congrès international des mathématiciens, 1908.
[8] Jean Dhombres (ed.), L’École Normale de l’an III. Tome I, Leçons de mathématiques : édition annotée de Laplace, Lagrange et Monge, Dunod, « Librairie du bicentenaire de la Révolution française », Paris, 621 pages. Voir page 303.
[9] Pour en savoir (beaucoup) plus sur la vie et l’œuvre de Monge, cette source bibliographique permettra au lecteur de planifier ses lectures.
Je recommande tout particulièrement l’ouvrage suivant qui ne semble malheureusement pas accessible sur internet.
René Taton : L’Œuvre scientifique de Gaspard Monge, Paris, PUF, 1951.
[10] Bruno Belhoste, Du dessin d’ingénieur à la géométrie descriptive, l’enseignement de Chastillon à l’École royale du génie de Mézières, In Extenso, juin 1990, pp. 103-135.
[11] Il faut remarquer que les plans cotés de l’époque ne contenaient l’altitude que de quelques points remarquables. On ne disposait pas encore de courbes de niveau sur les cartes ; il semble qu’elles furent précisément inventées à Mézières par Meusnier, un élève de Monge.
[12] Bruno Belhoste et René Taton, Les problèmes du défilement, in J. Dhombres (éd.), L’Ecole normale de l’an III, Leçons de mathématiques, Dunod, Paris, 1992, ppp. 541-546.
[13] Rémi Langevin, Gaspard Monge, de la planche à dessin aux lignes de courbures, in De la Méthode, ed M. Serfati. Presses Universitaires Franc-Comtoises.
[14] Simonin, Traité élémentaire de la coupe des pierres ou art du trait (1792). Admirez les magnifiques gravures !
[15] Joël Sakarovitch, Épures d’architecture. De la coupe des pierres à la géométrie descriptive XVIe-XIXe, Birkhäuser, Basel, Boston, (1996),
dont on peut lire des extraits ici.
[16] Gaspard Monge, Petit traité des ombres à l’usage de l’École du génie (Notes prises par un élève de Monge).
[17] Par exemple, pour une amplitude de 30 degrés la période d’oscillation est supérieure de 2% à la période pour une amplitude très petite. Voir par exemple ceci pour plus de détails.
[18] Imaginez un point sur un cercle, par exemple la valve d’une roue de vélo.
Lorsque le vélo roule, la valve décrit une cycloïde.
Cette courbe a déjà été évoquée dans Images des Maths, ici et là.
Voir aussi cette animation.
[19] Leonhard Euler, Recherches sur la courbure des surfaces, Mémoires de l’académie des sciences de Berlin 16, (1767),119-143.
[20] Leonhard Euler, De solidis quorum superficiem in planum explicare licet,
Novi Commentarii academiae scientiarum Petropolitanae 16, (1772), 3-34.
[21] Le Trésor de la langue française montre toute la richesse du mot développer.
Malheureusement, comme souvent dans les dictionnaires, le sens mathématique du mot est quelque peu défiguré.
On lit : GÉOM., ARCHIT. Représenter (faire apparaître en les étalant) sur un plan toutes les surfaces d’un corps solide. Développer un cône, un cube. Synon. projeter.
Plus loin, le TLF cite Monge pour la première utilisation du mot développable en géométrie : Spéc., géom. Surface développable. Qui peut être projetée (sur une surface plane) (cf. Hadamard, Géom. espace, 1921, p. 567). Un cône est développable (Boissier 1975). − [devlɔpabl̥]. Pour [ε] ouvert à l’initiale ds DG, cf. développer. − 1res attest. a) 1799 géom. surface développable (Monge, Géom. des., p. 124);
[22] Le mot latin explicare n’est-il pas joli pour signifier à la fois déployer, dérouler, retirer les plis, et expliquer ?
[23] Gaspard Monge, Mémoire sur les propriétés de plusieurs genres de surfaces courbes, particulièrement sur
celles des surfaces développables avec une Application à la Théorie des Ombres et des Pénombres. Mém.
Div. Sav., t. 9, (1780), 382-440.
[24] A vrai dire, ni Euler ni Monge ne le démontrent mais ils en semblent convaincus...
[25] Ce n’est pas tout à fait vrai !
Un cône par exemple est une surface réglée dont les règles sont les génératrices et il est bien clair que ces génératrices ne sont pas les tangentes à une courbe de l’espace. Il se trouve que les cônes et les cylindres sont en quelque sorte des exemples «dégénérés» de surfaces développables.
[26] La terminologie «consécutif» pourra choquer plus d’un lecteur contemporain mais elle était courante au dix-huitième siècle.
Les lecteurs pointilleux pourront exprimer cela en termes précis de calcul différentiel, s’ils connaissent ce calcul, et surtout s’ils le jugent utile.
[27] Une surface peut être plus ou moins lisse et les mathématiciens disposent aujourd’hui de nombreuses «échelles de régularité». Les surfaces les plus régulières sont appelées «analytiques» : ce sont celles considérées par Euler et Monge. A l’autre extrémité, les plus «rugueuses» sont de nature fractale : ce sont les objets popularisés par Mandelbrot.
Entre ces deux extrêmes, une grande quantité d’indicateurs de régularité existent. Une surface peut être une fois différentiable, deux fois, etc... Tout cela fait la joie des analystes.
[28] A vrai dire, si on observe bien une feuille chiffonnée, on constate qu’elle contient tout de même des zones régulières, qui sont donc de petits morceaux de surfaces réglées
[29] Ce n’est peut-être pas évident pour le lecteur ! La projection de cette surface sur le tronc de cône, parallèlement à l’axe vertical est ce qu’on appelle une isométrie.
La longueur d’une courbe tracée sur la surface est la même que celle de sa projection sur le cône.
Cela résulte du fait que les angles sont $+45°$ et $-45°$.
Le fait que le cône soit développable entraîne alors que la surface en question l’est également.
[30] Lors de la conférence, j’ai montré quelques-unes de ces images mais je laisse la primeur de leur publication à leurs auteurs. Voir ce site.
[31] Nicolas de Condorcet, Sur les déblais et les remblais, Histoire de l’Académie royale des sciences avec les mémoires de mathématique et de physique tirés des registres de cette Académie (1781), 34-38.
[32] Un domaine du plan ou de l’espace est convexe si, lorsqu’il contient deux points, il contient également le segment qui les joint.
Cela signifie qu’il ne possède pas de «fjords» rentrants.
[33] Aujourd’hui, cela ferait plus de 3000 normaliens !
[34] Cet article 11 n’est malheureusement plus en vigueur.
[35] Jean Dhombres (ed.), L’École Normale de l’an III. Tome I, Leçons de mathématiques : édition annotée de Laplace, Lagrange et Monge, Dunod, « Librairie du bicentenaire de la Révolution française », Paris, 621 pages.
[36] Charles-François-Antoine Leroy,
Traité de stéréotomie : comprenant les applications de la géométrie descriptive à la théorie des ombres, la perspective linéaire, la gnomonique, la coupe des pierres et la charpente, avec un atlas composé de 74 planches in-folio. I. Texte. - In-4, XVI-396 p. Les planches (magnifiques) sont ici.
[37] Sabine Lubliner-Mattatia, Monge et les objets d’art d’Italie, Bulletin de la Sabix.
[38] Fabrice Mattatia, Monge et le parmesan, Bulletin de la Sabix.
[39] Aujourd’hui, le président de l’Académie des Sciences, lorsqu’il siège dans la grande salle des séances de l’Institut, est entouré par deux bustes : ceux de Monge et de Napoléon.
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Para citar este artículo:
Étienne Ghys — «Gaspard Monge» — Images des Mathématiques, CNRS, 2011
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Gaspard Monge
le 24 de diciembre de 2011 à 10:50, par Bernard Hanquez
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