L’entrée de Joseph Kampé de Fériet à l’Académie des sciences (1954) : un cas atypique

Piste verte Le 26 janvier 2022  - Ecrit par  Antonietta Demuro Voir les commentaires

Où un rapport de candidature permet d’appréhender les dynamiques de carrières et traditions mathématiques rivales en mécanique des fluides.

Spécialiste d’ordre international en mécanique des fluides, Joseph Kampé de Fériet (1893-1982) fut nommé membre correspondant de l’Académie des Sciences le 14 juin 1954 dans la section de mécanique. N’étant ni normalien, ni polytechnicien, ni même agrégé en mathématiques, et avec une carrière passée entièrement à la faculté des sciences de Lille, sa nomination à l’Académie contraste avec le profil des autres mathématiciens de sa génération qui sont membres de la section de mécanique. De plus, le rapport sur sa candidature rédigé par Henri Villat, mathématicien de tout premier plan et patron de la mécanique des fluides de l’entre-deux-guerres, ne rend pas mérite à sa valeur scientifique.

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Joseph Kampé de Fériet (1893-1982)
Archives de l’Académie des sciences

Dans cet article, nous chercherons à élucider pourquoi le mathématicien Joseph Kampé de Fériet fut nommé à l’Académie des sciences malgré son parcours atypique. Son entrée dans cette institution sera analysée selon quatre perspectives différentes. La première décrit la vie scientifique et institutionnelle du mathématicien Henri Villat, rédacteur du rapport sur la candidature de Kampé de Fériet et figure tutélaire de la mécanique des fluides française de l’entre-deux-guerres. Ce mathématicien détenait un pouvoir institutionnel considérable dans l’Académie des sciences, dans les jurys de thèse, dans les politiques éditoriales ainsi que dans les échanges entre la France et la communauté internationale de la mécanique des fluides.

La deuxième perspective présentera les acteurs de la section de mécanique de l’Académie des sciences en 1954, au moment de l’entrée de Kampé de Fériet dans cette section, ce qui nous permet d’illustrer le paysage institutionnel et scientifique de la mécanique des fluides en France durant le XXe siècle. Dans cette partie, nous ferons le choix de contextualiser le paysage français dans un cadre plus large représenté par la communauté internationale de mécanique des fluides dans laquelle les membres de la section de mécanique interagissent. A ce propos, nous présenterons deux personnalités de premier plan au sein de cette dimension internationale, élus membres correspondants étrangers à l’Académie des Sciences : Geoffrey Taylor et Theodore von Kármán. Leurs travaux scientifiques, en plus qu’être source d’inspiration pour les recherches de Kampé de Fériet, font ressortir quelques caractéristiques de la mécanique des fluides du XXe siècle, caractérisée par des tensions et rapprochement entre théorie et pratique.

La troisième perspective se focalisera sur notre mathématicien, Joseph Kampé de Fériet : sa carrière intégralement passée à Lille, ses travaux mathématiques et pratiques sur la théorie de la turbulence, ses (faibles) contacts scientifiques avec Henri Villat et sa reconnaissance à l’international, notamment aux États-Unis. Enfin, dans la quatrième perspective, nous éluciderons les raisons de sa nomination à l’Académie des sciences en soulignant l’existence, en mécanique des fluides, de traditions mathématiques et de trajectoires professionnelles différentes.

Henri Villat : le patron de la mécanique des fluides

Pendant les années vingt, le développement de l’aviation et le besoin de promouvoir la recherche aéronautique et aérodynamique amènent à la création d’un ministère de l’Air, de quatre instituts de mécanique des fluides à Lille, Marseille, Paris et Toulouse, ainsi que de quelques chaires de mécanique des fluides (Caen, Lyon, Nantes, Poitiers et Strasbourg). C’est à l’ingénieur et constructeur aéronautique Albert Caquot (1881-1976), que le ministère de l’Air confie la mission de fonder ces instituts et de mettre en place un programme national de développement de l’enseignement et de la recherche académiques en mécanique des fluides théorique, expérimentale et pour l’aviation. En impliquant des mathématiciens, des physiciens et des ingénieurs ayant des parcours professionnels différents, ces centres de mécanique des fluides consacrent leur activité à l’enseignement et à la recherche de la mécanique des fluides en liaison avec l’université, l’industrie locale et l’aéronautique.

L’Institut de mécanique des fluides de Paris est dirigé par le mathématicien Henri Villat (1879-1972), le patron de la mécanique des fluides de l’entre-deux-guerres (Gispert & Leloup, 2009). Son pouvoir institutionnel est déjà bien consolidé avant la création des instituts de mécanique des fluides. Normalien (1899), Villat soutient sa thèse en mécanique des fluides Sur la résistance des fluides en 1911. En s’appuyant sur la théorie moderne des équations intégro-différentielles et des variables complexes, son objectif est de développer, d’un point de vue mathématique et rigoureux, les résultats concernant la théorie de la résistance d’un fluide obtenus par le mathématicien italien Tullio Levi-Civita [1]. Ces travaux constituaient un des sujets majeurs des vingt premières années du XXe siècle et visaient à mettre en défaut le paradoxe de d’Alembert [2], qui a produit plusieurs obstacles dans la compréhension du problème de la résistance d’un fluide et dans ses applications allant des écoulements fluviaux du XVIIIe et XIXe siècle aux problèmes aéronautiques. Après sa thèse et ses expériences à Caen et à Montpellier, il est nommé professeur de mécanique rationnelle à la faculté des sciences à Strasbourg (1919). Dans cette ville, il renforce ses relations avec le milieu mathématique parisien en organisant le Congrès international des mathématiciens (1920) [3] et obtient des postes importants dans l’édition scientifique : rédacteur et puis directeur du Journal de mathématiques pures et appliquées (1921), directeur des Nouvelles annales de mathématiques (1922), et fondateur de deux collections, le Mémorial des sciences mathématiques et le Mémorial des sciences physiques (1925).

Durant l’entre-deux-guerres, Henri Villat quitte Strasbourg pour rejoindre Paris, où la mécanique des fluides est en plein essor suite à la création d’une première chaire en 1923. La réputation acquise à Strasbourg lui permet de devenir en 1927 titulaire de la chaire de mécanique des fluides de Paris, où il succède à Paul Painlevé. Quelques années plus tard, il dirigera l’Institut de mécanique des fluides de Paris (1929) et sera nommé professeur de l’École nationale supérieure d’aéronautique (1930). C’est dans ce contexte qu’Henri Villat détient un pouvoir institutionnel important dans le milieu français de mécanique des fluides durant l’entre-deux-guerres.

Depuis sa chaire à l’Institut de Paris, il fonde une véritable école mathématique de mécanique des fluides et exerce un pouvoir décisionnel sur les politiques éditoriales, sur les échanges entre la France et l’étranger, mais aussi sur le choix des titulaires des diverses chaires de mécanique des fluides des universités de province, et enfin sur les programmes d’enseignement suivis dans les divers instituts. Son rôle est également dominant au sein des jurys de thèse concernant des travaux de mécanique des fluides réalisés par des mathématiciens et par des ingénieurs.

D’un point de vue scientifique, ses travaux poursuivent et développent les sujets abordés dans sa thèse : théorie de la résistance d’un fluide parfait autour d’un obstacle, théorie des sillages, étude des tourbillons et des fluides visqueux. Henri Villat sera élu membre de la section de mécanique de l’Académie des sciences en 1932.

La section de mécanique de l’Académie des sciences en 1954

Les membres et les membres correspondants

Au premier janvier 1954, quelques mois avant l’entrée de Kampé de Fériet à l’Académie des sciences, la section de mécanique comprend des mathématiciens, des physiciens et des ingénieurs qui ont joué un rôle institutionnel et scientifique de premier plan dans la mécanique des fluides de l’entre-deux-guerres [4]. Appartenant à la division des sciences mathématiques de l’Académie [5], cette section reflète le monde mathématique académique de l’époque, caractérisé par la présence dominante de normaliens et de polytechniciens qui détiennent un pouvoir institutionnel important au sein de la faculté des sciences de Paris, de l’École normale supérieure, de l’École polytechnique et du Collège de France [6].

La majorité des académiciens de la section de mécanique ont commencé leur carrière dans des facultés de province avant d’obtenir un poste à Paris, et sont proches d’Henri Villat. Comme lui, quelques membres de la section de mécanique sont des normaliens arrivés à l’Institut de mécanique des fluides de Paris [7], après quelques années passées dans les facultés de province. Après son expérience à la faculté des sciences de Lille en tant que professeur de mécanique, Henri Béghin (1876-1969), connu pour son compas gyrostatique pour le pilotage automatique en navigation aérienne, devient assistant de Villat et maître de conférences de mécanique à l’Institut de mécanique des fluides de Paris. Il est élu membre de la section de mécanique de l’Académie en 1946. Joseph Pérès (1890-1962), membre de la section de la mécanique depuis 1942, est un autre normalien qui rejoindra l’Institut de Paris après quelques années de direction à l’Institut de mécanique des fluides de Marseille.

Toujours appartenant au milieu parisien de la mécanique des fluides, on trouve Albert Caquot (1881-1976), Jean Leray (1906-1998) et Maurice Roy (1899-1985), élus membres de la section de mécanique respectivement en 1934, en 1953 et en 1949. Jean Leray, normalien et étudiant d’Henri Villat, quitte la faculté des sciences de Nancy pour devenir professeur au Collège de France. Maurice Roy, issu de l’École polytechnique et ingénieur des mines, est professeur de mécanique du vol à l’École Supérieure d’Aéronautique de Paris et directeur général de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) de 1949 à 1962.

En ce qui concerne les membres correspondants de la section de mécanique, deux normaliens proches de Villat, René Thiry (1886-1968) et Georges Bouligand (1889-1979), enseignent à la faculté des sciences de Paris alors que Dimitri Riabouchinski (1882-1962), mathématicien d’origine russe de réputation internationale, organise à l’Institut de mécanique des fluides de Paris de nombreuses conférences permettant de nouer des liaisons scientifiques entre mathématiciens russes et mathématiciens français, comme décrit dans (Fontanon, 2017). Parmi les rares mathématiciens de province qui ne passeront pas par Paris, nous pouvons mentionner Léopold Escande (1902-1980), qui restera à Toulouse et prendra la direction de l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse en 1941 [8]. En 1954, Escande est élu membre non-résident de l’Académie et c’est sa place, devenue vacante, qui sera alors donnée à Kampé de Fériet.

Geoffrey Taylor et Theodore von Kármán : deux spécialistes internationaux de la théorie de la turbulence dans la section de mécanique

Parmi les membres correspondants étrangers de l’Académie, deux spécialistes ont contribué à la construction de la communauté internationale en mécanique des fluides durant l’entre-deux-guerres : Geoffrey Taylor et Theodore von Kármán.

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Geoffrey Taylor (1886-1975) et Theodore von Kármán (1881-1963)
(source : MacTutor History of Mathematics Archive)

Pendant l’entre-deux-guerres, le physicien Taylor travaille sur ses recherches de mécanique des fluides et de mécanique des solides au Trinity College à Cambridge. Son statut de Yarrow Research Professor de la Royal Society lui permet de consacrer entièrement ses activités à la recherche, sans dispenser des enseignements. Après avoir entrepris une thèse sous la direction de Ludwig Prandtl à Göttingen, von Kármán est nommé directeur de l’Institut d’aéronautique de l’Université technique d’Aix-la-Chapelle. D’origine juive, il quitte l’Allemagne en 1930 pour émigrer aux États-Unis où il accepte la direction du Guggenheim Aeronautical Laboratory du California Institute of Technology (GALCIT). Cet institut devient progressivement un pôle d’aérodynamique international. Il attire de nombreux chercheurs étrangers et poursuit la tradition allemande de l’école d’ingénieurs de Prandtl : consolidation de la formation mathématique des ingénieurs et renforcement de leurs collaborations avec les mathématiciens et les physiciens ainsi que des liens avec l’industrie et les militaires. Avec Tullio Levi-Civita, von Kármán est aussi l’un des organisateurs des premières rencontres internationales sur la mécanique appliquée qui donneront lieu, vers les années 1920, à la création de l’International Congress of Applied Mechanics (ICAM) [9]. Organisés tous les quatre ans dans une ville différente, les ICAM permettaient aux spécialistes de la mécanique des fluides d’échanger sur les idées. C’est le début de la communauté internationale de mécanique des fluides.

Taylor et von Kármán ont joué un rôle fondamental dans le développement de la mécanique des fluides du XXe siècle du point de vue théorique et expérimental. L’histoire de ce domaine contient de nombreux exemples de tensions entre théorie et pratique. D’une part, les mathématiciens se sont concentrés sur les équations théoriques du mouvement des fluides, d’abord non visqueux puis visqueux. Ces équations, appelées équations de Navier-Stokes, ne peuvent être résolues que dans des cas très simple d’écoulements de fluide non turbulent. D’autre part, les ingénieurs ont longtemps été impuissants à vérifier ces équations d’un point de vue expérimental et ont ainsi utilisé des formules empiriques traditionnelles dans les applications pratiques de la mécanique des fluides, parfois limitantes [10].

Depuis la fin du XVIIIe siècle, on voit néanmoins des cas où certaines prédictions théoriques sont vérifiées d’un point de vue expérimental, surtout dans le contexte des fluides visqueux. Mais c’est à partir du XXe siècle que le rapprochement de la théorie et la pratique devient progressivement plus visible grâce à l’émergence de l’aviation, au développement de la météorologie et aux problèmes nouveaux concernant le mouvement de l’air. Les écoulements autour des avions sont turbulents, tout comme certains mouvements atmosphériques. L’étude des écoulements turbulent devient donc, durant l’entre-deux-guerres, un sujet majeur.

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Préparation d’une campagne d’aérologie à l’aide d’un cerf-volant au Cap Gris-nez – Côte d’opale
Archives de l’ONERA Lille, Fonds Kampé de Fériet, Lille. © IMFL - ONERA Lille.

Un problème fondamental : la turbulence

Dans les équations de Navier-Stokes la vitesse de l’écoulement d’un fluide turbulent u est décomposée en la somme de la vitesse moyenne $\overline {u}$ et de la vitesse turbulente $\acute {u}$. La vitesse turbulente $\acute {u}$ est alors étudiée comme l’ensemble de fluctuations rapides (quelques centaines par seconde) et irrégulières de la vitesse autour de la vitesse moyenne $\overline {u}$ du fluide. L’enjeu majeur est de mesurer et analyser ces fluctuations. C’est dans ce contexte que Taylor inaugure, entre 1920 et 1940, une théorie de la turbulence fondée sur la description statistique des écoulements turbulents. Afin de décrire les fluctuations irrégulières de la vitesse, Taylor emprunte à la statistique la fonction de corrélation pour étudier la corrélation entre deux valeurs de la vitesse en deux instants successifs. Le phénomène turbulent peut être vu comme un transfert continu d’énergie cinétique du tourbillon plus grand (à l’échelle la plus grande) aux tourbillons plus petits (aux échelles immédiatement inférieures) où les effets de viscosité gagnent sur les effets de l’énergie cinétique et causent la dissipation du tourbillon. Dans ce mécanisme, il introduit le concept de spectre de la turbulence pour pouvoir étudier la répartition de l’énergie sur toutes les échelles des différents tourbillons. Enfin, l’hypothèse d’isotropie (fluctuations de la vitesse qui sont les mêmes dans toutes les directions au point de vue statistique), lui permet de simplifier le nombre d’inconnues intervenant dans le problème de la dissipation des tourbillons. Ces résultats seront développés et généralisés par von Kármán.

Voir également l’article d’Isabelle Gallagher

La théorie de Taylor et von Kármán représente une volonté de certains spécialistes de la mécanique des fluides de l’époque de construire des théories mathématiques les plus proches possible de l’expérimentation et des problèmes concrets de l’aéronautique. Les fluctuations de la vitesse en deux instants successifs pouvaient être mesurées grâce à des anémomètres toujours plus précis. La turbulence isotrope produite artificiellement en soufflerie permettait de simplifier le problème et de favoriser un accord entre résultats théoriques et expérimentaux. La théorie statistique de la turbulence de Taylor et de von Kármán sera acceptée et utilisée par les ingénieurs et par les mathématiciens. Elle sera développée et généralisée principalement en Allemagne, aux États-Unis, en Grande Bretagne, aux Pays Bas et en France.

Le parcours de Kampé de Fériet

De sa thèse sous la direction de Paul Appell à la direction de l’IMFL à Lille

Joseph Kampé de Fériet a soutenu sa thèse en 1915 à la Sorbonne sous la direction de Paul Appell. Dans cette thèse d’analyse, il développe les idées de son maître sur les fonctions hypergéométriques et hypersphériques, des fonctions spéciales qui trouvent des applications dans la physique mathématique. Les travaux sur ces fonctions sont poursuivis jusqu’à la fin des années 1930. L’ouvrage d’environ 430 pages réalisé en collaboration avec Paul Appell, Fonctions hypergéométriques et hypersphériques (1926) recueille une grande partie des travaux des deux mathématiciens sur le sujet.

Après un stage à l’Observatoire de Paris, il est mobilisé à la Commission de Gâvre pendant la première guerre mondiale. Comme d’autres mathématiciens mobilisés dans cette institution militaire [11], il applique ses connaissances d’analyse et de mécanique céleste dans le contexte de l’étude du mouvement d’un projectile en balistique. Durant sa mobilisation à Gâvre, Kampé de Fériet se familiarise avec la mécanique des fluides, domaine dont il deviendra après la guerre un spécialiste d’ordre international. Ses premiers écrits sur la mécanique des fluides semblent se trouver dans une note manuscrite intitulée Quelques remarques suggérées par l’hydrodynamique (1918), où il utilise un problème d’hydrodynamique d’Henri Villat pour déterminer la loi de la résistance de l’air à proximité du sol. Sa première publication dans ce domaine remonte à 1929 et vise à développer quelques résultats de la théorie de la résistance des fluides d’Henri Villat.

En 1919, Kampé de Fériet est nommé maître de conférences de mécanique rationnelle à la faculté des sciences de Lille et professeur de mécanique à l’IDN. Dix ans plus tard, il devient professeur de mécanique des fluides à la faculté des sciences et premier directeur de l’Institut de mécanique des fluides de Lille (IMFL). Il passera toute sa carrière dans cette ville, jusqu’à sa retraite en 1964.

L’expérience de Kampé de Fériet à Gâvre a permis à ce mathématicien de réorienter ses recherches vers la mécanique des fluides, en quittant progressivement ses études sur les fonctions hypersphériques. Son premier contact avec les questions expérimentales dans ses contributions de balistique marquera la carrière de Kampé de Fériet, qui continuera à entreprendre des travaux expérimentaux après la guerre, toujours en liaison avec la photographie et la cinématographie. En tant que directeur de l’IMFL, il travaille avec son équipe pour mettre au point une technique d’enregistrement des mouvements des nuages. Ces techniques se révèleront utile dans la réalisation des prises de vue du ciel et dans l’étude des conditions météorologiques lors des campagnes aérologiques organisées par la Commission de la Turbulence Atmosphérique, dont il est membre depuis 1935 [12].

Ses recherches mathématiques en mécanique des fluides, quant à elles, portent principalement sur les écoulements turbulents. Il s’intéresse aux recherches internationales sur ce sujet dans les années 1930, après avoir effectué quelques travaux d’hydrodynamique sur l’étude des solutions exactes des équations du mouvement d’un fluide visqueux et sur la théorie de la résistance des fluides. Pendant l’entre-deux-guerres, l’analyse statistique des fluides turbulents de Taylor et de von Kármán et le développement de nouvelles théories en calcul des probabilités [13] avaient ouvert la voie à des nouvelles manières d’étudier les écoulements turbulents faisant recours à de nouveaux outils mathématiques.

Kampé de Fériet, par exemple, s’appuie sur la théorie des fonctions aléatoires [14] des mathématiciens russes Slutsky, Khintchine et Kolmogorov et sur les analogies avec le mouvement brownien pour donner une interprétation probabiliste à la théorie statistique de la turbulence de Taylor et de von Kármán. Si Taylor et von Kármán étudient les propriétés statistiques du mouvement du fluide (fonction de corrélation, spectre, etc.) en prenant en compte l’étude d’une seule trajectoire u(t) d’une particule de fluide, Kampé de Fériet étudie ces propriétés en prenant en compte l’ensemble probabilisé de toutes les trajectoires u(t) possibles de cette particule. Son but est de donner une formulation mathématique générale à la théorie de Taylor–von Kármán. Ses principales contributions dans ce sens-là concernent le problème de la diffusion, la température d’un fluide turbulent, le spectre de la turbulence, l’analyse du concept de moyenne. Ces travaux gagneront en maturité après que Kampé de Fériet aura quitté l’IMFL, en 1946.

Les rapports scientifiques entre Henri Villat et Kampé de Fériet

Pendant l’entre-deux-guerres, les échanges entre Villat et Kampé de Fériet restent embryonnaires. Admiré par des probabilistes français comme Paul Lévy et Maurice Fréchet, Kampé de Fériet semble être peu connu au sein du milieu parisien de la mécanique des fluides. Les liens scientifiques et institutionnels entre Kampé de Fériet et Villat se limitent à quelques lettres concernant sa candidature à l’Académie des sciences et à une lettre de réponse à Villat, qui lui avait proposé de rééditer un article de Paul Appell sur les fonctions hypergéométriques dans son Mémorial. Le seul point de convergence entre les deux mathématiciens semble résider dans les premiers travaux d’hydrodynamique de Kampé de Fériet qui développent les résultats d’Henri Villat sur la théorie de la résistance d’un fluide parfait. A partir de 1933, ces travaux seront complétement abandonnés pour aborder la théorie statistique de la turbulence. Dans ce contexte, les travaux d’Henri Villat et de Kampé de Fériet montrent deux traditions mathématiques bien différentes dans la mécanique des fluides de l’époque.

En poursuivant ses recherches entamées dans sa thèse, la mécanique des fluides d’Henri Villat se fonde sur les théories modernes de l’analyse, sur la rigueur mathématique et sur l’étude des solutions exactes de quelques problèmes d’hydrodynamique concernant la théorie de la résistance d’un fluide autour d’un obstacle, les fluides visqueux et les tourbillons. Son souci de consolider les principes mathématiques de ses théories s’oppose à l’hydrodynamique « rudimentaire » des physiciens et des ingénieurs (Tazzioli, 2016, p. 283), trop proche de l’expérimentation et des questions pratiques de l’aéronautique. Ses efforts se focalisent surtout sur la fondation d’une école mathématique capable de rivaliser l’école allemande de Ludwig Prandtl (1875-1953).

Cet ingénieur allemand avait élaboré à Göttingen une théorie de la résistance des fluides (la théorie de la couche limite) appréciée à la fois par les mathématiciens et par les praticiens et qui pouvait être utilisée pour étudier les effets aérodynamiques sur des profils alaires. La volonté de créer des théories mathématiques dont les résultats sont en accord avec les tests expérimentaux dans les laboratoires se trouve également, comme nous avons vu dans les sections précédentes, dans la théorie statistique de la turbulence de Taylor- von Kármán.

En d’autres termes, l’école de Villat insiste sur l’importance de consolider les bases mathématiques de la mécanique des fluides, en donnant la priorité à la rigueur des résultats théoriques plutôt qu’à leur applicabilité au niveau expérimental. Au contraire, pour l’école de Prandtl, l’école de von Kármán et Taylor, les mathématiques ne sont pas l’objectif mais sont vues comme un outil permettant d’élaborer des théories qui peuvent être vérifiées et appliquées dans leurs laboratoires d’aérodynamique. Dans ce contexte, l’approche probabiliste de Kampé de Fériet se rapproche davantage de celle des écoles des physiciens et des ingénieurs des pays voisins que de celle de Villat.

En s’intéressant aux questions pratiques concernant l’atmosphère et en traduisant la théorie statistique de la turbulence en langage aléatoire, Kampé de Fériet est convaincu que le calcul des probabilités peut faire progresser l’interprétation des faits expérimentaux. Peu intégré au milieu français, ses travaux sont en revanche très appréciés à l’étranger, en particulier aux États-Unis. Ses missions à l’université de Harvard, à l’Institute of Aeronautical Sciences de New York, au MIT et à CALTECH sont fréquentes.

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Missions de Kampé de Fériet aux États-Unis, 1938
Archives de l’ONERA Lille, Fonds Kampé de Fériet, Lille. © IMFL - ONERA Lille.

Dans ces universités, il donnera des cours, diffusera ses idées et fera partie de plusieurs comités d’aérodynamique. La correspondance entre Kampé de Fériet et von Kármán conservée dans les Archives de Caltech [15] permet de reconstruire, au moins dans les grandes lignes, son insertion au sein du milieu américain de mécanique des fluides autour de von Kármán. Peu connu au sein du milieu parisien centré sur Henri Villat mais apprécié dans un contexte international pour ses recherches sur la turbulence : en quoi ces éléments nous permettent de comprendre la nomination atypique de Kampé de Fériet à l’Académie des sciences ?

L’entrée de J. Kampé de Fériet à l’Académie des sciences

Un candidat atypique

L’entrée de Kampé de Fériet à l’Académie des sciences surprend d’abord par la nature du rapport sur sa candidature rédigé par Henri Villat le 31 mai 1954 [16]. Long de seulement quatre pages, ce texte ne rend pas justice à la valeur scientifique du mathématicien. En particulier, il n’aborde pas tous les aspects de son travail en mécanique des fluides que nous venons d’aborder dans cet article. Cela n’est cependant pas surprenant si on pense aux faibles relations institutionnelles et scientifiques entre Villat et Kampé de Fériet.

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Rapport sur la candidature de Joseph Kampé de Fériet rédigé par Henri Villat
Archives de l’Académie des sciences, dossier Kampé de Fériet

Le rapport sur sa candidature se focalise principalement sur ses contributions en mathématiques pures, considérées comme des recherches formant « les maillons d’une chaîne continue destinée à construire les outils nécessaires au développement de la science des milieux déformables [17] ». Après avoir mentionné ses premières recherches sur les fonctions hypergéométriques et hypersphériques conduites avant la première guerre mondiale, Villat met l’accent sur ses travaux de mécanique des fluides. Bien que de manière non détaillée, Villat présente principalement ses travaux rigoureux d’un point de vue mathématique conduits surtout après la seconde guerre mondiale, notamment sur ses applications de l’algèbre abstraite et de l’analyse harmonique à la théorie de la turbulence, et sur la mécanique statistique. Quant à la période de l’entre-deux guerres (y compris les deux guerres mondiales), ses contributions théoriques et expérimentales en mécanique des fluides sont rapidement mentionnées ainsi que son rôle en tant que premier directeur de l’Institut de Mécanique des Fluides de Lille entre 1929 et 1945.

Son engagement pendant la première guerre mondiale à la Commission de Gâvre et ses travaux de balistique ne sont pas mentionnés. On ne trouve rien non plus sur son rôle au sein de la Commission de la Turbulence Atmosphérique, ou sur ses relations au sein de la communauté internationale de mécanique des fluides, ni même à propos de ses activités pendant la seconde guerre mondiale où l’IMFL s’est replié à Toulouse.

Un autre élément qui rend Kampé Fériet un candidat atypique est son entrée à l’Académie des sciences en tant que non normalien et avec une carrière développée entièrement dans une faculté de province. Cette entrée a été néanmoins tardive. Kampé de Fériet devient membre correspondant en 1954, plus tard que les mathématiciens de sa génération qui, comme lui, sont devenus docteurs avant la guerre et ont participé activement à la mobilisation scientifique de la première guerre mondiale. C’est le cas, par exemple, d’Ernest Esclangon (normalien, entrée à l’Académie en 1929), Jules Haag (normalien, entrée à l’Académie en 1933), d’Arnaud Denjoy (normalien, entrée à l’Académie en 1942), de Jean Chazy (normalien, entrée à l’Académie en 1937), mobilisés comme Kampé de Fériet à la Commission de Gâvre.

Ces mathématiciens sont tous élus académiciens avant la fin de la seconde guerre mondiale alors que Kampé de Fériet devra attendre les années 1950. Il est possible d’expliquer ce décalage : à l’exception de Jules Haag qui fondera l’institut de chronométrie à Besançon en 1927, ces mathématiciens sont nommés professeurs à la faculté des sciences de Paris dès avant la fin de la seconde guerre mondiale, ce qui aurait favorisé leur nomination à l’Académie des sciences. Esclangon est nommé directeur de l’Observatoire de Paris en 1929, après une dizaine d’années de direction de l’Observatoire de Strasbourg. En 1925, Chazy quitte la faculté des sciences de Lille et l’Institut Industriel du Nord de Lille pour accepter un poste à la Sorbonne en tant que professeur de mécanique analytique. Denjoy, spécialiste de théorie des fonctions analytiques, débute sa carrière à la faculté des sciences de Paris en 1922 et y deviendra professeur de calcul différentiel et intégral en 1933. Ces mathématiciens sont aussi tous normaliens contrairement à Kampé de Fériet.
Au-delà de ces différences de parcours, il ne faut pas oublier que l’entrée d’un savant à l’Académie des sciences dépend également du nombre des postes vacants disponibles.

Les raisons du succès

D’après le rapport sur la candidature de Kampé de Fériet rédigé par Henri Villat, l’entrée de Kampé de Fériet à l’Académie semble être justifiée surtout par ses contributions mathématiques à la théorie de la turbulence et à la mécanique statistique réalisée à partir des années 1940. Cependant, si on suit de plus près son parcours scientifique, on voit que d’autres raisons peuvent expliquer son entrée à l’Académie. Même si les relations avec les spécialistes de la mécanique des fluides à la Sorbonne restent embryonnaires, les contacts avec le milieu mathématique parisien ne sont pas inexistants. Kampé de Fériet a rédigé une thèse de doctorat à la Sorbonne sous la direction de Paul Appell, avec lequel il publie quelques travaux sur les fonctions hypergéométriques et hypersphériques.

Pendant sa mobilisation à la Commission de Gâvre, il envoie ensuite ses notes de balistique à la commission balistique de l’Académie des sciences. Cette commission, née en 1914, représentait la mobilisation de l’Académie dans le conflit et donnait un support scientifique aux recherches de la guerre de la Défense Nationale. Elle était composée par Paul Painlevé, Paul Appell, Jacques Hadamard, Léon Lecornu et Joseph Boussinesq. En dirigeant son attention vers une approche probabiliste de la théorie statistique de la turbulence, Kampé de Fériet échange avec Maurice Fréchet. Il participe aux séminaires de calcul des probabilités de l’Institut Henri Poincaré (IHP) où il tient les probabilistes français au courant de ce qu’il apprend lors de ses séjours aux États-Unis [18]. Une autre raison repose sur la reconnaissance internationale de ces recherches que, comme nous avons vu précédemment, sont appréciées à l’étranger, en particulier au sein du milieu américain autour de von Kármán.

Conclusion

En 1954, la section de mécanique de l’Académie des sciences est caractérisée par une présence prédominante de normaliens et d’anciens élèves polytechniciens proches d’Henri Villat, le patron de la mécanique des fluides de l’entre-deux-guerres. Cette section comprend également plusieurs membres correspondants étrangers qui ont contribué au progrès théorique et pratique de la mécanique des fluides à échelle internationale (Taylor et von Kármán).

Dans un contexte où le centralisme parisien continue de persister, l’entrée de Kampé de Fériet dans la section de mécanique constitue un cas exceptionnel, qui contraste avec la plupart des autres membres et membres correspondants de cette section. Contrairement à ces académiciens, il n’est ni normalien, ni polytechnicien, ni agrégé en mathématiques et développe sa carrière entièrement à la faculté des sciences de Lille. Ses échanges avec Henri Villat restent en outre embryonnaires, ce qui est également lié à leurs divergences d’approches et de sujets en mécanique des fluides.

L’entrée à l’Académie des sciences d’un candidat atypique comme Kampé de Fériet peut néanmoins s’expliquer par la reconnaissance internationale de ses contributions mathématiques à la théorie de la turbulence, dans ses connexions au milieu parisien hors mécanique des fluides et par son insertion au sein de la communauté internationale de la mécanique des fluides.

Bibliographie

Aubin, David (2010). « « Audacity or Precision » : The Paradoxes of Henri Villat’s Fluid Mechanics in Interwar France », Proceedings of the Workshop on the History of Fluid Mechanics, Rauischholzhauschen, 15-18 Octobre 2010.

Aubin, David (2014), « ’I’m Just a Mathematician’ : Why and How Mathematicians Collaborated with Military Ballisticians at Gâvre ». In D. Aubin & C. Goldstein (eds.), The War of Guns and Mathematics : Mathematical Practices and Communities through World War I in France and its Western Allies, p. 307–349, Hist. Math., vol. 42, Amer. Math. Soc., Providence, RI.

Barbut Marc, Locker Bernard et Mazliak, Laurent (2014). Paul Lévy and Maurice Fréchet. 50 Years of Correspondence in 107 Letters. Springer-Verlag London.

Charru, François (2016), « Une histoire de l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse de 1913 à 1970 ». Comptes Rendus Mécanique vol. 345(8), p. 505-544.

Charru, François (2017), L’Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse – 100 ans de recherche, CNRS Editions.

Darrigol, Olivier (2005), Worlds of Flow : A History of Hydrodynamics from the Bernoullis to Prandtl, Oxford University Press.

a et b Demuro, Antonietta (2018), La mécanique des fluides en France durant l’entre-deux-guerres. J. Kampé de Fériet et l’ IMFL. Thèse de doctorat. Université de Lille.

a et b Fontanon, Claudine (2007). « La mécanique des fluides à la Sorbonne entre les deux guerres ». In Comptes Rendus Mécanique vol. 345(8), p. 545-555.

a et b Gispert, Hélène et Leloup, Juliette. (2009). « Des patrons des mathématiques en France dans l’entre-deux-guerres ». Revue d’histoire des sciences, 62(1), p. 39-117.

Tazzioli, Rossana (2016). « The eyes of French mathematicians on Levi-Civita’s work - the case of hydrodynamics ». In F. Brechenmacher, G. Jouve, L. Mazliak & R.Tazzioli (eds), Images of Italian Mathematics in France : The Latin Sisters, from Risorgimento to Fascism, p. 255–288, Birkhäuser, Basel.

Post-scriptum :

Je tiens à remercier vivement Thomas Morel et Sébastien Gauthier pour la relecture de l’article ainsi que pour leurs précieuses remarques qui m’ont aidé à améliorer la qualité de cet article. Merci également à Valentin, Yacine Aggoune et Taladris pour leurs commentaires et suggestions constructives lors de l’édition de cet article.

Article édité par Thomas Morel

Notes

[1Sur l’influence de Levi-Civita sur l’hydrodynamique française des trente premières années voir (Tazzioli, 2016). Sur une analyse du rôle institutionnel et scientifique d’Henri Villat dans le domaine de la mécanique des fluides du XXe siècle voir (Aubin, 2010).

[2Paradoxe de d’Alembert : dans un écoulement à vitesse constante de fluide parfait (absence de viscosité) autour d’un obstacle (un profil d’aile par exemple) la résistance à l’avancement de l’obstacle dans le fluide est nulle. Ce résultat mathématique est paradoxal par rapport à l’expérience car cela signifierait qu’un objet peut se propager dans un fluide sans contrainte s’opposant au mouvement.

[3Le Congrès international des mathématiciens est la plus grande conférence organisée dans le monde mathématique. Organisée par l’International Mathematical Union (IMU), elle a lieu tous les 4 ans et son premier congrès s’est tenu à Zurich en 1897. C’est durant ce congrès que la médaille Fields est remise depuis 1936. Voir le site officiel : https://www.mathunion.org/imu-awards/fields-medal.

[4État de l’Académie des sciences au 1er janvier 1954, CRAS, T. 238, 1954, pp. 5-12.

[5Lieu de prestige et de pouvoir pour la science, l’Académie des sciences se compose de membres, de membres correspondants, d’académiciens libres et d’associés étrangers. Ces membres sont répartis dans les différentes sections de deux divisions de l’Académie : la première division (sciences mathématiques) et la deuxième division (sciences physiques). Avec les sections de géométrie, d’astronomie, de géographie et navigation et physique générale, la section de mécanique fait partie de la division des sciences mathématiques.

[6Voir à ce propos les tableaux 1 et 2 reproduits en annexe de (Gispert & Leloup, 2009). Ces tableaux contiennent la liste des mathématiciens élus et non élus dans la division des sciences mathématiques de l’Académie entre 1914 et 1945.

[7Sur la mécanique des fluides à la Sorbonne, voir les travaux de Claudine Fontanon, par exemple (Fontanon, 2017)

[8Sur le milieu toulousain de la mécanique des fluides, voir les travaux de François Charru, par exemple (Charru, 2016), (Charru, 2017).

[9Après la seconde guerre mondiale, ces congrès évolueront en un organisme permanent appelé IUTAM (Union Internationale des Mécaniques Théoriques et Appliquées), encore existant aujourd’hui et impliquant une cinquantaine de pays.

[10L’histoire de la mécanique des fluides montre également des exemples de tentatives de rapprochement de la théorie à la pratique avant le XXe siècle. Sur l’histoire de la mécanique des fluides du XVIIIe siècle jusqu’au début du XXe siècle voir (Darrigol, 2005).

[11Pendant la première guerre mondiale, de nombreux scientifiques, dont des mathématiciens, furent mobilisés dans diverses institutions militaires afin d’aider les officiers à résoudre plusieurs problèmes militaires, rendus de plus en plus complexes par l’arrivée de l’artillerie lourde et des avions. C’est le cas de la commission de Gâvre, une institution militaire crée en 1829 par le ministère de la Marine et située sur la plage de Gâvre près de Lorient. Sur la mobilisation des mathématiciens dans la Commission de Gâvre voir (Aubin, 2014), (Demuro, 2018, chapitre 1).

[12La Commission de la Turbulence Atmosphérique est une commission créée par le ministère de l’Air en 1935 afin de promouvoir les recherches théoriques et expérimentales sur la turbulence atmosphérique. La Commission comprend quelques spécialistes de la mécanique des fluides des diverses instituts de mécanique des fluides, des membres de l’Office National Météorologique et quelques ingénieurs de l’aéronautique.

[13Sur l’histoire du calcul des probabilités en France pendant le XXe siècle et les influences réciproques entre l’école soviétique et la France (Lévy, Borel, Fréchet) voir par exemple (Barbut, Locker & Mazliak, 2014) et « Le voyage de Maurice Fréchet en Europe de l’Est en 1935 » de Matthias Cléry et Thomas Perfettini.

[14La notion de fonction aléatoire était vue à l’époque comme une généralisation d’une fonction à variable réelle à laquelle on ajoute un comportement aléatoire. Cette notion est aujourd’hui confondue avec la notion de processus stochastique.

[15Archives California Institute of Technology (Caltech) , Papers of Theodore von Kármán, Box/Folder 14.47 et 14.48.

[16Document conservé dans les archives de l’Académie des sciences, dossier Kampé de Fériet.

[17Il s’agit de la mécanique des milieux continus, un domaine de la mécanique qui s’intéresse à la déformation des solides et à l’écoulement des fluides.

[18Sur les contacts scientifiques et institutionnels entre Kampé de Fériet et le milieu mathématique parisien, notamment avec Paul Appell, Maurice Fréchet, Albert Châtelet et la commission balistique de l’Académie des sciences voir ((Demuro, 2018, chapitres 1, 2, 4))

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Pour citer cet article :

Antonietta Demuro — «L’entrée de Joseph Kampé de Fériet à l’Académie des sciences (1954) : un cas atypique» — Images des Mathématiques, CNRS, 2022

Crédits image :

Image à la une - Préparation d’une campagne d’aérologie à l’aide d’un cerf-volant au Cap Gris-nez – Côte d’opale. [Archives de l’ONERA Lille, Fonds Kampé de Fériet], Lille. © IMFL - ONERA Lille.]
Joseph Kampé de Fériet (1893-1982) - Archives de l’Académie des sciences (dossier Kampé de Fériet)
Geoffrey Taylor (1886-1975) - Geoffrey Taylor (source : MacTutor History of Mathematics Archive)
Theodore von Kármán (1881-1963) - Theodore von Kármán (Source : MacTutor History of Mathematics Archive)
Rapport sur la candidature de Joseph Kampé de Fériet rédigé par Henri Villat - Archives de l’Académie des sciences, dossier Kampé de Fériet

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