La balle et la courbe

Piste verte Le 4 août 2012  - Ecrit par  Serge Cantat Voir les commentaires
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En cet été sportif, regardons donc les balles et ballons que nos sportifs préférés manient avec dextérité, mais regardons-les avec des yeux mathématiciens, sans toutefois risquer l’entorse du cerveau ; après tout, ce sont les vacances.

Vous êtes vous déjà demandé quelle était la forme exacte de votre ballon de rugby,
des courbes tracées sur un ballon de basket, ou de celle tracée sur une balle de tennis ? À vrai dire, la question n’est pas très bien posée : cela dépend souvent du fabricant, et les secrets de conception sont bien gardés. Tentons toutefois de nous attaquer au problème.

La balle de ping-pong

Pour cela, commençons par la balle la plus simple, la balle de ping-pong. Elle est toute bête celle-là : un collage circulaire entre deux hémisphères, comme on peut le voir sur la figure suivante.

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Balle de ping-pong

En d’autres termes, la forme globale de cette balle est une sphère : le pourtour de la balle est entièrement situé à une certaine distance du centre de celle-ci, en l’occurrence à vingt millimètres du centre (avant l’an deux-mille, c’était à dix-neuf millimètres, le changement est intervenu pour ralentir le jeu et le rendre plus télévisuel) ; la courbe décrite par la « couture » créée lors de la fabrication est un grand cercle de cette sphère. Pour obtenir un tel grand cercle, on peut couper
la sphère à l’aide d’un couteau dont le plan de coupe passe par le centre de la balle.

Le procédé de construction est bien sûr inverse. Il s’agit en effet de partir des deux hémisphères (deux petites galettes de plastique, initialement), puis de les assembler
en une forme sphérique. Ça a l’air banal, dit comme ça, mais vous pourrez vous rendre compte du nombre d’étapes de fabrication sur le petit film publicitaire
situé ici.

Le ballon de basket

Pour le ballon de basket, nous avons maintenant le choix du modèle. En voici un premier :

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Le ballon de basket sans intérêt.

Ses coutures forment à leur tour des grands cercles, trois exactement, sur une sphère.
Il n’y a pas grand-chose à en dire, si ce n’est que ces cercles passent tous par
deux points communs de la sphère, l’un que l’on voit sur la photo, l’autre caché. Si l’on imagine la droite liant ces deux points, elle passe par le centre de la sphère et est contenue dans les trois plans de coupe correspondant aux trois grands cercles.

Posez votre ballon sur une table en vous assurant que l’un de ces deux points spéciaux est en contact avec la table. L’autre point commun aux trois cercles est alors sur le dessus du ballon ; l’axe joignant les deux points est vertical (perpendiculaire
au plan de la table). Vous pouvez alors couper votre ballon à l’aide d’un très grand couteau, d’abord sur le premier plan de coupe, puis sur le second après avoir fait tourner le ballon d’un tiers de tour, etc. Bref, un peu comme on coupe, parfois, une tomate.

Le second exemplaire que nous regarderons est plus intéressant. En voici deux copies, une bleue, une orange.

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Ballon bleu
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Ballon orange

Ici, les coutures sont situées sur des courbes spéciales. Tous les commentaires que j’ai pu lire s’accordent pour dire que ces courbes sont les suivantes.

  • deux grands cercles qui se croisent à angle droit, comme on le voit bien sur le ballon bleu.
  • deux autres courbes plus alambiquées : ce sont des courbes sphérocylindriques.
    Autrement dit, chacune peut être obtenue en coupant la sphère du ballon avec un cylindre (avec mon ballon de basket, il semble que le diamètre du cylindre soit comparable à celui de la sphère du ballon, mais légèrement plus petit).

Le lecteur curieux pourra aller consulter le joli site Mathcurve, notamment à cette page. Il contient une description précise de ces courbes sphérocylindriques. Pour imaginer la construction, prenez un cylindre tranchant, par
exemple une bouteille d’eau pétillante en plastique, vidée, dont le goulot a été découpé pour que ne reste plus qu’une partie cylindrique. Saisissez-vous d’un pamplemousse, placez votre bouteille verticalement au-dessus du pamplemousse en la décalant pour que le centre du fruit ne soit pas sous le cylindre de la bouteille, puis découpez un morceau de pamplemousse en faisant descendre verticalement votre bouteille comme un embouchoir. Avec un pamplemousse de taille standard et une bouteille d’un litre les diamètres sont comparables ; la courbe tracée sur le bord du pamplemousse le long de la partie évidée est alors similaire à celle du ballon de basket.

La balle de tennis

Et voici enfin la courbe de la balle de tennis. Eh bien, pour celle-ci, je ne sais pas grand-chose.

balles de tennis

Avant tout, il y deux courbes à distinguer ! La première, c’est la courbe qui apparaît lors de la fabrication de la partie interne de la balle : une sorte de coque en caoutchouc synthétique formée, comme la balle de ping-pong, de deux hémisphères collés. Puis vient la seconde courbe, plus intéressante. C’est celle obtenue lorsque la feutrine est appliquée, collée, sur la coque en caoutchouc.

Deux formes découpées dans du feutre, comme ceci,

sont collées pour venir recouvrir la sphère.

Les deux morceaux de feutrine ont grosso modo la forme d’un stade, comme un carré auquel aurait été adjoint deux demi-disques de part et d’autre. Ces deux pièces de feutrine sont sensées s’appliquer sur la sphère pour venir à touche-touche, et la courbe de contact est celle que nous cherchons à décrire.

Ici, nous sommes confrontés à un petit souci géométrique : les deux patchs de feutrine ont été découpés dans un plan, et l’on cherche à les coller sur une sphère ; ceci ne peut se faire sans étirer ou contracter la feutrine : c’est le même problème, mais à l’envers, que celui des planisphères sensés représenter la géographie du globe terrestre (voir cet article, ou celui-ci), il est lié à la courbure, et est implicitement évoqué ici.
En passant de la sphère au plan, ou du plan à la sphère, la géométrie est donc modifiée.
Ainsi, pour modéliser la courbe de la balle de tennis, il faudrait prendre en compte les déformations de la feutrine.

On peut toutefois, sans avoir de modèle explicatif, proposer des formules pour cette courbe. C’est ce que fait le site Mathcurve, avec de jolis dessins et animations permettant de comparer les diverses possibilités envisagées. On peut aussi décrire au moins une courbe qui ressemble à celle de la balle de tennis et dont la construction s’accommode avec le procédé de fabrication industriel. La voici sous forme d’exercice estival.

  • Découper dans du papier une forme ressemblant à un terrain d’athlétisme constitué d’un rectangle horizontal de petit côté $a$ et de grand côté $\pi a/2$, et de deux demi-cercles de diamètre $a$ juxtaposés de part et d’autre du rectangle, comme sur la figure ci-dessous.
    Répéter l’opération pour disposer de deux copies.

fausse feutrine

  • Montrer que les pourtours de ces deux formes peuvent être accolés, les parties circulaires de l’une venant se coller avec les côtés longs du rectangle de l’autre.
  • Montrer que la courbe de contact ainsi obtenue peut être incluse dans une sphère.

Pour s’aider, considérons un cube de côté $a$, oublions deux de ses faces opposées et, au sein de chacune des quatre faces restantes, traçons le cercle tangent aux quatre côtés. La courbe $C$ obtenue dans l’exercice est formée de quatre moitiés de ces cercles, une moitié pour chacun des quatre cercles.
La sphère qui contient $C$ intersecte le cube en les six cercles tangents aux côtés : les quatre déjà tracés, plus les deux correspondant aux faces initialement négligées.

Bien sûr, cette construction ne produit pas une balle ronde ! Cependant, elle fournit une bonne approximation de la courbe tracée sur les balles de tennis. Par comparaison, elle est bien meilleure que la fausse courbe présentée dans le logo de cet article.

Et les autres

Ce petit aperçu des balles et ballons a laissé de jolis spécimens de côté, alors qu’ils regorgent de mathématiques sympathiques. Le ballon de football est sans doute le plus connu : vous pourrez découvrir quelques représentants de l’espèce ici
et . Le ballon de rugby ne semble pas avoir intéressé beaucoup les scientifiques pour l’instant, et les balles de quidditch n’ont pas encore livré leurs mystères. Avis aux amateurs, et bonnes vacances.

Post-scriptum :

La rédaction d’Images des maths et l’auteur, remercient pour leur relecture attentive,
les relecteurs dont le pseudonyme est le suivant : fsalein et Aurélien Djament.

Article édité par Serge Cantat

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Pour citer cet article :

Serge Cantat — «La balle et la courbe» — Images des Mathématiques, CNRS, 2012

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