La journée parité du 6 juin 2011 : bilan et perspectives
Pista verde El 23 noviembre 2011 Ver los comentarios (4)
Le lundi 6 juin s’est tenue à l’IHP la première journée sur la parité en mathématiques [1].
Cette journée s’annonçait d’emblée comme un succès, au vu du grand nombre de participant-e-s (presque une centaine) et de la grande mixité de l’assistance.
[2]
Où en est on de la parité dans les laboratoires de mathématiques ?
Le tableau de la situation a été brossé dès le début de la journée grâce à l’intervention de Laurence Broze, très riche en données chiffrées très parlantes. Pour faire bref, la situation globalement défavorable aux femmes à l’Université, est encore pire en mathématiques : 27% de femmes parmi les maitres de conférences (MCF) et 11% de professeurs (PR) sur les deux sections 25-26 du CNU [3] (section 25= Mathématiques fondamentales; section 26= Mathématiques appliquées). En particulier, la section 25 est la section la moins féminisée de toutes. Depuis 15 ans, le pourcentage des femmes n’a pas progressé d’un iota en mathématiques. En section 25, depuis 15 ans, les périodes d’embellie de postes (1996-2005) n’ont pas profité aux femmes, les périodes de réduction (2006-2010) leur ont été très défavorables. Le problème est criant pour les femmes PR 25, dont le pourcentage régresse depuis 20 ans. De même, au CNRS, le nombre de femmes stagne depuis 20 ans, le pourcentage de femmes parmi les chercheurs décroît lentement mais surement. Quant aux comités de sélection [4] un quart environ des comités 2011 ne comportait aucune femme.
Après ces données chiffrées, divers facteurs expliquant le retard des femmes ont été avancés lors des discussions et des témoignages plus personnels : le passage de maître de conférences à professeur est un point sensible. Plusieurs causes sont à examiner : l’auto-censure plus grande des femmes, les reprises difficiles après les congés maternité, un modèle du professeur en mathématiques peu encourageant (homme, très jeune, blanc, brillant, sans enfants...), la conciliation vie familiale-vie professionnelle qui de nos jours se fait encore au détriment des femmes... La résistance sociétale et le stéréotype de la femme nulle en maths restent aussi fortement présents inconsciemment et influencent les comportements dès le plus jeune âge.
Que peut-on faire pour améliorer cette situation critique ?
Commençons par une revendication statistique : les chiffres fournis par L. Broze ont été collectés par un travail fastidieux, il serait bon d’avoir des données officielles détaillées régulièrement (les pourcentages fournis ne sont en général pas suffisants pour avoir une interprétation fine) et d’avoir systématiquement des données sexuées en matière de recrutement, d’évaluation, etc...
L’augmentation du recrutement de femmes est un travail de longue haleine. Pour commencer, il semble indispensable d’accroître la représentation des femmes dans diverses instances : comités de sélection, comités de rédaction des revues, conférenciers invités lors des colloques, comités scientifiques, jurys de thèse... Pourquoi déroger à la règles des 30% de femmes en vigueur dans les comités de concours de la fonction publique ? Evidemment, cela risque d’accroître le travail des femmes en vue. Voici deux suggestions : commencer systématiquement par choisir les femmes à mettre dans ces comités plutôt que de choisir en dernière minute une femme qui devra satisfaire trop de contraintes incompatibles. Et puis, prendre le temps de réfléchir à des femmes adaptées à accomplir ces tâches -mine de rien, il y en a plein... et bizarrement on demande toujours aux mêmes.
Et puis, il faut mettre les femmes à l’aise dans ces comités : « faire la fille » est rarement agréable, les femmes de rang B [5] des comités d’évaluation ont souvent l’impression que leur avis est moins pris en compte que les autres (cumul de deux handicaps ?).
Un autre moment crucial qui est un frein clair à la carrière des femmes est les congés maternité. Ils doivent être mieux pris en compte : décharge d’un demi-service pour congé, neutralisation d’un an sur le CV, indication des congés lors des demandes de décharge d’enseignement [6], primes... Les collègues et/ou Directeurs d’Unité doivent être vigilants pour aider les jeunes mamans à reprendre leurs activités de recherche.
Enfin, nous proposons de créer un indice de parité académique, sur le modèle de l’indice de mobilité académique pour chaque laboratoire. Le but n’est bien sûr pas de montrer du doigt les laboratoires peu féminisés [7] mais de faire prendre conscience à tous du faible nombre de femmes dans le milieu. Ces chiffres pourront également apparaître dans les dossiers d’évaluation.
En guise de conclusion
Ce qui nous semble le plus inquiétant dans ce bilan de la situation des femmes en mathématiques est la stagnation des pourcentages depuis 20 ans. En particulier, les femmes PR25 sont en voie de disparition. Faire attention ne suffira pas dans les années à venir, il faut désormais des actions très volontaristes à tous les niveaux... Et ce de la part de toute la communauté, car souvent les femmes ne sont pas enclines à pousser à la parité, trop attachées à progresser au mérite et à être reconnues pour leurs compétences...
La rédaction d’Images des maths, ainsi que l’auteur, remercient pour leur relecture attentive,
les relecteurs dont le pseudonyme est le suivant : Sylvia, antoine.levitt, Massy Soedirman et Frédéric Chardard.
Notas
[1] A noter que cette journée ne s’intéressait qu’aux problèmes des femmes déjà en poste et non aux problèmes des étudiantes en mathématiques.
[2] Certaines interventions sont disponibles sur la page de la journée.
[3] Conseil National des Universités.
[4] Les comités de sélection sont les commissions chargées de faire les propositions de recrutement au conseil d’administration d’une université.
[5] Maîtres de conférences ou chargés de recherche.
[6] Qu’elles soient attribuées par un organisme de recherche comme le CNRS ou l’INRIA (délégations), ou par l’université, comme les congés pour recherche et conversion thématique.
[7] Statistiquement, la féminisation est meilleure à Paris qu’en province (16,8 % vs 13,1 % en section 25 et 30,3 % vs 25,6 % en section 26). On aimerait en comprendre la cause. Est-ce la taille du bassin d’emplois (au moins 25% des mathématiciens) qui permet d’éviter les
effets de seuil?
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Para citar este artículo:
Magali Ribot, Fabrice Planchon — «La journée parité du 6 juin 2011 : bilan et perspectives» — Images des Mathématiques, CNRS, 2011
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le 23 de noviembre de 2011 à 21:23, par Pierre Colmez
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le 26 de noviembre de 2011 à 03:48, par amic
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