Rediffusion d’un article publié en 2014
Le problème de Sin Pan
Piste rouge Le 20 mai 2020 Voir les commentaires (16)
La légende raconte que Sin Pan, géomètre chinois d’antan, voulait fonder une académie de géométrie. Il a demandé
à l’empereur de l’époque de lui céder un terrain pour bâtir un édifice à cet effet. Celui-ci,
voulant d’abord s’assurer qu’il avait affaire à un vrai géomètre, lui répond : "Je dispose d’un terrain sous forme de pentagone. J’ai
fait marquer par cinq bornes les milieux des côtés. Trace les limites de ce terrain et il est à toi."
À ma connaissance, Sin Pan n’a pas résolu cette question.
Et nulle part, je n’en ai vu de solution. Alors en voici une pour la :
Version générale du problème. Soit $M_1\cdots M_n$ un $n$-gone (polygone à $n\geq 3$ côtés). Construire un $n$-gone $A_1\cdots A_n$ ayant les points
$M_1,\cdots , M_n$ comme milieux respectifs des côtés $A_1A_2,\cdots , A_nA_1$.
- Que doit vérifier le $n$-gone $M_1\cdots M_n$ pour que $A_1\cdots A_n$ existe ?
- Dans le cas où $A_1\cdots A_n$ existe, comment le construire géométriquement ?
Ce sont les deux questions auxquelles nous allons répondre. (Notre polygone n’est pas forcément convexe [1] même si dans tout le texte on le dessine ainsi.) Pour rendre notre démarche accessible à un large lectorat,
nous commencerons par mettre en place (de façon informelle) les ingrédients de géométrie plane élémentaire dont nous aurons besoin.
1. PRÉLIMINAIRES
On travaille sur un plan, c’est-à-dire un ensemble ${\cal P}$ dont les éléments sont des points tel par exemple le tableau noir sur lequel on écrit,
un sol bien aplani d’une grande salle, une table lisse... On s’y déplace dans
tous les sens, sans contrainte et sans limite.
Dans cette section, nous expliquons de façon sommaire les notions de transformation, de vecteur et les opérations qu’on peut faire dessus ainsi que les notions plus particulières de translation et de symétrie centrale. Ces objets font partie des outils qui permettent de s’orienter dans le monde infiniment riche
des mouvements plans.
1.1. Quelques transformations géométriques
Une transformation $f$ du plan ${\cal P}$ est une manière d’associer à chaque point $A$ du plan un autre point $A'=f(A)$ de ce dernier, appelé son image, de telle manière que des points distincts aient des images distinctes, et que tout point soit image d’un autre [2].
On dit que $A$ est un point fixe
(ou invariant) d’une transformation $f$ si $f(A)=A$ (son image par $f$ est $A$ lui-même). La transformation qui laisse fixes tous les points est appelée identité.
Soient $f$ et $g$ deux transformations du plan. En appliquant à un point $A$ la transformation $f$, on obtient
un point $A'=f(A)$ ; et en appliquant à $A'$ la transformation $g$, on obtient
un point $A''=g(A')=g(f(A))$. Ainsi on a une troisième transformation qui fait passer de $A$ à $A''$. On l’appelle
composée de $f$ et $g$. Comme elle utilise $f$ et $g$, on la note $g\circ f$ pour bien faire apparaître ce fait. (On dit aussi « $f$ composée à $g$ ».)
Chose à laquelle il faut faire attention : l’ordre $g\circ f$ est important car, en général on n’a pas
$g\circ f=f\circ g$ [3].
Notons que, pour n’importe quelle transformation $f$, on a toujours : $f\circ \hbox{identité}=\hbox{identité}\circ f=f$. Une transformation $f$ étant donnée, l’unique transformation qui au point $A'$ associe $A$ tel que $A'=f(A)$ est appelée inverse
(ou transformation réciproque) de $f$ et est notée $f^{-1}$ ; c’est celle qui fait le travail dans le « sens inverse » de $f$ ! On a évidemment $f^{-1}\circ f=f\circ f^{-1}=\hbox{identité}$.
Soient maintenant $f$, $g$ et $h$ trois transformations. On peut composer $g\circ f$
à $h$ pour obtenir $h\circ (g\circ f)$. Mais on peut aussi composer $g$ à $h$ pour obtenir $h\circ g$ et composer $f$ à
celle-ci pour avoir $(h\circ g)\circ f$. Les deux transformations ainsi obtenues sont en fait les mêmes : si on applique
$h\circ (g\circ f)$ et $(h\circ g)\circ f$ au même point $A$ on obtient le même point $A''$ pour tout $A$,
c’est-à-dire qu’on a l’égalité :
$h\circ (g\circ f)=(h\circ g)\circ f $ [4].
C’est ce qui rend légitime l’écriture $h\circ g\circ f$ (on n’a plus
besoin de préciser les blocs dont on effectue la composition). De même, si on a un nombre fini de transformations
$f_1,\cdots ,f_n$, on peut toutes les composer l’une après l’autre pour obtenir une transformation :
\[f=f_n\circ f_{n-1}\cdots \circ f_2\circ f_1.\]
Cela signifie qu’on compose $f_1$ à $f_2$ puis ce qu’on obtient on le compose à $f_3$, ensuite le résultat à $f_4$ et ainsi de suite jusqu’à épuisement des $n$ transformations $f_1,\cdots ,f_n$. Du moment qu’on ne change pas l’ordre de cette écriture, on peut composer comme on veut des blocs parmi ces transformations.
1.2. Vecteurs
Deux points $A$ et $A'$ du plan ${\cal P}$ sont les extrémités d’un segment $[AA']$ ; si on s’y déplace de $A$ vers $A'$
on le marquera comme une flèche qu’on notera $\overrightarrow{AA'}$. Sa « fonction » est celle d’une force qui pousse
le point $A$ vers le point $A'$ dans une direction, un sens et avec une certaine intensité (mesurée par la longueur $AA'$).
Si cette même force poussait un autre point $B$, elle le mènerait vers un point $B'$ de telle sorte que
le quadrilatère $AA'B'B$ (voir dessin ci-dessous) soit un parallélogramme. Ainsi, cette force, représentée par son
effet sur $A$ ou sur $B$ (ou sur tout autre point) sera notée $\overrightarrow u$ et appelée vecteur du plan $E$.

1.3. Addition des vecteurs
Deux vecteurs $\overrightarrow u$ et $\overrightarrow v$ s’additionnent et donnent un nouveau vecteur $\overrightarrow u+\overrightarrow v$.
De même, tout vecteur $\overrightarrow u$ peut être multiplié par un nombre réel $\lambda $ pour donner $\lambda \cdot \overrightarrow u$ (ou $\lambda \overrightarrow u$).
On ne définit rien formellement, on regarde simplement les dessins qui suivent :

1.4. Vecteurs et translations
Du point de vue des forces, la somme de $\overrightarrow u$ et $\overrightarrow v$ produit l’effet
illustré dans le dessin qui suit : pousser $A$ vers $A'$ par $\overrightarrow u$ puis $A'$ vers $A''$ par $\overrightarrow v$
revient à pousser $A$ vers $A''$ par $\overrightarrow u+\overrightarrow v$.

L’addition des vecteurs telle qu’on vient de la définir vérifie aussi la propriété d’associativité, c’est-à-dire $(\overrightarrow u+\overrightarrow v)+\overrightarrow w=\overrightarrow u+(\overrightarrow v+\overrightarrow w)$ pour tous vecteurs $\overrightarrow u,\overrightarrow v$ et $\overrightarrow w$. Elle est aussi commutative : $\overrightarrow u+\overrightarrow v=\overrightarrow v+\overrightarrow u$. On peut se convaincre de ces propriétés par de simples dessins similaires à celui qui est ci-dessus.
Lorsque $A=A'$, le point $A$ ne bouge pas : aucune force n’est exercée dessus. On parle alors de vecteur nul,
on le note $\overrightarrow 0$ et on le représente par $\overrightarrow{AA}$ où $A$ est un point quelconque.
Le vecteur nul est aux vecteurs ce qu’est le nombre $0$ aux nombres. Si la force
qui pousse $A$ vers $A'$ est représentée par $\overrightarrow u=\overrightarrow{AA'}$, celle qui pousse $A'$ vers $A$ est représentée par
$\overrightarrow{A'A}=-\overrightarrow u$ ( opposé du vecteur $\overrightarrow u$). Par exemple, dans le parallélogramme $AA'B'B$ (qu’on a déjà considéré), on a :
\[\overrightarrow{AA'}=-\overrightarrow{A'A}\hskip0.5cm \hbox{ou} \hskip0.5cm \overrightarrow{AA'}+\overrightarrow{A'A}=\overrightarrow{AA}=
\overrightarrow 0\hskip0.1cm ; \hskip0.5cm \hbox{de même} \hskip0.5cm \overrightarrow{AB}+\overrightarrow{B'A'}=\overrightarrow 0\cdots \]
Tout découle de la fameuse relation de Chasles qu’on énonce comme suit. Soient $A$, $B$ et $C$ trois points du
plan ${\cal P}$ ; alors :
\[\overrightarrow{AC}+\overrightarrow{CB}= \overrightarrow{AB}.\]
Chaque vecteur $\overrightarrow u$ définit
une transformation du plan ${\cal P}$ notée
$\tau_{\overrightarrow u}$ : elle transforme $A$ en le point $A'$ tel que $\overrightarrow{AA'}=\overrightarrow u$ ;
$\tau_{\overrightarrow u}$ est appelée translation de vecteur $\overrightarrow u$. On dit aussi
translater par $\overrightarrow u$ pour désigner l’effet de $\tau_{\overrightarrow u}$.
La translation associée au vecteur nul $\overrightarrow 0$
n’a aucun effet ; c’est l’identité. Une translation de vecteur non nul n’a aucun point fixe. Si jamais la translation de vecteur $\overrightarrow u$ a un point fixe, alors
$\overrightarrow u=\overrightarrow 0$.
Comme on vient de le voir
(cf. dessin ci-dessus), translater par $\overrightarrow u$,
puis par $\overrightarrow v$, revient
à translater par $\overrightarrow u+\overrightarrow v$.
Ceci se généralise à un nombre fini de translations $\tau_{\overrightarrow u_1},\cdots ,\tau_{\overrightarrow u_n}$ : translater par $\overrightarrow u_1$,
puis après par $\overrightarrow u_2,\cdots $, et finalement par $\overrightarrow u_n$ revient à translater par le vecteur $\overrightarrow u =\overrightarrow u_1
+\cdots +\overrightarrow u_n$.
1.5. Symétries centrales
Soit $M$ un point du plan ${\cal P}$. La
symétrie de centre $M$ est la transformation notée $\sigma_M$ qui à $A$ associe le point $A'$ tel que
$\overrightarrow{MA}+\overrightarrow{MA'}=\overrightarrow{0}.$
Cela signifie que $M$ est le milieu du segment $[AA']$ [5]. Il est tout à fait clair
que si on applique $\sigma_M$ à $A'$ on retrouve $A$ ; on dit alors que $\sigma_M$ est une involution :
si on la compose avec elle-même, on retrouve l’identité.
Une symétrie de centre $M$ a un, et un seul point fixe : son centre $M$. Cette remarque nous sera très utile.
Les translations et les symétries centrales sont les outils essentiels qui permettent de résoudre le problème de Sin Pan.
On a vu comment se composent les translations. Qu’en est-il des
symétries centrales ? Ce sera le point essentiel qu’on traitera dans la section qui suit et qui nous donnera la clé
qu’on cherche pour notre énigme.
2. PREMIÈRE APPROCHE
Pour construire notre polygone $A_1\cdots A_n$, il suffit d’avoir l’un de ses sommets $A_i$ et le symétriser successivement par rapport à $M_i,\cdots ,M_n,M_1,\cdots , M_{i-1}$ pour obtenir les autres sommets
(mais à condition qu’on revienne vers $A_i$ après les $n$ symétrisations) ; par exemple, il suffit d’avoir le sommet $A_1$.
Il doit y avoir des conditions nécessaires à l’existence de notre polygone. Pour commencer, il faut
supposer le problème résolu et voir ce que cela impose : se donner un polygone $A_1\cdots A_n$ et regarder ce qu’il en est pour le polygone $M_1\cdots M_n$ dont les sommets
sont les milieux des côtés de $A_1\cdots A_n$.
Mais nous allons voir d’abord comment se composent les symétries centrales.
2.1. Soient $M_1$ et $M_2$ deux points distincts, centres respectifs des symétries $\sigma_1$ et $\sigma_2$. Qu’est-ce que
$\sigma_2\circ \sigma_1$ ? Le lecteur peut se contenter de bien regarder le dessin ci-dessous et constater que $\overrightarrow{AA_2}=2\overrightarrow{M_1M_2}$. Comme le vecteur $\overrightarrow u=2\overrightarrow{M_1M_2}$ ne dépend pas du point $A$, la transformation $\sigma_2\circ \sigma_1$ n’est rien d’autre que
la translation de vecteur $\overrightarrow u$.

2.2. Donnons-nous maintenant trois points deux à deux distincts $M_1$, $M_2$ et $M_3$, centres respectifs de trois symétries
$\sigma_1$, $\sigma_2$ et $\sigma_3$. Qu’est-ce que $\sigma_3\circ \sigma_2\circ \sigma_1$ ? Si $M_4$ désigne le quatrième sommet du parallélogramme
$M_1M_2M_3M_4$ (dans cet ordre) et $\sigma_4$ la symétrie dont il est le centre alors, en posant
$\overrightarrow u_1=2\overrightarrow{M_1M_2}$ et $\overrightarrow u_2=2\overrightarrow{M_3M_4}$, on a :
\[\sigma_4\circ \sigma_3\circ \sigma_2\circ \sigma_1=(\sigma_4\circ \sigma_3)\circ (\sigma_2\circ \sigma_1)=\tau_{\overrightarrow u_2}\circ
\tau_{\overrightarrow u_1}=\tau_{\overrightarrow u_1+\overrightarrow u_2}=\tau_{\overrightarrow 0}=\hbox{identité}.\]
En composant chacun des membres de l’égalité $\sigma_4\circ \sigma_3\circ \sigma_2\circ \sigma_1=\hbox{identité}$ à $\sigma_4$, on obtient : $(\sigma_4\circ
\sigma_4)\circ \sigma_3\circ \sigma_2\circ \sigma_1=\sigma_4\circ \hbox{identité}$, c’est-à-dire $\sigma_3\circ \sigma_2\circ \sigma_1=\sigma_4$ puisque
$\sigma_4\circ \sigma_4$ est l’identité et $\sigma_4\circ \hbox{identité}=\sigma_4$.

2.3. Commençons par regarder ce qui se passe pour les petites valeurs de $n$. On se donne un triangle
$M_1M_2M_3$ et on doit chercher un autre triangle $A_1A_2A_3$ tel que $M_1$ soit le milieu du côté $A_1A_2$, $M_2$ le milieu du côté $A_2A_3$ et
$M_3$ celui de $A_3A_1$. Encore une fois, le dessin nous dit comment construire $A_1A_2A_3$ : par le sommet $M_1$ on mène la parallèle à
la droite $(M_2M_3)$, par le sommet $M_2$ on mène la parallèle à
la droite $(M_3M_1)$ et par le sommet $M_3$ on mène la parallèle à
la droite $(M_1M_2)$ ; ces trois parallèles se coupent deux à deux et nous donnent le triangle cherché. Il y a donc une, et une seule solution !

2.4. Que se passe-t-il pour un quadrilatère donné $M_1M_2M_3M_4$ ? Ses sommets sont-ils toujours les milieux des côtés
d’un autre quadrilatère $A_1A_2A_3A_4$ ? Le dessin ci-dessous dit non : il est nécessaire que $M_1M_2M_3M_4$ soit un parallélogramme.
(Ce résultat, bien qu’extrêmement élémentaire, porte un nom : le théorème de Varignon !)

Nous laissons le soin au lecteur de vérifier lui-même que cette condition nécessaire est suffisante et qu’il y a, en réalité, une infinité
de solutions : il suffit de prendre n’importe quel point $A_1$, le symétriser par rapport à $M_1$ pour avoir $A_2$, symétriser ce dernier par rapport
à $M_2$ pour avoir $A_3$ et enfin symétriser $A_3$ par rapport à $M_3$ pour avoir $A_4$ ; la dernière opération de symétrie ($A_4$ par rapport
à $M_4$) ramène vers $A_1$ !
Il semble donc que le cas d’un quadrilatère est différent de celui d’un triangle. C’est en fait lié à la parité
de l’entier $n$. La solution générale éclaircira cela.
3. RÉSOLUTION DU PROBLÈME GÉNÉRAL
3.1. Cas où $n$ est pair
On pose $n=2r$. Évidemment $r\geq 2$, sans cela le problème est sans intérêt pratique. Pour tout $i=1,\cdots,n$, on désigne par $\sigma_i$ la symétrie de centre
$M_i$. On a :
\[f=(\sigma_{2r}\circ \sigma_{2r-1})\circ \cdots \circ (\sigma_2\circ \sigma_1)=\tau_r\circ \cdots \circ \tau_1\]
où, pour $i\in \{ 1,\cdots ,r\} $, $\tau_i$ est la translation de vecteur $\overrightarrow u_i =2\overrightarrow{M_{2i-1}M_{2i}}$. Par suite, la transformation $f$ est la translation
$\tau $ de vecteur $\overrightarrow u =\overrightarrow u_1 +\cdots +\overrightarrow u_r$. Elle n’admet donc de point fixe que si :
\[\overrightarrow u =\overrightarrow u_1+\cdots +\overrightarrow u_r=2\left( \overrightarrow{M_1M_2}+\cdots +\overrightarrow{M_{2r-1}M_{2r}}\right) =\overrightarrow 0.\]
Mais cette condition force $f$ à être l’identité. Tout point $A_1$ convient donc et nous permet de construire le $n$-gone $A_1\cdots A_n$ en question.
Pour $n=4$, la condition ci-dessus signifie que le quadrilatère $M_1M_2M_3M_4$ est un parallélogramme. On retrouve donc le cas particulier que nous avons déjà examiné.
3.2. Cas où $n$ est impair
On pose $n=2r+1$ où l’entier $r$ est tel que $r\geq 1$. Dans cette situation, on va prendre la décomposition
de $f$ en répartissant les symétries $\sigma_i$ autrement. On commence par :
\[f=(\sigma_{2r+1}\circ \sigma_{2r}\circ \cdots \circ \sigma_4)\circ (\sigma_3\circ \sigma_2\circ \sigma_1)=
(\sigma_{2r+1}\circ \sigma_{2r}\circ \cdots \circ \sigma_4)\circ \sigma_{\omega_1}\]
où $\omega_1$ est le quatrième sommet du parallélogramme dont les trois premiers sont $M_1$, $M_2$ et $M_3$. De la même manière :
\[f=(\sigma_{2r+1}\circ \sigma_{2r}\circ \cdots \circ \sigma_6)\circ (\sigma_5\circ \sigma_4\circ \sigma_{\omega_1})=(\sigma_{2r+1}\circ \sigma_{2r}\circ \cdots \circ \sigma_6)\circ \sigma_{\omega_2}\]
où $\omega_2$ est le quatrième sommet du parallélogramme dont les trois premiers sont $\omega_1$, $M_4$ et $M_5$. En continuant ainsi, on construit une suite finie de points $\omega_1,\cdots ,\omega_r$ tels que :
\[\cases{M_1M_2M_3\omega_1 \hbox{ est un parallélogramme}\cr \omega_1M_4M_5\omega_2 \hbox{ est un parallélogramme}\cr \cdots \cr
\omega_{r-1}M_{2r}M_{2r+1}\omega_r \hbox{ est un parallélogramme}}\]
et $f$ n’est rien d’autre que la symétrie $\sigma_{\omega_r}$.
Son seul point fixe est son centre $\omega_r$. Nous sommes alors obligés de
prendre $A_1=\omega_r$. Notre problème a donc une solution unique $A_1\cdots A_n$ avec $A_1=\omega_r$, $A_2=\sigma_1(A_1)$, $A_3=\sigma_2(A_2)$...
3.3. Illustrer les constructions
Ci-dessous, nous avons donné deux dessins : pour $n=4$ où on voit qu’il y a plusieurs solutions et pour $n=5$ où la solution est unique.

Voici comment aurait pu procéder Sin Pan (il l’a peut-être fait ainsi) :
on construit $\omega_1$ de telle sorte que $M_1M_2M_3\omega_1$ soit un parallélogramme ;
ensuite, on construit $\omega_2=A_1$ tel que $\omega_1M_4M_5A_1$ soit un parallélogramme.

Sources. J’ai croisé ce problème par hasard dans ce forum. Les participants se demandaient si quelqu’un avait la solution. Je l’ai trouvé intéressant et je me suis mis dessus pour le résoudre. (Je suis friand de ces petits casse-tête de géométrie élémentaire, même si celui-ci n’en est vraiment pas un !) Je me suis aussi dit que je pourrais le traiter en cours de géométrie avec mes étudiants de L3 et Master enseignement. Je ne sais pas si Sin Pan a réellement existé. Je crois plutôt que celui qui a posé ce problème a voulu épicer un peu l’énoncé en édifiant cette légende autour. Et c’est certainement une bonne chose : on accroche plus les gens quand on le leur soumet sous cette forme de petite histoire que de façon « sèche » comme on procède habituellement en mathématiques ! (En tout cas, c’est ce que j’ai remarqué !)
Remerciements. Les personnes dont les noms ou pseudonymes suivent ont bien voulu prendre de leur temps pour faire une relecture de cet article : Fluvial qui a demandé des précisions terminologiques, Gérard Audibert avec qui j’ai eu une discussion téléphonique cordiale et agréable qui nous a mis d’accord sur certains points et Olivier Gebuhrer qui a porté une très bonne appréciation sur le texte et un jugement critique mais constructif et qui m’a amené à détailler un passage pour le rendre (j’espère) encore plus accessible. Je les en remercie toutes. Merci aussi à Patrick Popescu-Pampu pour les petites retouches qu’il m’a suggérées et pour son dernier regard avant la version finale.
Notes
[1] Un polygone est dit convexe si lorsqu’on trace la droite portant l’un quelconque de ses côtés, il est complètement dans l’une ou l’autre des deux parties du plan obtenues après partage par cette droite.
[2] On appelle cela une bijection du plan sur lui-même.
[3] Lorsque cette égalité est satisfaite on dit que les deux transformations $f$ et $g$ commutent.
[4] Cette propriété s’appelle l’associativité
de la composition des transformations.
[5] Symétriser un point $A$ par rapport à un point $M$ signifie prolonger le segment $[AM]$ du côté de $M$ et prendre dessus le point $A'$ tel que les longueurs $MA$ et $MA'$ soient égales.
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Pour citer cet article :
Aziz El Kacimi — «Le problème de Sin Pan» — Images des Mathématiques, CNRS, 2020
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