Mathématiques et vulgarisation

Le 12 janvier 2010  - Ecrit par  Gérard Besson Voir les commentaires (3)

Voila plus d’un an que je fais des exposés « grand public ». Pas uniquement des colloques dans des départements de mathématiques mais des conférences pour des scientifiques d’autres disciplines, des étudiants de licence voire des lycéens. Il est grand temps de faire un bilan.
Le sujet est sans surprise, il tourne autour de la conjecture de Poincaré, de celle de Thurston (géométrisation), des flots géométriques et des travaux de Perelman.

Le premier constat, que tous ceux qui se sont prêtés à cet exercice ont dû faire, est que c’est dur et angoissant ! Le public est rarement homogène ; je me suis récemment trouvé dans un amphi avec au premier rang quelques collégiens accompagnés de leur mère et juste derrière des physiciens du CEA. Ma première (vraie) expérience a eu lieu dans une université du sud de la France ; je me souviens du collègue enthousiaste (il se reconnaîtra) qui avait fait de la publicité auprès de ses élèves de magistère et m’a demandé de l’aider à ajouter des chaises car l’amphi aurait pu être trop petit. Un seul étudiant est venu ; j’ai fait l’exposé en m’adressant à lui et en essayant d’oublier la dizaine de collègues du département qui s’étaient déplacés !

Le second constat est que cette activité m’a beaucoup apporté quant à ma connaissance et ma compréhension du sujet. J’avais l’habitude de présenter les flots géométriques par ce qu’on appelle le raccourcissement des courbes avec des animations et des images prises ici ; vient ensuite le discours standard sur les surfaces et leur classification et enfin, suivant le public, un peu de courbure et même l’équation du flot de Ricci. Puis, j’ai découvert que ces déformations de courbes sont utilisées en imagerie pour « nettoyer » les images, les débarrasser du bruit. En voulant en savoir plus j’ai découvert un sujet passionnant au point de co-organiser, avec mes collègues Hervé Pajot et Boris Thibert deux journées sur le thème images, E.D.P. et géométrie. Cela a été l’occasion de resserrer les liens avec les mathématiciens appliqués de mon université (quelle honte de ne pas l’avoir fait plus tôt !). Finalement, les spécialistes d’imagerie ont fait de tels progrès que j’ai demandé à mes élèves de voir si certaines de leurs méthodes peuvent s’adapter au flot de Ricci (nous sommes toujours à la recherche d’une preuve sans chirurgie).

Le dernier constat est maintenant un sentiment de frustration. Je ressens, en effet, le besoin de passer à un stade supérieur. L’idéal serait de faire un film sur le modèle de « Dimensions », c’est-à-dire de qualité professionnelle. J’ai le scénario mais pas les moyens techniques, si mon ami Étienne Ghys lit ce billet il aura peut-être une suggestion.
Voilà j’ai parlé de mon expérience mais il y en a beaucoup d’autres. Par exemple, Pierre Bérard qui a fait une conférence sur la courbure au Rotary club de Chambéry (le public était constitué de notaires, de médecins à la retraite, d’avocats, donc avec une culture scientifique minimale) ou mes jeunes collègues de Grenoble qui organisent la prochaine réunion de l’association Math en Jean ; plus de 1000 élèves de lycées et collèges à occuper en leur racontant des mathématiques !

J’entends d’ici ceux qui vont dire que, oui certaines mathématiques se prêtent à la vulgarisation mais pas toutes. Je n’y crois pas ! Certains sujets vont nécessiter plus de travail mais tout est possible. Surtout, nous ne devons pas laisser cela à des spécialistes de la vulgarisation, coupés de la recherche. Ce site répond en partie au besoin de vulgarisation mais rien ne vaut le contact direct.

Ce billet n’a certainement aucun intérêt, mais il m’a au moins servi à faire le point.

Pour se faire une autre idée on peut lire le billet d’Annick Lesne.

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Pour citer cet article :

Gérard Besson — «Mathématiques et vulgarisation» — Images des Mathématiques, CNRS, 2010

Commentaire sur l'article

  • Mathématiques et vulgarisation

    le 16 janvier 2010 à 22:26, par barbara

    Cher Gerard

    Une experience differente, moins ambitieuse, plus facile.
    Je fais des exposes dans les lycees de Picardie depuis 5 ans environ et les colleges du labo aussi .
    J’ai eu envie de commencer sans avoir la moindre idee de quoi raconter. J’ai commence par un sujet tres « bateau », les fractales. Ca a le merite -facile- de montrer ce qui fait notre plaisir quotidien, la beaute des mathematiques, avec des images fascinantes, qui nous paraissent bien classiques, mais ne le sont pas pour les eleves, ni leurs profs pour la plupart.
    Par ailleurs, sans aucun remords, j’ai pu utiliser toute une serie de textes et images sur le sujet, et construire un expose assez facilement.

    Il y a aussi la vulgarisation tres aboutie, sur des sujets de grande actualite mathematique, que tu decris, mais qui fait peur a de nombreux collegues (moi la premiere) par la difficulte de l’entreprise.

    De facon plus modeste, il est plus facile de parler devant profs et eleves de la region, a l’aide d’exposes certes pour certains un peu « bateau » et tres classiques en vulgarisation, mais faciles, et devant un public scolaire homogene, donc bien plus facile que ce que tu decris.

    Ca permet a des matheux -comme moi- qui ont envie mais sont un peu intimides a priori a l’idee d’aller vulgariser les maths, de se lancer.
    L’experience aidant, certains imaginent d’autres sujets, moins standard, d’autres collegues se lancent, et les profs du secondaire en redemandent, et nous on a de plus en plus de demandes voir ici

    Voila, juste pour dire que les maths grand public, ca peut aussi etre facile et accessible, si on choisit un sujet adapte et un public « captif » (scolaire...)

    Amicalement

    Barbara

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  • Mathématiques et vulgarisation

    le 17 janvier 2010 à 18:17, par Gérard Besson

    Chère Barbara,

    Je partage ton opinion et je sais qu’il y a beaucoup de collègues qui se « mouillent » dans ce genre d’actions. J’ai choisi le point de vue d’essayer de montrer les mathématiques dans un contexte scientifique un peu plus large et c’est pourquoi j’ai joué sur « flots géométriques et imageries ». C’est très modeste (médiocre) comme approche et si j’étais capable de faire mieux, de montrer comment les mathématiques s’insèrent dans un vaste ensemble de sciences, je n’hésiterais pas ; mais je n’en ai pas les capacités. D’autres préfèrent montrer le raisonnement mathématiques en utilisant des jeux, c’est le cas de mes collègues de « Maths à Modeler », et cela marche très bien. Toutes ces actions se complètent et visent l’objectif de redonner le goût des sciences, en général, et des mathématiques, en particulier. Le choix que j’ai fait est personnel. Ce que j’ai vraiment appris, comme toi, est qu’il y a une demande forte.

    Merci pour ton intervention.

    Amicalement,

    Gérard

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  • Maths basiques pour les allergiques

    le 25 janvier 2010 à 10:19, par RINAUDO

    Je suis tombé dans le chaudron des maths en Prépa puis les ai enseigné durant quelques années avant de rejoindre le monde des ingénieurs.
    Le métier de la PME que j’ai créée il y a 20 ans est, pour faire court, l’ingénierie pédagogique. Sous toutes ses formes, y compris l’édition d’applications iPhone.
    En pensant aux 99,9% de nos concitoyens qui ont été dégoûtés des mathématiques ou les ont rejetées par préjugé mais qui, au quotidien, ne peuvent se passer d’un minimum de connaissances basiques, nous avons développé une application sur iPhone : « Les Maths au quotidien » (chercher dans AppStore sur notre nom d’éditeur ’xeris’ ou sous iTunes via http://bit.ly/les-maths-au-quotidien).
    Et je suis le premier surpris, je dois l’avouer, de constater qu’elle se vend assez bien !
    Y aurait-il des « nuls-en-maths » qui regretteraient secrètement d’être passés à côté de cette extraordinaire gymnastique de l’esprit ?

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