Quelle différence y a-t-il entre un psychologue, une physicienne et une mathématicienne ?
... et autres histoires drôles
Le 23 juillet 2009 Voir les commentaires (2)
Le jeu des différences est un thème habituel d’histoires soi-disant drôles, souvent corporatistes, opposant diverses catégories de personnes. C’est parfois une activité sérieuse, comme celle menée au Symposium d’épistémologie de Genève dans les années 1970.
Peut-on rire de tout ?
À cette question, l’humoriste Pierre Desproges répondait : « On peut rire de tout, oui, mais pas avec n’importe qui. »
Les blagues sur les catégories de personnes (scientifiques, musiciens ... blondes) sont courantes. Elles sont souvent corporatistes, sexistes voire racistes et tout à fait injustifiées. Elles sont même souvent récupérées d’un milieu à l’autre pour les adapter à la cible privilégiée.
Je glisse au passage que le terme blonde vient du canadien et désigne en fait toutes les femmes, comme dans la chanson de Georges Brassens. Autant le savoir avant de rire à gorge déployée !
Chez les scientifiques, les blagues du genre : Quelle différence y a-t-il entre une mathématicienne, un physicien et une chimiste ? [1] ou encore Un mathématicien, une physicienne et un chimiste sont dans un train ... sont assez courantes, mais assez difficiles d’accès, un peu comme celles du milieu des musiciens.
Par exemple : Un violoniste, une altiste, une violoncelliste et un contrebassiste sont dans une pièce avec un billet de 50 euros au milieu. Qui le prendra ?
Réponse : le contrebassiste n’a pas compris ce qu’il faut faire, l’altiste est trop lente, le violoniste ne se déplace pas pour si peu. C’est donc la violoncelliste.
Une expérience amusante
Dans les années 1970, une expérience amusante [2] a été menée dans les écoles, puis avec des chercheur-e-s. On demandait aux enfants de marcher à quatre pattes et ensuite on leur demandait de dire comment ils avaient fait.
La personne qui a fait cette expérience, Androula Henriquès, est venue exposer au Symposium d’épistémologie de Genève et a demandé aux chercheuses présentes de le faire, avant de commencer son exposé. Ce fut une séance assez joyeuse !
Faites-le, vous aussi, avant de lire la suite ! Et notez comment vous avez fait !
Êtes vous psychologue, physicienne ou mathématicien ?!
Les enfants donnaient tout d’abord des réponses farfelues : Je mets les deux mains en avant, puis les deux pieds, et de nouveau les deux mains et de nouveau les deux pieds. [3] Puis venaient des réponses de second niveau Je mets une main en avant et puis le pied correspondant, ensuite l’autre main en avant puis l’autre pied. [4] Ce qui est logique, mais qu’ils n’avaient pas fait. Et enfin la réponse correcte, en croisant [5].
Alors, quelle différence entre un psychologue, un physicien et une mathématicienne ?
Les psychologues et les physiciennes ont donné une réponse exacte, mais tous les mathématiciens présents ont donné une réponse de second niveau. Parce que c’est la plus simple : c’est logique, ça se tient, mais ce n’est pas comme ça qu’ils ont fait.
Même dans quelque chose d’aussi élémentaire, l’action est fortement en avance sur la conceptualisation [6]. Autrement dit : on peut arriver à faire des choses avant de pouvoir dire ce qu’on fait et comment. C’est vrai en mathématiques, par exemple en numération : on sait ce qu’est un nombre avant de savoir dénombrer, classer, ordonner, compter, bref avant que la notion de nombre soit acquise.
Notes
[1] D’une façon générale je distribue les genres au hasard. Dans ce billet, ils n’ont aucune espèce d’importance. Il m’arrive de préférer des tournures comme mathématicien-ne, mais d’aucuns trouvent cela lourd et/ou laid ... bien que, de mon point de vue, ça ait le grand avantage de la clarté : on pourrait penser que le genre a une importance à certains endroits, alors que tel n’est pas le cas.
[2] Cette expérience est citée dans une entrevue de Jean Piaget avec des membres de l’association française des chercheurs en didactiques.
[3] La connaissance, par exemple, du mécanisme du galop du cheval date de la découverte de la photographie. Pour témoignage de cette méconnaissance, on pourra s’intéresser au célèbre puzzle de Sam Lloyd, datant de 1871 (il faut placer deux cavaliers sur deux chevaux).
[4] C’est-à-dire comme un chameau ou un éléphant ou certaines très rares races de chevaux, en marchant l’amble.
[5] Si ce n’est pas clair, c’est que vous n’avez pas fait l’expérience, alors faites-la maintenant !
[6] Piaget parle de thématisation.
Partager cet article
Pour citer cet article :
François Sauvageot — «Quelle différence y a-t-il entre un psychologue, une physicienne et une mathématicienne ?» — Images des Mathématiques, CNRS, 2009
Laisser un commentaire
Actualités des maths
-
5 mars 2023Maths en scène : Printemps des mathématiques (3-31 mars)
-
6 février 2023Journées nationales de l’APMEP, appel à ateliers (9/4)
-
20 janvier 2023Le vote électronique - les défis du secret et de la transparence (Nancy, 26/1)
-
17 novembre 2022Du café aux mathématiques : conférence de Hugo Duminil-Copin (Nancy et streaming, 24/11)
-
16 septembre 2022Modélisation et simulation numérique d’instruments de musique (Nancy & streaming, 22/9)
-
11 mai 2022Printemps des cimetières
Commentaire sur l'article
Quelle différence y a-t-il entre un psychologue, une physicienne et une mathématicienne ?
le 2 août 2009 à 22:45, par Missmath
Quelle différence y a-t-il entre un psychologue, une physicienne et une mathématicienne ?
le 3 août 2009 à 10:26, par François Sauvageot