Revue de presse juin 2018
Le 1er juin 2018 Voir les commentaires (4)
Intelligence artificielle, revenus des enseignants-chercheurs, Parcoursup, les œuvres de Léonard de Vinci et d’Isaac Newton sont quelques-uns des thèmes que nous évoquons dans la revue de presse ce mois-ci. Bonne lecture.
Recherche et applications
Intelligence artificielle
Sur la lancée du mois dernier, le rapport remis par Cédric Villani au Président de la République sur l’Intelligence Artificielle provoque de nouvelles réactions. Didier Roux, ancien directeur R&D de Saint-Gobain s’exclame ainsi sur le site La Semaine que « la France ne doit plus prendre de retard » . Dans une envolée lyrique, le journaliste ajoute : « comme pour l’écoulement d’une goutte de mercure, les idées scientifiques et techniques suivent des chemins difficiles à anticiper. Qu’elles aient ou non des visées d’emblée pratiques, elles se répandent, se fragmentent, se retrouvent pour former de nouvelles confluences » auxquelles Didier Roux veut contribuer. Il faut, insiste-t-il, « refuser les cheminements linéaires, favoriser les mouvements en y incluant le digital au cœur des stratégies » ce qui est « un des secrets des cycles de réussite ». Et qui, sans aucun doute, a présidé à l’élaboration des algorithmes tortueux de Parcoursup. Epectase aussi chez le PDG de Vekia, Manuel Davy, qui signe une tribune dans Le Monde et veut « que la France puisse peser en matière d’intelligence artificielle ». M. Davy estime que « pour devenir une nation référente dans l’IA, notre pays doit démystifier celle-ci dès le plus jeune âge et renforcer l’enseignement scientifique ». Le lien entre renforcement de l’enseignement des sciences et l’intelligence artificielle irait-il de soi ? C’est sans doute l’avis des « moins de 10 000 personnes dans le monde capables de se mesurer aux défis de l’intelligence artificielle » selon les comptes du cabinet canadien Element AI. On ne peut s’empêcher de se demander comment cette estimation a pu déceler qui, dans les steppes de Mongolie ou sur les bords des Grands Lacs africains, est ou non capable de se mesurer à ces défis. Évoquer l’intelligence artificielle ne semble pas prémunir d’une débilité réelle. Heureusement, on apprend que « la France figure certainement en bonne place, avec 13 lauréats de la médaille Fields ». Nous sommes sauvés.
Quelques inquiétudes sont çà et là évoquées. Questionnant l’influence de ce nouvel eldorado numérique sur les conditions de travail, le site Droit du Travail mentionne que
« les évolutions liées à l’IA peuvent, si elles ne sont pas bien encadrées, engendrer de vrais risques en cas d’organisation tayloriste : surcharge cognitive si les salariés ne traitent plus que des tâches complexes et/ou sur un rythme plus soutenu, réduction de l’autonomie du salarié et isolement accru (comme on a pu le noter avec le voice-picking chez LIDL par exemple), ou encore fragmentation de ses tâches en limitant ses possibilités d’avoir une vision globale. »
Quelques voix osent être vraiment discordantes. Dans Le Point, Frédéric Prost, chercheur au laboratoire d’informatique de Grenoble, signale que même si le sujet est important, « ce rapport, écrit par un mathématicien, aussi brillant soit-il dans son domaine, tape largement à côté. » En particulier parce que « les résultats produits par les IA, s’ils sont très efficaces, ne sont pas explicables d’un point de vue humain. »
Du coup, « ce rapport laisse l’impression de mettre la charrue avant les bœufs en discutant avant même qu’elle existe de ses limites éthiques et de ce que devrait être l’intelligence artificielle », alors qu’« il est très difficile de penser les implications sociales en amont. L’histoire nous a montré qu’elles sont largement imprévisibles. » Mais c’est surtout Alain Connes qui exprime ses inquiétudes. Invité de France-Info, il exhorte à « ne pas vendre son âme à l’Intelligence Artificielle » et refuse de céder à l’éblouissement général devant les prouesses techniques. Car « vers quoi va-t-on avec l’intelligence artificielle ? On va vers l’enrégimentement des gens. » Et de souligner que l’un des organismes à l’origine de percées dans l’intelligence artificielle veut développer des procédés aux finalités militaires. « Mon avis » , dit Connes, « est totalement nuancé sur cette espèce d’engouement dans lequel les gens se plongent sans réfléchir. » Et d’ajouter sans nuance qu’au final, contrôler une immensité de données n’a qu’un but : manipuler la société « [p]our lui retirer de l’argent, la faire voter pour Trump » etc. Les moyens peuvent changer mais Satan conduit toujours le bal…
Parité
Ce qui n’évolue pas trop non plus, c’est le maintien d’une grande disparité de la présence des femmes et des hommes dans les domaines scientifiques. Une informaticienne s’interroge sur le site Developpez.com. Julia Enthoven qui dirige un site web d’édition de vidéos pense « que les stéréotypes peignent l’informatique comme un domaine d’activité qui sied aux personnes sans vie sociale saine, c’est-à-dire des individus qui n’accordent aucune considération aux autres ». La société voit l’informaticien comme “le gars qui passe le clair de son temps dans un coin obscur à rechercher des solutions à des problèmes « informatiques » plutôt qu’humains”. D’ailleurs, le site journaldugeek mentionne qu’ “une chose n’a pas changé dans l’imaginaire collectif : nous pensons à l’informaticien et pas à l’informaticienne.”. Et pourtant, rappelant le cas d’Ada Lovelace, l’article mentionne que « le premier programmeur [a été] une femme ».
Par ailleurs, un article sur le site LeVif.be mentionne que si les hommes ont tendance à « surestimer leur intelligence » (artificielle ?), les femmes au contraire « abandonnent plus facilement les filières scientifiques, les mathématiques et les études d’ingénieures » car elles se pensent « insuffisamment intelligentes ». Dans un article d’El Pais, la mathématicienne Patricia Contreras Tejada fait une jolie comparaison avec le mouvement musical américain « barbershop music » qui s’est développé aux États-Unis d’abord de façon exclusivement masculine car elle était une spécialité des boutiques de barbiers. Pour Patricia Tejada la « mélodie de la science a été pendant longtemps interdite aux oreilles des femmes. » De toute façon, tout vient à point à qui sait attendre. D’après numerama.com, on s’interroge sur le temps qui sera nécessaire pour que les femmes puissent bénéficier d’une représentation plus paritaire dans la science, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques et la médecine. La réponse est que « dans moins de trois siècles, les femmes seront autant représentées dans les revues scientifiques que les hommes. » . De quoi se plaignent-elles ?
Pour ceux (celles) chez qui tout cela produirait des bouffées incendiaires, ils pourraient s’intéresser au « rayon de la mort » que Tesla prétendait avoir mis au point et dont le site dailygeekshow.com nous rappelle la délirante utopie pour mettre fin à tous les conflits armés. Plus loin de nous, un entrefilet du Figaro raconte comment la cryptologie a été utilisée pour décrypter une lettre envoyée par Bouillé à Fersen en avril 1791 pour organiser la fuite de Louis XVI. Et enfin, pour terminer par quelques grammes de rêve dans ce monde de brutes, une visite sur le beau site renaissance-transmedia, réalisé avec le CESR et l’ARD Intelligence des Patrimoines, permet de plonger dans la pensée de Léonard de Vinci, étrange mélange de rêverie romane et d’espoir visionnaire d’amélioration de la condition humaine. Une intelligence très réelle en quelque sorte…
Applications
IA, Big Data, on les retrouve cette fois-ci au service de la médecine. La méthode scientifique, sur France Culture, donne à écouter un entretien avec Stanley Durrleman, responsable du projet Semaphore. Ses travaux visent à construire un modèle numérique de la maladie de Parkinson pour, à terme, en utilisant l’intelligence artificielle, comprendre l’hétérogénéité du développement de la maladie, identifier les profils évolutifs et prédire l’évolution temporelle pour chaque patient.
Au sujet d’une autre branche des mathématiques très médiatisée, l’émission économique de RFI traitait des mathématiques, de la finance et du prix des choses. Où l’on apprend que le travail d’un actuaire est de convertir le hasard en espèces sonnantes et trébuchantes, que la crise financière de 2008 a eu lieu parce que les modèles du probable utilisés en finances n’étaient pas les bons et que les outils mathématiques toujours plus compliqués poussent le marché à se conformer aux modèles.
Mais les primates ne sont pas les seuls à pouvoir dénombrer des objets de manière innée. C’est ce que montre l’étude de deux généticiens, résumée par Le Monde consacrée au corbeau.
Le site du CNRS parle d’une expérience de science participative originale. Le but était de mettre en évidence la violation des inégalités de Bell pour des objets quantiques. Ces inégalités traduisent mathématiquement le principe de réalisme local : deux objets éloignés ne peuvent avoir qu’une corrélation limitée. Jusque-là, cette violation avait été mise en évidence à l’aide de générateurs d’aléa quantiques, ce qui revient à prendre pour hypothèse... la conclusion d’un théorème que l’on veut montrer ! Cent mille personnes ont participé à générer une grande quantité de bits aléatoires, de manière non quantique, qui ont permis de montrer que les inégalités de Bell ne sont pas toujours vraies.
Un article de recherche pédiatrique à paraître dans Nature a retenu l’attention de sciencedaily. Il montre, à l’aide d’une étude impliquant 6200 enfants, que la curiosité favorise l’apprentissage de la lecture et des mathématiques, et que cela est encore plus vrai pour les enfants de milieux défavorisés. La curiosité, un vilain défaut ou une piste sérieuse pour des innovations pédagogiques futures ?
Et puis, si vous les aviez oubliés, trustmyscience rappelle la liste des 7 problèmes à un million de dollars, dressée par l’institut Clay à la fin du millénaire précédent.
Le billard, un jeu d’adresse ? Pas seulement, Slate rapporte les propos de Christophe Lambert (le joueur semi-professionnel). Pour lui, la réflexion, des notions de physique (pour contrôler le comportement de la boule après un choc) et de géométrie (pour anticiper les trajectoires) sont essentielles et constituent une partie non négligeable de l’enseignement du billard.
Un cycliste parcourt un aller entre deux villes à 20 km/h et le retour à 30 km/h. Quelle est sa vitesse moyenne ? Si vous avez répondu 25, vous avez tout faux et vous devez lire la réponse sur Futura Sciences. C’est la moyenne harmonique qui donne la réponse, pas la moyenne arithmétique.
Enfin, une application qui pourrait concourir pour le IG-Nobel : maxisciences résume les travaux de Steven Cranford, qui montrent que Thanos a réellement une force titanesque (les fans de Marvel se reconnaîtront).
Vie de la recherche
Est-ce que les chercheurs et les enseignants-chercheurs sont bien payés en France ? Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, répond à la question dans une vidéo visible sur le site de Sciences et Avenir. Sa réponse n’est pas très claire : la France est attractive à l’international mais les salaires ne sont pas assez élevés. En même temps, suivre les préconisations du rapport Villani (doubler le salaire des chercheurs en IA) est irréaliste (à cause des coûts ou des inégalités engendrées ?).
Et les doctorants, sont-ils bien payés ? On vous laisse répondre mais il semble que la thèse soit, à défaut, un rempart partiel au chômage, selon une étude commentée par les Echos.
Sinon, l’alternance est à la mode, même au CNRS. Son site raconte l’expérience d’Alexandre, étudiant à l’ENSIMAG, recruté en alternance pour travailler pour Mathdoc, la cellule de coordination documentaire nationale pour les mathématiques. De quoi encourager le recrutement d’apprentis dans les unités mixtes.
Une nouvelle pierre dans le jardin de l’éditeur Springer : selon Le Monde, 2500 chercheurs en IA dénoncent le caractère payant de la future revue éditée par Springer « Nature Machine Intelligence ». Comme toujours, l’éditeur prétexte un « travail éditorial substantiel »…
Le site de l’Université de Poitiers annonce la tenue de la SEME fin mai. Cette Semaine d’Etude Maths-Entreprises, soutenue par le GDR Maths Entreprises et le LabeX AMIES, vise à rapprocher les laboratoires de l’entreprise. Des industriels proposent des problèmes appliqués aux participants (doctorants et post-doctorants) qui rendent publiques leurs avancées à la fin de la semaine.
Mathématiques en Algérie
Au mois de mai avait lieu le 4e congrès des mathématiciens algériens. Les sites d’El Watan et Algériemondeinfos insistent sur une information importante dévoilée lors de ce congrès : l’Algérie est la nation la plus importante en termes de publications mathématiques (23%) au sein des mathématiques africaines. Comme souvent lors des congrès mathématiques africains, l’importance cruciale de la discipline pour le développement économique du pays a également été soulignée. Parallèlement, El Watan annonce qu’une école de printemps pour étudiants de mastère et doctorants, soutenue par le CIMPA, a eu lieu à l’Université de Jijel ; équations aux dérivées partielles et géométrie étaient au programme.
En Afrique toujours, l’Université Al Akhawayn a organisé à Marrakech la 10e édition d’Africacrypt, le grand raout de la cryptographie africaine, selon consonews.
Pour finir, gabonactu rapporte la tenue d’une école mathématique africaine à l’université de Masuku pour sensibiliser les étudiants aux applications des mathématiques à la cryptographie et à la robotique.
Enseignement
Parcoursup
L’affectation des étudiants dans les établissements d’enseignement supérieur (plateforme « Parcoursup ») est une question toujours aussi brûlante.
Les élèves de terminale ont saisi leurs vœux. Les établissements ont fait le tri des candidats, suivant des critères souvent obscurs, ou ne l’ont pas fait, refusant de se prêter à ce qui était considéré comme une sélection déguisée. Le RGPD, réglementation européenne applicable depuis le 25 mai dernier, pourrait toutefois être invoquée par qui voudrait connaître tous les détails du fonctionnement de Parcoursup, explique Le Monde dans sa rubrique Campus.
À partir du 22 mai, les candidats ont commencé à recevoir des réponses. Depuis, Le ministère met en ligne chaque jour un « tableau de bord des indicateurs de Parcoursup ».
Au début du mois, Le Parisien avait enquêté sur la façon dont les universités procédaient pour classer les dossiers. Le site belge CIEL FM s’est intéressé au cas particulier des facultés de droit, en s’appuyant sur une étude du Monde. Dans des cas où une composante d’une université refusait de classer les dossiers, la ministre Frédérique Vidal a donné compétence aux recteurs pour se substituer aux universités pour procéder au classement, en nommant une commission ad-hoc chargée de le faire. C’est ce que rapporte l’universitaire Yann Bisiou, textes officiels à l’appui, sur son fil twitter.
Mais « le gouvernement n’en a pas fini avec la contestation », comme le titre Médiapart. Le mouvement continue dans de nombreuses universités et semble aussi gagner quelques lycées dans les derniers jours de mai.
Les occupations de locaux des universités ont été nombreuses, et les autorités ont à peu près systématiquement fait appel aux forces de l’ordre pour y mettre fin, parfois sans ménagement. Ce fut le cas à Rennes, rapporté par Le parisien, qui signalait aussi le report des partiels à Lyon 2 alors que Francetvinfo fait état de la mobilisation des lycéens. La récente occupation du lycée Arago à Paris et la répression policière brutale qui s’en est suivie ont fait l’objet d’une démarche auprès du défenseur des droits, rapportée dans un blog de Mediapart.
Les critiques viennent aussi du collectif « Sauvons l’université », qui se demande dans son blog de Mediapart si la rentrée 2018 pourra se faire. L’Humanité publie des extraits d’un diaporama destiné à donner aux conseillers d’orientation et aux enseignants les « éléments de langage » conseillés par le rectorat pour s’adresser aux élèves dont le dossier est en attente ou rejeté.
Le SNES-FSU (syndicat majoritaire chez les enseignants du secondaire) fait un premier bilan des résultats de Parcoursup dans l’académie de Versailles. Le syndicat Sud Éducation voit dans les premiers résultats « une nette inégalité entre lycées ». De son côté, le SNESup (FSU) dénonce la « catastrophe Parcoursup » et « exige des mesures d’urgence ». Marianne évoque « le bricolage douteux des algorithmes », tandis que Libération publie des témoignages qui font état du côté « hyperviolent » et « absurde » d’un classement au millième de points. Le Huffington Post propose enfin un bilan un peu moins alarmiste.
En marge de cette actualité, on notera une tribune dans Libération consacrée à la multiplication de cursus universitaires payants et au risque d’augmentation générale substantielle des frais d’inscription.
Nouveaux programmes
Les recommandations du Conseil Supérieur des Programmes (CSP) pour le futur nouveau bac, que nous reprenons sur notre site, sont détaillées par Le Figaro, ainsi que par Francetvinfo. Le premier mot de la première phrase de cet article, selon la lecture que l’on en fait, est dans le vif du sujet : « Plus de démonstrations en mathématiques [...] » !
Ces nouveaux programmes portent la marque du « retour aux fondamentaux », thème principal de la lettre de Jean-Michel Blanquer aux professeurs, lettre accompagnée d’un guide de référence et de quatre recommandations et de deux textes de cadrage, l’un sur l’enseignement du calcul et l’autre sur la résolution de problèmes à l’école élémentaire. Mentionnons à ce sujet que depuis une bonne dizaine d’années, la « résolution de problèmes » est devenue, en France mais aussi dans bon nombre d’autre pays, la voie principale, pour ne pas dire la seule, pour enseigner les mathématiques. Hors des « situations-problèmes », point de salut ! Si les avantages d’une telle approche sont indéniables, on ne parle pas souvent de ses inconvénients, surtout quand elle se veut systématique. On lira donc avec intérêt dans le Journal du Québec le témoignage d’une enseignante québécoise, pour le moins réservée sur le sujet.
Les directives du ministère sont exposées sur le site de BFMTV et sur celui du Parisien, qui insiste sur le sujet en lui consacrant un deuxième article. Dans une interview au Journal du Dimanche rapportée par Europe 1, le ministre se défend d’avoir une « vision passéiste de l’école ».
Alors, quel bac choisir ? La question ne se posera bientôt plus sous cette forme, mais elle concerne encore les élèves de seconde actuels. Le Figaro leur propose des conseils de « spécialistes » de l’orientation. Par exemple, Arthur, qui est « attiré par le monde de la finance ou de l’assurance », doit-il aller en S ou en ES ?
La Cité des sciences et de l’industrie ouvre elle ses portes aux candidats au bac et leur propose jusqu’au 24 juin des activités de soutien dans les matières scientifiques. On trouvera des détails sur le site Studyrama.
En attendant, la crise du recrutement dans l’éducation nationale est toujours aussi aiguë. L’Union fait état du manque de professeurs remplaçants dans les collèges des Ardennes. L’académie de Besançon, elle, en est venue à passer un contrat avec Pôle Emploi pour recruter des enseignants vacataires, comme le rapporte France Inter.
La Nouvelle République décrit une évaluation de l’enquête internationale PISA pour laquelle une cinquantaine d’élèves de quinze ans du lycée Nelson Mandela de Poitiers ont été « désignés volontaires » (!!!). C’est l’occasion pour le journal de préciser les modalités de ces enquêtes, qui valent à la France de bien piètres résultats.
Venu à La Riche (Indre-et-Loire) avec Charles Torossian présenter les 21 mesures de leur rapport sur l’enseignement des mathématiques, à l’invitation de la députée locale de son parti, Cédric Villani a manifestement séduit les 180 personnes qui l’ont écouté, mais aussi et surtout le journaliste de La Nouvelle République, tombé sous le charme du « nouveau romantique version calcul mental »...
Pédagogie
Comment faire aimer les maths aux élèves ? La question est récurrente. Six enseignants ont expliqué à vousnousils leur façon de relever le défi. Sans surprise, on y retrouve des idées maintes fois développées : diversification des approches, insistance sur l’aspect ludique, lien avec les préoccupations et les goûts des élèves (sport, musique...), appel à l’histoire des maths, en l’agrémentant d’anecdotes, utilisation des outils numériques, présentation des applications des maths dans de nombreux domaines, et donc lien avec les autres disciplines, défis et compétitions.
Aspect ludique, étude de problèmes concrets, mise en situation de recherche, esprit d’équipe : ce sont les ingrédients que l’on retrouve dans le projet « Dédra-MATH-isons » proposé à des élèves du secondaire par l’université catholique de Louvain, en Belgique, comme le rapporte le site de la RTBF.
Et ce sont des créations scéniques au service de l’apprentissage des maths dont fait l’expérience une école primaire de Torcy, près du Creusot, et rapportée par Le Journal de Saône-et-Loire.
Ça devient banal, on peut aussi mettre les maths en musique en espérant ainsi attirer les élèves. Un professeur de Montreuil, sous le nom de « Great Teacher Issaba » a composé un morceau de rap consacré à la statistique. À voir et écouter sur konbini.com.
Les établissements scolaires, eux, cherchent de plus en plus « à être en osmose avec le tissu économique », si l’on en croit La Nouvelle république, qui relate une visite de collégiens dans des entreprises de Thouars (Deux-Sèvres). Les professeurs ont peut-être pensé qu’aller à Thouars était au moins une façon de mieux maîtriser les probabilités.
Le site québécois École branchée présente une plateforme d’apprentissage numérique pour les mathématiques (Netmath), destinée aux scolaires mais aussi aux adultes. De son côté, Radio-Canada évoque deux projets destinés à mettre « des robots au service de l’apprentissage scolaire ».
Des startups françaises proposent aussi des plateformes de formation. La Tribune en décrit une, Skillogs, qui se présente comme « agrégateur de compétences ». Si ce langage ne vous rebute pas trop...
Nouvelles d’Afrique
Africanews nous parle de « SimulaMath, un logiciel gratuit qui rend les mathématiques très simples » ! Son auteur, Michel Seck, universitaire sénégalais, affirme que Simulamath « peut résoudre tous les problèmes mathématiques ou presque, quelque difficiles ou complexes qu’ils soient ». Nous ne l’avons pas testé, mais nous avons remarqué les questions que se pose Africanews à son sujet : « N’accentuera-t-il pas le phénomène de la fraude ? N’encouragera-t-il pas la paresse ? Ne tuera-t-il pas l’esprit de créativité chez les enfants ? ». Simulamath a également attiré l’attention de la BBC, de Africa Top Success, de Senego.com et de la radio-télévision camerounaise CRTV.
Nous en avons déjà parlé ici, notamment dans la revue de presse de mars 2017, le « baromètre Jangandoo », qui mesure au Sénégal les performances en français, en mathématiques et en culture générale d’enfants de 9 à 16 ans, donne des résultats très préoccupants. Le site SeneNews Actu en donne une nouvelle confirmation : « 3 enfants sur 4 ne savent pas lire ni résoudre les maths au Sénégal ». « Équipe d’enseignants pluridisciplinaires » et « manuels remédiateurs » font partie des outils proposés pour essayer d’inverser la tendance. Le Quotidien du Sénégal y ajoute les cours de la Khan Academy, à laquelle il consacre un article.
Au Burkina Faso, l’enseignement des mathématiques n’est pas en bien meilleure santé. « Problème pour les enseignants et les apprenants », mathématiques perçues « comme étant abstraites et difficiles », « désaffection de la discipline », on retrouve là des constats hélas banals. Le site LeFaso.net nous apprend que le Collège sciences et techniques de l’Académie nationale des sciences, des arts et des lettres du Burkina Faso (ANSAL-BF) entend « apporter sa contribution à une formation de qualité ».
En Guinée, c’est le problème du manque d’enseignant que pointe le site Guinée Matin. Le lycée de Tougué compte un unique professeur de mathématiques...
En République Démocratique du Congo (Kinshasa), le ministre de l’Enseignement Primaire et Secondaire équipe progressivement toutes les écoles publiques de « kits scientifiques » destinés à « aider les enfants à aimer les mathématiques et les sciences ». Malheureusement, Radio Okapi, qui donne l’information, précise que « le contenu [de ces kits] n’a pas été révélé » !
Le site marocain L’Économiste consacre un article au problème de la langue d’apprentissage des mathématiques. Dans les années 1980, le Maroc a arabisé l’enseignement des matières scientifiques dans le primaire et secondaire, mais a conservé la langue française pour l’enseignement supérieur, ce qui provoque des difficultés pour les étudiants. « L’apprentissage des mathématiques est une question éminemment linguistique. Il n’est pas possible de les apprendre sans maîtriser leur langue d’enseignement. » Le problème se complique aujourd’hui car même la langue arabe est mal maîtrisée.
En visite à l’université de Blida, en Algérie, le ministre mauritanien de l’enseignement supérieur a déclaré que « l’enseignement supérieur en Algérie est de qualité » et s’est félicité de la consolidation des relations entre les deux pays dans ce domaine ainsi que pour la recherche. Il a présenté des projets pour l’avenir. Ses propos sont rapportés par le quotidien algérien Liberté.
L’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) crée un « Collège doctoral régional « Mathématiques, Informatique, Biosciences et Géosciences de l’environnement » » pour la région « Afrique Centrale et Grands Lacs ». On trouve des détails à ce sujet sur le site Gabon Media Time ainsi que sur le site de l’AUF.
Le salut vient d’Haïti
En Haïti, la Semaine de la science et du savoir pour le progrès social, qui s’est tenue du 23 au 28 avril, a été l’occasion d’une « mini-école de mathématiques », destinée aux étudiants ayant l’équivalent d’une licence en mathématiques, physique, chimie, sciences économiques ou ingénierie. La présentation qu’en fait Alter Presse, réseau alternatif haïtien d’information est particulièrement intéressante. En effet, parmi les arguments justifiant l’importance de la formation scientifique, on insiste particulièrement ici sur le rôle des mathématiques « pour le rationnel et contre les leurres », sur « la nécessité de fonder les décisions importantes concernant la nation et la vie de tous les jours sur la science et la pensée rationnelle » et sur le rôle du « savoir au service du progrès social ». On souligne que « l’ignorance tend à se reproduire », que les « comportements anti-scientifiques se sont multipliés ces dernières années lors de l’apparition du choléra, du séisme de 2010, des récentes éclipses solaires ». On déplore l’inexistence du discours scientifique et le règne de la démagogie et des « discours manipulateurs ». Les maths au service d’une pensée rationnelle et contre l’obscurantisme : voilà ce qu’on aimerait entendre plus souvent.
Honneurs
Le Courrier Picard nous présente Zéliha, lycéenne Noyonnaise malvoyante et Frédéric, son professeur particulier qui lui donne des cours de soutien de mathématiques : un tandem décidé et opiniâtre, exemplaire.
Le Progrès
rend honneur à Dominique Boucherie, professeur de mathématiques au collège du Pré Saint-Sauveur dans le Jura, qui a reçu la Légion d’Honneur, « grande distinction,
particulièrement rare pour ce corps de métier ».
Abidjan.net nous parle de son côté des
lauréats d’un concours de mathématique ivoirien dont on ne peut que saluer l’étendue ; soulignons également le soutien mixte public-privé pour cette compétition. En effet, « élargi à tous les établissements secondaires du département, le concours […] a bénéficié du soutien de la mairie d’Adiaké et d’une société de téléphonie mobile. »
Un tel partenariat aurait-il pu éviter que ne tombe cette bien mauvaise nouvelle : La Dernière Heure nous rapporte la fermeture de la Maison des Maths de Quaregnon, dont les activités ont maintes fois été évoquées
ici même et dont le directeur Emmanuel Houdart avait reçu le prix du Wallon de l’année pas plus tard que le mois dernier ! Comme le relève
par ailleurs le site de Télémb,
« Manu Houdart pointe du doigt le manque de soutien de la fédération Wallonie Bruxelles, la ministre concernée parle, elle, de problèmes de
gestion. »
Heureusement, pas de tels problèmes à Beaumont-en-Lomagne, où œuvre l’association de diffusion Fermat Science - elle aussi souvent évoquée dans ces colonnes - dont parle ce mois-ci Carenews. Concrètement, « l’association reçoit chaque année plus de
dix mille visiteurs et se déplace dans toute la France pour promouvoir une approche moins formelle des mathématiques ». De son côté,
Vousnousils publie un entretien avec Sylvie Benzoni, qui succède à Cédric Villani à la tête de l’Institut
Henri Poincaré (IHP). Elle évoque les enjeux futurs avec notamment « l’ouverture de la Maison des Mathématiques pour 2020 ». « Il existe déjà des maisons des mathématiques [...] Ce qui est vraiment nouveau avec la future Maison des Mathématiques, c’est que pour la première fois cohabiteront dans un même lieu chercheurs et grand public. »
Passons maintenant du monde de l’enseignement et de la diffusion au monde de la recherche - même si, comme nous le verrons notamment
au sujet d’un entretien avec Yves Meyer, la frontière entre ces deux univers est tout sauf hermétique. Le
Journal du CNRS consacre un long dossier au congrès de
l’ICM à Rio cet été, avec des entretiens avec quatre des mathématiciens français invités : Nalini Anantharaman, Catherine Goldstein, Vincent
Lafforgue et Sylvia Serfaty. Maxisciences donne de son côté une brève biographie de l’américano-iranienne Maryam Mirzakhani, brillante
dynamicienne et seule femme ayant reçu la médaille Fields, laquelle nous a quittés bien trop tôt, il y a bientôt un an… On consultera à son sujet le toujours excellent répertoire des biographies des mathématiciens de l’université de St.Andrews (en anglais).
En bref, la Société Mathématique du Canada rapporte que
« que le professeur Anthony To-Ming Lau (Alberta) est le lauréat 2018 de son prix David-Borwein de mathématicien émérite »
pour ses contributions
à l’analyse harmonique abstraite ; de plus « sa plus grande contribution aux mathématiques canadiennes est sans doute son travail de mentor et la
direction de plus de 25 doctorants ». De son côté, le site de l’INSMI nous informe que le
mathématicien lyonnais Christophe Garban a reçu le prix Marc Yor en probabilités pour « l’étude de la sensibilité au bruit des modèles de
percolation, sujet sur lequel il a co-écrit un livre important ».
Pour finir, dans la Gazette de la SMF (la suite
ici), on trouvera deux textes à la mémoire de Jean-Louis Koszul,
mathématicien grenoblois récemment disparu, l’un de Bernard Lagrange et l’autre de Pierre Cartier. France Culture nous offre aussi un grand entretien avec Alain Connes. A lire enfin, un entretien avec Yves Meyer dans Notices of the AMS. Vous en saurez davantage sur sa manière de travailler très atypique et sur son
côté littéraire (à peine) refoulé.
Parutions
Derrière les mathématiques il y a des mathématiciens, des hommes, et les deux ne peuvent pas être dissociés.
Nous parlions le mois dernier de la collection « Génies des mathématiques ». La sortie des ouvrages se poursuit au rythme d’un par semaine : Cantor, Ramanujan, Galois, Riemann ... Chaque livre permet à un large public de découvrir un pan de l’histoire des mathématiques à travers des mathématiciens qui les ont portées. Certains regrettent (à juste titre) que le nom de chaque auteur ne soit pas mentionné sur la couverture. Dans le cas de Ramanujan, par exemple, il faut passer la page de garde pour trouver la mention du titre original, Ramanujan : La mente que quiso entender el infinito, et le nom de l’auteur, Juanjo Rué Perna. C’est un choix de l’éditeur et de lui seul. Mais, à notre avis, cela ne retire rien à l’intérêt de la démarche pour la diffusion des mathématiques.
Sur un tout autre plan La Gazette des mathématiciens rend hommage à Jean-Christophe Yoccoz en lui consacrant un numéro spécial qui prolonge la journée d’hommage du 29 mai 2017 au Collège de France. Vous y trouverez des mathématiques qu’il aimait, entremêlés de témoignages de ceux qui ont travaillé à ses côtés, d’évocations, d’anecdotes. Vous y découvrirez les passions qui l’animaient comme les échecs, la montagne, la mer ... Illustrée par de nombreuses photos, cette très belle brochure fait revivre un grand mathématicien parti trop tôt. « Jean-Christophe était normal et merveilleux » comme le dit Dennis Sullivan.
Publié initialement en 1941 What is Mathematics ? : An Elementary Approach to Ideas and Methods de Richard Courant et Herbert Robbins a fait l’objet d’une réédition en 1996 avec un chapitre additionnel (sur les récents progrès des mathématiques) écrit par Ian Stewart. Ce best-seller a été traduit d’abord en russe, en italien, en allemand, en espagnol puis, en 2015, en français. Mais l’édition française (que l’on doit à Marie Anglade et Karin Py) est devenue rapidement « définitivement indisponible » en neuf... Les éditions Cassini ont remédié à ce regrettable état de fait : vous pourrez à nouveau le trouver en librairie, le relire ou l’offrir.
Si vous aimez Naples, si vous recherchez un instant d’évasion en compagnie d’un écrivain amoureux de cette ville, Le Coq de Renato Caccioppoli de Jean-Noël Schifano, sorti en avril 2018, devrait vous tenter. « Jean-Noël Schifano, viscéralement attaché à Naples, raconte la vie d’un héroïque professeur de mathématiques » titre le Figaro. Ce mathématicien héroïque, c’est Renato Caccioppoli, « ennemi des tyrannies et adepte de la provocation » comme le présente France 3. Effectivement, il faut avoir du cran pour tourner en dérision les rites fascistes et faire jouer la marseillaise lors du passage de Mussolini et Hitler à Naples en 1938 ! « Ce geste n’est ni le premier ni le dernier mais il est emblématique du mépris que le petit-fils de Bakounine adresse sensiblement à la doxa. La mendicité est interdite ? il ira mendier. Le napolitain est proscrit, il fera ses cours en napolitain. Fort esprit et forte tête ! » écrit Loïc Di Stefano dans une recension avant d’ajouter que ce livre est « un bel hommage à la liberté et à l’intelligence ».
Après « Les rêveurs lunaires » Edmond Baudoin et Cédric Villani cosignent (toujours chez Gallimard) une nouvelle BD, Ballade pour un bébé robot. « Un récit de science-fiction poétique, philosophique et mathématique » nous annonce l’éditeur.
Des robots à l’IA il n’y a qu’un pas. Dans le mensuel Pour la Science de juin Jean-Paul Delahaye nous parle justement de l’apprentissage des intelligences artificielles. « Les systèmes de reconnaissance automatique ont d’étonnantes faiblesses. Exploiter ces failles permet de s’amuser, mais aussi d’améliorer les procédures d’apprentissage ... ou de concevoir de nouvelles attaques malveillantes ». Même si d’indéniables et spectaculaires progrès ont été faits ces dernières années, « ces succès ne signifient pas que les machines sont devenues véritablement intelligentes » et il convient de rester « lucides sur ce qui est fait et reste à faire avant de parler de machines en tout point meilleures que les humains ». Il reste encore beaucoup de travail pour ceux qui se lancent dans la recherche en intelligence artificielle !
C’est bien connu, c’est le chef qui décide. Et quand il n’y a pas de chef comment se prennent les décisions ? C’est la question qu’aborde dans La Recherche Roger Mansuy dans sa chronique mensuelle, Décider sans chef. Une situation que l’on peut retrouver par exemple dans les « systèmes informatiques distribués : le réseau n’a pas de centre et chaque acteur du réseau n’a réellement que la perception de son voisinage immédiat ». Comment peut-on « faire émerger une information globale concernant le réseau en n’utilisant que des informations locales. Dans un cadre relativement simple, il existe de telles solutions, dont l’une repose sur l’automate cellulaire de Toom ». Une agréable promenade mathématique qui donne une piste pour explorer des résultats essentiels "pour envisager les réseaux informatiques d’aujourd’hui et de demain !
Avant de terminer quelques mots sur un texte qui a révolutionné la science de son époque, Philosophiae naturalis principia mathematica (Principes mathématiques de la philosophie naturelle). Un manuscrit de 1685 annoté par Isaac Newton et l’astronome Edmond Halley a été découvert en mars dans les archives de la Royal Society nous informe ActuaLitté. Une version numérisée est maintenant disponible en ligne.
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Pour citer cet article :
L’équipe Actualités — «Revue de presse juin 2018» — Images des Mathématiques, CNRS, 2018
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Revue de presse juin 2018
le 1er juin 2018 à 10:55, par L’équipe Actualités