Revue de presse novembre 2022
Le 1er décembre 2022 Voir les commentaires
Assises pétillantes, honneurs multiples, pièce de théâtre et tournée musicale, si vous avez trouvé ce mois de novembre un peu froid, nous vous invitons à vous réchauffer avec un peu de maths !
Vous apprendrez aussi que Zhang Yitang a déposé une prépublication à propos de l’hypothèse de Riemann, que les jeux de hasard peuvent être très mathématiques comme le prouve la carrière de Persi Diaconis, ou encore que les enfants états-uniens dessinent de plus en plus de femmes lorsqu’on leur demande de dessiner « a scientist ».
Pour les curieuses et les curieux, l’image à la une ce mois-ci est tirée du premier projet Danse Tes Maths de Lara Thomas, un film avec ses élèves de BCPST que vous pouvez retrouver ici !
À la une
- La maison de thé Fortnum & Mason se faisant passer pour un calendrier de l’avent en 2021
C’est le top départ pour les calendriers de l’avent (et même de l’après avec le Calendrier Mathématique 2023), alors que vous célébriez noël ou pas, nous vous souhaitons bonne chance si vous vous apprêtez à vous lancer dans la résolution des 25 énigmes mathématiques de Maths en Scène ou bien des 25 défis de l’Advent of Code !
Recherche
Sans doute le plus important problème ouvert de la théorie des nombres à ce jour, la conjecture de Riemann intrigue et déchaîne les passions jusqu’au-delà de la communauté mathématique, et toute avancée vers sa résolution attire l’attention médiatique.
Un autre problème de taille, provenant d’un tout autre royaume mathématique, aurait aussi été résolu ces dernières semaines, annonce Quanta Magazine (en anglais) : celui de l’apparition de singularités dans les solutions des équations d’Euler. Ces équations décrivent le mouvement d’un fluide possédant certaines caractéristiques idéalisées — incompressible et sans viscosité. Si elles sont largement utilisées en physique, beaucoup reste à explorer quant à leurs propriétés mathématiques. Ainsi, nul ne savait dire jusqu’alors si les équations pouvaient conduire à des solutions non physiques (c’est-à-dire où les caractéristiques du fluide comme sa vitesse deviendraient infiniment grandes) pour certaines conditions particulières. C’est désormais chose faite (encore une fois, sous réserve de validation par les pairs !) dans l’article de Jiajie Chen et Thomas Hou. L’article de Quanta s’attarde en particulier sur le fait que la preuve de ce résultat fait appel à une assistance informatique — une technique qui s’est développée au cours des dernières années et que nous évoquons régulièrement, mais qui soulève toujours des questionnements scientifiques et philosophiques au sein de la communauté mathématique.
Toujours dans Quanta Magazine, on trouvera ce mois-ci un agréable tour d’horizon de la théorie des nœuds, un autre sujet populaire de vulgarisation en raison de son esthétique visuelle, avec des ramifications mathématiques profondes et de nombreux problèmes encore ouverts à ce jour.
Un peu de science insolite pour conclure, avec des échos de la Conférence générale des poids et mesures par France Info et le Huff Post : constatant le besoin dans divers domaines scientifiques de mesurer et manipuler des quantités toujours plus grandes et plus petites, les grands maîtres des unités ont inauguré quatre nouveaux préfixes. Ainsi, par exemple, un kilogramme représente mille grammes et un gigaoctet un milliard d’octets, et on peut depuis le 18 novembre officiellement parler d’un ronnagramme pour un milliard de milliards de milliards ($10^{27}$) de grammes (la Terre en pèse environ six, comme les deux articles le signalent fièrement), et d’un quettaoctet pour $10^{30}$ octets — tandis que les préfixes ronto et quecto désignent respectivement les ordres infiniment petits de $10^{-27}$ et $10^{-30}$.
Vie de la Recherche
Avant de nous attaquer aux Assises, commençons par deux tribunes assez politiques au sujet des maths et de la société. L’une est rédigée par le journaliste à la formation scientifique Jay Caspian King dans The New Yorker et s’intitule How math became an object of the culture wars, l’autre par le mathématicien John Armstrong dans The Spectator et s’intitule The sinister attempts to « decolonise » mathematics. En français, cela donne Comment les maths sont devenues l’objet des guerres culturelles et Les tentatives sinistres de « décoloniser » les mathématiques. Les tentatives de simplification des programmes de mathématiques en petites classes en Californie et les requêtes de décolonisation des programmes à l’université au Royaume-Uni chiffonnent les deux auteurs. Tous deux d’accord avec le constat selon lequel il y a un problème de représentativité des différentes classes sociales dans le milieu des maths, ils pensent aussi que les maths ne devraient pas être si politisées. Vaste sujet...
Pour accompagner ces journées, Le Journal du CNRS avait mis en ligne dès le premier jour les Indispensables mathématiques, un « florilège d’articles et vidéos » qui montre « à quel point cette discipline, en interaction permanente avec les autres, est incontournable pour comprendre le monde et relever les grands défis de société ».
L’objectif principal était non seulement de faire un état des lieux, mais aussi d’entamer une analyse des problèmes et une réflexion prospective qui engagera la prochaine décennie.
Le programme, dense et riche, de ces Assises est le point d’orgue d’un travail entrepris depuis de longs mois par sept groupes de travail. Il s’est déroulé avec la précision d’un métronome, durant trois jours, à la maison de l’UNESCO, un lieu qui nous rappelle que les mathématiques n’ont ni frontière ni nationalité, et que l’UNESCO a toujours été très attentive au développement des sciences. Tables rondes, conférences, exposés, témoignages, échanges avec le public, remises de prix (voir la rubrique Honneurs) se sont enchainés à un rythme soutenu pour les participant·es issu·e·s du monde mathématique, politique, de l’enseignement, de la presse...
Car pour plusieurs raisons les organisateurices avaient souhaité une ouverture des débats avec de nombreux partenaires et les « non mathématicien·nes » ont été nombreux et nombreuses à répondre à l’invitation.
Pour l’occasion, l’association Femmes&Mathématiques avait prêté son exposition Mathématiques, informatique... avec elles (réalisée par Centre•Sciences [1] et inaugurée en mai 2022 à l’Institut Henri Poincaré) qui souligne le fort déficit de représentativité des femmes dans les domaines scientifiques, et tout particulièrement en mathématiques, et montre bien que « tous les métiers liés aux mathématiques et à l’informatique sont aussi exercés par des femmes et mériteraient d’en attirer davantage ».
La tenue des Assises arrive à un moment où la discipline, tout en enregistrant d’indiscutables succès, voit de tous côtés s’allumer des signaux d’alerte.
Alors que les mathématiques occupent en France une place souvent enviée, des nuages ne cessent de s’amonceler engendrant une inquiétude qui ne cesse de s’amplifier d’année en année.
- Film éducatif issu des archives de l’Unesco
D’un côté les mathématiques sont présentes dans tous les domaines, cruciales pour relever les défis qui nous attendent, et les besoins en mathématicien·nes sont de plus en plus importants. De l’autre on constate une désaffection de plus en plus importante pour la discipline, un rythme de croissance des publications qui va en diminuant, tout comme le nombre de postes permanents en mathématiques à l’université.
Les organisateurices ont tiré la sonnette d’alarme comme en témoigne le communiqué de l’AFP relayé par Boursorama et Mediapart. Stéphane Jaffard explique, exemples à l’appui, que l’économie française a « besoin de bras » en mathématiques. Ce sujet a été évoqué par plusieurs participants, à différents moments. Christophe Besse pointe en particulier la diminution du nombre d’enseignant·es-chercheu·r·ses en mathématiques (8%) depuis l’année 2000 alors que, dans le même laps de temps, le nombre des enseignant·es-chercheu·r·ses toutes disciplines confondues augmentait de pratiquement la même valeur (7%). Une participante a d’ailleurs pointé que plusieurs de nos plus brillant·es mathématicien·nes exerçaient souvent leurs talents dans des universités étrangères...
Stéphane Jaffard était aussi au micro de France Inter pour détailler le programme des Assises.
Le lendemain, toujours sur France Inter, Hugo Duminil-Copin était L’invité de 6h20 pour parler des mathématiques et de sa vision des mathématiques.
Dans un article du Monde🔒, intitulé Le CNRS inquiet concernant la désaffection pour les mathématiques, David Larousserie (qui participait à ces Assises) brosse un tableau de l’état des lieux effectué durant ces trois jours, des enjeux et des propositions évoquées. Il note qu’« aux indispensables efforts financiers pour augmenter les postes, le nombre de contrats doctoraux, l’attractivité des carrières s’ajoutent des recommandations plus inattendues ». Il a en effet été question de « maisons régionales des maths », de « pédagogie plus attractive, de moyens pour développer l’interdisciplinarité, ou encore [du] recrutement d’ingénieurs dans les laboratoires de mathématiques ». Dans un autre article🔒, au titre quasiment identique, le journal pose cette question : Qui s’intéresse aux mathématiques en France ? et répond : Peu de monde, en particulier au sein de l’État !
Ouest France s’inquiète de voir l’excellence française menacée.
De son côté, L’Étudiant met en avant la demande du Hcéres (dont les récentes publications sont en ligne) d’un programme national pour les mathématiques à l’horizon 2030.
Faire un bilan de telles journées qui ont abordé un panel si large de questions et d’enjeux cruciaux pour l’avenir des mathématiques en France, de la recherche, de l’enseignement, de la société... prendra quelques mois. Un document de synthèse doit être présenté à l’automne prochain.
Applications
Mathématiques et politique publique
La rubrique Applications met souvent à l’honneur l’impact de la modélisation mathématique sur l’étude des maladies, de l’efficacité des traitements, et plus généralement sur le monde de la médecine.
Par exemple ce mois-ci, dans l’épisode du podcast Tête-à-tête Chercheuse(s) du 7 novembre, la mathématicienne Nathalie Ayi échange avec Chloé Audebert, maîtresse de conférences en mathématiques appliquées qui « a la particularité d’être à cheval sur deux laboratoires, un de mathématiques et un de biologie », et qui a pu « assister à des chirurgies animales, [être] dans le bloc et [effectuer] des mesures en coordination avec les chirurgiens pendant qu’ils opéraient » pour pouvoir alimenter ses modèles.
Mais ce mois-ci nous adoptons aussi un autre point de vue pour illustrer comment les mathématiques peuvent impacter le monde de la médecine, les hôpitaux, et en particulier les services d’urgence en leur sein.
- « Une dynamique collaborative pour accélérer le transfert d’innovations vers le secteur hospitalier »
Le 10 octobre dernier marqua le lancement officiel du projet de recherche URGE, porté par l’INRIA (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) et l’AP-HP (Assistance publique des hôpitaux de Paris, organisation regroupant 39 hôpitaux). Ces deux institutions partagent depuis 2021 le Bernoulli-lab, laboratoire commun dédié aux sciences et technologies du numérique dans le champ de la santé. Le projet URGE a remporté l’appel à projet lancé par le Bernoulli-lab en avril dernier. Comme son nom l’indique, il vise une amélioration globale des conditions d’accueil des patients dans les services d’urgences parisiens, dont la fréquentation a doublé au cours des vingt dernières années. En se basant sur les données de douze services d’urgence de l’AP-HP, URGE permettra de simuler les flux et de tester de nouvelles organisations sans impacter les patients.
On ne peut que louer la volonté de mettre les mathématiques au service de l’hôpital et des publics qui les fréquentent, professionnels et patients. On peut par contre douter de l’adéquation de ce type de solutions techniques aux problèmes concrets rencontrés sur le terrain. Est-ce qu’un calcul mathématique pourra un jour conseiller à nos décideurs d’augmenter les effectifs et les salaires, à l’hôpital ou dans d’autres services publics en crise ?
Mathématiques et jeux d’argent
- Roulette au casino de Baden Baden
Quittons le Qatar et la coupe du monde pour le vrai temple des jeux d’argent : les casinos de Las Vegas. La fortune de ces géants est entièrement due à leur capacité à créer et contrôler l’aléatoire. Comment lancer la bille et faire tourner la roulette ? Comment construire des machines à sous imprévisibles ? Et surtout : comment mélanger un paquet de cartes, avec pour objectif final de maximiser l’aléa afin d’empêcher quiconque de deviner quelle sera la prochaine carte révélée ? Voici le genre de questions qui obsèdent un directeur de casino. Étonnamment, comme nous le raconte la BBC dans un superbe article, ces questions obsèdent aussi les mathématicien⸱nes, ou au moins l’un d’entre eux, Persi Diaconis de l’université de Stanford. Parti de chez lui à 13 ans pour apprendre la magie sur les routes des États-Unis, Diaconis reprit plus tard ses études pour devenir probabiliste, avec comme sujet de prédilection le mélange des cartes. Son article le plus connu date de 1992, où il démontre avec Dave Bayer qu’il faut mélanger sept fois un paquet de cartes neuf avec la technique dite du riffle shuffle (ou $(p-q)$-shuffle) pour atteindre un aléa (presque) parfait. Dans cet article de la BBC, on nous raconte aussi comment les casinos du désert embauchèrent un jour Diaconis pour mesurer la qualité de l’aléa produit par les machines mélangeant les paquets. Le verdict de l’expert ? Peut mieux faire ! Pour admirer les raisonnements élégants et la technique de Diaconis, nous conseillons finalement la chaîne Youtube Numberphile et ses nombreuses vidéos mettant en scène le mathémagicien...
Mathématiques, informatique et information
Pour finir, nous vous proposons de découvrir comment la géométrie différentielle peut s’appliquer aux probabilités et aux théories de l’information. Dans un billet du site TowardsDataScience, le doctorant Rahul Bhadani nous donne les bases de cette curieuse intersection, en commençant par définir de manière à la fois précise et informelle les outils de bases de la géométrie différentielle : variétés, vecteurs tangents, covecteurs etc. Il définit ensuite l’objet central de la géométrie de l’information, la métrique de l’information de Fisher.
Enseignement
L’annonce est tombée le 13 novembre dernier. Dans un entretien accordé aux Échos🔒, Pap Ndiaye annonce : « c’est le retour de l’enseignement des mathématiques pour l’ensemble des lycéen[·ne]s ». Une déclaration remarquée, à la veille des Assises des mathématiques (voir la rubrique Vie de la Recherche). Les paragraphes dédiés à l’enseignement des mathématiques qui suivent s’articulent autour des déclarations ministérielles, des réactions qu’elles ont suscitées et des réflexions qu’elles amènent.
Un constat partagé
Comme les mois précédents, les médias continuent de faire largement état de la situation préoccupante des mathématiques dans l’enseignement primaire et secondaire. Le Monde et Ouest-France relaient une dépêche AFP qui décrit succinctement la situation et revient sur les annonces gouvernementales du 13 novembre, annonces à mettre en perspective avec le bilan du quinquennat précédent : « ce revirement en termes de politique éducative d’Emmanuel Macron solde l’une des mesures les plus controversées de la réforme Blanquer de 2019 ».
En effet, dans un communiqué du mois de novembre le ministère reconnaît qu’ « aujourd’hui, trop d’élèves quittent notre système scolaire sans détenir les acquis mathématiques nécessaires », sans pour autant revenir sur la partie de cet échec imputable aux dernières réformes du lycée. Le communiqué commence par lister les objectifs du ministère, de l’école primaire au lycée, pour « continuer à promouvoir l’excellence et réconcilier les élèves avec les mathématiques ». Dans un deuxième temps, il est question de « déconstruire les représentations sur les mathématiques et leur réputation élitiste, encourager l’égalité filles-garçons et la mixité sociale », sans vraiment rentrer dans le détail des mesures envisagées. Cette feuille de route a par ailleurs été présentée à l’Assemblée Nationale à l’occasion d’une séance de questions au gouvernement par la députée Isabelle Rauch (du groupe Horizons) lors de la séance du 15 novembre dernier.
Les Échos se font par ailleurs le relais des préoccupations du monde professionnel face à la situation, citant tour à tour le président de Michelin, le directeur général de Saint-Gobain ou encore le président du CNRS, Antoine Petit. Selon ce dernier, « la situation des mathématiques est très préoccupante, elle sera catastrophique si nous ne faisons rien ». Bruno Le Maire, ministre de l’Économie estime qu’il s’agit d’ « un enjeu de souveraineté économique ». Le quotidien aurait sans doute mieux fait de se cantonner à cet article, tant l’édito d’Éric Le Boucher🔒 laisse perplexe. Le chroniqueur navigue ici à vue et s’échoue sur des poncifs provocateurs (« les mathématiques sont la France », rien que ça), pour établir un parallèle douteux entre un déclin présumé de la France et son niveau en mathématiques. Confondant corrélation et causalité, l’éditorialiste s’appuie ici sur un rapport du Conseil d’Analyse Économique rédigé par Raphaël Martin, Baptiste Roux et Thomas Renault. Dans ce rapport, les auteurs s’intéressent au « lien » entre le niveau de compétences en mathématiques et la productivité au travail, et résument ainsi : « l’analyse empirique comporte plusieurs spécifications à différentes échelles et établit une corrélation positive entre niveau de compétences en mathématiques et productivité du travail. » Son édito se poursuit en enchaînant des assertions qui mériteraient a minima d’être étayées : alors même que l’ensemble du corps enseignant et universitaire s’interroge sur les causes de l’absence de mixité sociale en mathématiques (voir les paragraphes suivants), il affirme qu’ « en vérité, les facultés en maths des élèves ne dépendent pas de leur origine sociale et c’est la seule matière dans ce cas », avant d’asséner, sans plus de source, que « les combattants de l’égalitarisme, les syndicats d’enseignants, l’oublient et, se concentrant sur la discrimination, ils ont préféré abandonner peu à peu les maths parce que cette matière avait pris trop de place dans l’orientation des élèves. Aux États-Unis, la « cancel culture » a lancé un débat pour réviser les programmes de maths parce que cette discipline discriminait les Noirs »... Un texte qui mériterait de s’appliquer les principes qu’il énonce : « accepter en France la différence, [...] le goût de l’effort et les plaisirs de l’esprit scientifique ».
Le retour des mathématiques obligatoires en classe de première, sur fond de mieux que rien...
... Et l’Humanité d’interroger « mais est-ce que mieux, c’est assez ? »
Le Figaro accorde à ce sujet un entretien à Mélanie Guenais, maîtresse de conférences à l’Institut de Mathématiques d’Orsay. La coordinatrice du collectif Maths&Sciences et vice-présidente de la Société Mathématique de France revient en détail sur les critiques adressées à la politique gouvernementale, expliquant tout d’abord pourquoi l’annonce du ministre ne permettra pas de répondre à la baisse de niveau des élèves en mathématiques (mesurée pour les classes de CM2 et de 4e) au moins à court terme, avant à son tour de poser la question de la finalité, estimant que « si l’enseignement des maths est intégré dans l’enseignement scientifique, alors nous risquons d’arriver à des contenus qui, ou bien ne donneront qu’une vision partielle de ce que sont les maths, ou bien manqueront de cohérence d’ensemble » et déplorant un trop faible volume horaire pour permettre l’acquisition d’une maîtrise satisfaisante des mathématiques. L’entretien est aussi l’occasion de revenir sur les objectifs chiffrés du gouvernement pour augmenter le nombre de filles en maths et en sciences au lycée. Mélanie Guenais explique « que ces objectifs chiffrés ne sont pas du tout réalistes car ils ne reposent sur aucune proposition concrète. » Elle revient sur les dispositifs qui pourraient être mis en place et nuance : « les rôles modèles ne font pas l’unanimité sur leur efficacité, et mobilisent de toute manière de nouveau les femmes scientifiques, minoritaires dans leur métier, sur leur temps de travail ou de leur vie privée. [...] Il faut rappeler qu’une personne cadre scientifique dans le privé ou dans l’académique n’a pas de raison de travailler gratuitement pour pallier les effets pervers d’une réforme dont tous·tes les acteur·ices de terrain avaient dénoncé les problèmes. » L’article se conclue par une synthèse des préconisations du collectif Maths&Sciences pour améliorer l’enseignement des mathématiques, à retrouver dans le détail sur le site de la SMF.
Dans un article consacré à ce « énième bricolage », l’hebdomadaire Marianne explique par ailleurs que « ces heures supplémentaires ne vont concerner que les élèves n’ayant pas choisi la spécialité mathématiques [...] et qui verront cet ajout d’une heure et demie dans leur emploi du temps comme une « punition ». » Le périodique relaie également la lassitude des syndicats : « « c’est aussi ce changement d’organisation perpétuel qui pose problème, autant pour les élèves que les professeurs », constate Frédéric Marchand, secrétaire général de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) éducation » quand la secrétaire générale du Snes FSU explique que la mesure manque sa cible en s’adressant seulement aux élèves de première, alors même que le niveau en mathématiques au lycée se joue dès la seconde. Le Café Pédagogique revient par ailleurs plus en détail sur les critiques adressées au plan maths par le syndicat. La problématique du recrutement d’enseignant·es dans un contexte de pénurie est également source d’interrogations, l’Humanité et le Monde🔒, reprennent ainsi les chiffres annoncés par le ministère qui estime que 400 à 425 postes sont nécessaires pour concrétiser la mesure. Pap Ndiaye a par ailleurs annoncé que le récent médaillé Fields Hugo Duminil-Copin « sera notre ambassadeur pour porter » les mesures annoncées. Le Monde tempère ici l’effet d’annonce. Contacté par le quotidien, Hugo Duminil-Copin déclare « je ne me positionne pas sur la réforme du lycée. [...] Je veux rester neutre », ajoutant qu’il souhaite s’impliquer uniquement « sur la promotion des mathématiques ».
Le Café Pédagogique enfin, revient sur le plan maths dans son ensemble et explique que « la stratégie [ministérielle] oublie [...] les « 70% » des élèves de lycée professionnel qui ont un trop faible niveau. [...] On ne sait toujours pas comment [Pap Ndiaye] va pouvoir concilier le doublement de la durée des stages en entreprises en bac professionnel avec le maintien d’un horaire suffisant de cours en lycée. » L’article revient également sur les résultats désastreux obtenus aux évaluations Trends in International Mathematics and Science Study (TIMSS) en CM1 et 4e et explique « face à ce fiasco, le réflexe du ministère est d’accuser les professeurs des écoles qui seraient trop peu matheux. D’où le plan maths. C’est vrai. Mais TIMSS n’a pas établi de lien entre le niveau en maths des professeur·es et les résultats des élèves. En CM1, les professeur·es diplômé·es en maths ont de moins bons résultats que les autres (471 points contre 484). »
« Réconcilier tou·[te]s les élèves avec les mathématiques » ?
- Marie-Françoise Roy, photographiée à Oberwolfach en 2009
Cette journaliste à l’IREF revient sur la réforme de Jean-Marie Blanquer, les annonces du nouveau ministre, et écrit, au détour de considérations sur l’apprentissage de la lecture aux élèves de maternelles : « depuis de nombreuses années, la baisse de niveau de l’enseignement a des effets sur le monde professionnel. On trouve ainsi de moins en moins d’enseignants-chercheurs en mathématiques ». L’occasion était trop belle de rappeler que la baisse des effectifs de chercheur·ses et enseignant·es-chercheur·ses à l’université est le fruit d’une politique de diminution des postes menée depuis plusieurs années. Marie-Françoise Roy, professeure émérite à l’Université de Rennes, explique ainsi au micro de Radio France que « le nombre de postes en mathématiques fondamentales a été divisé par 2,5 en dix ans », une affirmation vérifiable à l’aide des fiches démographiques du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Cette émission de Radio France est l’occasion pour la présidente du Committee for Women in Mathematics, Hugo Duminil Copin, Stéphane Jaffard (directeur des Assises des Mathématiques) et Claire Lommé (qui est également membre de l’Association des Professeur·es de Mathématiques de l’Enseignement Publique (APMEP)) de faire le point sur les enjeux et défis qui accompagnent l’enseignement des mathématiques en France, en termes notamment de représentation de la discipline, et d’image de cette dernière que celles et (surtout) ceux qui l’exercent donnent à voir. Le podcast propose une synthèse réussie de l’actualité de l’enseignement en mathématique, tout en laissant le temps à ses invité·es de développer leurs propos.
Dans un article écrit pour The Conversation, Nathalie Sayac, professeure des universités en didactique des mathématiques et directrice de l’Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation, explique elle aussi que « la vision que l’on a, en France, des mathématiques est dominée par des croyances et des représentations fantasmées », et ajoute qu’à l’évocation d’un mathématicien ou d’une mathématicienne « on a [...] souvent [...] une image totalement fausse et dépassée, qui persistera tant que les médias, les livres et les manuels scolaires la véhiculeront inconsciemment ou par négligence. C’est pourquoi il est impératif d’agir au niveau de ces représentations empreintes de stéréotypes, de les contrer avec des modèles plus réalistes et plus diversifiés – notamment au niveau du genre – auxquels tout le monde peut s’identifier, quel que soit son sexe, sa situation sociale ou scolaire. »
- La Mission Égalité – Diversité de l’université Lyon 1 souhaite représenter la diversité de ses étudiant·es au travers de portraits photos.
Un constat qui permet ici un bref aparté pour relayer l’appel à participation de la mission Égalité-Diversité de l’université de Lyon 1 à la recherche d’étudiant·es qui représentent la diversité de cette université au travers de portraits photo.
Dans son article, Nathalie Sayac revient également sur l’histoire de la discipline, longtemps réservée aux hommes issus de milieux favorisés. Durant cette période, l’accès des femmes à ce savoir a été partiel si ce n’est prohibé (la mixité n’a été décrétée qu’en 1975). Une histoire à mettre en perspective avec le témoignage de Marie-Françoise Roy évoqué ci-avant. Cette lente évolution n’aura sans doute pas permis de mettre à mal toutes les croyances d’une prétendue prédisposition des hommes aux mathématiques. L’autrice conclut sur les disparités de représentations sociales également à la lumière de cette histoire élitiste « la massification scolaire, précédée par des siècles d’enseignement secondaire réservé à une élite, s’est faite sans vraiment accompagner les enseignants ».
Cédric Villani était quant à lui au micro de France Info pour revenir sur les annonces ministérielles et expliquer le rôle fondamental des mathématiques au quotidien. Interrogé sur les effets désastreux de la réforme de 2019 sur les effectifs féminins en mathématiques au lycée, qu’il avait défendue en son temps, il évoque l’autocensure comme cause principale de la désaffection des mathématiques par les lycéennes, et insiste sur la nécessité de permettre aux élèves de garder trois spécialités en terminale, au diapason des préconisations du collectif Maths&Sciences.
Plusieurs collectifs de l’enseignement supérieur ainsi que des actrices de la technologie cosignent un article dans La Tribune afin d’endiguer la fuite des cerveaux féminins vers les filières non scientifiques. Une tribune en forme de note de synthèse, qui reprend les études menées par différents collectifs et liste quatre grands axes d’action sans vraiment les illustrer par des suggestions concrètes. Les besoins de forces vives dans le domaine des technologies apparaissent d’ailleurs dans l’actualité du mois de novembre comme un enjeu de souveraineté économique de premier plan, le Sénégal l’a bien compris, qui propose désormais une formation publique créée sur le modèle des classes préparatoires françaises et donnant notamment accès aux concours des écoles d’ingénieurs sénégalaises et françaises, comme l’explique un article du Monde.
Mais que la diversité des noms féminins égrenés dans cet article ne trompe personne : le monde mathématique universitaire n’est en aucun cas plus reluisant que les entreprises privées lorsqu’il s’agit d’interroger la part des effectifs féminins. Le Figaro étudiant rappelle qu’ « avec moins de 25% de femmes chez les enseignants-chercheurs et chercheuses en mathématiques à l’université et dans les organismes de recherche, les maths font figure de « cancres des disciplines scientifiques » en matière de parité des genres [...] en mathématiques dites pures ou fondamentales, la proportion des femmes est même encore plus faible chez les professeur·es : 7%. » Marie-Françoise Roy revient sur ce constat dans l’article et dans son interview accordée à France Culture afin de proposer des pistes pour enfin faire évoluer un chiffre « constant depuis 15 ans ». La professeure des universités évoque à la radio la question de la mobilité imposée aux universitaires en mathématiques, spécificité du domaine décriée pour son impact délétère sur la parité en mathématique, avant d’expliquer dans l’article que certains pays comme l’Allemagne et les États-Unis ont mieux réussi dans cette entreprise d’ouverture. Un article de Science (en anglais) revient d’ailleurs sur cette réussite américaine et les conséquences que cela pourrait avoir sur la représentation inconsciente des scientifiques : « lorsqu’on leur demande de dessiner un ou une scientifique, les élèves américains sont de plus en plus nombreux et nombreuses à dessiner des femmes. » [2]
Au passage, notons qu’aux États-Unis toujours, des adolescent·es interrogé·es par le New York Times (en anglais) sur l’importance des mathématiques estiment que les mathématiques « entraînent notre esprit à considérer plusieurs points de vue, nous apprennent à penser avant d’agir et à organiser des pensées chaotiques. » [3]
A la lecture des articles listés dans cette rubrique, la représentation des mathématiques n’apparaît pas seulement genrée. Il s’agirait également d’un milieu compétitif. Les initiatives listées ici permettent de percevoir autrement la pratique des mathématiques, de manière plus ludique. L’équipe [d’Eurêkamaths] revient dans une interview du Dauphiné Libéré 🔒 sur ses défis mathématiques. La Nouvelle République revient par ailleurs sur la convention signée depuis 2012 entre l’Éducation Nationale et la Fédération Française de Bridge pour encourager les établissements scolaires à initier les élèves au bridge, considéré par beaucoup comme « un complément efficace au programme éducatif ».
France Bleu Maine-et-Loire revient sur l’initiative de la fondation First et sa Newton room, qui a élu domicile, pour la version française, à Angers. Une salle de classe ludique et interactive qui devrait permettre de faire des mathématiques autrement.
Afin de vaincre la phobie des maths, Neelakantha Bhanu, ou comme l’a surnommé la BBC, le « Usain Bolt du calcul » a monté sa propre start-up pour promouvoir les mathématiques comme un sport fun auprès des étudiant·es, une approche très entrepreneuriale qu’il explique à Entrepreneur India (en anglais).
Enfin, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation propose aux enseignants et enseignantes du supérieur un fun-mooc pour se former à l’enseignement. « Ce MOOC vise à soutenir notamment la formation et l’accompagnement des enseignants, enseignants-chercheurs et doctorants du supérieur dans leurs connaissances des processus d’apprentissage et dans leurs pratiques d’enseignement et d’évaluation. » Pour ce qui est de combattre les représentations de genre par l’usage de la langue, il reste encore un peu de chemin.
Honneurs
Le lendemain, ce fut au tour de la Société Mathématique de France de remettre les prix d’Alembert et Jacqueline Ferrand. Marie Lhuissier mathématicienne et conteuse de maths - qui écrit volontiers pour Images des Mathématiques - s’est vue remettre le prix d’Alembert qui récompense une action pour faire mieux connaître les mathématiques. Elle invente, écrit et raconte des histoires de mathématiques. Le prix Jacqueline Ferrand pour des innovations pédagogiques a été décerné à Sign’maths. Ce projet vise l’inclusion des personnes sourdes et malentendantes dans les études de sciences et de mathématiques via le développement d’un glossaire en langage des signes.
Nalini Anantharaman a reçu les honneurs de la presse ce mois-ci. Et pour cause, la mathématicienne est titulaire de la chaire de géométrie spectrale au Collège de France depuis octobre 2022. Elle a donné sa leçon inaugurale, Histoires de spectres, le 10 novembre dernier. On peut la visionner ici. On trouvera un portrait à lire dans les colonnes du Monde🔒 et des interviews données au journal La Recherche et à Sonia Devillers sur France Inter.
À l’occasion du 11 novembre, en Irlande du Nord c’est au cryptanalyste John Herivel qu’on rend hommage. Il a participé à décoder la machine Enigma pendant la Seconde Guerre mondiale. Comme le rapportent NewsLetter et la BBC, une plaque commémorative a été apposée sur la façade de son établissement de formation, le collège méthodiste de Belfast.
Le magazine Quanta a mis à l’honneur deux femmes récemment distinguées. En début de mois, une interview a été accordée à Svetlana Jitomirskaya. Mathématicienne intéressée par l’analyse et les systèmes dynamiques, elle a reçu cet été le prix Olga Alexandrovna Ladyzhenskaya qui récompense des travaux en physique mathématique. La seconde mathématicienne interviewée par le média est Wei Ho. Celle-ci travaille sur les courbes elliptiques et vient d’être nommée directrice du programme Woman and Mathematics de l’Institute for Advanced Study.
Diffusion
Sur les ondes
- Les ponts de Königsberg (configuration à l’origine du problème d’Euler.)
Etienne Ghys inaugurait ce mois-ci Petites histoires de Sciences, un podcast de l’académie des sciences co-produit avec Canal académies.
Dans la deuxième édition du festival Et maintenant, Natacha Triou, voix de l’émission CQFD sur France Culture, a accueilli David Bessis pour un entretien éclairant d’une vingtaine de minutes sur le thème de l’incertitude. David Bessis y développe des thèmes présents dans son livre, mais va parfois au-delà. Il évoque certaines évidences, comme l’évolution du climat, qui étaient impensables avant que les outils mathématiques permettant de les mesurer ne soient développés et assimilés.
Ici et ailleurs
- Château de Gramont.
Au Burkina Faso, la 8e édition du Festival du Film Scientifique (FFS) a eu lieu du 7 au 12 novembre 2022 (voir Africa Press ou le site de l’institut Français de Recherche en Dévelopement) avec pour ambition affichée de promouvoir l’égalité des chances en sciences.
Entre Toulouse et Agen, le château de Gramont propose depuis le mois de juin et jusqu’en janvier prochain de se replonger dans les énigmes du temps de Fermat avec son exposition Les chambres des Merveilles. La Dépêche a relayé cette information à l’occasion des journées Monument jeu d’Enfant fin octobre. Cette exposition s’adresse aux amateurices de mathématiques et d’histoire des maths de tous âges.
Le Championnat des Jeux mathématiques 2023
Pour terminer cette rubrique diffusion, un petit coup de projecteur sur une compétition atypique, le Championnat des Jeux mathématiques 2023 organisé par la FFJM. Il se déroule chaque année depuis 1987 !
C’est une compétition accessible à toustes les amateurices d’énigmes, à partir de sept ans et sans limite d’âge. Certains participants de la dernière finale internationale avaient participé à presque toutes les compétitions depuis la première, il y a donc 35 ans.
Tout le monde commence par attaquer les mêmes problèmes. Les élèves de CE1-CE2 s’arrêtent au cinquième problème, ceux de CM1-CM2 au huitième, etc.
Les participant·es de la catégorie grand public doivent résoudre seize problèmes, celles et ceux de la catégorie étudiant et haute compétition dix-huit.
Les énoncés sont préparés par une équipe de passionné·es et si vous avez envie de proposer un problème (ou plus !) il suffit de l’envoyer à la fédération. Si votre proposition est retenue vous recevrez une modeste rémunération, sous forme de droits d’auteur, avec les remerciements de l’équipe organisatrice.
Les enseignant·es qui souhaitent organiser une compétition dans leur classe, ou simplement avec un groupe d’élèves, doivent s’inscrire à la fédération avant le 17 décembre 2022, et les candidats libers ont jusqu’au 31 janvier 2023.
Des exemples d’épreuve sont en ligne et tout le monde peut s’amuser ! Une vraie mine pour les amateurs. Vous pouvez préférer les problèmes du calendrier mathématique ou, bien sûr, vous faire plaisir avec les deux...
Parutions
Anniversaire de Tangente
Trente-cinq ans d’existence, ça se fête ! Le numéro de Tangente qui couvre les mois de novembre et décembre rappelle, de la première de couverture à la quatrième, que le dimanche 4 décembre toustes les amateurices de mathématiques sont convié·es à l’anniversaire de Tangente au Musée des arts et métiers exceptionnellement ouvert (et gratuit) de 10h à 18h pour la circonstance.
Ce numéro permet à Gilles Cohen de détailler le programme annoncé, aussi varié que dense. Vous aurez le choix entre :
- un panel de conférences, aussi variées que passionnantes, avec Gilles Cohen, Daniel Justens, Jean-Paul Delahaye, Roger Mansuy, Houria Lafrance, André Deledicq, Gilles Godefroy et Bernard Randé, Dominique Souder, Marc Thierry ...
- des pièces de théâtre : La faiseuse de neige de Marie Lhuissier (voir la rubrique A l’honneur) ; Les indécis, un cabaret statistique présenté par la compagnie Terraquée spécialisée dans le « théâtre de la connaissance » ;
- des ateliers où vous retrouverez un mathémagicien bien connu, Dominique Souder, des jeux de grilles logiques présentées par Olivier Lignon et Antoine Vanney, un tournoi Mathador organisé par Éric Trouillot, le jeu de Hex présenté par Marie José Pestel et Stéphane Jouffrais ;
- un Rallye Chasse aux énigmes organisé par Audrey Candeloro et Brigitte Wenner ;
- la construction collective d’une structure géante avec François Gaudel et l’équipe de l’association Science Ouverte ;
- la résolution de problèmes avec Michel Criton et Jean-Louis Legrand de la FFJM...
Et bien d’autres surprises. Pour terminer, la remise des Trophées Tangente doit clôturer la journée.
Autrement ce numéro s’articule autour de deux dossiers très différents : Puissance d’un point et Faire des maths... à tout âge !.
Le premier permet de mettre en lumière une notion qui non seulement vient de loin comme l’explique François Lavallou, est utile et féconde pour l’étude de nombreuses questions mathématiques comme le montre Élisabeth Busser, mais était aussi très présente chez les scolaires jusque dans les années 60 (une époque où les programmes de mathématiques prévoyaient neuf heures de cours de mathématiques par semaine en classe terminale) comme le précise l’article d’Élisabeth Busser et de Daniel Lignon, Dans les classes des années 1960.
Le second dossier peut sembler inhabituel dans la revue. C’est l’occasion de retrouver le parcours de mathématicien·nes qui ont fait une entrée tardive dans le monde mathématique, des Destins tardifs vers les mathématiques, ou des Matheux jusqu’au dernier souffle. Anne Boyé et Mireille Schumacher nous parlent de la seconde vie des mathématiciennes et de Karen Uhlenbeck, née en 1942, qui fut la première femme à recevoir le prestigieux prix Abel, en 2019. De son côté, Daniel Justens s’intéresse au point de vue des spécialistes des neurosciences.
On trouve aussi un article à la mémoire d’« Un »honnête homme« , éclectique et généreux » : Hervé Lehning, décédé en octobre dernier, et qui a été rédacteur en chef de Tangente. Jacques Bair et Daniel Justens lui rendent un hommage appuyé en brossant un tableau de tous ses apports à la diffusion des mathématiques et « son extraordinaire carrière de vulgarisateur scientifique ».
Également en kiosque
Dans un autre domaine, la revue A.N.A.E. (Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant) consacre son numéro 180 à l’apprentissage des mathématiques, pour mieux comprendre les difficultés rencontrées par les enfants. Le Café Pédagogique en présente une courte recension.
En librairie
Vous pourrez retrouver le dernier numéro de la bibliothèque Tangente consacré à Henri Poincaré et sous-titré À la croisée des sciences. Cette petite brochure très bien illustrée donne un aperçu de la vie et de l’oeuvre « du dernier savant universel », comme il est souvent surnommé, lui qui excellait aussi bien en physique qu’en mathématiques ou qu’en philosophie. En alternant des textes courts et variés, émaillés d’encarts permettant à ceux qui le souhaitent d’aller un peu plus loin, l’ouvrage est accessible à des lycéen·nes et à un large public de curieux et de curieuses.
Vous retrouverez aussi bientôt la réédition chez Cassini de l’ouvrage intitulé Mathématique élémentaire d’un point de vue algorithmique du pédagogue allemand Arthur Engel, décédé ce 11 novembre 2022. Ce livre avait été publié en 1977 sous le titre Elementarmathematik vom algorithmischen Standpunkt et une version française, traduite par Daniel Reisz fut proposée dès 1979 dans la collection Formation Des Maîtres En Mathématiques de Cedic. Ce livre, qui n’a pas pris une ride, intéressera certainement des enseignant·es de mathématiques mais peut être aussi leurs élèves...
Les éditions Cassini viennent aussi de sortir le premier volume de la collection Ça sert à tout : Mathématiques en pratique, intitulé Mathématiques de la gestion : « un ouvrage sur les mathématiques appliquées à la vie quotidienne avec la théorie des graphes notamment, qui est utilisée pour organiser la tournée des postiers, déterminer la longueur de fibre optique nécessaire pour desservir plusieurs clients... ». Un livre pour les lycéen·nes, les enseignant·es, les CDI, les curieuses et les curieux.
Pour terminer, Charente libre nous informe que le club de services féminin Soroptimist de Cognac a décerné, à l’occasion de l’événement Littératures Européennes Cognac, le prix 2022 de l’association à la BD Les audaces de Sophie Germain d’Elena Tartaglini paru en juin 2021 (voir la rubrique Parutions du mois de mai).
Arts
Racine carrée du verbe être, c’est le titre du spectacle créé au Théâtre de la Colline, à Paris, par son directeur Wajdi Mouawad.
Rien n’est écrit ni rien ne s’écrit
et nous vivons ballotés par le vent des probabilités.
Wajdi Mouawad
Après un premier album intitulé $+$, un second intitulé $\times$, un troisième $\div$, et un quatrième $=$, le chanteur Ed Sheeran qui a quitté l’école à 16 ans accumule les succès depuis le lancement à Dublin au printemps dernier de son $+-=\div\times$ Tour ou Mathematics Tour. Virgin Radio avait consacré un reportage à cette tournée en avril, et un second en juillet alors que Sheeran venait d’enflammer le Stade de France, à Saint-Denis (« show phénoménal », également commenté par Rock UR life). Le site Black Information Network (en anglais) annonce de son côté les concerts des prochains mois, notamment une tournée américaine au printemps 2023, pour laquelle certaines dates ont déjà fait le plein de réservations.
$\cdot^n, \cdot!, \cup, \otimes$... nous comptons sur lui pour continuer au-delà de ces opérateurs élémentaires !
Histoire
Considéré comme « le plus somptueux de tous les manuels d’instruction de la Renaissance » par le Metropolitan Museum of Art et comme la « contribution la plus spectaculaire de l’art du libraire à la science du xvie siècle » par Owen Gingerich, professeur émérite de l’université de Harvard, Astronomicum Caesareum (Astronomie de l’empereur en français) est une œuvre du mathématicien, astronome et cartographe allemand Petrus Apian.
Dans un article du Irish Times (en anglais), Peter Lynch, professeur émérite au University College de Dublin nous explique comment notre perception de l’importance de l’Inde pour l’histoire des mathématiques a évolué au cours des dernières décennies, avec notamment un intérêt grandissant pour l’oeuvre de Ramanujan.
Dans un podcast du site anglophone Physics World, la physicienne Susanne Horn évoque la carrière de Donna Elbert, spécialiste américaine de mathématiques appliquées ayant travaillé avec Subrahmanyan Chandrasekhar « comme un « ordinateur » [...] concevant et résolvant inlassablement des équations mathématiques à la main » [8] et n’ayant pas obtenu la reconnaissance qu’elle méritait alors que Chandrasekhar s’est vu attribuer un Nobel pour ces travaux en 1983.
À propos de femmes et de sciences, il y a cinquante ans l’École polytechnique ouvrait enfin ses portes à celles-ci. Les cérémonies consacrées à cet événement ont été conclues par un discours d’Élisabeth Borne, Première ministre et ancienne polytechnicienne.
Par ailleurs, un documentaire intitulé Polytechnicienne a été réalisé par l’école pour célebrer « sa féminisation ». On y voit Anne Chopinet, première femme admise à l’X (et première au classement du concours d’entrée en 1972), qui se souvient : « Personne ne savait trop quoi faire de nous ». Le Monde🔒 s’est intéressé à cette commémoration.
Enfin, Le Monde🔒 raconte comment Cécile Pierrot, Paul Zimmermann et Pierrick Gaudry, chercheuse et chercheurs en cryptographie et en informatique au LORIA à Nancy, aidés par Camille Desenclos, historienne spécialiste des relations entre la France et le Saint-Empire, sont parvenus à déchiffrer une lettre écrite de la main de l’empereur Charles Quint et dont le chiffrement était bien plus complexe qu’on aurait pu s’y attendre.
Pour finir
Une fois n’est pas coutume, comme le mois dernier, il est question d’une sportive matheuse ! Ouest-France nous présente la basketteuse Axelle Merceron, joueuse au centre de formation de l’Union Féminine Angers Basket et étudiante en deuxième année de licence de mathématiques à l’Université d’Angers. Elle qui « pensait plutôt privilégier « les études et une double licence maths et économie » » va finalement tenter de percer dans le basket, alors qu’avec son équipe elle participe à la Coupe d’Europe.
L’équipe de la revue de presse recrute ! Si vous voulez participer, contactez les secrétaires de rédaction d’IdM.
Notes
[1] Centre de Culture Scientifique, Technique et Industrielle de la Région Centre-Val de Loire
[2] « When asked to draw a scientist, school-age kids in the United States are increasingly sketching women ».
[3] « It trains our mind to look at something from various viewpoints as well as teaching us to think before acting and organizing chaotic thoughts. »
[4] Symmetry and simplicity spontaneously emerge from the algorithmic nature of evolution
[5] Symmetry rules life on Earth – but it comes with many fascinating exceptions
[6] ou une seule femme ?
[7] expression peu opportune
[8] « as a « computer » [...] tirelessly devising and solving mathematical equations by hand »
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Pour citer cet article :
L’équipe Actualités — «Revue de presse novembre 2022» — Images des Mathématiques, CNRS, 2022
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