Sur la formation initiale des enseignants

Le 18 mars 2014  - Ecrit par  Aziz El Kacimi Voir les commentaires (16)

Les nombreux problèmes qui se posent dans l’enseignement des mathématiques ne laissent personne indifférent. Beaucoup de gens en parlent, mais peu les posent de façon concrète. C’est que le débat est déjà difficile à porter auprès de la communauté mathématique, et il l’est encore plus au niveau du public. C’est à cet effet que le site Images des Mathématiques souhaite offrir un espace de discussions ouvert à tous ceux qui se sentent touchés par ces questions. Ils pourront y échanger leurs idées, leurs points de vue et éventuellement apporter des éléments de réponse. Le débat sera « provoqué » chaque mois par la publication d’un billet portant sur un point précis, écrit par l’un des responsables de la rubrique ou par toute autre personne qui le souhaiterait.

A. El Kacimi, F. Recher, V. Vassallo

Dans certains sports, l’athlète s’entraîne à affronter l’épreuve suprême et ne pense qu’à décrocher un titre aux Jeux Olympiques. Ce sera la finalité de tout le travail et les efforts qu’il aura fournis.

Un étudiant en Master enseignement de mathématiques se prépare au concours du CAPES. Il le réussira s’il arrive à traiter une partie des épreuves proposées selon des critères fixés en fonction de divers paramètres, entre autres : le nombre de postes offerts au recrutement, celui des candidats...

Qu’ont en commun le CAPES et l’épreuve olympique ? Une chose : les deux sont un examen de passage, bien que cette dernière ne soit accessible qu’à très peu de monde et après une sélection sévère. Pour le reste, il n’y a que des différences dont une essentielle : l’athlète ne doit plus rien alors que notre Capésien va enseigner pendant 41 ans (peut-être plus) à au moins une soixantaine d’élèves par an ! Tant d’années remplies d’un travail intense, de responsabilités, de galère... Mais enseigner, c’est d’abord :

  • Transmettre un savoir.
  • À cet effet, notre Capésien doit être en possession de ce savoir, et avant l’épreuve du CAPES.
  • La réussite à cet examen certifie (en principe) qu’il a presque toutes les aptitudes pour.

Alors, des questions naturelles se posent :

1. Une fois qu’un étudiant est reçu au concours, a-t-il au moins une partie des compétences de l’enseignant qu’il est censé devenir ?

2. Doit-on préparer cet étudiant au métier d’enseignant ou simplement à l’épreuve du CAPES (comme une épreuve olympique, au sens de sa finalité) ?

3. La formation actuelle des enseignants en mathématiques répond-elle à toutes ces exigences ? Je parle bien sûr au niveau des connaissances requises. Flaubert disait : « Si vous saviez exactement ce que vous voulez dire, vous le diriez bien. » Cette belle maxime illustre parfaitement ce que tout le monde trouverait évident : pour enseigner correctement, aisément et bien, il faut d’abord bien connaître ce que l’on a à enseigner. Mais depuis quelques années, le nombre d’heures consacrées à l’enseignement des mathématiques se réduit, les programmes sont de plus en plus allégés et la plupart des méthodes sont sous forme de recettes. (Le problème « réduction du volume horaire » a même été pointé par des mathématiciens étrangers comme le souligne ce passage à la fin du texte [*] (pourtant élogieux sur les mathématiques françaises) :
"La France n’est pas non
plus à l’abri des pressions tendant à modifier les méthodes d’enseignement dans les
écoles, telles que l’élargissement du programme d’études menant à une réduction
des heures allouées aux mathématiques
,
ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur
le niveau de préparation des étudiants en
mathématiques entrant dans les grandes
écoles et les universités.
")

On peut encore évoquer pas mal d’autres questions mais je préfère me limiter à celles qui sont au cœur du problème et les poser de façon directe.
Il est important qu’elles puissent trouver écho et réponses sans tarder. Il y va de ce qui adviendra de l’enseignement des mathématiques dans les proches années à venir. Les enseignants, et plus particulièrement ceux qui sont impliqués dans la formation, doivent faire l’effort de s’associer au débat, d’une manière franche. Et ce serait encore mieux, si des décideurs s’y mêlaient aussi.

Autres billets dans Images des Mathématiques liés au sujet : [1], [2], [3],
[4].

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Pour citer cet article :

Aziz El Kacimi — « Sur la formation initiale des enseignants» — Images des Mathématiques, CNRS, 2014

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  • Le débat du 18 : Sur la formation initiale des enseignants

    le 30 mars 2014 à 22:32, par Karen Brandin

    Je m’excuse pour cette réponse tardive mais vous avez raison bien sûr ; il faudrait absolument rétablir ou étalir des créneaux horaires décents parce que comprendre, apprendre cela prend du temps.

    Il faudrait aussi arrêter de faire du cours de maths un véritable un fourre-tout sous prétexte de le rendre plus « expérimental », plus attractif.
    On n’est pas au spectable mais en cours et a priori personne n’en meurt pour autant.

    Je n’ai toujours pas réussi à me convaincre en quoi simuler sur ordinateur 5000 lancers d’une pièce équilbrée est formateur et permet de mieux appréhender le chapitre de probabilités voire (parce que les ambitions sont démeusurées), la loi des grands nombres.

    Je ne vois pas non plus en quoi observer l’allure d’un nuage de point associé àune suite numérique donne une intuition d’une preuve rigoureuse de la convergence.

    Où veut-on en venir avec ces programmes où tout est suggré, survolé, où l’on prône en maths la méthode globale qui consiste à reconnaître les questions et pas à les comprendre, je ne sais pas. Ce qui est terrifiant, c’est qu’il se trouve des personnes pour les défendre et recommander que les universités donnent plus de place à l’utilisation de la calculatrice pour transformer l’essai de cette nouvelle version numérique de la terminale.

    Quant aux sujets du bac, il faut déjà s’estimer heureux lorsque l’un des énoncés n’a pas été recyclé des années précédentes. Ce n’est pas le programme de spé qui me désole le plus mais il est certain que la partie arithmétique qui demande un peu d’intuition, de réflexion va laisser place à un exercice complètement stéréotypé « matrices et suites » sous convert de graphe probabiliste. C’est ce qu’il s’est produit en $2013$.

    Lorsque les thèmes retenus sont trop ambitieux, on se retrouve contraint de poser des exercices sans saveur, sans intérêt ; cf ceux qui étaient sensés illustrés la loi normale, grande fierté du nouveau programme qui elle aussi a fait « pschitt ».

    Les exercices posés en juin 2013 étaient déconcertant de facilité ; j’aurais envie de dire qu’on pouvait s’y confronter sans cours, juste armés d’une bonne calculatrice (et encore).

    À force de renoncer au sens, les élèves ne trouvent plus d’intérêt à cette matière, ne voient pas la nécessité de comprendre quand il est si pratique de se souvenir (j’ai certain terminales qui connaissent par coeur la dérivée de $x \mapsto xe^{-x} $ sous prétexte qu’elle tombe tout le temps :-( ).

    Demandez à un seconde si la fonction inverse est une homographie, il vous répond « bien sûr que non ».
    Demandez si « y=x » est une équation de droite, idem ; demandez à quelle famille appartient la fonction « $f : x \mapsto f(x)=-2x^{2}+3x+5 $ », ils vous diront que c’est LA fonction carrée etc ...

    Comme disait Aziz, on se sent parfois dépassés par l’ampleur de l’incompréhension, de l’approximation, la profusion aussi des idées fausses et leur persistance surtout car ils y tiennent.

    Après, c’est toujours le même problème ; « Qui de la poule ou de l’oeuf ... ? »

    Est-ce que ce sont les enseignants qui à force de s’en moquer, à forcer d’accepter des compromis de rigueur, de rédaction ont désensibilisé les élèves voire ont perdu toute crédibilité ou est-ce que ce sont les élèves qui à force d’indifférence ont découragé les profs ?

    Un peu des deux sans doute.

    Reste que vu l’immobilisme ambiant, je n’ai aucun espoir qe l’on s’achemine vers un monde meilleur, où l’on retrouve l’envie de connaître, de transmettre et d’apprendre.

    Pour conclure, puisqu’il faut rire de tout avant d’en pleurer, j’avais (entre autre) un cours particuier vendredi dernier avec une élève de 1S que je suis depuis plusieurs mois et qui venait de débuter le chapitre du produit scalaire (en même temps que celui des suites, ce qui est juste aberrant puisque ce sont deux thèmes délicats et que vu que le programme de maths de 1S est réduit à une peau de chagrin, on a largement le temps de le faire).

    C’est un outil difficile pour les élèves parce qu’on part de deux vecteurs pour obtenir à l’arrivée un nombre réel donc il faut prendre de temps de s’expliquer sur ce mélange des genres quand ils tiennent tant à la sacro-sainte frontière Algèbre/Géométrie.
    Je reproduis ci-après (partiellement parce que ce serait trop long à taper) la définition qui a été par cet enseignant certifié et expérimenté :

    Définition : Soient $\overrightarrow{u}$ et $\overrightarrow{v} $ deux vecteurs (on imagine du plan)

    $\overrightarrow{u} \cdot \overrightarrow{v}=\parallel \overrightarrow{u} \parallel \times \parallel \overrightarrow{v} \parallel$ si les vecteurs sont colinéaires de même sens.

    $\overrightarrow{u} \cdot \overrightarrow{v}= -\parallel \overrightarrow{u} \parallel \times \parallel \overrightarrow{v} \parallel$ si les vecteurs sont colinéaires de sens opposés.

    Enfin, et là ne suit même pas l’espérée relation impliquant le cosinus mais la stratégie de calcul d’un produit scalaire utilisant une projection orthogonale qu’il ne peut donc pas démontrer comme on le fait a priori.

    Et en remarque, on voit apparaître la relation générale avec le cosinus.

    Comment peut-on produire une telle aberration pédagogique ? Quelle est la motivation ?

    Nulle part il n’est écrit, pour être sûr que tout le monde est d"accord, qu’un produit scalaire est un nombre réel ni, alors que c’est finalement l’usage que l’on en fait en 1S, qu’il s’agira d’un redoutable détecteur d’orthogonalité.

    À la lecture du cours, on a l’impression que les trois énoncés sont distincts ; à aucun moment, on ne suggère dans la suite que l’expression du produit scalaire dans le cas de deux vecteurs colinéaires est une simple conséquence, un cas particulier de la définition générale.

    À quand les exercices de la forme : « Sachant que $\mathbb C$ est un $\mathbb R$-espace vectoriel de dimension $2,$ déduire la définition d’un $\mathbb K $-espace vectoriel. »

    On a fait « trop général » avec les décriées maths modernes et nous voici dans l’excès inverse, du « trop particuier. »

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