Un colloque à la mémoire de Benoît Mandelbrot
Le 31 janvier 2011 Voir les commentaires (1)
Benoît Mandelbrot nous a quittés le 14 octobre dernier, à l’âge de 85 ans. Un colloque à sa mémoire va se tenir à l’Ecole Polytechnique les 17 et 18 mars prochains.
Voir l’annonce ici.
Il sera très court (une journée et demie), et contrairement à la plupart des colloques scientifiques, son but ne sera pas de permettre à quelques scientifiques de présenter à leurs collègues leurs derniers résultats de recherche : il s’adressera à un large public, et montrera comment de nombreuses idées et thèmes scientifiques, qui ont été introduits ou regroupés par Benoît Mandelbrot, ont ensuite essaimé dans l’ensemble des sciences. Une douzaine de chercheurs feront le point sur les apports de Benoît Mandelbrot, chacun dans son champ disciplinaire. Ce colloque confrontera donc des mathématiciens, physiciens, chimistes, biologistes, avec des spécialistes d’astrophysique, finance, géophysique, statistique, ou traitement du signal.
Pour cette célébration, l’Ecole Polytechnique s’imposait pour de multiples raisons : Polytechnicien de la promotion 1944, Benoît Mandelbrot fut fortement influencé par deux mathématiciens qui enseignaient alors l’analyse à l’X [1] : Gaston Julia et Paul Lévy. Benoît s’est expliqué sur son choix d’entrer à l’X plutôt qu’à l’ENS : préférence pour la multidisciplinarité et refus d’un certain « embrigadement » dans une école de pensée trop formaliste pour lui. En cela, il s’est certainement trouvé une forte affinité avec Paul Lévy ; celui-ci (un des principaux artisans de la théorie des processus aléatoires) était un esprit non conformiste parmi les mathématiciens français de l’époque, et, comme le fit Benoît plus tard, il privilégiait dans sa recherche l’intuition géométrique, parfois au détriment de la rigueur mathématique, ce qui lui fut souvent reproché...
Si Benoît Mandelbrot passa l’essentiel de sa vie scientifique aux Etats Unis (à IBM, puis à l’université de Yale), son attachement à l’Ecole Polytechnique ne se démentira pas : il y enseignera l’année 1957-58, et y retournera souvent, à l’occasion de colloques, ou de séjours scientifiques. La langue française sera toujours chère à son cœur : c’est en français qu’il publiera son premier best-seller : « Les objets fractals, forme, hasard et dimension » (Flammarion, 1975) et le congrès fondateur de la géométrie fractale se tint à Courchevel en 1983. Ses apports à la langue scientifique, extrêmement imagés, sont exemplaires : flocon de von Koch, Escalier du diable, poussière de Lévy, saucisse de Minkowski... et surtout le mot même de fractale.
A côté des exposés scientifiques, ce colloque sera aussi l’occasion d’entendre les témoignages de nombreux proches de Benoît Mandelbrot sur sa personnalité hors du commun. Des expositions d’images de fractals et des films mettront en évidence leur beauté, et permettront à chacun d’expérimenter cette approche visuelle de la Science, qui était si chère à Benoît, et reste l’une des composantes les plus originales de l’héritage qu’il nous laisse.
Esprit rebelle, dérangeant, inclassable, Benoît Mandelbrot a reçu les plus hautes distinctions internationales, dont le prix Wolf en physique en 1993 et le Japan Prize « for science and technology of complexity » en 2003. Un grand nombre de scientifiques, dans les disciplines les plus diverses, se réclament aujourd’hui de ses idées, et de son approche, aussi originale que féconde, des problèmes scientifiques. A tous les esprits curieux de comprendre l’extraordinaire efflorescence d’interactions générée par l’introduction de la géométrie fractale, je ne peux que conseiller de venir participer à ce colloque !
Attention cependant : l’inscription est gratuite
mais obligatoire.
Quelques articles à propos de Benoît Mandelbrot sur notre site :
Notes
[1] En France, l’X désigne l’École polytechnique.
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Pour citer cet article :
Stéphane Jaffard — «Un colloque à la mémoire de Benoît Mandelbrot» — Images des Mathématiques, CNRS, 2011
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Commentaire sur l'article
Un colloque à la mémoire de Benoît Mandelbrot
le 3 février 2011 à 18:50, par Robert Vallée