Une nouvelle manière de voir le monde

Le 23 octobre 2019  - Ecrit par  Maria Isabel Binimelis Bassa Voir les commentaires (2)

Cet article a été écrit en partenariat avec L’Institut Henri Poincaré


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En 2013, l’Institut Henri Poincaré et Images des Mathématiques avaient uni leurs efforts pour superviser la réédition de la collection Le monde est mathématique, publiée par RBA en partenariat avec Le Monde. En 40 ouvrages, cette collection de qualité, issue d’un projet collectif de mathématiciens espagnols, vise à présenter, à travers une grande variété de points de vue, de multiples facettes des sciences mathématiques, sous un aspect historique, humain, social, technique, culturel ...
Reprise et améliorée au niveau de la forme, cette édition avait été entièrement lue et corrigée par l’équipe d’Images des Mathématiques ; des préfaces et listes bibliographiques rajoutées.

En 2019, cette collection est de nouveau éditée, présentée par Étienne Ghys et distribuée par L’Obs.

Chaque semaine, à l’occasion de la sortie d’un nouveau numéro de la série, un extrait sélectionné sera présenté sur Images des Mathématiques. Il sera également accompagné du sommaire du livre et d’une invitation à prolonger votre lecture.

Introduction

Il y a quarante ans, personne n’avait jamais entendu parler de fractales. Pourtant,
le concept existait, mais ce nom n’avait pas encore été prononcé. Dans son livre
« L’esprit, l’ordinateur et les lois de la physique », dont le titre original est The Emperor’s
new mind
, le professeur Sir Roger Penrose émet l’avis que les mathématiques sont
une découverte et non une invention. Les objets mathématiques sont des images
mentales souvent stimulées par l’ordre apparent de certains aspects du monde qui
nous entoure.

La spongiosité d’un nuage, la ramification d’un arbre, l’irrégularité d’un éclair,
les dessins ornant la queue d’un paon royal ou encore la calcification d’une stalactite
sont des phénomènes qui peuvent être décrits par la géométrie fractale de la même
manière que la forme de la Terre peut être décrite par une sphère et celle d’un
nautile par une spirale. La Terre n’est pas une sphère ni même un ellipsoïde parfait,
mais ces approximations sont fort utiles pour réaliser des calculs de prédictions des
éclipses par exemple, et permettent de les prévoir avec une bonne précision.

Le processus de description et de compréhension de l’univers a connu un
tournant lorsque les scientifiques s’intéressèrent à des formes nouvelles qui avaient été
considérées jusqu’alors insignifiantes ou sporadiques. Ces formes étaient qualifiées
d’irrégulières et même parfois de chaotiques. Dans un effort d’organisation de ce
« désordre », on a recherché et trouvé des règles jusque-là ignorées, des modèles
géométriques qui se répétaient à différentes échelles d’observation tant spatiales
que temporelles. Nassim Nicholas Taleb, dans son livre Le cygne noir, considère que
c’est à ce moment-là que furent assemblées par Benoît Mandelbrot toutes les pièces
du puzzle décrites depuis bien longtemps par des penseurs comme Platon, Yule ou
Zipf. Selon Taleb, ce fut Mandelbrot qui réunit tous ces points et mit en relation
l’aléatoire (qui, en fait, ne l’est pas) et la géométrie pour arriver à une conclusion
toute naturelle. Pour soutenir cette thèse, il déterra des oeuvres de mathématiciens
jusque-là inconnus.

Peu après, furent mises au jour des relations entre ces nouvelles mathématiques
et bien d’autres branches des sciences : la biologie, la géologie, l’urbanisme,
l’économie, la technologie et même l’art. Presque en même temps, surgit de
l’ombre ce qu’on appelle l’« ensemble de Mandelbrot », un exemple surprenant par
sa complexité et sa beauté, obtenu par un simple processus récurrent d’élévation
au carré. Cette structure ne fait pas seulement partie de nos esprits, mais elle a une
réalité autonome, existant bien avant qu’elle ne soit perçue par l’homme pour la
première fois.

Les concepts mathématiques sont des entités intemporelles qui dépassent de
loin notre existence et présentent une réalité bien plus profonde que l’apparence
matérielle. Depuis l’aube de l’humanité, les hommes ont toujours montré
beaucoup de curiosité à déterminer les lois qui gouvernent l’univers. Les fractales
constituent une autre manière de voir le monde et proviennent de domaines que
l’on commence actuellement à peine à explorer.

[...]

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Sommaire du livre

Quelques images

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Photos aériennes des zones du Nil, de l’Amazone et des Grands Lacs. Ce sont des surfaces présentant des structures très irrégulières qui peuvent être approchées par des modèles de la géométrie fractale.
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Ces paysages artificiels ont été construits au moyen d’un algorithme semblable à celui utilisé pour construire la fonction de Takagi, mais avec des paramètres aléatoires, en trois dimensions et légèrement modifié. La génération de paysages fractals s’emploie dans la réalisation de nombreux longs métrages.
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Rendu de l’ensemble de Mandelbrot en relief, obtenu avec un algorithme utilisant des courbes de potentiels. L’altitude d’un point dépend du nombre d’itérations nécessaires pour qu’il s’éloigne du centre des coordonnées.
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Agrandissement en relief de l’ensemble de Mandelbrot, dans une zone proche du sommet de la cardioïde principale. À cette échelle, l’ensemble total de Mandelbrot serait aussi grand que l’orbite de Jupiter. Dans ce gigantesque univers, nous pourrions découvrir des mondes fantastiques peuplés d’éléphants, d’hippocampes, de conques marines ou de toute autre merveille. Rendu de l’ensemble de Mandelbrot en relief, obtenu avec un algorithme utilisant des courbes de potentiels. L’altitude d’un point dépend du nombre d’itérations nécessaires pour qu’il s’éloigne du centre des coordonnées.
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De gauche à droite et de haut en bas : des agrandissements de l’ensemble de Mandelbrot. Le centre de l’image est approximativement au centre de l’image précédente.
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Ensemble de Mandelbrot avec différents ensembles de Julia, chaque flèche indiquant la valeur c qui les génère.
Post-scriptum :

L’extrait proposé est choisi par le préfacier du livre : Vincent Beffara. Celui-ci répondra aux commentaires éventuels.

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Pour citer cet article :

Maria Isabel Binimelis Bassa — «Une nouvelle manière de voir le monde » — Images des Mathématiques, CNRS, 2019

Commentaire sur l'article

  • Une nouvelle manière de voir le monde

    le 21 mai 2013 à 14:10, par Christophe Boilley

    Merci pour cet article efficace et joliment illustré.

    Je n’ai pas bien compris le sens de la parenthèse relative à l’aléatoire « qui, en fait, ne l’est pas ». L’ensemble de Mandelbrot n’est certes pas un objet aléatoire, mais Mandelbrot évoque (par exemple dans Les objets fractals) des structures fractales aléatoires (distributions d’erreurs sur une ligne et mouvement brownien, entre autres).

    Répondre à ce message
  • Une nouvelle manière de voir le monde

    le 20 août 2013 à 12:10, par Audibert

    Dans le livre N°9 On parle subrepticement à la page 33 de la perspective cavalière, et on n’en parle pas beaucoup plus dans le N°20 , même si on l’utilise souvent .Il me semble pourtant que c’est un élément clef de notre enseignement élémentaire et secondaire de la géométrie dans l’espace ;c’est aussi un élément important si on veut une bonne vulgarisation de cette géométrie. G.A.

    Dans le livre N°9 On parle de la courbe de Peano ( page 74),de l’ensemble triadique de Cantor(page 83). Pour travailler un peu plus ces sujets on peut utiliser internet-google-courbe de peano et internet-google-ensemble de cantor. G.A.

    Répondre à ce message

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