Chronique d’une matinée en classe
le 7 janvier 2014 à 08:41, par Julien Puydt
J’apprends à mes élèves ce que j’appelle le « Il était une fois » : étant donné un objectif, ils le décomposent mécaniquement en diverses étapes, définissant les bon objets en supposant les bonnes propriétés, annonçant au fur et à mesure le nouvel objectif, à chaque fois plus réduit.
D’un côté cette façon de procéder est très bête (c’est ainsi que procèdent des logiciels de preuve automatique comme coq) et c’est un peu de la recette ; d’un autre côté, cela permet aux élèves en difficulté de se raccrocher à quelque chose qui marche bien et leur permet de cerner plus précisément leurs problèmes. De plus, cela les force, quand on leur donne une définition ou un théorème, à ne pas se focaliser que sur la formule finale, mais à prêter attention à ce qui précède (les quantifications, les hypothèses), puisqu’ils en ont besoin pour faire tourner le « Il était une fois ».
Par exemple, dans le cas concret de l’élève qui parle de la formule en lambda*A+(1-lambda)*B, ma réaction serait de demander [à un(e) autre] ce que sont ces lambda, A et B que je ne connais pas, pour souligner que les quantifications universelles sur les points A et B dans omega’ et celle sur l dans [0 ;1] permettent justement de fixer ces objets, puis de là continuer avec comme objectif prouver que lambda*A+(1-lambda)*B est bien là où on l’attend.
Le « Il était une fois » me fournit ainsi une excuse pour faire agir un peu les étudiants, guide mes questions : je suis coincé, comment dois-je partir ? Quels sont mes objectifs ? Quels sont les objets dont je dispose ? Avec quelles hypothèses ? Vous me demandez de considérer telle chose, mais vous utilisez des noms d’objets que je n’ai pas introduits, comment le faire ? Est-ce que je les fixe arbitrairement (quantification universelle) ou bien est-ce que je les récupère par ailleurs/définit avec une formule (quantification existentielle) ?
Je suis content de voir que le problème de la passivité des élèves ne touche pas que moi... Comme je leur dit parfois : « Les mathématiques, ce n’est pas de la bronzette ; il ne suffit pas d’être là ! »
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