Dans les temps de Internet, Polymath et MathOverflow, je me suis retrouvé très surpris autour d’un tableau à craie avec huit autres collègues : je vais vous raconter pourquoi.
Depuis mon arrivé à la PUC de Rio de Janeiro en août dernier, j’ai rejoint un groupe de travail sur des thèmes de dynamique unidimensionnelle. Ce n’était pas le premier groupe de travail auquel je participais : à Lyon pendant ma thèse j’en ai vu passer beaucoup et j’y ai appris des maths très variées.
En italien il y a l’expression « paese che vai, cultura che trovi », qui devrait correspondre (d’après Internet) à « autre pays, autre coutume », mais comme la même phrase l’indique on perd parfois le sens complet dans les traductions et je vous laisse imaginer ce que je veux dire par cela.
Le but principal de ce groupe de travail n’est pas celui d’apprendre mais, comme le nom le suggère, de travailler, ce qui devrait s’identifier avec l’amusement chez les mathématiciens ! Il y a quelques années, pendant une conférence en Cantabrie, Étienne Ghys avait commencé une séance de groupe de travail, ou mieux dit un atelier, avec une provocation que je peux résumer ainsi : les ateliers des mathématiciens ressemblent peu souvent à un atelier d’un plasticien !
Ce qui m’a surpris est la concentration et le temps que chaque personne y consacre chaque semaine, tout en poursuivant ses projets personnels à côté. Il m’a fait penser immédiatement aux premières années de fac, lorsque je passais presque toutes les après-midi à résoudre des problèmes au tableau avec des copains. Ceci fut l’un des facteurs principaux qui me fit tomber amoureux du travail de mathématicien, mais avec le temps le désenchantement arrive : les journées se passent très rarement ainsi.
Dans les autres sciences personne ne serait étonné, mais en mathématiques il est rare que plus de 4-5 personnes soient assidûment sur le même projet. Aujourd’hui ce groupe a un peu plus d’un an, on a reçu trois longues visites pendant l’été (ce qui signifie janvier/février dans l’hémisphère sud), et on commence à voir des fruits (ce qui signifie des théorèmes et des articles chez les mathématiciens). Une petite réussite, scientifique et humaine.
Comment est-ce possible ? On s’est trouvé dans des circonstances heureuses. En premier lieu à Rio, et au Brésil en général, il y a beaucoup de mathématiciens qui travaillent en systèmes dynamiques (Artur Ávila est la pointe d’un iceberg) : la rencontre mensuelle de systèmes dynamiques à Rio voit toujours entre 50 et 80 participants, de quatre universités différentes. Il est ainsi très probable que des jeunes chercheurs se retrouvent sur un sujet commun, comme dans notre cas. Et deuxièmement… on est à Rio : il est plus facile de convaincre des collègues de nous rejoindre pour travailler à côté des plages dorées, surtout pendant l’hiver européen !
Je remercie Sébastien Alvarez, Pablo Barrientos, Dmitry Filimonov, Victor Kleptsyn, Dominique Malicet, Carlos Meniño, Andrés Navas, Artem Raibekas 2Petite remarque : il n’y a pas de brésilien dans cette liste. et tous les autres étudiants et chercheurs avec lesquels on discute d’actions sur le cercle chaque semaine, ainsi que le départements de mathématiques de la PUC et la UFF et l’IMPA qui nous soutiennent dans ce projet.