Depuis quelques jours, on entend un peu partout des louanges sur l’école mathématique française. « Nous » avons 11 médailles Fields, « nous » sommes en deuxième position derrière les États-Unis qui en ont 13, etc. Il faut bien sûr se réjouir de ce succès français, mais au fait, qu’est-ce que la nationalité d’un mathématicien ? Entre 2003 et 2005, près de 40 % des chercheurs en mathématiques recrutés au CNRS étaient étrangers. Sans revenir sur les débats bien désagréables sur les « Français récents », il faut dire clairement que la nationalité d’un mathématicien n’a rien à voir avec son passeport. Le nouveau médaillé Fields 3Voir Des médailles pour les maths. Ngô Bảo Châu est-il vietnamien puisqu’il a appris à lire, écrire et compter au Vietnam ? Est-il français puisqu’il a préparé sa thèse à Paris ? Ou bien américain puisque c’est aux États-Unis qu’il travaille actuellement ? La réponse me paraît claire : il a ces trois « nationalités scientifiques ». C’est d’ailleurs ce qu’il a indiqué lors de sa conférence plénière ; sous son nom, il avait écrit trois adresses. Le Vietnam a bien raison de se réjouir de cette médaille ; il en a sûrement plus besoin que la France ou les États-Unis.
D’un point de vue strictement technique, les divers comités mathématiques internationaux ont pris une convention : la nationalité d’un mathématicien est déterminée par le pays dans lequel il travaille. Mais même avec cette convention, il n’est pas rare qu’un chercheur possède plusieurs affiliations. Peu importe.
Dans sa conférence, Daniel Spielman (médaille Nevanlina) 4 Voir ce billet.a eu la bonne idée de montrer une photographie d’une professeure de « fourth grade » (notre CM1) qui a été importante pour sa vocation scientifique. J’ai beaucoup aimé cette manière de rappeler que la formation d’un mathématicien ne se limite pas à quelques années de préparation d’une thèse. Heureusement, un scientifique est le résultat de nombreuses influences et souvent de plusieurs cultures provenant de plusieurs pays. Les maths sont une activité en grande partie internationale. Réjouissons-nous que la France soit un pays où il fait bon faire des maths et qui accueille de nombreux chercheurs étrangers. Pourvu que ça dure !
Hier, nous avons assisté à deux conférences brillantissimes de deux « p’tits gars bien de chez nous » : Jean-Michel Coron et Cédric Villani. Tous les deux parlaient d’équations aux dérivées partielles, avec des points de vue très différents.
Jean-Michel parlait du contrôle des équations aux dérivées partielles. Cela peut sembler compliqué mais il a donné quelques exemples bien concrets. Imaginez par exemple une assiette remplie de soupe, au repos sur une table. Vous voulez la transporter jusqu’à l’autre bout de la table et vous souhaitez avant tout ne pas la renverser et si possible faire en sorte qu’à la fin la soupe soit au repos. Comment exécuter un tel mouvement ? Est-ce possible ?
Cédric parlait de la dynamique des plasmas. Il a expliqué comment, en collaboration avec Clément Mouhot, il a réussi à expliquer mathématiquement un phénomène étonnant découvert par le physicien Landau en 1946 : certains plasmas peuvent approcher un équilibre sans que l’entropie augmente.
Le président de séance aurait dû être László Lovász mais il était malade alors les organisateurs m’ont demandé de le remplacer. J’ai donc repris ma place sur mon petit bureau sur la scène et j’ai pris une photo de Cédric au début de sa conférence.
Sur l’écran à droite, le système solaire pour illustrer le mouvement d’un grand nombre de « particules » en interaction.
Deux très belles conférences.
Vive la France 😉