Connaissez-vous Renaissance Technologies ?

Tribune libre
Publié le 30 novembre 2008

C’est l’un des plus connus parmi ces « hedge funds » dont on a beaucoup entendu parler en ce temps de crise financière. Il se distingue par deux caractéristiques frappantes. La première est son succès : il a régulièrement obtenu les meilleurs niveaux de rentabilité parmi les hedge funds, et la confiance dont il jouit se mesure aux frais très élevés que ses clients acceptent de payer (plus du double d’un hedge fund « normal »).

Le second point qui distingue Renaissance Technologies est d’être fortement mathématique. Il a été crée par un mathématicien remarquable, James Simons, à qui on doit les invariants de Chern-Simons et des résultats fondamentaux sur les sous-variétés minimales. Quand on dit en France que la finance emploie des mathématiciens, il s’agit généralement d’anciens taupins passés par des grandes écoles et qui ont acquis en M2 des connaissances en probabilités et en mathématiques financières. Par contre, Renaissance Technologies a la réputation d’embaucher de brillants jeunes docteurs ou post-docs en mathématiques ou physique théorique, ayant fait le preuve de leur valeur en obtenant des résultats remarqués, pas nécessairement dans des domaines en relation avec une quelconque application.

Bien sûr l’activité de ce fond est très lucrative : Simons a gagné plusieurs de milliards de dollars, dont une part a financé des projets importants pour la communauté mathématiques (comme les nouveaux amphithéatres de l’I.H.E.S. 3Institut des Hautes Etudes Scientifiques et du M.S.R.I. 4Mathematical Sciences Research Institute et un centre de géométrie et physique à Stony Brook) ou à d’autres projets généreux (en particulier pour la recherche sur l’autisme).

Quelle leçon tirer de cet exemple ? On évitera ici de dire s’ils sont ou non responsables de la crise financière, ou s’ils pourront sortir indemne de cette crise. Ce qui est clair, par contre, c’est que l’investissement dans intelligence paie, et que des compétences mathématiques avancées sont utiles pour beaucoup d’autres choses que pour démontrer des théorèmes. L’activité des « hedge funds » se prête bien à la modélisation mathématique, comme énormément d’autres activités économiques modernes. La qualité de la modélisation y est plus importante qu’ailleurs, parce que ce qui compte n’y est pas d’avoir une modélisation correcte mais d’en avoir une légèrement meilleure que celle des concurrents.

Pour cette activité comme pour beaucoup d’autres, une formation mathématique avancée, allant bien au-delà de la prépa, sera de plus en plus un gage de rigueur et de créativité.

ÉCRIT PAR

Jean-Marc Schlenker

Professeur - Université du Luxembourg

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