Mathématicien, c’est le top !

Tribune libre
Écrit par Louis Funar
Publié le 7 août 2009

Dans un article récent de Wall Street Journal « Doing the Math to Find the Good Jobs » 4L’article du Wall Street Journal, on peut trouver les résultats d’un sondage sur l’attractivité des différents métiers aux États-Unis. Et, pour la première fois, les statistiques s’accordent à dire qu’aujourd’hui le meilleur métier serait celui de « mathématicien(ne) ». Il est suivi par « actuaire »  5L’actuaire est un haut technicien de l’assurance. Il réalise des études économiques, financières et statistiques dans le but de mettre au point ou de modifier des contrats d’assurances. et « statisticien(ne) ». La hiérachie établie par CareerCast.com a pris en compte le cadre du travail, les revenus, l’effort (physique) demandé ainsi que le stress qu’il peut causer.

Dans un contexte social très animé (pour ne pas dire tendu) depuis quelques semaines, voici, enfin, une bonne nouvelle pour les matheux et, plus généralement, pour les scientifiques. Car « faire des maths » est devenu une profession respectable, enviée et qui donne pleine satisfaction non seulement aux yeux des mathématiciens mais aussi à ceux qui ne la pratiquent pas (tous les jours, voire même pas du tout). Ceci est d’autant plus valorisant que le cliché vehiculé le plus souvent pour le mathématicien était celui du personnage distrait et rêveur, vivant en marge de la société à cause de ses préoccupations purement abstraites. Désormais ça sera peut-être chic d’être mathématicien…

Ce qui distingue les trois premières positions dans ce classement n’est pas la satisfaction d’ordre intellectuel que l’exercice du métier pourrait nous procurer mais le niveau des revenus. Le salaire annuel médian d’un mathématicien est d’environ 94160 $ selon cette étude, de 88146 $ pour un actuaire et respectivement de 72197 $ pour un statisticien. Ces chiffres sont en corrélation avec les études menées dans les universités américaines (voir par exemple 6Le document (PDF) « 2007 Annual Survey of the Mathematical Sciences » par Polly Phipps, James W. Maxwell, et Colleen Rose, disponible aussi sur le site de l’AMS ici). Mais il faut savoir qu’aux États-Unis un nombre important de mathématiciens (c’est-à-dire des personnes ayant suivi une formation universitaire en mathématiques) sont attirés et employés en dehors du milieu académique, dans la finance, l’industrie, les assurances etc., contrairement à ce qui se passe habituellement en Europe. En effet, le mathématicien est défini (pour les propos de cette étude) comme celui ou celle qui applique des théories et des formules mathématiques pour enseigner et/ou résoudre des problèmes mathématiques, soit dans le processus éducatif soit dans un cadre industriel, financier ou commercial. Il va de soi que ceux qui créent et étudient les théories en questions sans pour autant chercher des applications immédiates trouveront leur place également parmi les premiers, bien qu’ils soient moins nombreux.

Ce n’est pas la première fois que les matheux se retrouvent bien classés. Le top des meilleurs emplois en 2007 donnait gagnant le métier de « biologiste » devant celui d’« actuaire » et d’« analyste financier » lequel devançait de quelques places seulement celui de « mathématicien ». Une apparition constante est l’« actuariat » qui loge aux premiers rangs depuis que ce genre de statistiques existent.

La valeur d’un tel classement est bien sûr toute relative. Tout ce que j’espère est que le soudain intérêt suscité par ce métier n’est pas présage de malheur. En 1999 « webmestre » figurait à la première place du top devant « actuaire » et « informaticien » et ça se passait peu avant que la grande bulle internet n’explose et les valeurs « nouvelles technologies » ne s’effondrent en bourse. Et qui peut prédire comment la bourse des réformes concernant les enseignants-chercheurs va évoluer au cours des prochaines années ?

ÉCRIT PAR

Louis Funar

Directeur de recherche - CNRS - Université Grenoble Alpes

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