Un petit paradoxe sur le savoir

Tribune libre
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Publié le 15 octobre 2009

J’ai assisté, il y a deux semaines, au premier colloquium de l’année : il s’agissait d’une conférence de Gilles Lebeau sur l’algorithme de Metropolis, sujet qui m’est étranger.

Pour introduire son exposé, il a commencé par nous décrire le problème originel: étant donnés un rayon \(r>0\) et un entier naturel \(N\), comment choisir « au hasard » \(N\) disques disjoints de rayon \(r\) dans le carré de côté 1 ?

Il n’est pas très difficile de définir l’espace de toutes les configurations possibles: on peut représenter les disques par leurs centres, et ceux-ci par leurs deux coordonnées, abscisses et ordonnées, soit au total \(2N\) réels. On souhaite donc que ces centres soient à distance au moins \(r\) des bords du carré, et qu’ils soient à distance au moins \(2r\) les uns des autres. Tout ceci s’écrit très bien en terme d’inégalités strictes. Évidemment, pour qu’il existe au moins une configuration, il faut se donner des restrictions: par exemple, il est nécessaire que l’aire totale des disques, \(N\pi r^2\), soit inférieure à l’aire du carré, \(1\) (ce n’est certainement pas suffisant!).

En fait, Gilles Lebeau nous a expliqué que « nous » ne connaissions pas grand-chose sur l’espace des configurations. Par exemple, il arrive que pour certaines valeurs de \(N\) et de \(r\), cet ensemble ne soit pas connexe: étant données deux configurations, on ne peut pas toujours déformer la première pour arriver à la seconde sans que les disques ne se rencontrent (prendre par exemple deux disques de grand rayon). Plus subtil, l’adhérence de cet espace peut être différente de l’espace des configurations pour lesquelles on accepte que des disques se touchent (inégalités larges au lieu de strictes).

Je suis toujours étonné de constater que les questions qui pourraient constituer les fondements d’un sujet ne sont pas forcément résolues voire même abordées, que ce soit dans un domaine que je suis censé connaître ou non. Et pourtant, cela n’empêche pas d’élaborer des théories sophistiquées! Malgré cette frustration, n’est-ce pas une force des mathématiques ?

ÉCRIT PAR

Peter Haïssinsky

Professeur - Université d’Aix-Marseille

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