Le 28 juin, c’était la journée annuelle de la Société Mathématique de France (SMF). La dernière fois que j’y étais allé, c’était il y a 10 ans, dans le rôle de conférencier. Pourtant, je ne néglige pas la SMF. Je paie régulièrement ma cotisation (je crois…). Je lis son organe, la Gazette des Mathématiciens, de la première à la dernière page. Elle, le MATAPLI de la Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles (SMAI) et la Newsletter de la Société Mathématique Européenne prennent le chemin de la salle de bains dès leur arrivée dans la boîte aux lettres. En effet, c’est l’endroit le plus propice pour lire, à mon avis. J’ai publié plusieurs fois dans ses revues (Astérisque, Annales Scientifiques de l’ENS,…) et même dans un livre de la série Séminaires et Congrès.
La journée annuelle tourne autour de l’Assemblée Générale ordinaire de l’association, agrémentée de débats concernant la communauté, et de culture mathématique sous la forme de conférences plaisantes. Je crois bien que ma précédente assemblée générale SMF était ma première, i.e. elle remonte à 1981 environ. A l’époque, mon directeur de thèse était président de la SMF, j’ai adhéré à la SMF sans me poser de questions : c’était une façon de rejoindre la famille mathématicienne. La ristourne sur les publications de la SMF (-30% aux membres) n’a joué aucun rôle. Ou plutôt si, je me suis senti obligé d’acheter 4 numéros d’Astérisque. Ce fut mon seul achat de livres de maths, je ne suis pas bibliophile (pourtant, j’en ai écrit, des livres), et j’ai toujours eu la chance de travailler à proximité d’excellentes bibliothèques.
Lors de l’AG, la présentation du rapport moral (consultable sur le site) donne un portrait assez complet des questions qui agitent la communauté mathématique. Il est dans les missions des sociétés savantes de la faire débattre et de la représenter sur tous les sujets d’intérêt collectif, quand il y a une spécificité des mathématiques. Comme une question de la salle l’a souligné, la SMF est insuffisamment active sur le volet des relations avec le monde industriel, malgré les engagements pris lors du congrès Maths à Venir de 2010 (il faut dire que c’est aussi le terrain de la SMAI et de la SFdS). Mais sur les autres plans, la SMF est assez à la hauteur, me semble t’-il. Le monde des revues scientifiques s’attend à un cataclysme dans un avenir proche, avec une volonté ferme des éditeurs commerciaux de basculer vers un système auteur-payeur. La SMF et ses partenaires ont alerté les pouvoirs publics sur les dangers que cette évolution porte en elle. Cette année, il y a encore eu des réformes de la formation des enseignants, des licences, des masters, cela a donné lieu à plusieurs réunions de responsables venus de toutes les universités de France, et à des interventions de la SMF, en général avec des partenaires (autres sociétés savantes, Commission Française pour l’Enseignement des Mathématiques). La diminution du financement de l’ANR (qui a déjà eu massivement lieu en 2013) et l’inflexion de ses priorités vers des sujets sociétaux aux dépens de la recherche fondamentale (d’actualité) ont un impact sur le chiffre d’affaires du CIRM, dont la SMF est co-tutelle.
La SMF est aussi une maison d’édition. Sa petite taille la rend sensible aux fluctuations inhérentes à cette activité (flux de manuscrits, disponibilité du personnel). L’évolution rapide, incertaine, et la crise que connaît le monde de l’édition (passage à l’électronique, concurrence des documents accessibles gratuitement, légalement ou non) n’épargnent pas la maison d’édition de la SMF, qui se bat actuellement pour maintenir un équilibre financier fragile et doit faire des choix éditoriaux et de gestion difficiles. On en voit la trace dans le rapport financier.
Après ces présentations statutaires, la page culturelle, placée sous le signe de l’Année des Mathématiques pour le Planète Terre, était consacrée à deux aspects de l’œuvre de Joseph-Louis Lagrange, voir le billet Célébrations Lagrange.
Puis le débat du jour, organisé par Jean-Pierre Borel, portait sur la formation des enseignants. Christian Michaux, de l’Université de Mons, a expliqué comment les choses se passent en Belgique. Là-bas, pas de concours, de formation pilotée centralement, mais deux diplômes, un pour enseigner en primaire, un pour le secondaire. La formation à l’enseignement primaire est délivrée dans des Hautes Ecoles, en 3 ans. La place des enseignements disciplinaires (maths, français, sciences) est très faible. La formation à l’enseignement secondaire est délivrée dans les universités, en 5 ans, 3 années disciplinaires, suivies d’un master à finalité didactique. La crise des vocations sévit en Belgique comme en France, avec comme résultat un diplôme qui ne garantit pas une maîtrise suffisante de la discipline. Cette crise des vocations, l’Inspecteur Général Xavier Sorbes l’a chiffrée avec précision, puis il a commenté les nouveautés de l’arrêté du 19 avril 2013 sur le CAPES, dont il préside le jury. Les intervenantes de terrain, Louise Nyssen, de Montpellier, et Aviva Szpirglas, de Poitiers, ont souligné les failles du système actuel combinant diplôme universitaire et concours. Elles ont appelé à un développement de la formation continue, ce qui rejoint un aspect de la lettre que Daniel Filâtre, conseiller de la ministre, empêché, avait envoyé à la SMF.
La journée s’est terminée par la proclamation des résultats des élections : la liste des heureux élus qui devront consacrer (au minimum) un samedi par mois à l’avenir d’une vieille dame pleine de sève, la SMF.
13h40
Bonjour,
je me permets de réagir à votre article sur la SMF car j’ai été un peu surpris du portrait somme toute plutôt positif que vous dressez de cette belle institution. En effet, comme dans toute institution, il y a ce qu’elle donne à voir et sa réalité quotidienne. Et dans les deux facettes, les choses me semblent moins reluisantes que vous ne semblez le croire. D’une part, je pense qu’elle ne remplit plus les missions qui lui sont dévolues et ne représente plus du tout pour la communauté mathématique ce qu’elle devrait être (et a sans doute été) : un lieu de rencontres et de réflexions riches sur la question des mathématiques (ce point serait à préciser mais ce serait un peu long à développer). Pour ce qui est de son fonctionnement, il me semble que les choses sont encore plus graves. J’aurais aimé lire dans votre article (même si cela n’est effectivement pas très glorieux pour cette institution) qu’il existe aujourd’hui de très nombreux dysfonctionnements en son sein, situation que le bureau, le CA ou l’assemblée générale ordinaire devraient s’empresser de régler au risque de voir cette « vieille dame pleine de sève » dépérir jour après jour.