Première promenade

Promenade
Publié le 14 septembre 2024

Nous avons le plaisir et la fierté d’inaugurer cette rubrique avec une toute première promenade dans le « jardin IdM ». Nous nous sommes baladés dans les coins et recoins des années 2020 à 2022, nous y avons cueilli quelques délices mathématiques.

Délices… à nos yeux : nous n’avons aucunement la prétention de classer, ni même de comparer les très nombreux articles de ces trois années. Ceux que nous avons retenus, parfois à l’instant même de leur relecture, le doivent très simplement à nos goûts personnels.

Les voici, chacun avec un petit chapeau en guise d’incipit pour donner à la lectrice ou au lecteur une idée de son contenu et, espérons-le, l’envie de le découvrir – ou le redécouvrir. Bonne lecture !

Comment mesurer la terre ? Une question pertinente qui s’est posée il y a de ça quelques millénaires. Et elle a trouvé réponse depuis lors. Cet article en donne des fragments, exemples à l’appui. L’autrice utilise à cet effet la plus élémentaire des figures et pièce de base de la géométrie plane, peut-être même la plus « intéressante » : le triangle, mis à l’honneur et abondamment présent. Il y est aussi utilisé pour donner une introduction facile et visuelle à la géométrie elliptique qui se trouve être justement celle de notre planète terre. Tout cela est exposé avec beaucoup de pédagogie lors d’une conférence grand public, instructive et accessible, même au lecteur non averti.   AEK

Un carré magique est un tableau carré de nombres entiers dont les sommes de chaque ligne, de chaque colonne et des deux diagonales ont toutes la même valeur (la « constante » du carré). L’être humain étant ce qu’il est ces carrés ont fait le bonheur des Astrologues, Kabbalistes et autres occultistes, persuadés qu’ils recelaient un pouvoir magique. Plus prosaïquement, Roland Coquard s’intéresse ici aux différentes façons de les construire et – à ma connaissance pour la première fois – propose une méthode applicable à de très grands carrés. Roland étant aussi têtu que moi, assurer l’édition de cet article n’a pas été de tout repos mais le résultat est là… et notre amitié y a survécu. PhC

Faire de la géométrie sur un espace donné c’est entre autres mesurer des distances, des angles, déplacer des figures, les comparer… Par exemple, que peut-on faire sur une surface ? La réponse dépend de comment elle est, et en particulier de sa courbure : ce qui se passe quand on se déplace sur une portion plane (courbure nulle) n’est pas comme sur celle d’une sphère (courbure positive) ou sur une selle de cheval (courbure négative) ! Cette dernière est riche et surprenante par l’abondance de ses « symétries », et c’est là-dessus que l’article se focalise. Excellent exposé !  AEK

Étrangement, ce ne sont pas les mathématiques qui m’ont amené, il y a une vingtaine d’années, à lire « Le livre des nombres » mais ma passion dévorante pour le jeu de Go : une passion partagée par John Conway, auteur du livre et « inventeur » (avec Richard Guy) des nombres surréels. Ce livre est une merveille autant pour ce qu’il raconte que pour la personnalité de son auteur… et cet article de Lisa Rougetet à son sujet est d’une grande qualité, alliant clarté, rigueur et pédagogie. Du très beau travail ! PhC

Je vais en voiture de la ville \(A\) vers la ville \(B\). La route commence droite, puis je tombe sur de grands virages. Et à la grimpée de la montagne, elle devient sinueuse. Je ne m’empêche pas de dire « La route est courbe ! ». Elle a de la courbure. La courbure d’une courbe se « définit » presque automatiquement par ces ressentis. Mais qu’est-ce que la courbure d’une surface ? Et qu’en est-il exactement ? L’article l’explique très bien, de façon pédagogique et très visuelle. On y rentre avec des questions et on en sort avec les réponses. À lire absolument ! Mais en prenant son temps et en regardant attentivement les dessins et les animations. AEK

Vous choisissez un plan et dans ce plan, une longueur unité. Vous décidez d’associer à chaque point de ce plan une couleur. N’importe quelle couleur… à une minuscule règle près : deux points séparés par un segment de longueur 1 (un segment unité) n’ont pas le droit d’avoir la même couleur. De combien de couleurs au minimum aurez-vous besoin ? Non, cet article ne vous le dira pas mais il débroussaille largement le terrain et se lit comme une histoire policière dont le sous-titre serait « sur les traces du nombre chromatique du plan ». Une superbe synthèse, tout en couleurs, de « l’état de l’art (*) » sur la question ! PhC

(*) Un néologisme construit sur « the state of the art » (à la pointe du progrès) mais comme nous parlions de couleurs je n’ai pas pu résister.

Une expérience physique, aléatoire… amène à un certain nombre de données : dans un cas simple, à \(n\) points dans le plan \({A(k) : k=1,…,n}\) définis par leurs coordonnées respectives \((x(k),y(k))\) (dans un repère orthonormé). Question naturelle : Y a-t-il une courbe « régulière » sur laquelle se répartissent tous les points \(A(k)\) ? Et à défaut, la courbe la plus proche possible de tous les \(A(k)\) ? C’est une question courante qu’on traite par exemple dans un cours élémentaire de statistique descriptive : la recherche de la droite des moindres carrés quand les points en question paraissent alignés. C’est dans le même ordre d’idées que se situe l’objet de l’article. Beaucoup plus laborieux certes mais détaillé et très bien expliqué. À lire ! AEK

Cet article et le suivant parlent de topologie, la science des frontières… mais également celle des trous ! Une branche des mathématiques qu’on effleure à peine dans le secondaire en arguant de sa difficulté – tout comme on le fait par ailleurs pour l’arithmétique. Mais dans les deux cas, si les réponses aux questions qu’on se pose sont rarement évidentes, les questions elles-mêmes sont parfois d’une simplicité… enfantine. Et vous allez le voir ici, avec un peu de pédagogie il n’est pas si difficile d’y réfléchir. Ça peut même être littéralement un jeu d’enfant ! J’ai pris énormément de plaisir à éditer cet article. PhC

Pour faire simple, disons qu’un pavage du plan est une partition P de celui-ci en polygones (penser tout simplement à un carrelage). On dira que P est monoédral si tous les polygones qui le constituent sont isométriques ; autrement, on dit qu’il est polyédral. Un pavage monoédral P est dit régulier si le polygone qui le pave est régulier. On sait que les seuls polygones réguliers qui pavent le plan sont le triangle équilatéral, le carré et l’hexagone régulier. Mais qu’en est-il pour un pavage régulier polyédral ? Quels sont les polygones du plan qui conviennent ? Une question entre autres qu’on trouve dans cet article, à laquelle l’auteur apporte des réponses. D’autres éléments en rapport avec le sujet y sont aussi développés. Le texte, clair et précis, est gorgé de dessins et de couleurs, ce qui le rend encore plus intéressant, attrayant et donne du plaisir à le lire. AEK

Un très bel article sur une occurrence topologique extrêmement rare mais, vous le verrez, rare ne signifie pas introuvable. L’article précédent portait sur les trous, celui-ci observe les frontières : s’il ne nécessite pas une connaissance beaucoup plus approfondie de la topologie que son prédécesseur, il demande en revanche une attention sans failles et… de bons yeux ! Je ne m’étendrai pas sur la clarté de l’article, tout le monde connaît la pédagogie d’Étienne Ghys et la qualité de son écriture, je conclurai donc sur un hors sujet : Les tintinophiles apprécieront la référence à Ranko ! PhC

Je suis féru de ces problèmes de géométrie euclidienne que j’ai apprise il y a quelques décennies. De petits casse-tête sur lesquels je cale, qui me plongent dans l’insomnie et amputent mes nuits de sommeil. Mais j’aime cet enfer ! Je les pose quelquefois à des collègues qui me donnent souvent comme réponse « Voyons ! c’est un exercice de géométrie élémentaire ! » suivie d’un petit rire pour signifier qu’il y a beaucoup plus « sérieux » que cela en maths. Alors où se situe la limite entre mathématiques « élémentaires » (disons celles du secondaire) et celles plus « consistantes » (enseignées dans le supérieur ou même du domaine de la recherche) ? Question un peu épineuse. Mais pas de panique, on trouve de bons éléments de réponse dans cet article, écrit avec beaucoup de goût, de sérieux et de compétence. AEK

Encore un peu de topologie dans ce dernier article mais elle n’est ici qu’une illustration d’une démarche pédagogique, d’un plaidoyer pour l’enseignement décrit avec force et passion. Le titre même de l’article annonce clairement une prise de position à laquelle j’adhère sans hésiter : oui, il faut motiver ce qu’on enseigne. Et tout naturellement après avoir écrit ce titre, l’auteur le motive en s’appuyant sur deux exemples particulièrement bien choisis. Je ne citerai ici que le second, la construction canonique du logarithme, introduite ainsi : cela signifie trouver une manière de transformer l’opération « produit de deux nombres » en celle d’une somme de deux autres nombres. Un texte fort, l’engagement d’une vie pour un enseignement de qualité ! PhC

ÉCRIT PAR

Philippe Colliard

Professeur agrégé - Retraité

Aziz El Kacimi

Professeur émérite - Université Polytechnique Hauts-de-France

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