Les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche

Actualité
Écrit par Cyril Imbert
Publié le 30 novembre 2012

Avez-vous entendu parler des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ? Si vous êtes universitaires ou technicien-ne-s de recherche, on peut parier que oui, mais si vous êtes simple citoyen que la science intéresse ?

Des assises, pourquoi ?

La communauté universitaire (et plus largement de l’enseignement supérieur et de la recherche) a subi depuis une dizaine d’années des transformations profondes, à un rythme infernal, et souvent contre son gré. Sans trop rentrer dans les détails, des décisions ont été prises au niveau européen 7 c’est la fameuse stratégie de Lisbonne de 1999 et le non moins fameux processus de Bologne de 2000. Ces textes très libéraux ont été signés sous le gouvernement Jospin et des lois en ont découlé ; à titre d’exemple, le Pacte pour la Recherche en 2004 et son Crédit Impôt Recherche, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) en 2007, les investissements d’avenir en 2010 et ses Idex etc.

Ces réformes ont transformé les structures de l’enseignement supérieur et de la recherche en vrai mille-feuilles , dans lequel personne ne se retrouve vraiment. Surtout, la précarité a augmenté et la démocratie reculé . Ces changements ont parfois suscité de vives réactions : c’était le cas en 2003 avec le mouvement Sauvons la recherche qui contestait la baisse récurrente des crédits d’instituts de recherche comme le CNRS ou l’INSERM, les enseignants-chercheurs en 2009 pour défendre la liberté académique remise en cause par le décret Pécresse etc.

Ces assises sont une des promesses de campagne de François Hollande (voir pages 26 et 27 de son programme). Il s’engageait à réformer la LRU, simplifier le financement de la recherche… et poursuivre les investissements d’avenir 8et ces fameux Idex sur lequel on lira avec intérêt l’analyse de « Sauvons l’université ».

Des assises, quand, comment ?

Tout d’abord, ces assises ne sont pas des états généraux, comme cela avait été le cas en 1987 (enseignement) et en 2004 (recherche). La nuance est qu’il ne s’agit pas de tout remettre à plat mais simplement d’arbitrer sur quelques points. Il faut reconnaître que, outre des points de vue très divers sur les différents problèmes, l’épuisement nous a tous plus ou moins gagné. Pourtant je regrette personnellement ce choix car, à plus d’un égard, le système actuel marche sur la tête, et dans la mauvaise direction.

Le calendrier est le suivant : une phase de concertation, locale puis nationale, qui s’achève le 27 novembre 2012, puis la rédaction d’un rapport en décembre 2012, un projet de loi début 2013 et enfin la mise en oeuvre dès le printemps 2013.

Une autre source de déception est la façon dont la concertation a été organisée. Certes, un grand nombre d’« organisations » (très diverses) ont été auditionnées. Certes, chacun a pu contribuer en déposant un texte sur le site des assises. Mais je me demande bien comment le comité de pilotage a pu, par exemple, lire tous les textes 9au moins 150 contributions de plusieurs pages pour les assises territoriales d’Ile-de-France, 1300 au niveau national !. Par ailleurs, « chaque académie est chargée d’une des trois thématiques : gouvernance pour Paris […] ; recherche pour Versailles […], et réussite post-bac pour l’académie de Créteil […] » Ainsi les cristolien-ne-s n’auront pas débattu de recherche et les versaillai-se-s n’auront pas débattu de réussite post-bac.

Localement, la présidence de l’université de Créteil a organisé une réunion de quelques heures ; c’est un peu court. Quelques collègues ont tenté de donner la parole à tous en organisant une réunion publique, mais sans grand succès.

Si vous n’en avez pas encore assez, vous pouvez avoir une idée dont la phase de concertation nationale se passe en ce moment même au collège de France en lisant ceci. De débat, il n’y aura point.

En guise de conclusion

A l’heure de boucler ce billet, je prends connaissance des 121 propositions en débat. En faire l’analyse serait un billet en soi. Disons qu’après les avoir parcourues rapidement, on trouve des propositions intéressantes comme la proposition 50 de l’atelier 2 : « Donner aux universités et aux organismes de recherche les moyens financiers supplémentaires leur permettant de titulariser […] la totalité des personnels BIATSS et ITA actuellement en situation précaire bien qu’employés sur des fonctions pérennes ». Ou encore les propositions 89 à 96 de l’atelier 3 sur le fonctionnement des conseils décisionnaires de l’université 10qu’il faudrait prendre le temps d’analyser en détail. Malheureusement, on voit aussi que la communauté reste très clivée sur la façon d’ évaluer sa recherche 11voir les très prudentes pistes de la proposition 118 et que la nécessaire réforme de l’agence qui en a la charge n’aura pas forcément lieu. Ensuite le financement sur projet va perdurer (l’ANR pour les initiés) avec des aménagements à la marge, au lieu de renforcer les crédits récurrents des équipes. Enfin, on trouve aussi la proposition 76 sur le crédit impôt recherche qui est de notoriété publique une niche fiscale de 6 milliards d’euros grâce à laquelle les entreprises réduisent leur impôt sans pour autant augmenter leurs dépenses de recherche 12 Voir ici et .

ÉCRIT PAR

Cyril Imbert

Directeur de recherche - École normale supérieure (Paris) - CNRS

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