Février 2025

Publié le 3 mars 2025

L’actualité internationale est bien peu réjouissante en ce moment. Nous partageons notamment l’inquiétude des scientifiques américain.e.s quant à ce que le gouvernement Trump aura comme conséquences sur leur travail, sur leur rôle de contre-pouvoir, sur la santé, sur l’environnement… Plusieurs publications de presse ont déjà abordé ce sujet, à l’instar de l’émission l‘Info Culturelle de France Culture dont certains témoignages sont glaçants : “Désolé, nous ne pouvons pas vous parler, c’est prendre trop de risques pour nos travaux et tout simplement pour nos emplois. On va devoir à nouveau se faire tout petit comme lors de son premier mandat.” Nous reviendrons sur ce sujet dans les prochaines revues de presse. 

Du reste, l’actualité mathématique côté enseignement et recherche n’est pas toute rose. Dans la rubrique Enseignement, on lit avec inquiétude que des lycéennes sont victimes de sexisme et qu’il leur faut “un gros caractère” pour faire des mathématiques. Côté Vie de la Recherche, on constate un manque de rapport sur les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur. 

Sur une note plus positive, la rubrique Histoire et Mathématiques propose de se perdre sur les réseaux sociaux et d’apprendre plein de choses sur des personnalités des mathématiques,  celle Recherche et Applications revient sur le projet de faire apprendre Fermat à un ordinateur, une Parution ambitionne de nous faire comprendre ce que “intelligence” d’intelligence artificielle veut dire, côté Diffusion on découvre un éventail de projets pédagogiques. 

Et puis, ce mois-ci c’était aussi la Saint-Valentin. Et si vous voyez cette célébration de l’amour sous l’angle des mathématiques ? Antoine Houlou-Garcia et Thierry Maugenest tentent cette approche dans leur récent ouvrage Mathématiques de l’amour. Voici en Une, une belle cardioïde à cette occasion. 

À la une

C’est avec une profonde tristesse que la communauté scientifique a appris le décès d’Yvonne Choquet-Bruhat, survenu le 11 février 2025 à l’âge de 101 ans.

Mathématicienne et physicienne de renom, ses travaux ont principalement porté sur les aspects mathématiques de la relativité générale, contribuant de manière significative à la compréhension des équations d’Einstein. “Elle fut la première à établir l’existence générale d’une solution locale en temps et en espace du système des équations d’Einstein, résultat majeur pour cette théorie annoncé en 1950 par une note aux Comptes rendus de l’Académie des Sciences de Paris et publié en 1952 dans un long article à Acta Mathematica, rappelle Jean-Pierre Bourguignon sur le site de la Société Mathématique de France. “Yvonne Choquet-Bruhat a profondément marqué les mathématiques et la physique, notamment à travers ses contributions pionnières à la théorie de la relativité générale”, indique l’IHES dans un communiqué.

“Ses travaux, situés à la frontière entre ces deux disciplines, ont ouvert la voie à des avancées majeures, notamment dans la compréhension des ondes gravitationnelles émises lors de la fusion de trous noirs, un domaine qui a connu des percées spectaculaires en astronomie ces dernières années”, ajoute l’Académie des Sciences.

Elle fut la première femme à recevoir la médaille d’argent du CNRS en 1958 et une vingtaine d’années plus tard la première femme élue à l’Académie des sciences en 1979. Son engagement lui a aussi valu d’être nommée officier de l’ordre national de la Légion d’honneur en 1989.

Pour (re)découvrir le parcours scientifique d’Yvonne Choquet-Bruhat, plusieurs médias l’ont mise en lumière pendant le mois : Le Monde, Sciences et Avenir, l’Humanité

Recherche et applications

En mars 2024, nous vous rapportions le projet “Formalising Fermat”, coordonné par le mathématicien de l’Imperial College of London, Kevin Buzzard. Presque un an après, Le Monde propose une description de ce projet et de son évolution.

Kevin Buzzard

Pour rappel, “Formalising Fermat” a pour ambition de “faire comprendre” la démonstration du dernier théorème de Fermat à un ordinateur, de traduire toutes les étapes dans un langage de programmation afin qu’“elles [puissent] être vérifiées automatiquement”.

L’article fait état d’une “trentaine de personnes [qui] ont déposé des parties de code informatique sur la page GitHub créée pour l’occasion. Mais les contributeurs sont bien plus nombreux sur le forum des usagers de Lean, le logiciel utilisé”.

Il détaille aussi la difficulté du projet. À commencer par celle des mathématiques sur lesquelles la preuve est basée. “Il faut avoir fait une thèse en théorie des nombres pour la comprendre, j’aurais du mal à l’expliquer à un mathématicien en dehors de mon champ de recherche”, explique Riccardo Brasca, chercheur à l’Institut de mathématiques de Jussieu-Paris-Rive gauche. “À ce stade, la principale difficulté concerne la masse de travail. Ce théorème utilise une quantité de maths déraisonnable, donc il y a beaucoup de choses à formaliser, même si elles ne sont, pour l’instant, pas très compliquées.”, ajoute-t-il plus loin dans l’article.

Plaque commémorative pour Pierre de Fermat à Castres – Source Wikimedia Commons

Nous suivrons dans les mois et années à venir l’évolution de ce projet. Mais déjà, pour le coordinateur du projet c’est déjà une belle réussite de travail collectif dans la recherche en maths : “Ma compagne est chirurgienne et publie des articles avec des dizaines de personnes. En maths, c’est très rare d’être plus de deux. J’avais envie moi aussi de travailler avec plein de gens !”

IA et Sommet pour l’action sur l’IA

À moins d’avoir passé les derniers jours dans une grotte, impossible d’être passé·e à côté du tsunami d’articles de presse mentionnant “l’IA” sous une variété d’angles : l’importance pour l’Europe de s’imposer dans la course, ces nouveaux datacenters “géants” construits en France par les Émirats arabes unis, la manière dont ces algorithmes s’introduisent dans nos vies, la menace des super-IA

On a également retrouvé plusieurs mathématiciens dans ce florilège d’articles. À commencer par Cédric Villani. Citons par exemple son interview donnée à Télérama où il décrit le contexte dans lequel s’insère ce Sommet sur l’IA, en particulier depuis l’investiture de Trump et son alliance avec Musk : “Cette alliance du politique et du techno-pouvoir est caractérisée par des valeurs qui ne correspondent en rien aux idéaux premiers de l’Internet et des pères fondateurs de l’IA : “puissance” et “force brute” sont les maîtres mots de ce nouveau monde dans lequel il s’agit de cumuler le maximum de capitaux, de données et de puissance politique et militaire. Ici on ne respecte que la force, sans la moindre considération pour l’harmonie de la société, l’équité ou les questions de développement durable”.  Il est aussi intervenu dans l’émission “INAttendu” et sur RFI.

Stéphane Mallat, professeur au Collège de France, est lui intervenu dans Les Matins de FranceCulture. Il est revenu sur “l’intelligence” de ces intelligences artificielles (en particulier ici, les modèles de langage).

Stéphane Mallat – Source Wikimedia Commons

Sur le site de l’ENS, c’est un entretien avec Daniel Andler qu’on a pu lire. Il revient lui aussi sur cette intelligence – par comparaison à la nôtre. “Les systèmes d’IA ont pour fonction de résoudre des problèmes. Ils progressent au sens où les problèmes qu’ils résolvent sont de plus en plus difficiles (pour les humains). Mais pour nous humains, l’intelligence sert avant tout à faire face aux situations que nous rencontrons. Nous le faisons souvent en posant un problème, dont la solution, nous l’espérons, nous permettra de nous tirer le mieux possible de la situation considérée. Une fois le problème posé, mais pas avant, l’IA peut intervenir.”

Daniel Andler – Source Wikimedia commons

Et aussi, ce mois-ci...

  • Google s’en est presque fait un défi : bâtir des algorithmes d’apprentissage automatique de plus en plus “doués” sur les questions de mathématiques. Le géant du numérique – en particulier sa filiale IA, DeepMind – poursuit sur sa lancée avec AlphaGeometry 2. Voici un article de presse qui décrit ce modèle et l’article de DeepMind déposé sur la plateforme arXiv.

Enseignement

Kai Terada était professeur de mathématiques au lycée Joliot Curie à Nanterre depuis 2006 et co-secrétaire du syndicat SUD Éducation dans les Hauts-de-Seine. En septembre 2022, le rectorat de Versailles lui a infligé une mutation d’office “dans l’intérêt du service”, invoquant “des dysfonctionnements multiples et anciens au lycée Joliot-Curie”. S’estimant victime de répression syndicale, ce professeur, soutenu par une intersyndicale, avait porté plainte contre X pour “dénonciation calomnieuse” et “attestation ou certificat faisant état de faits matériellement inexacts”.

Le tribunal administratif de Versailles vient de lui donner raison en annulant la mutation et en condamnant le rectorat à lui verser 1 800 €. Le jugement invoque des vices de forme et des raisons de fond : “la matérialité des faits invoqués par le recteur de Versailles […] n’est pas établie par les pièces du dossier” et la mutation “demeure très peu circonstanciée”. Kai Terada va donc pouvoir rejoindre son établissement d’origine, comme il le réclamait depuis deux ans et demi. Cette affaire a été notamment relatée par Le Café pédagogique, Le Parisien et Rapports de Force.

Changement de statut pour l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche

Conséquence de la réforme de la haute fonction publique, l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a changé de statut et est désormais un corps en voie d’extinction. Ce changement n’est pas bien vécu par les inspectrices générales et inspecteurs généraux, qui sont “en plein doute”, selon Le Monde 🔒, qui a recueilli quelques confidences “sous le sceau de l’anonymat”.

Une nouvelle cheffe (on ne dit plus doyenne !) vient d’être nommée dans ce service : Dominique Marchand, inspectrice générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche. Ancienne conseillère de Valérie Pécresse au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (2007-2009), elle a un profil plutôt administratif (elle a notamment été directrice générale des services de l’université Lyon-I entre 2016 et 2018), ce qui est inhabituel à la tête de l’inspection générale. La doyenne (pardon : la cheffe) précédente, Caroline Pascal, est devenue directrice générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), poste stratégique s’il en fut.

Du problème scolaire à la réalité : difficile transfert

Une nouvelle étude publiée dans Nature apporte un éclairage intéressant sur les transferts de compétences arithmétiques – ou plutôt leur absence – entre des situations concrètes et un problème scolaire.

Comme le rapporte le Monde 🔒, deux prix Nobel d’économie, Esther Duflo et Abhijit Banerjee, et la psychologue de Harvard Elizabeth Spelke, spécialiste du développement cognitif des enfants, ont fait tester deux groupes d’enfants, en leur posant des problèmes “réels” et des problèmes scolaires, sur le marché de Calcutta, en Inde. “Des enfants de 11 ou 12 ans y travaillent comme vendeurs de légumes”, la moitié ne sont pas scolarisés. Les chercheurs leur ont demandé 400 g de tomates et 300g d’aubergines, puis ont donné plus que le compte pour voir comment les enfants allaient rendre la monnaie. “Pour faire le total puis rendre la monnaie, l’enfant doit réaliser des calculs assez complexes. Et il y parvient sans aucun problème et très rapidement”, explique Esther Duflo dans l’article.

Mais face à un exercice similaire, mais plus simple, posé de façon plus abstraite (comme ceux qu’on rencontre en classe), le même groupe affichait de très mauvais résultats. Les chercheurs sont allés plus loin en testant cette fois des élèves scolarisés sur des problèmes de rendu de monnaie. Ceux-là s’en sortent beaucoup moins bien que les enfants du marché. Le transfert des compétences scolaires à une situation réelle échoue.

“L’école échoue doublement. Elle n’est pas capable de prendre en compte les compétences des enfants du marché et elle ne permet pas aux autres élèves d’intégrer suffisamment les connaissances scolaires pour les utiliser en situation concrète”, souligne Esther Duflo.

L’étude fait également l’objet d’articles sur le site du MIT, sur celui du quotidien indien Deccan Herald et, plus original, d’un reportage sur la chaîne YouTube Weekend Researcher de Mayukh Mukhopadhyay.

Intelligence artificielle

De quelque côté que nous regardions, l’intelligence artificielle pointe le bout de son nez. Comme nous le signalions déjà le mois dernier, l’enseignement n’y échappe pas. C’est même un terrain très fertile pour celles et ceux qui rêvent de se passer le plus possible des êtres humains, encombrants et peu dociles, en confiant aux machines le soin de s’occuper de la marche du monde. Une dépêche de l’AEF 🔒 nous apprend ainsi que l’académie de Lille “veut renouveler l’enseignement des mathématiques au lycée en mobilisant l’IA”. Stéphane Mallat, professeur au Collège de France, a imaginé le programme MathAdata, initialement pour des étudiants de master, mais qui implique désormais des élèves de lycée.

Parité

La direction de l’évaluation, des études et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale a publié une note d’information sur l’évolution des écarts de performances entre filles et garçons en mathématiques, au fil du temps et de la scolarité. Il ressort de cet état des lieux que “si les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons dans cette discipline en tout début de scolarité – à l’école maternelle et en début de CP, les écarts s’inversent à partir du milieu de l’année de CP, et s’accentuent à l’école primaire”. L’agence de presse AEF Info s’est intéressée à une précédente étude de la DEPP, qui constate que “les acquis des élèves de petite section en mathématiques dépendent davantage de l’âge que du sexe”.

C’est un constat quasi unanime (maintes fois rapporté dans cette revue de presse) : la réforme du lycée a provoqué une chute spectaculaire du taux de filles qui choisissent une spécialité mathématique en première et en terminale. Mais Le Parisien pointe une autre cause, qui aggrave le phénomène : les filles sont souvent victimes de sexisme dans cette filière. Le journal a recueilli plusieurs témoignages allant dans ce sens, auprès des élèves concernées, mais aussi de leurs professeur.e.s. Cette réflexion d’une élève en dit long : “Si on n’a pas un gros caractère, c’est compliqué”.

Dans un entretien au « Monde » Elyès Jouini, professeur de mathématiques à l’université Paris-Dauphine, directeur de la chaire Unesco Femmes et science, directeur de l’Institut universitaire de France, revient sur les grands écarts observés, selon les pays, dans l’orientation des femmes et des hommes vers les sciences. Il explique que ce n’est pas parce que le plafond de verre disparaît que les stéréotypes de métiers supposément réservés aux hommes ou aux femmes s’effacent : “Paradoxalement, ce sont dans les pays les plus égalitaires que l’orientation des femmes vers les sciences est la plus faible”.

La parité (ou plutôt l’imparité !) dans l’enseignement scientifique est devenue un enjeu partout dans le monde. Le journal sénégalais Le Soleil consacre une série d’articles sur la place des filles dans les matières scientifiques. Le premier affirme qu’”elles ont brisé les stéréotypes”. Le deuxième analyse, graphiques à l’appui, le “fort taux d’abandon de la Première à la Terminale en série S1″. Le suivant constate “un fléchissement à partir de la Licence à l’université”. Un quatrième article était annoncé, mais nous n’en avons pas trouvé trace pour le moment sur le site du journal.

Journée internationale des femmes et filles des sciences

Le 11 février avait lieu comme chaque année la journée internationale des femmes et filles des sciences. Elle a été célébrée un peu partout. L’occasion de rappeler comme le souligne le site de l’Unesco que seulement 33, 3 % des scientifiques dans le monde sont des femmes.

Citons par exemple l’université Jean Jaurès à Toulouse où des manifestations ont été programmées sur trois semaines. Le monde de l’enseignement est tout particulièrement sensible à cette thématique, même si elle concerne évidemment tous les secteurs de l’activité scientifique, et même au-delà. Voyez les dossiers que lui ont consacrés d’une part le site de l’ONU et d’autre part l’Académie des sciences.

©Mathieu Baumer – De gauche à droite : Florence Gazeau, Claude Grison, Aleksandra Walczak, Stéphanie Debette, Françoise Combes, Karine Chemla, Purificación López-García, Anne Canteaut, Valérie Masson-Delmotte, Anne-Marie Kermarrec.

Citons aussi ce spectacle de l’autrice et comédienne Anaïs Cintas pour mettre à l’honneur de femmes scientifiques. “Anaïs Cintas souhaite à travers ce récit donner aux jeunes et aux moins jeunes, et en particulier aux filles, le goût des sciences et lutter contre l’effet Matilda, c’est-à-dire la minimisation voire l’invisibilisation de leurs découvertes scientifiques”, est-il décrit sur le site de l’espace Mendès France qui a proposé ce spectacle à la mi-février. “Sa pièce suit les questionnements d’une jeune femme passionnée de littérature qui se rend compte progressivement qu’elle apprécie l’astrophysique”, décrit le site Sciences pour tous de l’université de Lyon 1. Une initiative bienvenue quand on sait l’importance des role models ou modèles de rôle pour que les jeunes filles se projettent dans des études scientifiques.

Les femmes dans les livres de sciences

Au sujet des role models, notons ce mois-ci la publication d’une enquête par Lecture Jeunesse sur la présence des femmes scientifiques dans les livres (qu’ils soient de fiction, des documentaires, des biographies). “Quelle place occupent les figures féminines en comparaison avec les personnages masculins ? Quelles caractéristiques (touchant les affects, l’intellect, leur représentation iconographique, etc.) leur sont associées ? Comment sont-elles représentées dans leurs rapports aux sciences (représentation du travail ou du discours scientifiques, disciplines scientifiques dans lesquelles elles interviennent, etc.) ?”, ont été les questionnements moteurs de l’enquête.

Malgré une meilleure représentation des femmes dans les ouvrages parlant de sciences – dans 67 % des récits fictionnels et 84 % des documentaires narrativisés des “personnages féminins apparaissent comme des figures de savoir” – il demeure des stéréotypes quant à ces personnages. Notamment, beaucoup des personnages féminins sont associés au soin et à la nature. “Dans la majorité des récits fictionnels, les personnages féminins exercent leurs activités scientifiques avec des motivations altruistes.” De plus, dans 48 % des ouvrages les  personnages féminins doivent leurs compétences scientifiques à un don inné, ce qui risque d’alimenter le stéréotype que les sciences ne sont accessibles aux femmes qu’à condition d’être une génie.

Des initiatives pour la parité

Du 21 au 25 avril 2025, l’association Séphora Berrebi organise à Paris Les lionnes, un stage de mathématiques et d’informatique pour 20 lycéennes des classes de 2de et de 1ère scolarisées en Île-de-France et suivant un enseignement de spécialité mathématiques ou NSI (Numérique et Sciences Informatiques). Ce stage s’inspire de ceux des Cigales en Provence, des Fourmis à Lille, des Cigognes en Alsace ou des Marmottes en Suisse. Plus de détails sur le site de l’APMEP. Avis aux amatrices et amateurs : l’organisation recherche encore des intervenantes et intervenants.

Et aussi, ce mois-ci...

  • Pour les hispanophones : le quotidien El Pais nous parle des émotions mathématiques et des moyens de gérer l’anxiété que suscite trop souvent notre discipline…

Vie de la recherche

Les VSS dans l’enseignement supérieur : manque d’enquête

Il n’y a apparemment aucune étude nationale sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans la communauté des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, alors que dans la population étudiante, les VSS sont plutôt bien documentées. Ce constat a amené Hélène Gispert, historienne des mathématiques et membre du groupe Égalité femmes-hommes du SNESup, à présenter dans le numéro de février de la revue de ce syndicat (page 29), un rapport international sur le sujet, qui date déjà de 5 ans, mais “permet de saisir la réalité de ces violences à une plus large échelle”.
Cette enquête (en anglais) a été réalisée notamment sous l’égide de l’Union mathématique internationale, de l’UNESCO et du Conseil international des mathématiques industrielles et appliquées, et dirigée par les mathématiciennes Colette Guillopé et Marie-Françoise Roy.

Marie-Françoise Roy –Wikimedia Commons

Elles en ont également établi une version française produite par la SMF et l’association femmes et mathématiques. Elle a été publiée dans un numéro spécial de la Gazette de la SMF en mai 2024.

Colette Guillopé – Wikimedia Commons

Epijournaux en mathématiques

Un épijournal est une revue scientifique numérique qui n’héberge pas directement ses articles, mais référence des prépublications disponibles sur des archives ouvertes comme arXiv ou HA. Sur le site du CNRS mathématiques , l’un des promoteurs de ce type de publications, Timothy Gowers, explique son fonctionnement. Le mathématicien est fondateur de la revue Discrete Analysis et membre du comité de suivi de l’Épijournal de Géométrie Algébrique (EpiGA), deux exemples d’épijournaux.

Timothy Gowers – Wikimedia Commons

En plus de favoriser la science ouverte, les épijournaux permettent une réduction significative des coûts de publication. “Discrete Analysis publie environ 20 articles par an, et nos frais de fonctionnement annuels sont inférieurs aux frais de publication d’un seul article publié dans une revue typique de l’un des principaux éditeurs commerciaux”, explique Timothy Gowers.

Les principales limites de ces publications naissantes étaient l’absence de réputation ou l’obligation des chercheurs et chercheuses de certains établissements à publier dans des revues bien précises (notamment à facteur d’impact). Mais le mathématicien l’affirme : les épijournaux gagnent en popularité et en reconnaissance. “J’ai été très surpris par la rapidité avec laquelle Discrete Analysis a acquis la réputation d’être une revue de haute qualité, et nous recevons un flux régulier de soumissions. Il en va de même pour une autre revue, Advances in Combinatorics, dont je dirais qu’elle est aujourd’hui la meilleure revue spécialisée en combinatoire.” Ce succès tient à un comité de rédaction solide.

“Une thèse à l’Agence spatiale européenne pour Alesia Herasimenka, chercheuse en mathématiques”

Le prix de thèse 2024 avait été remis lors de la 13e édition du Forum Entreprises et Mathématiques, le 7 octobre 2024, au Centre des Congrès de la Villette à Paris. Alors que l’édition 2025 est lancée depuis fin janvier, le CNRS Mathématiques a publié une interview de Alesia Herasimenka récipiendaire du second prix (ex aequo avec Alice Nassor).

Elle parle de ses motivations, des principaux défis qu’elle a rencontrés lors ses recherches, de l’impact de son travail dans le futur pour le monde socio-économique. Elle pense que “que les mathématiques servent à résoudre les problèmes de la vie quotidienne, que ce soit dans le domaine du spatial, de la médecine, de la finance, ou même de la politique”. Elle “croit que le développement de l’humanité dépend en grande partie du progrès scientifique, et les mathématiques en sont la base fondamentale”.Étude de la NASA d'une voile solaire

Dans l’avenir elle aimerait “travailler sur des missions spatiales ambitieuses qui permettront d’aller au-delà de nos connaissances actuelles de l’univers”. Bon vent Alesia !

À l'honneur

Prix David Robins 2025 de l’American Mathematical Society

Dans un article intitulé Les nombres quantiques ? Surely you’re joking, Mr. Feynman ! publié par le CNRS, on apprend que Sophie Morier-Genoud et Valentin Ovsienko, membres du Laboratoire de Mathématiques de Reims, ont été récompensé·es par le prix David Robbins 2025 de l’American Mathematical Society pour l’introduction de la notion de nombres réels quantiques, appelés “q-nombres”. Félicitations à elleux !

Mathématiciens mis à l’honneur

Pierre Audin

Pierre Audin : Une journée hommage sera tenue le 1er mars à l’Institut Henri Poincaré et en visioconférence en l’honneur du fils de Maurice Audin, co-fondateur de MATH.en.JEANS et médiateur au Palais de la Découverte, disparu en mai 2023.

Jean-Pierre Serre

Jean-Pierre Serre : Le journal L’Indépendant a mis à l’honneur le mathématicien dans un article retraçant les réussites professionnelles de ce mathématicien au prestigieux parcours.

Diffusion

Apprendre à aimer les maths

Comme d’habitude, les initiatives pour rendre les mathématiques plus accessibles et stimulantes se multiplient. Le podcast Parlons pratiques du Réseau Canopé met en avant des pédagogies innovantes visant à réconcilier les élèves avec cette discipline souvent perçue comme abstraite. Jeux éducatifs, interdisciplinarité et approches ludiques y sont discutés par Nicolas Pelay et Claire Lommé.

Dans cette même dynamique, les Newton Rooms, installées temporairement dans des établissements scolaires, permettent aux élèves de découvrir les mathématiques à travers des situations concrètes : programmation d’un vol d’avion ou pilotage d’un robot sur Mars. De son côté, Maths et ma Toque, un jeu éducatif imaginé par Judith Sasportes, associe les mathématiques à la cuisine pour un apprentissage gourmand et intuitif, co-construit avec des enseignant⋅es du primaire et du secondaire. Une vidéo présentant le projet est disponible sur Youtube.

Cette passion des mathématiques dépasse les frontières. Dans un article, la Presse tunisienne explique que la Cité des Sciences de Tunis organise une journée dédiée aux mathématiques, proposant conférences et ateliers pour sensibiliser le grand public et les jeunes générations à cette discipline essentielle.

Qu’est-ce que l’optimisation ?

Ce mois-ci, plusieurs initiatives avaient pour but de faire découvrir le monde de l’optimisation au grand public.

Hang Zhou propose de l’illustrer poétiquement,  membre du Laboratoire d’Informatique de l’École polytechnique, illustre cette notion dans une interview pour CNRS sciences informatiques, grâce à une balade dans les jardins de Versailles :

“Quand j’étais une élève à l’ENS, je fréquentais le jardin de Versailles notamment lors du spectacle des « Grandes Eaux Musicales ». Pendant ce spectacle d’environ une heure, toutes les fontaines du jardin étaient mises en eau avec de la musique baroque. Mais les fontaines sont dispersées un peu partout dans le jardin, rendant difficile de toutes les voir pendant le spectacle. Une question s’est donc naturellement posée : quel est le chemin qui permettrait de visiter le plus de fontaines possible dans le temps imparti ?” 

Soumis au même exercice, Christophe Lecoutre, professeur à l’Université d’Artois et membre du Centre de recherche en informatique de Lens, explique l’optimisation comme l’exploration efficace d’un “espace de recherche afin de trouver une configuration qui optimise un objectif pouvant être défini, par exemple, comme une somme de coûts ou de préférences”.

 

Et aussi, ce mois-ci...

  • À la découverte des métiers des sciences informatiques avec les décodeuses du numérique. (Lien)
  • CHRONIQUE. Géométrie et couture : l’élégance des formes.Quand couturier⋅es et mathématicien⋅es travaillent ensemble : c’est la chronique de Sylvie Benzoni-Gavage, professeure à l’université Claude-Bernard Lyon 1. ( lien )
  • Le flocon de neige, un miracle géométrique ( Lien )

Parutions

Côté librairies

“L’intelligence artificielle ne pourra pas faire émerger de nouvelles théories scientifiques'”,  écrit Science et Avenir qui présente une interview récente d’Hubert Krivine, l’auteur de ChatGPT, une intelligence sans pensée  publié chez Cassini, au sujet de la sortie de son ouvrage qui a été préfacé par Jean-Gabriel Ganascia. « Même s’il salue l’apport gigantesque de l’IA dans bien des domaines, cet essai tente d’en fixer aujourd’hui les limites intrinsèques » précise la présentation de l’éditeur.

Il y a quelques années Hubert Krivine avait déjà publié Comprendre sans prévoir, prévoir sans comprendre  puis L’IA peut-elle penser ? Miracle ou mirage de l’intelligence artificielle.

Il explique  à Science et Avenir pourquoi il a voulu revenir sur le sujet après le succès spectaculaire du lancement de ChatGPT en 2022 (voir par exemple cet autre article). “Dans mon livre L’IA peut-elle penser ?, je ne répondais pas vraiment à la question posée par le titre. Je ne donnais pas de définition à l’intelligence et la distinction que je faisais entre intelligence et pensée était confuse”. Il estime que dans son dernier ouvrage le terme d’intelligence est mieux défini (“en gros la capacité à résoudre un problème”). Mais, par contre, il est plus difficile de définir la pensée au-delà de “tout ce qui se passe dans le cerveau”.  Il éclaire un peu plus son point de vue : “pour le travail scientifique, l’intelligence artificielle permet de travailler sur une accumulation phénoménale de données, comme pour le repliement des protéines par exemple. Mais elle ne pourra pas faire émerger de nouvelles lois, de nouvelles théories scientifiques”.
Vous pouvez trouver ici  ou  des recensions intéressantes d’un l’ouvrage accessible à un large public,  “qui vient à point nommé pour nourrir la réflexion sur le déferlement de l’IA”, qui “pose de bonnes questions”, aide à mieux comprendre “à quoi nous avons affaire” et les “limites importantes de ce modèle d’IA, par-delà les réussites et l’emballement qu’il génère”.  Ajoutons à ces éloges (mérités) que la qualité des publications proposées par les éditions Cassini rend ce petit livre encore plus agréable à lire !

Mathématiques et magie forment un couple « gagnant » qui a toujours séduit petits et grands. En tout cas BordoFM  et les animateurs de l’émission C’Larsen sont tombés sous le charme au point de  largement dépasser le temps habituel de leur émission. Le « fautif » était Dominique Souder (nous avions parlé de lui dans la revue de presse du mois dernier). Il avait été invité pour parler des mathématiques et de la magie et, en même temps, pour présenter son dernier ouvrage,  La mathémagie pour rêver et comprendre les maths, co-écrit avec Cédric Anjot  et Pascalyves Souder, son fils. Vous pouvez en voir un extrait ici.

C’est dit-il “un petit peu un plaidoyer pour montrer toutes les qualités de la mathémagie et tout ce qu’elle peut apporter à l’enseignement”. En fait c’est un plaidoyer convaincant ! La mathémagie surprend, étonne, passionne … Pourquoi ne pas en faire un outil pour rendre l’enseignement plus attrayant, pour aider les élèves en difficulté à progresser, pour apprendre des maths ? Pendant l’émission, il a proposé aux auditeurs des tours de magie adaptés pour la radio … Tout le monde s’est pris au jeu !  Au cours de ce long échange, il a été question de son métier d’enseignant et de formateur d’enseignants, de son  club de mathématiques, de sa passion  aussi pour les jeux mathématiques, une passion qu’il partage depuis plus de vingt-huit ans au sein de la FFJM). 

Dominique Souder a publié plusieurs livres (pas seulement sur la magie mathématique) que vous pourrez retrouver sur son site. Il les évoque au micro de BordoFM et il nous a confié avoir en projet un nouvel ouvrage  qu’il est en train d’écrire avec Jean-Baptiste Aubin, un mathématicien passionné de magie comme lui. Le titre (provisoire) est : Devenez les maitres du mystère mathémagique et créez votre monde. 

Côté kiosques

Le numéro de mars du mensuel Pour la Science vient d’arriver en kiosque en attendant d’être disponible en version électronique. Vous y découvrirez une nouvelle promenade mathématique dans la rubrique “Logique et Calcul” concoctée par Jean-Paul Delahaye  qui nous propose ce mois-ci un voyage au pays de la “Combinatoire pour les rectangles” abondamment illustré.  Il traite deux questions “en apparence simples”, qui, précise-t-il un peu plus loin, ont été soumises à de jeunes participant·e·s de MATh.en.JEANS :

  • De combien de façons peut-on découper un rectangle composé de 2n carrés, n est un entier strictement positif) en deux pièces superposables, chacune d’un seul tenant et composées de carrés ?
  • Et ensuite faire le même dénombrement pour un rectangle composé de 3 x 2n carrés (n est toujours un entier strictement positif).

Des questions qui vous conduiront à “dérouler d’intéressants raisonnements combinatoires”. 

Quels sont les points communs entre une éponge et une planche de mots croisés ? Si vous ne le savez pas, lisez “Ça percole dans les mots croisés”, l’article de Charlotte Mauger, publié dans la rubrique mathématique des Échos des labos de ce même numéro de Pour la Science. Elle s’appuie sur une récente publication d’Alexander Hartmann qui a vu dès 2023 “une analogie entre ce qui se passe dans de nombreux systèmes physiques ou mathématiques et dans les mots croisés”.

Histoire des mathématiques

Film documentaire

Le Monde et le Figaro présentent le documentaire “Ces mathématiciens qui firent plier le Kremlin”, réalisé par le petit-neveu de Laurent Schwartz, Mathieu Schwartz. Il est disponible sur le site de LCP et sur Youtube, et est décrit ainsi : “De 1972 à 1975, des mathématiciens regroupés autour de Laurent Schwartz, médaillé Fields français, vont mener campagne à l’Ouest pour faire libérer un confrère ukrainien, Léonid Pliouchtch, accusé de dissidence par le pouvoir soviétique et enfermé en hôpital psychiatrique. Le combat mené par le Comité des mathématiciens va non seulement parvenir à faire plier le Kremlin et libérer Pliouchtch, mais va aussi avoir pour conséquence d’obliger le Parti communiste français à prendre ses distances avec Moscou, une étape majeure qui va permettre l’Union de la gauche en France.”

Léonid Pliouchtch – Wikimedia Commons

Suite à la parution du documentaire, une émission le commentant a été diffusée sur la chaîne LCP. “Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales….autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l’occasion d’un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.”

(Re)Découverte historique

Cet article de Geo rend compte de la re-découverte de travaux d’Apollonius de Perge, figure importante des mathématiques hellénistiques, célèbre pour ses coniques. Jusqu’à présent, cette œuvre n’était que parcellaire, car deux livres (sur un total de huit) avaient été perdus. Ou du moins, devrait-on dire égarés, car ils ont été récemment trouvés dans un manuscrit arabe conservé, depuis des siècles, aux Pays-Bas.

Traduction arabe des Coniques – Wikimedia Commons

Cette découverte rappelle le rôle qu’a joué le monde arabo-musulman médiéval dans la transmission du savoir mathématique antique au fil des siècles. Elle met aussi en lumière la sous-exploitation de documents conservés par des institutions occidentales, par manque de spécialistes maîtrisant l’arabe, le persan ou le turc.

L’histoire des maths… sur les réseaux sociaux !

Depuis avril 2024, Noëlle Krajcman, médiatrice en mathématiques au Palais de la découverte, poste des vidéos d’histoire des mathématiques sur Instagram et Tiktok, nous rapporte le magazine Tangente, sous le nom “histoires curieuses de mathématiques”. Elle nous fait découvrir des personnalités mathématiques peut-être moins connues – ou moins médiatisées -, comme Ernest Ansermet, Mary Somerville, Marie Crous…

Pour finir

Deux rendez-vous “mathématiques” pour le mois de mars :

  • Une nouvelle édition d’Échecs & Maths par la Cité des Sciences et de l’Industrie se tiendra du 4 au 9 mars – à l’occasion de la semaine des mathématiques 2025. Plusieurs événements et animations auront lieu chaque jour autour de ce jeu.
  • Autre lieu de la médiation des sciences, le Palais de la Découverte propose de découvrir le parcours de la cryptographe Elizebeth Smith Friedman, à partir du 2 mars et jusqu’au 5 avril 2025.

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Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .

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