[AB] est un segment qui mesure 1 cm. [CD] est un segment qui mesure 4 cm.
Y a-t-il quatre fois plus de points dans [CD] que dans [AB] ?
La réponse « de bon sens » est : « oui, puisque [CD] est formé de quatre [AB] bout-à-bout »…
et bien, pas du tout : [CD] a exactement autant de points que [AB] !
« Oh oui bien sûr, parce qu’il y en a une infinité dans chaque segment ! »
Eh bien non, toujours pas : il y a une infinité de nombres dans $\mathbb{N}$ (l’ensemble des entiers dits « naturels » : 0, 1, 2, 3, etc.), mais il n’y a pas autant de nombres dans $\mathbb{N}$ que de points dans un segment… ou que de nombres dans $\mathbb{R}$ (l’ensemble des nombres réels) !
En mathématiques, ce mot n’a de sens qu’entre deux ensembles.
« Deux ensembles ont autant d’éléments » veut dire qu’il est possible de déterminer une bijection entre eux, c’est-à-dire de composer des paires avec TOUS les éléments des deux ensembles - en associant à chaque fois un élément du premier ensemble et un élément du deuxième ensemble, sans jamais prendre deux fois le même !
Imaginez un ensemble de personnes et un ensemble de chaises : il y a autant de personnes que de chaises si vous pouvez composer des paires « personne et chaise » - par exemple en asseyant chaque personne sur une chaise :) - avec toutes les personnes et avec toutes les chaises, sans tricher (pas de personnes en trop, pas de chaises en trop, pas plusieurs personnes sur la même chaise, pas plusieurs chaises sous la même personne) !

Voici 2 segments, [AB] et [CD]. [AB] est plus petit (plus court) que [CD].
J’appelle T le point commun aux droites (AC) et (BD)… je suppose que vous devinez la suite ?
Imaginez toutes les demi-droites qui « partent » de T
et qui traversent [AB] (ou [CD], ce sont les mêmes !)
Pour chacune de ces demi-droites,
imaginez la paire composée du point où elle coupe [AB] et du point où elle coupe [CD] :
la paire {E,F}, la paire {G,H}, la paire {J,K}, …
Et bien sûr, n’oubliez pas les paires {A,C} et {B,D} !
Vous associez bien alors chaque point du premier segment à chaque point du deuxième. Sans en laisser aucun de côté, sans prendre deux fois le même.
Donc [AB] et [CD] ont autant de points.
(Et si (AC) et (BD) étaient parallèles ? Au lieu d’imaginer les demi-droites qui « partent » de T, il vous suffirait alors d’imaginer les droites parallèles à (AC), n’est-ce pas ?)
Prouver qu’il y a autant de rationnels que d’entiers naturels revient à prouver qu’on peut numéroter les rationnels,
c’est-à-dire associer un numéro (donc un entier naturel) à chaque rationnel.
En s’assurant que deux rationnels différents ont bien deux numéros différents, et qu’aucun rationnel n’est oublié.
La construction ci-dessous s’appuie sur des carrés emboîtés, à coordonnées entières. C’est une méthode classique de dénombrement des rationnels, mais il en existe d’autres !

Principe :
chaque point à coordonnées entières de la partie supérieure de cette construction (« au-dessus » de l’axe des numérateurs) correspond soit à la forme irréductible d’un rationnel (disques bleus) soit à une forme réductible (disques verts). Les points de l’axe des numérateurs ne correspondent à rien (division par zéro, disques rouges). Enfin, les points de la partie inférieure ne sont qu’une répétition de ceux de la partie supérieure, dans une symétrie dont le centre est
l’intersection des 2 axes : ils n’apportent pas de nouveaux nombres et sont encore repérés par des disques verts.
Il suffit alors de numéroter les disques bleus, en commençant par ceux du plus petit carré,
parcouru depuis « c1 » et dans le sens indiqué. On passe ensuite à ceux de « c2 », dans les mêmes conditions, etc.
Et le tour est joué : quel que soit le rationnel imaginé, il correspondra à un disque bleu d’un carré, n’est-ce pas ? !
Un crible d’élimination des formes réductibles :
En bleu, les segments qui joignent le point d’intersection des 2 axes rouges au centre du premier disque bleu disponible.
En vert, les « prolongations » de ces segments.
Les disques traversés par une ligne verte seront nécessairement verts (ils correspondront à des formes réductibles) !

Comment Cantor a-t-il démontré qu’il y avait plus de nombres réels que de nombres entiers naturels ?
(Il s’agit en réalité de sa seconde démonstration, dite « de la diagonale », bien plus simple que la première !)
Principe :
Georg Cantor a démontré que les nombres réels compris entre zéro et un étaient déjà plus nombreux que les nombres
entiers, autrement dit, qu’il n’était pas possible de numéroter tous les nombres réels compris entre zéro et un… Mais alors,
il était « encore moins possible » de numéroter tous les nombres réels !
Pourquoi n’est-il pas possible de numéroter tous les réels compris entre zéro et un ?

Imaginez - provisoirement - qu’on ait réussi à le faire.
On pourrait alors composer un tableau comme celui ci-dessus, mais illimité vers la droite et vers le bas, dans lequel chaque
réel dont l’écriture décimale commencerait par « 0 , » aurait un numéro… En faisant simplement attention à ne pas
numéroter deux fois le même nombre décimal : une fois en « finissant » son écriture par une infinité de zéro, une deuxième
fois en la « finissant » par une infinité de neuf (on peut par exemple décider que le seul décimal pour lequel on accepte la
deuxième écriture est « 1 », sous la forme 0,999999…)
Imaginez maintenant le réel « r » dont l’écriture décimale commence par « 0 , » et dont les décimales sont construites à
partir des décimales des nombres du tableau, de la façon suivante :
si la 1$^{re}$ décimale du n°1 est « 1 », la 1$^{re}$ décimale de « r » est « 2 » et sinon elle est « 1 »
Si la 2$^{e}$ décimale du n°2 est « 1 », la 2$^{e}$ décimale de « r » est « 2 » et sinon elle est « 1 »
Si la 3$^{e}$ décimale du n°3 est « 1 », la 3$^{e}$ décimale de « r » est « 2 » et sinon elle est « 1 »
… si la n$^{ème}$ décimale du numéro n est « 1 », la n$^{ème}$ décimale de « r » est « 2 » et sinon elle est « 1 »...
Avec les décimales du tableau, le début de « r » serait : 0 , 1 2 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 2
Et là, tout s’effondre : « r » est un nombre réel compris entre zéro et un, et j’ai imaginé que je les avais tous numérotés, donc « r » devrait être un des nombres réels du tableau... Mais ça, ce n’est pas possible : « r » n’est pas le réel numéro un, puisqu’ils n’ont pas la même première décimale. Il n’est pas non plus le réel numéro deux, puisqu’ils n’ont pas la même deuxième décimale, etc. (Quel que soit l’entier n, « r » n’est pas le réel numéro n, puisqu’ils n’ont pas la même nième décimale)
Conclusion : les entiers naturels ne permettent pas de numéroter tous les nombres réels compris entre zéro et un !
Tout ça pour un seul nombre ? Pas vraiment : j’aurais pu en construire beaucoup d’autres, sur le même modèle, en remplaçant « la nème décimale de r est 2 » par : « la nème décimale de r est un chiffre quelconque – et variable – entre 2 et 8 »
Travailler sur les infinis, parfois ça donne envie de se taper la tête contre les murs. Et en même temps, c’est passionnant et il n’est jamais trop tôt pour commencer à y réfléchir.
Mais ça demande des nerfs solides : prenez Georg Cantor (1845-1918), le Grand Maître des infinis (et l’inventeur des « Aleph »). Au départ, il était persuadé qu’il y avait moins de points dans un côté d’un carré (un segment) que dans le carré tout entier (une surface). Il a cherché à le démontrer… et finalement il a démontré qu’il y en avait autant !
Démoralisant, non ? Il en revenait tellement peu que dans sa correspondance – en allemand – avec un autre mathématicien, Richard Dedekind, il l’implore de contrôler sa démonstration afin qu’il puisse enfin y croire lui-même :
the communications which I lately sent you are even for
me so unexpected, so new, that I can have no peace of mind until I obtain from
you, honoured friend, a decision about their correctness. So long as you have not
agreed with me, I can only say : je le vois, mais je ne le crois pas.
$\qquad \qquad \qquad \qquad \qquad \qquad $Traduction anglaise de : Fernando Q. Gouvêa [1]
(Pourquoi cette phrase en français ? Peut-être une façon de souligner l’urgence de sa requête ?)
Et ce qui est fantastique, c’est qu’effectivement dans cette observation le plus difficile ce n’est pas de la démontrer, c’est d’arriver à y croire !
Voulez-vous essayer d’en survoler une démonstration ? Tranquillement, étape par étape ?
Vous verrez, ce n’est pas si terrible… et je vous promets que la conclusion en vaut la peine : vous comprendrez mieux l’effarement de Cantor et vous non plus, vous n’y croirez pas !
(S’il vous plaît, ne trichez pas, n’allez pas voir maintenant. Prenez le temps de déguster ?)
Les points ne sont pas des nombres, les nombres ne sont pas des points.
Et pourtant, nous les confondons allègrement dans l’expression « la droite des réels ».
Qu’est-ce qu’un point, qu’est-ce qu’un nombre, comment en est-on arrivé à les confondre ? Des questions simples… mais les réponses ne le sont pas : les points et les nombres n’existent pas dans la nature, ce sont des abstractions. Des objets imaginaires dont la conception et les propriétés inhérentes à cette conception ont toutefois permis – entre autres – de modéliser de plus en plus finement notre univers physique.
Mon but n’est pas ici de reconstruire les différentes étapes de leur conception et je me restreindrai donc à rappeler qu’il est devenu banal de relier à travers une bijection particulière – une « graduation » – les points d’une droite et les nombres réels (banal, et pourtant d’autant moins trivial que la droite elle-même est une abstraction aussi difficile à définir que les points ou les nombres)…

… puis de relier à travers une nouvelle bijection les points du plan et les couples de réels (les éléments de $\mathbb{R}^2$), ce qui va nous permettre de transposer le problème de Cantor de la géométrie vers le numérique :
Y a-t-il autant de points dans un côté d’un carré que dans le carré tout entier ?
devient (en choisissant comme unité de longueur le côté du carré) :

Y a-t-il autant de nombres dans le segment réel $[0\:; 1]$ que de couples dans $[0\:; 1]^2$ ?
Ou encore : existe-t-il une bijection entre les nombres réels compris entre 0 et 1
et les couples formés de deux réels compris entre 0 et 1 ?
Ça paraît assez invraisemblable… et pourtant !
Le fait que tout nombre réel peut-être écrit à l’aide d’une suite décimale illimitée (et parfois de deux !) :
« à l’infini », la différence entre le nombre réel et son écriture décimale illimitée est nulle.
Notation : les périodes des nombres rationnels (dont les entiers et les décimaux) sont surlignées
\[ \frac{23}{7}=3,285714285714\overline{285714}\]
\[ \sqrt{2}=1,4142135623730950488016…\]
\[ \pi=3,14159265358979323846264338…\]
2 suites possibles pour les nombres décimaux (dont les entiers, à l’exception de 0 !) :
\[ 7,258=7,2580000\overline{0}…\]
\[ 7,258=7,2579999\overline{9}…\]
\[ 5=5,0000\overline{0}…\]
\[ 5=4,9999\overline{9}…\]
Fondre les deux nombres d’un couple de réels compris entre 0 et 1 en un seul réel, également compris entre 0 et 1.
Comment ?
En entrelaçant leurs écritures décimales illimitées : un chiffre de l’un, un chiffre de l’autre…
Par exemple (en s’arrêtant aux 5 premières décimales !),
l’entrelacement du couple $(0,53719… ; 0,84206…)$ a pour résultat le réel unique $0,5834721096…$
… et à l’envers, si on « désenlace » $0,5834721096…$ , on recrée bien le même couple !
Il semblerait donc bien qu’à chaque couple corresponde un nombre unique et qu’à chaque nombre corresponde un couple unique…
… enfin, PRESQUE et Cantor s’en est aperçu. Il subsistait une difficulté qu’il n’arrivait pas à contourner :
les doubles écritures des nombres décimaux, l’une de période 0 l’autre de période 9.
S’il acceptait les deux écritures, le couple $(0,35\overline{0}… ; 0,62\overline{0}…)$ pouvait également s’écrire, par exemple, $(0,34\overline{9}… ; 0,62\overline{0}…)$.
Malheureusement, dans le premier cas, l’entrelacement donnait $0,36520\overline{0}…$
et dans le deuxième cas il donnait $0,36429090\overline{90}…$ qui n’est pas du tout le même nombre :
c’est l’écriture décimale illimitée de la fraction $\frac{5009}{13750}$
un même couple serait alors associé à deux réels différents !
Dans l’ébauche de démonstration qu’il propose à Dedekind le 20 juin 1877, Cantor décide alors d’ignorer les écritures à « période 0 »… mais deux jours plus tard, Dedekind lui fait remarquer sur un exemple que ça ne suffit pas.
En fait, il ne sert à rien de privilégier l’une ou l’autre des deux écritures, « période 0 » ou « période 9 » : que l’on refuse l’une ou l’autre de ces périodes, le « désenlacement » de $0,3642\overline{90}…$ – c’est-à-dire le couple $(0,34\overline{9}… ; 0,62\overline{0}…)$ – cesse d’être un couple acceptable, puisque soit $0,34\overline{9}…$ , soit $0,62\overline{0}…$ n’est plus une écriture acceptable.
$\frac{5009}{13750}$ ne serait associé à aucun couple !
Après cette tentative inachevée, il faudra moins d’une semaine à Cantor pour présenter à Dedekind une démonstration irréprochable de son affirmation. Contrairement à la première proposition, cette nouvelle démonstration ne repose pas sur les entrelacements d’écritures décimales illimitées des nombres réels : ne réussissant pas à construire une bijection parfaite à l’aide de ce système il en invente un autre, qui repose sur la possibilité d’exprimer tout réel entre zéro et un sous forme d’une « fraction continue ».
Il me semble toutefois que la notion de fraction continue dépasse le cadre des connaissances du second degré et j’aurai donc l’audace de proposer une démonstration différente, qui n’est finalement qu’une amélioration des entrelacements de Cantor.
Précisons tout de suite que cette démonstration n’est pas de moi !
Je savais qu’elle existait, je me rappelais bien l’avoir lue « quelque part », mais où ?… mais quand ?
Heureusement, Internet l’a retrouvée pour moi, dans l’incontournable « théorie des ensembles » d’Erich Kamke… ou plus exactement dans sa traduction américaine. [2]
Cette amélioration des entrelacements est-elle due à Kamke lui-même ? Je suppose que oui, mais son livre ne le dit pas. En tout cas je n’en ai pas trouvé de traces antérieures.
Elle a l’avantage sur les « fractions continues » de ne demander aucune connaissance particulière et d’être extrêmement simple à visualiser… et l’inconvénient de ne pas travailler sur l’intervalle $[0\:; 1]$ (un « segment » de $\mathbb{R}$) mais sur l’intervalle semi-ouvert $]0\:; 1]$. Toutefois, comme vous le verrez, ce n’est pas dramatique : il est facile de passer de l’un à l’autre.
L’idée : au lieu d’entrelacer les chiffres des écritures décimales illimitées, on entrelacera des blocs de chiffres (des fragments de ses écritures).
Comment ces blocs sont-ils définis ?
Avant tout, on s’interdit d’utiliser la période 0 : les décimaux seront écrits « en période 9 ».
Ensuite, en se déplaçant vers la droite, à partir de la virgule :
- le premier bloc commence juste après cette virgule et s’arrête juste après le premier chiffre différent de zéro (chaque bloc contient donc au moins un chiffre !)
- le bloc suivant commence juste après lui et s’arrête encore juste après le premier chiffre différent de zéro ;
- etc.
Par exemple, les premiers blocs de $0, 0390070283…$ sont : $03 \quad 9 \quad 007 \quad 02 \quad 8 \quad 3$
Pourquoi imposer aux nombres décimaux l’écriture « en période 9 » ? Pour éviter de se retrouver avec des blocs formés d’une infinité de 0. En interdisant l’écriture « en période 0 », on s’assure que chaque bloc ne contiendra qu’un nombre limité de chiffres.
Une fois cette règle du jeu établie, on entrelace deux nombres réels suivant la méthode de Cantor… sauf que ce ne sont pas les chiffres des écritures décimales illimitées qu’on entrelace, mais les blocs !
Et vous pourrez alors facilement vérifier que les inconvénients de la première méthode disparaissent !
Ici, le « désenlacement » de $0,3642\overline{90}…$ (la fraction $\frac{5009}{13750}$, notre contre-exemple précédent) devient très simplement le couple :
($0,3 4 9 09 \overline{09}… ; 0, 6 2 09 \overline{09}…$) ou, en fractions : ($\frac{96}{275} ; \frac{683}{1100} $)
(Et réciproquement, l’entrelacement des deux nombres de ce couple redonne bien $0,3642\overline{90}…$ !)
Erich Kamke, Theory of Sets

Seule petite contrariété de ces nouveaux entrelacements : il n’existe pas de « période 9 » pour 0 (c’est le seul nombre décimal à n’avoir que l’écriture à période 0) !
Ce n’est pas vraiment dramatique : à défaut d’une bijection entre $[0\:; 1]$ et $[0\:; 1]^2$, les entrelacements de blocs nous auront permis de mettre en évidence une bijection entre $]0\:; 1]$ et $]0\:; 1]^2$… il ne nous reste plus qu’à prouver qu’il existe des bijections entre $]0\:; 1]$ et $[0\:; 1]$, et nous en aurons terminé !
Pour ne pas être mesquins, nous allons même construire des bijections entre les 4 ensembles $]0\:; 1[ , ]0\:; 1] , [0\:; 1[$ et $[0\:; 1]$ …
ne vous inquiétez pas, ça va être rapide :)
Prouver qu’il y a autant de nombres dans $[0\:; 1]$ que dans $]0\:; 1[$ ?
Rien de plus facile, il existe de très nombreuses bijections de $[0\:; 1]$ vers $]0 ; 1[$.
En voici une (peut-être y reconnaîtrez-vous une application de « l’hôtel de Hilbert ») :
- \[0 \mapsto \frac{1}{3} \qquad \frac{1}{3} \mapsto \frac{1}{4} \qquad\frac{1}{4} \mapsto \frac{1}{5} \qquad etc.\]
- \[1 \mapsto \frac{1}{2}\qquad \frac{1}{2} \mapsto \frac{2}{3} \qquad\frac{2}{3} \mapsto \frac{3}{4} \qquad etc.\]
- Tous les autres nombres de $[0\:; 1]$ (les nombres qui ne sont ni 0 ni 1, ni des fractions de la forme $\frac{1}{n}$ ou de la forme $\frac{n}{n+1}$ , n étant un entier naturel non nul) sont associés à eux-mêmes !
Et le tour est joué !
Mais également, bien sûr :
Prouver qu’il y a autant de nombres dans $[0\:; 1]$ que dans $[0\:; 1[$ ?
Il suffit d’effacer la première ligne de la bijection précédente :)
Prouver qu’il y a autant de nombres dans $[0\:; 1]$ que dans $]0\:; 1]$ ?
Vous l’avez certainement deviné… effacez la seconde ligne de la même bijection !
Autrement dit, les ensembles $[0\:; 1]$ , $]0\:; 1]$ , $[0\:; 1[$ , $]0\:; 1[$ ont tous précisément autant d’éléments… mais il y a encore mieux : ils ont tous autant d’éléments que $\mathbb{R}$ tout entier !
Pour s’en assurer, il suffit d’observer une bijection de $]0\:; 1[$ vers $\mathbb{R}$
largement à la portée d’élèves de terminale, celle-ci (mais il y en a d’autres !).

Ça y est, vous avez tout lu, sans tricher ? Vous êtes prêt(e)s ?
Voilà ce qui se cache derrière la démonstration de Cantor – ce qui se cache mais que, bien certainement, il avait immédiatement compris.
La méthode des entrelacements n’est évidemment pas limitée à des couples de $[0\:; 1]^2$ , elle s’étend sans difficulté à des triplets de $[0\:; 1]^3$ : il y a autant de points dans un segment de 1cm de long que dans un cube de 1cm d’arête.
Il y a donc bijection entre $[0\:; 1]$ et $[0\:; 1]^3$
… Et puisqu’il y a bijection entre $[0\:; 1]$ et $\mathbb{R}$ , il y a également bijection entre $[0\:; 1]^3$ et $\mathbb{R}^3$
Conclusion : il y a bijection entre $[0\:; 1]$ et $\mathbb{R}^3$ !
Il y a autant de points dans un minuscule segment que dans tout l’espace de notre univers !
Vous y croyez ?
Reconnaissez qu’il y avait de quoi s’émouvoir !
Post-scriptum : Un grand merci à Jean-Louis Poss pour la précision de sa relecture !
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Autant… ou pas ?
le 27 août 2019 à 11:17, par Philippe Colliard