Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

le théorème d’uniformisation a cent ans !

Piste rouge Le 17 novembre 2007  - Ecrit par  Étienne Ghys Voir les commentaires (15)
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Il y a exactement cent ans, Henri Poincaré publiait la preuve du théorème d’uniformisation. Il concluait ainsi une longue série de travaux, s’étalant sur tout le dix-neuvième siècle, et remontant au moins à Gauss.

Il y a quatre ans, Grigori Perelman publiait sur internet trois articles majeurs qui mènent à la preuve de la conjecture de géométrisation de Thurston, elle-même directement issue du théorème d’uniformisation. Cela lui a valu la médaille Fields en 2006.

Je voudrais esquisser l’histoire de cette aventure en tentant d’éviter tout aspect technique. Evidemment, je serai obligé de simplifier à l’extrême et de passer sous silence un grand nombre d’aspects importants.

Hipparque et Ptolémée

Commençons au deuxième siècle... avant Jésus-Christ.
Hipparque, et son successeur Ptolémée, trois siècles plus tard, sont semble-t-il, parmi les premiers à s’être posé la question de la “représentation” la plus précise possible du ciel étoilé ou de la surface de la terre sur un plan. Voici (une copie d’une copie de) la carte du monde par Ptolémée.

C’est le début de la cartographie scientifique. Parmi les méthodes introduites à cette époque, il faut mentionner la projection stéréographique.
Ci-dessous, vous voyez une sphère jaune : la terre ; le pôle nord, en rouge ; et le plan tangent au pôle sud, en bleu. Tout point sur la terre, à l’exception du pôle nord, peut être joint au pôle nord par une droite qui coupe le plan bleu en un autre point qu’on appelle sa projection.
Ceci permet de représenter toute la sphère, à l’exception du pôle nord, sur la surface d’un plan : c’est la projection stéréographique.

Evidemment, cette projection ne respecte pas les distances, c’est-à-dire la géométrie, la métrique. Vous voyez ici que l’Amérique du Sud paraît bien plus petite que l’Amérique du Nord par exemple.

Par contre, si on se concentre sur de petites zones, la forme est respectée : on dit aujourd’hui que la projection est conforme. Précisément, cela signifie qu’une zone infiniment petite de la sphère peut être dilatée ou comprimée mais elle l’est de la même manière dans toutes les directions ; la projection se comporte comme une similitude au niveau infinitésimal. Un cercle par exemple est projeté sur un cercle et non pas sur une ellipse allongée.

Gauss

Sautons maintenant une vingtaine de siècles ! Il aurait fallu parler de l’évolution de la cartographie, indissociable de l’évolution de la géométrie. Faut-il rappeler que, étymologiquement, la géo-graphie se propose de dessiner la terre et la géo-métrie se propose de la mesurer ?

Venons-en donc à Gauss... En 1818, il se voit confier la mission de cartographier le royaume de Hanovre. C’est l’occasion pour lui de réfléchir aux erreurs de mesure en physique et de découvrir la fameuse courbe en cloche (vous la voyez en haut, au dessus du nombre 10, sur cet ancien billet de banque allemand), d’inventer la méthode des moindres carrés, de perfectionner la méthode des triangulations (en bas à droite, la triangulation du royaume de Hanovre), d’inventer de nouveaux instruments de mesures topographiques (en bas, vous voyez l’héliotrope), mais aussi de méditer sur la géométrie, sur l’espace, de deviner l’existence des géométries non euclidiennes, d’utiliser pour la première fois les nombres complexes dans un contexte géométrique. Et tout cela, alors qu’il chevauche la campagne, recrute des ouvriers, cherche de l’argent. Un travail incroyable.

Je ne citerai qu’un théorème de Gauss, qu’on appelle aujourd’hui le théorème de représentation conforme local.

Supposons maintenant une terre dont la forme n’est pas sphérique mais a priori quelconque. Faut-il rappeler qu’au début du dix-neuvième siècle, on sait bien que la terre n’est pas exactement sphérique ? Et sur cette surface de forme patatoïdale, considérons un tout petit pays, la France, par exemple.

Gauss démontre qu’il est toujours possible de représenter ce pays dans un plan de manière conforme. Pour une terre sphérique, la projection stéréographique fait l’affaire mais pour une terre quelconque, c’est un tour de force !

Ce théorème de représentation conforme local reste aujourd’hui un théorème difficile.

L’une des grandes idées dans la preuve est d’utiliser les nombres complexes géométriquement pour décrire un point du plan. C’est une évidence aujourd’hui (en principe pour tous les bacheliers scientifiques) : on peut repérer un point du plan, de coordonnées $(x,y)$ par un seul nombre complexe, $z= x+iy$. Mais au début du dix-neuvième siècle, les nombres complexes étaient encore mystérieux, imaginaires comme on dit encore parfois aujourd’hui, quasi mystiques, en tous les cas bien éloignés du réel.

S’il fallait résumer ce théorème local de Gauss, on peut dire qu’’il permet de repérer localement un point sur une surface quelconque par un nombre complexe.

Ainsi, la surface qui est de dimension deux, peut être décrite par un seul nombre, certes complexe, mais un seul nombre quand même !

La dimension deux réelle a été ramenée à la dimension un complexe. Les surfaces deviennent de dimension un et ce sont donc des courbes complexes.
En effet, les courbes sont précisément les objets qui sont localement paramétrés par un seul nombre.

Riemann

Ne vous affolez pas lorsque vous verrez un géomètre face à une sphère et qui vous parle d’une droite ! Il faut le pardonner. Sa droite est une droite complexe, de dimension un complexe, donc de dimension deux réelle. Elle est d’autre part projective ce qui signifie qu’on a ajouté au plan complexe un point dit à l’infini, qui n’est autre que le pôle nord. Ce point de vue sur la sphère est traditionnellement attribué au héros suivant de notre histoire : le grand Bernhard Riemann. On parle souvent en effet de la sphère de Riemann.

Un mot sur Riemann, lui qui en mériterait des millions. L’une de ses contributions, qui a véritablement révolutionné la géométrie algébrique, a été en quelque sorte de faire fonctionner la machine à l’envers : de considérer les courbes comme des surfaces.

Une courbe algébrique, c’est une courbe du plan qui est définie par une équation polynomiale. Vous voyez ici la courbe d’équation $x^3y+y^3+x=0$. Pas très intéressant n’est-ce pas ?

Mais si on fait comme Riemann, et si on pense à $x$ et $y$ comme des nombres complexes, chacun avec sa partie réelle et imaginaire, le plan $x,y$ devient de dimension quatre et la courbe devient de dimension deux, c’est-à-dire une surface. La voilà.

Cette surface est beaucoup plus intéressante, elle a en particulier une topologie très riche. Toute une structure apparaît : dans ce cas par exemple, elle possède 168 symétries (là, il faut que vous me croyiez sur paroles). Les courbes algébriques, ou plus précisément les surfaces de Riemann, sont parmi les plus beaux objets mathématiques. Quel plaisir de pouvoir les considérer à la fois comme des courbes et comme des surfaces !

Gauss ... encore !

Il est temps d’énoncer le théorème d’uniformisation de Poincaré — de Poincaré-Koebe — pour être un peu plus proche de la réalité historique. Mais il faut d’abord revenir au grand Gauss. Dans ses méditations sur la géométrie de la sphère, Gauss savait bien entendu que dans un triangle sphérique la somme des trois angles ne vaut pas 180 degrés, comme dans le cas d’un triangle du plan usuel, mais que cette somme surpasse 180 degrés d’une quantité qui n’est rien d’autre que l’aire du triangle.

Par une intuition géniale, Gauss devine l’existence d’une surface, en quelque sorte duale de la sphère, dans laquelle la somme des angles d’un triangle est cette fois inférieure à 180 degrés, et pour laquelle l’écart à 180 degrés est égal à l’aire du triangle.

C’est le plan qu’on appelle aujourd’hui non-euclidien, ou hyperbolique, qui a d’abord été imaginé comme un être mathématique abstrait, puis qui a pris une existence concrète grâce à Riemann et Klein. L’histoire, souvent injuste, appelle cette espace le plan de Poincaré. Ainsi donc, à la fin du dix-neuvième siècle, on dispose de trois modèles géométriques : le plan d’Euclide bien sûr, mais aussi la géométrie sphérique, et la géométrie hyperbolique. Voici une manière de paver ce plan un peu bizarre.

JPEG

Poincaré

C’est Poincaré qui a montré que ces trois géométries sont omniprésentes et qu’elles permettent de comprendre toutes les surfaces. Voici enfin un énoncé très simplifié du théorème d’uniformisation de Poincaré.

Théorème : Toute surface peut être uniformisée par l’une des trois géométries : euclidienne, sphérique, ou hyperbolique.

Bien sûr, il faut expliquer ce que signifie uniformiser.

Un exemple d’abord : on peut dire que lorsqu’on paramètre un cercle avec sinus et cosinus,
c’est-à-dire en embobinant une droite autour d’un cercle, on a uniformisé le cercle
par la droite.

De la même manière, voici une surface qui a la topologie d’un tore et qui est uniformisée par
un plan euclidien.

En général, uniformiser une surface munie d’une métrique, c’est trouver une projection, un revêtement en termes techniques, qui part soit de la sphère, soit du plan euclidien, soit du plan hyperbolique, qui va vers la surface donnée, et qui est localement conforme, tout comme la projection stéréographique est conforme : les formes infinitésimales sont respectées.

Et voici un exemple d’une surface plus compliquée, la courbe algébrique que nous avons
vue précédemment, qui est uniformisée par un plan hyperbolique.

Ici, vous voyez une surface qui a la topologie d’une sphère, mais qui n’en a pas la géométrie, qui est uniformisée par une sphère parfaite. En particulier, le théorème d’uniformisation va
plus loin que le théorème local de Gauss. Toute “terre de forme patatoïdale” peut être
cartographiée globalement par une sphère parfaite.

Si cet énoncé ne vous parle pas, retenez simplement que le théorème d’uniformisation de Poincaré permet de comprendre la géométrie de toutes les surfaces à l’aide de trois modèles seulement : sphérique, euclidien et hyperbolique. Si vous préférez, grâce à ce théorème, toutes les surfaces ont été “géométrisées”.

De même que tout le dix-neuvième siècle a été nécessaire pour comprendre les surfaces, c’est-à-dire les objets de dimension deux, il a fallu tout le vingtième siècle pour comprendre les objets de dimension trois : c’est ce sommet que Grigori Perelman vient d’atteindre. Là encore, je vais devoir tronquer, déformer, et simplifier à l’extrême.

Thurston

Dans les années 1970-1980, c’est W. Thurston qui prend conscience que beaucoup d’espaces de dimension trois peuvent être géométrisés, tout comme les surfaces.

De même que la géométrie euclidienne plane a deux soeurs : la géométrie sphérique et la géométrie hyperbolique, la géométrie euclidienne en dimension 3, la vénérable géométrie dans l’espace, comme on disait jadis, a également des soeurs, mais la famille est plus nombreuse. Il y a la géométrie sphérique et la géométrie hyperbolique, analogues aux géométries sphériques et hyperboliques en dimension 2, mais il y a aussi cinq autres soeurs bien moins connues, qu’on appelle les géométries de Thurston, et qui portent des noms peu attirants, comme ${\bf Nil}$, ${\bf SL2}$, ${\bf Sol}$ ou encore ${\bf D}^2 \times {\bf R}$ et ${\bf S}^2 \times {\bf R}$. Thurston commence par étudier un grand nombre d’exemples d’espaces de dimension trois et il constate que tous ces exemples peuvent être décrits par ces huit géométries. Il compile des atlas, encourage ses étudiants à établir des banques de données informatiques. Son approche est très concrète, presque “expérimentale”, en utilisant un mot qui n’est pas souvent utilisé en mathématiques.

En 1976, il formule sa conjecture de géométrisation :

Tout espace (***) de dimension 3 peut-être muni d’une métrique qui est localement isométrique à l’une des huit géométries de Thurston.

Il faudrait être plus précis. Les étoiles signifient “variétés compactes, asphériques et atoroïdales”, mais il faut simplifier :-( Il faut simplement retenir que cette conjecture exprime que les espaces de dimension trois peuvent être “géométrisés”. La topologie des espaces, s’en trouve ainsi réduite à la géométrie.

Mais Thurston ne s’en tient pas à conjecturer. Il démontre sa conjecture dans de nombreux cas significatifs, et cela lui vaut la médaille Fields en 1983. Thurston est avant tout un géomètre/topologue ; ses méthodes sont celles du topologue : il aime ce qu’on appelle la chirurgie : couper les espaces en morceaux et le recoller. Tout semblait indiquer que la preuve de la conjecture allait utiliser ces méthodes topologiques ; couper, coller.

Perelman

2003 : Coup de tonnerre dans le monde de la topologie. Grigori Perelman, comme un hérétique, est un analyste, un spécialiste des équations aux dérivées partielles, sujet que beaucoup de topologues avaient l’habitude de regarder de loin. Avaient ! car depuis Perelman ils ont changé d’avis :-)

Que fait Perelman ? Difficile à expliquer en quelques mots. Il faudra se contenter de quelques phrases extrêmement vagues, et d’un exemple simple qui illustre la méthode qu’il a suivie.

Prenez un espace de dimension trois, et choisissez une métrique sur cette espace. Bien sûr cette métrique n’a aucune raison d’être l’une des huit de Thurston. Ce qui l’empêche d’être une telle métrique, grosso modo, c’est qu’elle n’est pas nécessairement homogène ; elle peut être plus courbée en certains endroits que d’autres par exemple. Alors, encore une fois grosso modo, on fait “chauffer” l’espace et on laisse diffuser la métrique, jusqu’à ce qu’elle atteigne une espèce de position d’équilibre thermique qui, on l’espère, sera homogène : ce sera une des huit métriques de Thurston. Cette explication est vague, trop vague, et n’indique pas les difficultés techniques considérables de la preuve de Perelman. L’équation d’évolution aux dérivées partielles qu’il utilise s’appelle le flot de Ricci ; analogue non linéaire de la fameuse équation de la chaleur.

\[\frac{\partial}{\partial t}g_t = Ricci (g_t) \]

Voici un théorème récent, dû à Gage, Grayson et Hamilton, bien plus simple que le théorème de Perelman, et qui peut illustrer la méthode. Voici une courbe dans le plan. Comment peut-on l’arrondir ?
Une idée très simple est de la pousser dans le sens de sa courbure. Vous poussez tous les points dans le sens de la convexité, peu si c’est peu courbé et beaucoup si c’est beaucoup courbé.

Et vous faites tout cela en continu, au fur et à mesure que la courbe se déforme.
Regardez le résultat si je pars d’une courbe sinueuse. La courbe devient ronde, sa courbure s’équilibre, et tend à devenir un cercle.

Le flot de Ricci (en dimension 1)

C’est le théorème de Gage-Grayson-Hamilton, qui n’est pas facile du tout. Ni même intuitif. Pourquoi par exemple la courbe ne développerait-elle pas des points doubles ?

Le théorème de Perelman est dans le même esprit ; vous prenez une métrique sur un espace de dimension 3, et vous poussez dans le sens de la courbure. Et ça converge vers une métrique de Thurston. L’essentiel de la difficulté du théorème consiste en une analyse précise de l’apparition de singularités.

Une dernière remarque et une conclusion

La remarque, c’est que la conjecture de Thurston entraîne la fameuse conjecture de Poincaré, qui date de 1905, et qui est donc aujourd’hui un théorème. Encore un exemple qui montre que pour résoudre un problème, il est parfois utile d’en résoudre un plus difficile encore.

La conclusion, c’est que les mathématiques sont vivantes et saines.
Cette histoire illustre une fois de plus cette unité des mathématiques qui n’a pas fini de surprendre les mathématiciens.

Pour en savoir :

plus :

La conjecture de Poincaré : Comment Grigori Perelman a résolu l’une des plus grandes énigmes mathématiques, par de George Szpiro.

encore plus :

un article dans Images des Mathématiques 2006,

encore encore plus :

un exposé au séminaire Bourbaki, par G. Besson,

beaucoup, beaucoup plus :

groupe de travail sur les travaux de Perelman (Grenoble),

et bien sûr !

les articles de Perelman.

Post-scriptum :

Merci à Jos Leys à qui je dois quelques unes des (plus belles) figures.

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Pour citer cet article :

Étienne Ghys — «Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman» — Images des Mathématiques, CNRS, 2007

Commentaire sur l'article

  • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

    le 18 janvier 2009 à 11:05, par Gérard Besson

    Cet article est remarquable et je le relis avec un immense plaisir. Je voudrais juste rajouter un commentaire. Je dirais que le premier coup de tonnerre doit être attribué à Hamilton. L’article séminal dans lequel il utilise le flot de Ricci pour uniformiser certaines variétés date de 1982. Il a déjà en tête d’attaquer la géométrisation ; il le dit et l’écrit plus tard. Il a même inventé la chirurgie métrique. Sa contribution est donc fondamentale. Loin de vouloir minimiser les travaux de Perelman, qui restent pour moi un monument de la géométrie, il faut insister sur la contribution de Richard Hamilton. D’une certaine manière, l’analyse était à l’affût. J’ai coutume de dire que Thurston en faisant entrer la géométrie dans la topologie de dimension 3 a ouvert la boite de Pandore ! Surtout à une époque où les travaux de S.T. Yau (entre autres) en analyse géométrique ont montré la puissance de certaines techniques.

    L’histoire du flot de Ricci est d’ailleurs encore plus riche. Certains attribuent son « invention » au physicien Daniel Friedan (peut-être pas sous la forme que nous lui connaissons en mathématiques). Lui-même dit que c’est en fait .... Jean-Pierre Bourguignon qui le premier a suggéré de construire une équation d’évolution dans le sens de cette courbure.

    On pourrait aussi rajouter un paragraphe sur l’utilisation du flot de Gage-Hamilton-Grayson pour le « débruitage » des images, par exemple. Mais je ne suis pas compétent.

    Comme le dit Étienne Ghys dans l’article que je commente, c’est l’enchevêtrement de toutes ces idées qui fait la beauté de la discipline.

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  • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

    le 18 janvier 2009 à 12:14, par Étienne Ghys

    Merci Gérard pour tes commentaires, avec lesquels je suis bien sûr d’accord. Comme toujours, quand on veut faire vite, on est souvent amené à simplifier à l’extrême !

    Pour les lecteurs de Images des Maths, je signale que Gérard m’a envoyé un message dans lequel il me dit qu’il va essayer d’écrire un article allant dans le sens de son commentaire, insistant sur la contribution de Hamilton en particulier :-) Il me dit également qu’il va essayer de ne pas « tomber » dans la catégorie « piste noire ». Gérard, nous t’encourageons dans ce but ! En quelque sorte un article intermédiaire entre le mien et celui que Gérard a écrit avec L. Bessières et M. Boileau.

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  • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

    le 3 août 2009 à 19:41, par Ilies Zidane

    Très bon article, qui [ par sa « concision » ;) ] m’a donné envie d’en savoir plus. Bravo à son auteur.

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  • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

    le 11 mars 2013 à 23:17, par le-nguyen.hoang

    Magnifique article, Monsieur Ghys ! Je ne comptais pas le lire d’une traite, mais il m’a constamment tenu en haleine. Comme tout bon article, il me laisse songeur, et j’ai une question à vous poser.

    J’entends souvent parler de la classification de notre espace temps selon la géométrie euclidienne, sphérique ou hyperbolique. Selon, le théorème d’uniformisation, il y a beaucoup plus de géométries possibles pour un espace en 3D. J’imagine qu’il y en a encore plus pour un espace-temps en 4D, mais les vulgarisateurs ne parlent que des trois géométries du plan. Vous pourriez m’en dire plus à ce sujet s’il-vous-plaît ? Merci !

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  • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

    le 12 mars 2013 à 11:17, par Étienne Ghys

    Merci beaucoup pour vos gentils commentaires.

    Je vais essayer de répondre à vos questions mais elles ne sont pas faciles.

    La grande nouveauté quand on passe à l’espace temps et à la théorie de la relativité générale est qu’on doit changer le sens du mot géométrie ! Dans le monde relativiste, certains vecteurs ont une longueur négative ! L’intuition qu’on en a prend un coup :-)

    Mais avant de passer dans ce monde relativiste, revenons en dimension 3 et à la géométrie « habituelle ». Certes, il y a huit géométries intéressantes, mais quand même, les trois les plus intéressantes sont sphérique, euclidienne et hyperbolique. Pourquoi sont-elles plus intéressantes ? Parce ces trois-là sont non seulement homogènes mais aussi isotropes : toutes les directions issues d’un point jouent le même rôle : il y a des rotations qui fixent un point et qui transforment une direction quelconque en une autre. En ce sens, les trois géométries sont plus intéressantes.

    Si on passe en dimension supérieure, en restant dans le monde géométrique usuel, avec des vecteurs de longueurs positives, et si on impose les conditions homogénéité et isotropie, alors il y a des petits nouveaux qui apparaissent, qu’on appelle les espaces symétriques de rang 1. Ce sont de très belles géométries, connues de tous les géomètres.

    Alors quand on passe à la géométrie de l’espace temps, de dimension 3+1, avec une géométrie qui est comme on dit « lorentzienne » (trois signes + et un signe - dans la métrique), on entre dans un monde différent. Pour y voir clair, il faut faire des hypothèses, dont la signification physique est discutable. Par exemple homogénéité et isotropie (dans un sens un peu modifié). C’est bien arrogant de notre part de dire que l’espace-temps est homogène et isotrope alors que nous sommes coincés sur notre petite Terre et que nous n’avons fait que quelques sauts de puce sur Mars. Mais enfin, on fait ce qu’on peut, et les astrophysiciens aiment bien penser que l’espace est homogène et isotrope.

    Alors sous cette hypothèse, on peut en effet décrire toutes les géométries possibles et, là encore, les trois géométries elliptiques, euclidiennes et hyperboliques jouent un rôle vraiment central.

    En résumé, lorsque les textes de vulgarisation ne parlent que de ces trois géométries, ils ne disent pas vraiment des bêtises... Donc, tout va bien de ce côté !

    Merci encore,

    Etienne Ghys

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  • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

    le 19 mars 2013 à 04:46, par le-nguyen.hoang

    Je trouve remarquable de votre part d’avoir pris le temps de répondre à mes questions avec autant d’attention ! Merci beaucoup !

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    • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

      le 18 mars 2015 à 10:03, par Refzul

      C’est l’un des articles le plus beau et que je lis le plus souvent. Je lis encore et encore pour adorer la beauté de la mathématique, plus particulièrement les géométries. Étant chercheur en génie électrique, je regrette parfois de ne pas faire une carrière de mathématicien. Mais cette page web en générale me permet de suivre ’’un petit peu’’ l’avancement de recherche dans ce domaine. Merci Étienne Ghys, merci à tous les mathématiciens qui donnent leur temps pour faire un travail de vulgarisation mathématique.

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      • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

        le 18 mars 2015 à 13:29, par Refzul

        J’ai des questions concernant le flot de Ricci, utilisé par Perelman pour démontrer son théorème. Comme écrit dans ce texte, c’est l’analogue non linéaire de la fameuse équation de la chaleur. J’arrive à comprendre comment fonctionne cette EDP avec la vidéo jointe, mais je n’arrive pas à comprendre comment on peut être sur que ce flot est vrai ? Comment on peut savoir que la courbe va évoluer en fonction de temps avec cette EDP alors que c’est un travail mathématique qu’on ne peut pas montrer par une expérimentation. Mais comment on peut accepter ça ? Merci pour votre explication.

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        • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

          le 18 mars 2015 à 18:10, par Étienne Ghys

          J’avoue ne pas trop comprendre votre question, en particulier ce que vous voulez dire par « le flot est vrai » ? Le mathématicien choisit une loi d’évolution et il laisse l’objet abstrait évoluer selon cette loi abstraite. C’est une évolution mathématique et pas physique. Alors il faut montrer que cette évolution existe mathématiquement, et ce n’est pas facile du tout...

          Etienne Ghys

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          • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

            le 18 mars 2015 à 19:47, par Refzul

            Votre explication est très claire. Donc, le flot de Ricci est une « loi » introduit intuitivement dont l’existence est démontré mathématiquement. Mais permettez-moi de vous dire ce que je ressens, celui qui est capable d’imaginer « chauffer l’espace » doit avoir un cerveau et une imagination de fou !

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            • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

              le 18 mars 2015 à 20:08, par Lê Nguyen Hoang

              Il ne s’agit pas d’être fou, mais d’être gonflé...

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      • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

        le 18 mars 2015 à 18:07, par Étienne Ghys

        Merci pour le merci !

        Etienne Ghys

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  • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

    le 13 juin 2018 à 18:51, par Jacquiel

    Bonjour,
    Vous écrivez :
    Toute “terre de forme patatoïdale” peut être cartographiée globalement par une sphère parfaite.

    je dirai plutôt :
    Toute “terre de forme patatoïdale” peut être cartographiée globalement par une ellipsoïde parfaite.
    Pour notre planète :
    a= 6378 km
    b= 6356.5 km
    Le célèbre François Arago a mesuré la méridienne mais un calcul précis montre que le mètre ne vaut pas 1/40 000 000 de la longueur de la méridienne.
    Il faut un grand cercle incliné sur l’équateur pour obtenir cette définition du mètre.
    Celui ci passe par les Grandes Pyramides ,Machu Pichu et l’Ile de Paques et correspond à l’équateur magnétique.
    Encore faut il savoir quadraturer l’ellipse pour calculer le périmètre de l’ellipse ce qui n’est pas toujours enseigné dans les écoles et même les grandes...
    Ensuite il devient possible de calculer la vitesse orbitale d’un vaisseau spatial
    pour exécuter des transferts d’orbite vers d’autres planètes.
    Se pose alors une question d’algorithmique :

    Vaut il mieux utiliser une fonction ellitique de seconde espèce pour calculer le périmètre d’une ellipse ou bien quadraturer l’ellipse avec un nombre d’ itération n élevé ?

    La précision en astronautique est importante. (Cf. le crash du satellite Schiaparelli sur Mars...)
    Pour un vol inter-galactique, il faut obtenir une grande précision sur les coordonnées (azimut,déclinaison,altitude) pour déterminer le point de départ d’ une géodésique reliant la Terre à une autre planète éloignée.
    Riemann serait il d’un grand secours pour résoudre ce problème le plus simplement possible ?

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    • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

      le 17 juin 2018 à 08:51, par Étienne Ghys

      Cher Monsieur,

      Merci pour votre message.

      Je me suis probablement mal exprimé dans mon article alors il est peut-être utile que je précise les choses.

      Je confirme ce que j’ai écrit :

      « Toute “terre de forme patatoïdale” peut être cartographiée globalement par une sphère parfaite. »

      Il faut se mettre d’accord sur ce qu’on appelle cartographier dans ce contexte. Comme je l’explique dans mon texte, il s’agit de cartes conformes, qui respectent les angles. Et le théorème est en effet que tout surface qui peut se déformer en une sphère peut être cartographiée conformément sur une sphère. Un elliposoïde est un exemple : on peut le représenter sur une sphère. Ce n’est pas trop difficile si l’ellipsoïde est de révolution, mais c’est plus compliqué quand il ne l’est pas.

      Quand vous écrivez :

      « Toute “terre de forme patatoïdale” peut être cartographiée globalement par une ellipsoïde parfaite.
      Pour notre planète :
      a= 6378 km
      b= 6356.5 km »

      vous semblez faire une affirmation physique sur la forme de notre Terre et pas une affirmation mathématique sur la forme d’une surface quelconque. J’ajoute que notre Terre n’est pas exactement un ellispoide mais en diffère parfois d’une centaine de mètres si je ne me trompe pas. Mais il est important de faire la distinction entre la géométrie qui étudie toutes les surfaces et la géophysique, qui étudie une surface particulière, notre Terre.

      Et quand vous écrivez

      « Il faut un grand cercle incliné sur l’équateur pour obtenir cette définition du mètre.
      Celui ci passe par les Grandes Pyramides ,Machu Pichu et l’Ile de Paques et correspond à l’équateur magnétique. »

      hélas, je ne vous suis plus !

      Merci encore,

      Etienne Ghys

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  • Géométriser l’espace : de Gauss à Perelman

    le 18 juin 2018 à 21:22, par Jacquiel

    Bonjour,

    Pour confirmer que le mètre vaut 1/40 000 000 d’un grand cercle, il faut que ce cercle est un rayon de :
    40 000 000/ (2*pi)= 6366.197 km.
    Ce cercle est plus petit que l’équateur et plus grand que le cercle qui passe par les pôles.
    C’est l’équateur magnétique incliné de 3.48 ° sur l’équateur.
    Pour le calcul du périmètre de l’ellipse par une intégrale elliptique du premier ordre,il faut voir la discussion sur Geogebra :
    https://help.geogebra.org/topic/erreur-de-calcul-sur-les-int%C3%A9grales-elliptiques_1
    J’ avais oublié une racine carré puis je l’ j’ai corrigé mais la précision du calcul dépend de la précision avec laquelle on rentre pi dans la formule.

    Je vous conseille :

    pi=ln(-1) avec 100 décimales...
    Mon frère,qui est historien, en utilisant les écrits de Fermat a réussi à quadraturer l’ellipse avec une formule de récurrence comme celle d’Archimède quoique plus complexe.
    Cependant, il faut diviser le quart d’ellipse en un nombre n grand d’intervalles ce qui demande du temps de calcul.

    Supposons que vous modélisiez le système Terre Soleil avec 2 ellipsoïdes.
    Ce qui est intéressant pour un pilote qui utiliserait un ordinateur de bord galactique :
    GFMS (Galactic Flight Management System) c’est de pouvoir connaître avec une grande précision les coordonnées (azimut,déclinaison,altitude) du lieu de transfert M depuis la Terre vers la planète cible située à plusieurs centaines d’ A.L. de la Terre.
    Le vaisseau reçoit une énorme impulsion pendant quelques microsecondes et un système anti-gravité supprime la gravitation en M.
    C’est un problème qui pourrait intéresser le département mathématiques de l ’ ENAC et les agences spatiales.

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