L’économie de la connaissance

Le 6 mai 2009  - Ecrit par  Jean-Yves Briend Voir les commentaires (2)

En l’an 2000 le conseil européen a adopté une stratégie, dite stratégie de Lisbonne, qui vise à faire de l’Union Européenne « l’économie de la connaissance » la plus compétitive du monde.

Interrogeons-nous sur l’accolement des deux mots « économie » et « connaissance ». Dans l’esprit des promoteurs de cette stratégie, il s’agit de faire de la connaissance une entité économique dont les échanges sont susceptibles d’être profitables aux entreprises européennes. Avant d’examiner ce que cela peut signifier, commençons par cerner quelques caractéristiques propres à la connaissance.

Lors d’une transaction marchande classique le vendeur se défait d’un bien matériel, une montre Rolex par exemple, en l’échange d’une somme d’argent, d’un autre bien ou service, voire de rien du tout s’il s’agit d’un cadeau. Lors d’une transaction mettant en jeu des connaissances, la situation est toute autre puisque le vendeur, un maître de conférence enseignant la topologie algébrique par exemple, ne se défait pas du bien qu’il transmet.

Mais il y a pire. Lors d’un tel échange de savoirs il n’est pas rare de constater un accroissement des connaissances, disponible alors pour les deux parties en présence !

Cette remarque simple montre combien il est difficile de faire advenir une économie compétitive de la connaissance. Pour contrôler les échanges de connaissances il faut contrôler la communication entre les êtres humains. Cela peut se faire de multiples manières : réglementation sur la propriété intellectuelle, confidentialité des travaux de recherche, extension de la brevetabilité au monde des idées, contrôle des échanges par internet, attaques contre la presse etc... Il faut donc mettre en place un dispositif de surveillance des communications entre les hommes, des échanges épistolaires aux conversations.

Cependant cela ne suffit pas : pour qu’un bien soit économiquement rentable et apporte des profits, il faut qu’il soit rare. On doit donc organiser une rareté de la connaissance, c’est-à-dire une abondance d’ignorance. Et là encore, la propension de la connaissance à s’accroître par les échanges requiert un contrôle étroit des communications...

Nous pouvons donc conclure : la stratégie de Lisbonne a pour objectif de contrôler la communication entre les hommes pour faire de l’Europe la société la plus abondamment fournie en ignorance.

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Pour citer cet article :

Jean-Yves Briend — «L’économie de la connaissance» — Images des Mathématiques, CNRS, 2009

Commentaire sur l'article

  • L’économie de la connaissance

    le 6 mai 2009 à 18:34, par Jean-Marc Schlenker

    Il me semble qu’il y a un gros malentendu dans la première phrase de ce billet. En général, le terme « économie de la connaissance » désigne non pas la marchandisation de la connaissance, mais une économie (au sens de système de production et d’échange) dans laquelle la connaissance joue un rôle central — voir par exemple wikipedia. Cette notion donne justement tout son poids à l’éducation en général et à l’enseignement supérieur en particulier.

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    • L’économie de la connaissance

      le 7 mai 2009 à 10:19, par Jean-Yves Briend

      Cher collègue,
      il y a effectivement un gros malentendu dans la première phrase si l’on limite son analyse de ce qu’est l’économie du savoir aux déclarations préliminaires générales des textes officiels ou aux quelques lignes de wikipedia sur le sujet. J’ai préféré lire les longs et fastifieux textes officiels (livres blancs et verts, rapports divers comme le rapport Kok de 2004, textes de loi etc...) ainsi que des analyses publiées par des chercheurs en sciences économiques et sociales parues sur le sujet ces dernières années. Et tout me conduit à penser que l’économie de la connaissance telle que vous la décrivez n’est qu’une façade mise là pour nous imposer une véritable marchandisation du savoir. Et puisque vous avez inclus un lien vers l’article « économie du savoir » de wikipedia, je suis allé y jeter un œil et y ai trouvé, par exemple, cette phrase :
      « la matière première clé qui assure un avantage compétitif aux personnes, institutions et lieux géographiques qui la détiennent, ne se situe plus dans le matériel (les denrées, matières premières et sources d’énergie, même si les enjeux sont grands sur ces sujets...) mais dans l’immatériel (l’information, le savoir faire et la connaissance). » On retrouve ce genre d’affirmation un peu partout dans les
      textes officiels, sous des formes variées, et jusque sur les pages du gouvernement français (voir par exemple le site de l’Agence du Patrimoine Immatériel de l’État).

      Je ne dirais donc pas qu’il y a un malentendu dans la première phrase, mais plutôt qu’il y a plusieurs manières d’appréhender ce qu’est la véritable nature de l’économie de la connaissance.

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