L’infini est une droite comme les autres

Piste bleue Le 1er août 2010  - Ecrit par  Erwan Brugallé, Julien Marché Voir les commentaires (1)

Deux droites dans le plan se coupent en un point... sauf évidemment
si elles ne se coupent
pas. Nous dirons que ces droites sont sécantes dans le premier cas,
parallèles dans le second (voir la figure ci-dessous).
Tout de même, deux droites sont plus souvent sécantes que parallèles,
et même dans cette seconde situation
il n’est pas rare d’entendre
qu’elles se coupent à l’infini.

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Figure 1 : Deux droites sécantes et deux droites parallèles.

Cette affirmation est commode puisqu’elle permet de balayer d’un coup
l’exception des droites parallèles. Mais est-elle justifiée ? N’est-ce pas uniquement un jeu de langage stérile ? Ainsi, déclarer que deux droites parallèles se coupent à l’infini uniquement pour faire en sorte que deux droites se coupent toujours, n’a en soi pas grand intérêt. Mais si au contraire, l’introduction de cet infini nous permet une compréhension plus profonde de la géométrie, alors nous aurons réalisé un vrai progrès mathématique !

Quelles sont donc les conséquences de l’affirmation "deux droites
parallèles se coupent à l’infini" ? Qu’est ce que cet infini ? À quoi ressemble-t-il ?
Notre but est d’expliquer ici que le langage souvent abscons des mathématiciens n’est nullement indispensable pour apporter une réponse à ces
questions. Avec un peu de logique, d’imagination, et en acceptant de
s’éloigner quelque peu de la géométrie traditionnelle, nous découvrirons des propriétés étonnantes de l’infini dont la plus surprenante est certainement celle-ci : l’infini n’existe pas...

Deux droites parallèles se coupent

Toutefois, ne brûlons pas les étapes et commençons par une observation simple : deux droites parallèles se coupent bel et bien. En effet, quiconque a marché un jour le long d’une voie ferrée a observé que les rails finissent manifestement par se rejoindre (voir figure ci-dessous). Bien sûr, le point de jonction semble très loin mais il existe, on le voit.

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Figure 2 : Rails se rejoignant à l’infini

Ainsi donc deux droites se coupent toujours. Suivons l’usage et appelons infini le point d’intersection de deux droites parallèles. À vrai dire, cet usage nous paraît particulièrement malheureux. En effet, au lieu de considérer ce point de façon plutôt pragmatique, nous lui avons donné un nom ayant une saveur ésotérique laissant présager des propriétés extraordinaires et mystérieuses. Nous reviendrons plus tard sur cette question, pour le moment, essayons d’en apprendre un peu plus sur l’infini. Pour cela, considérons
l’animation suivante.

Prenons deux droites sécantes en un point $p$ et faisons tourner la droite rouge dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Le point $p$ se déplace alors de la gauche vers la droite jusqu’à disparaître lorsque la droite rouge devient parallèle à la droite bleue. N’oublions pas notre expérience ferroviaire,
le point $p$ ne disparaît pas : il se trouve à l’infini. Pour atteindre l’infini, il suffit donc de suivre le même chemin que le point $p$, à savoir parcourir la droite bleue de gauche à droite.

Mais que se passe-t-il si nous parcourons la droite bleue de droite à gauche ? Pour le comprendre, continuons à faire pivoter la droite rouge. Où le point $p$ réapparaît-il après son passage par l’infini ? La réponse est donnée dans l’animation : de l’autre côté de la droite bleue ! Si nous passons maintenant
le film à l’envers, c’est-à-dire en faisant pivoter la droite rouge dans l’autre sens, le point $p$ se déplacera alors de droite à gauche. En d’autres termes, si nous nous déplaçons de droite à gauche sur la droite bleue, on atteint aussi l’infini. Il est donc plus correct d’indiquer l’infini comme sur la figure 3.

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Figure3

Remarquons que depuis le début, nous parlons de l’infini avec un article défini. Inconsciemment, nous avons donc supposé qu’il n’existait qu’un seul point, baptisé infini, qui serait le point d’intersection de toutes les droites parallèles.
Le raisonnement suivant nous montre que sans doute les choses ne se passent pas ainsi.

Supposons donc qu’effectivement, toutes les droites parallèles se coupent en un seul point, l’infini et considérons les deux droites parallèles de la figure ci-dessous. Pour les mêmes raisons qu’au-dessus, on peut atteindre l’infini en se déplaçant sur la droite noire de bas en haut ou de haut en bas. En particulier l’infini est sur la droite noire.
Rappelons-nous que celui-ci se trouve aussi sur la droite bleue de la figure précédente. Or ces deux droites se coupent aussi au point $p$ de la figure 4... Elles ont donc deux points d’intersection, $p$ et l’infini.

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Figure 4

Deux droites qui se coupent en deux points, voilà qui n’arrange pas nos affaires. Nous avions introduit l’infini pour que deux droites se coupent toujours en un point, qu’elles soient parallèles ou pas, et voilà que deux droites sécantes se coupent maintenant en deux points !
On ne peut pas dire que nous ayons fait beaucoup de progrès et l’infini apparaît pour l’instant plutôt comme une complication inutile...

Mais ne nous laissons pas abattre, et essayons de comprendre à quel moment nous avons fait une mauvaise hypothèse. Le problème est que nous nous sommes laissés abuser par l’article défini devant le mot « infini ». En effet, pourquoi n’existerait-il qu’un seul point à l’infini ?
En y pensant à nouveau, c’était finalement une hypothèse absurde : en se plaçant à un croisement de deux voies ferrées (figure 5) chacun peut constater que deux droites sécantes ne se coupent pas à l’infini.

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Figure 5

Si nous marchons vers la gauche sur la ligne bleue, ou vers le haut sur la ligne noire nous passons bien par l’infini à un certain moment, mais il s’agit de deux infinis différents !
Tâchons dorénavant d’éviter les quiproquos en employant un nom moins ambigu pour le point d’intersection de deux droites parallèles.
Par exemple, appelons $i_1$ le point d’intersection des droites bleues
et rouges, et $i_2$ le point d’intersection des droites noire et verte (figure 6).
Quelles raisons avions-nous de penser que les points $i_1$ et $i_2$
étaient confondus ? Finalement aucune, nous ferons dorénavant l’hypothèse que ce sont bien deux points différents.

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Figure 6

En résumé, toutes les droites parallèles à la droite bleue se coupent au point $i_1$, et toutes les droites parallèles à la droite noire se coupent au point $i_2$. Mais aucune des droites parallèles à la droite bleue ne passe par le point $i_2$. Ainsi, pour chaque famille de droites parallèles, ou autrement dit pour chaque direction, il existe un point par lequel passe toutes ces droites. On peut y penser comme « l’infini dans une direction donnée ».

Nous avons maintenant toutes les raisons de nous réjouir puisque nous
avons résolu notre problème initial : deux droites se coupent toujours en
un unique point ! De plus pour chaque direction de droite, il existe un point à l’infini par lequel passent toutes les droites parallèles à cette direction, et uniquement celles-ci.

Cette conclusion est d’ailleurs le point de départ du géomètre et architecte Girard Desargues, ce qu’il explique sobrement en 1639 dès la première page de son

« Brouillon project d’une atteinte aux evenemens des rencontres du cone avec un plan » :

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On peut dire qu’il s’agit du premier article au sujet de la géométrie projective. Il a fallu attendre 150 ans pour que Monge puis Poncelet la développent pour en faire la reine des mathématiques du 19ème siècle. Bien que moins enseignée de nos jours, elle sert toujours de cadre a de nombreuses recherches modernes.

Notre étude serait-elle donc terminée ? Pas tout à fait...

La quatrième dimension

Nous sommes donc amenés à faire de la géométrie dans un nouvel espace,
formé du plan usuel auquel nous avons rajouté un point à l’infini pour chaque direction de droite.
Baptisons le plan projectif. Mais à quoi ressemble cet espace ? Quelle forme a-t-il ? Quelle est la particularité des points à l’infini ?

Avec ce que nous avons fait jusqu’ici, il est difficile de se faire une idée de la forme du plan projectif.
En effet, nous avons toujours représenté nos figures dans le plan usuel, en nous rappelant qu’il existe aussi des points à l’infini mais sans être capable de les dessiner. Nous n’avons donc encore jamais « vu » le plan projectif en entier, ce qui est somme toute assez frustrant.
Heureusement, il existe une manière astucieuse de représenter la totalité du plan projectif, c’est à dire de ramener l’infini dans le fini.
Il y a évidemment un prix à payer pour cela, mais il est assez modique : il nous faudra juste tordre un petit peu nos figures.

Le tour de passe-passe géométrique que nous allons utiliser peut s’interpréter de la façon suivante.
Imaginons l’expérience décrite dans l’animation ci-dessous : quadrillons un terrain plat, et installons-nous à bord d’une fusée.
Par un hublot situé au fond, nous voyons une portion du quadrillage. Au décollage, nous voyons seulement quatre carrés que nous dessinons sur la vitre. Au fur et à mesure que la fusée monte, nous dessinons les nouvelles zones qui apparaissent.
Quand la fusée s’éloigne indéfiniment, le quadrillage est entièrement représenté à l’intérieur du hublot. Nous remarquons que les lignes horizontales et verticales forment des arcs de cercle passant par deux points fixés. [1]

Voici encore une façon de se représenter l’ensemble des droites dans un disque. A l’aide d’un objectif fish-eye, il est possible d’embrasser tout le ciel dans une seule photo, comme ci-dessous [2]. Si les avions pouvaient survoler le ciel parisien, on observerait sans doute ces fameuses lignes droites courbes !

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Pont des arts

Considérons un point $p$ du plan (l’observateur), ainsi que toutes
les droites passant par $p$ (figure 8.a). Notons que chaque
point à l’infini appartient à une unique droite bleue. En effet,
un point à l’infini correspond à une direction et pour chaque
direction, par exemple celle de la droite rouge de la figure 8.b, il existe une unique droite passant par $p$ parallèle à cette direction. Ceci va maintenant nous permettre de représenter entièrement le plan projectif
à l’intérieur d’un cercle de centre $p$ (l’horizon, figure 8.c).

Occupons nous d’abord des droites passant par $p$. Pour ces dernières,
c’est facile : on ne fait rien, on efface juste la partie en dehors du
cercle (figure 8.d). De plus, le point à l’infini contenu dans une droite bleue correspond maintenant à l’intersection de cette droite avec le cercle. Mais il semble y avoir un problème, car une droite bleue contient un unique point à l’infini mais coupe le cercle en deux points ! Qu’est-ce à dire ? Et bien tout
simplement que deux points diamétralement opposés sur le cercle représentent le même point à l’infini du plan projectif. Nous reviendrons un peu plus tard sur cette question.

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Figure 8

Expliquons d’abord comment représenter entièrement à l’intérieur du
cercle marron une droite quelconque.
Considérons par exemple la droite rouge de la figure 9.b. Nous avons déjà vu qu’il existe une unique droite bleue passant par $p$ et parallèle à la droite rouge. Ces deux droites se coupent donc au point à l’infini contenu dans la droite bleue.
Puisque dans notre nouveau modèle ce point à l’infini correspond à
l’intersection de la droite bleue et du cercle marron, il nous faut donc
« plier » un peu la droite rouge dans le disque (figures 9.a et 9.b) pour la faire passer par ces deux points d’intersection.
On peut de cette manière redessiner toutes les figures précédentes. Par exemple, la figure 6 devient la figure 9.c.

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Figure 9

Nous avons donc trouvé un moyen de tracer dans un disque toutes les
figures du plan projectif, le cercle entourant ce disque représentant
les points à l’infini.
Cela veut-il dire que le plan projectif ne serait finalement qu’un disque ?

Non bien sûr, car rappelons nous que chaque point à l’infini
est représenté deux fois sur le cercle du bord.
Ainsi, pour voir le plan projectif, il suffit de recoller les points
diamétralement opposés de ce cercle.

Travaux pratiques : prendre une
pâte à tarte, confectionner un disque à l’aide d’un rouleau à pâtisserie, et
recoller les points diamétralement opposés sur le cercle.

Conseil : ne pas passer plus d’une heure sur cet exercice.

Si vous avez réellement essayé de faire ce recollement avec votre
disque à tarte, vous avez
certainement rencontré quelques problèmes... En effet, on peut
démontrer mathématiquement qu’il est impossible de faire ce
recollement. Cela voudrait-il dire que le plan projectif n’existe
finalement pas ?

En fait, nous n’avons pas réussi à recoller notre espace projectif en raison de notre attachement viscéral à l’espace à 3 dimensions. Pour préciser ce que nous avons dit plus haut, il est impossible de faire ce recollement dans l’espace à 3 dimensions.
Mais si l’on se permet une petite incursion dans la 4ème dimension, il est tout à fait possible de recoller les points diamétralement opposés du cercle marron, et donc de contempler l’espace projectif dans toute sa splendeur.
Non seulement le plan projectif existe bel et bien, mais nous lui découvrons alors une propriété étonnante : il vit dans un espace à 4 dimensions. Pas étonnant que nous ne l’ayons encore jamais rencontré !

Notre œil peut difficilement se représenter la 4ème dimension, et il nous est malheureusement impossible de voir le plan projectif dans sa totalité.
Il nous faudra donc nous contenter de sa représentation par un
disque où nous gardons en mémoire que les points diamétralement opposés
du bord représentent le même point. Pour visualiser ce phénomène, nous
dessinons deux flèches en deux points diamétralement opposés du cercle
comme sur la figure ci-dessous. Cela signifie que quand on
se promène sur le cercle marron dans le sens de la flèche d’un coté,
on avance aussi dans le
sens de la flèche au point diamétralement opposé.

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Figure 10

Couper-coller

Ainsi donc, en découpant le plan projectif le long des points à l’infini avec une paire de ciseaux quadridimensionnels [3], nous obtenons un disque que nous pouvons maintenant représenter dans notre espace habituel et rassurant à 3 dimensions.
À priori, rien ne nous empêche de continuer à découper le plan projectif le long d’une droite, ou même de n’importe quoi. Tant que nous nous rappelons comment recoller les morceaux, à l’aide de flèches par exemple, tout est permis.

Comme il n’est pas facile de se représenter l’espace à 4 dimensions, illustrons d’abord la démarche que nous allons suivre sur un exemple simple de couper-coller réalisable à la maison.
Prenons la bande de papier verte comme dans l’animation ci-dessous,
et recollons cette bande le long du côté rouge. Nous obtenons alors un cylindre. En le découpant le long de la ligne verticale bleue, nous retrouvons
évidemment la bande de papier initiale.

Supposons maintenant que nous ayons effacé notre « patron » du
cylindre par mégarde,
c’est à dire que nous nous retrouvons avec
le cylindre vert qui apparaît au milieu de l’animation. Comment retrouver les droites verticales rouges et bleues ? Et bien c’est tout simplement impossible. En effet, si on trace en rouge n’importe quelle droite verticale et que l’on découpe le cylindre le long de cette droite, on retrouvera toujours la bande
de papier verte. Autrement dit, les droites
verticales du cylindre sont toutes identiques, et il nous est impossible de
retrouver celle le long de laquelle nous avons recollé.


Nous allons voir qu’il se passe un phénomène analogue dans le plan
projectif : l’infini est une droite comme les autres.

Revenons donc à notre plan projectif en pâte à tarte représenté comme un disque jaune dans l’animation ci-dessous, et
choisissons une droite (ici la droite rouge-rose). Si nous découpons notre pâte à tarte selon cette ligne, nous
obtenons deux demi-disques : le bord des demi-disques gardent leur couleur rouge-rose pour se souvenir comment ils étaient recollés.
Avec notre rouleau à pâtisserie, nous pouvons remodeler nos deux demi-disques en lunules comme dans l’animation.

Échangeons alors les deux lunules. Les points à l’infini représentés par un dégradé bleu-vert ne se correspondent pas : qu’à cela ne tienne, retournons la lunule du bas. Avec le rouleau, transformons à nouveau chaque lunule en demi-disque. Il devient alors possible de recoller les deux demi-disques pour former un disque qui ressemble étrangement au disque initial. En fait, c’est le même dessin qu’au départ mais les couleurs ont été échangées !

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De ce petit jeu
de couper-coller, nous pouvons déduire deux choses sur les points à l’infini.
Tout d’abord, puisque les points bleu-vert ont échangé leur place
avec les points rouge-rose et que les points rouge-rose forment une droite,
nous en concluons que les points à l’infini forment une
droite, la droite de l’infini ! De plus, si au lieu de faire
cette suite de découpages et de collages nous avions commencé par découper le
plan projectif le long de la droite rouge-rose, nous aurions directement obtenu la dernière image de l’animation. C’est-à-dire que si nous effaçons
les couleurs des droites bleu-vert et rouge-rose sur le plan
projectif avant découpage, nous sommes bien en peine de pouvoir dire laquelle est bleu-vert et laquelle est rouge-rose, exactement comme pour les droites verticales du cylindre. A part la
couleur, il n’y a donc aucune différence entre ces deux droites.

De plus, ce que nous avons fait avec
la droite rouge-rose, nous pouvons évidemment le faire avec n’importe
quelle droite. Il n’existe donc aucune différence entre la droite de
l’infini et une droite quelconque ! Dans le plan projectif où l’on n’a
tracé aucune droite, il nous est impossible de retrouver la droite de l’infini parmi les autre droites. Autrement dit, l’infini n’existe pas...

Point final ?

Nous pourrions continuer à explorer les propriétés étranges du plan projectif et à comprendre pourquoi la géométrie y est beaucoup plus simple que dans le plan usuel, mais le lecteur fatigué trouve certainement ce texte déjà assez long. Arrêtons nous donc ici.

Avec cet article, nous avons voulu illustrer deux choses. Tout d’abord que derrière le langage obscur des mathématiciens se cachent souvent des idées simples. Bien sûr, le langage mathématique est indispensable pour rendre les raisonnements rigoureux, mais ce n’est pas là que réside la beauté et la profondeur des mathématiques.
Un mathématicien expliquant le plan projectif à ses étudiants parlera d’espace
quotient, d’homographies, de groupes de transformations, mais
il ne fera finalement que formaliser les idées expliquées ici.

Nous avons voulu illustrer ensuite la démarche mathématique : elle consiste non pas à poser des définitions plus ou moins arbitraires et à s’en satisfaire, mais au contraire à mettre constamment en balance ces définitions avec leurs implications et la compréhension des mathématiques qu’elles nous apportent.
Ainsi, nous sommes partis du caprice que deux droites du plan devaient toujours se couper en un point. Deux droites parallèles ne se coupant manifestement pas dans le plan, nous avons alors convenu l’existence d’un point, baptisé infini, où deux droites parallèles se coupent. À partir de là commençait le travail d’investigation pour comprendre ce que devait être cet
infini, que son nom auréolait de mystère.
Par une suite de raisonnement simples, nous avons finalement compris que cet infini était en fait une droite, et que cette droite n’avait absolument rien de particulier par rapport aux autres droites. Le nom infini était décidément très mal choisi...

Au cours de notre enquête sur l’infini, nous avons été obligés de considérer une surface, le plan projectif, que nous n’avions jamais « vue » auparavant puisque ne n’habitant pas dans notre espace habituel à 3 dimensions.
Cette surface apparaît après une suite de raisonnements si élémentaires qu’il serait difficile d’en nier l’importance. La « découverte » de cette surface
pose alors immédiatement la question de l’existence d’autres surfaces encore inconnues. Ou encore, quelles sont toutes les formes possibles de surfaces ?
Peut-on toutes les construire à partir d’une pâte à tarte comme le plan projectif ?
Plus généralement, que se passe-t-il en dimensions supérieures ? À quoi peut bien ressembler un espace de dimension 3, 4, 5, 17, 4876, ...?

Ces questions sont le point de départ de la branche des mathématiques
appelée topologie. Les topologues du XIXème siècles ont pu démontrer
que toutes les surfaces pouvaient s’obtenir juste à l’aide d’une pâte à
tarte et un rouleau à pâtisserie. Les espaces de dimensions plus grandes se révèlent d’une richesse plus grande encore et donnent bien du fil à retordre aux mathématiciens modernes...

Post-scriptum :

Pour un autre point de vue sur l’infini voir également l’article de Christine Huyghe Et si on rajoutait une droite à l’infini ?

Article édité par Serge Cantat

Notes

[1L’image du plan que nous avons ainsi formée est très proche de celle
que nous observerions du haut du mat d’un bateau en pleine mer.
Imaginons qu’un autre bateau suive un cours rectiligne, qu’observons
nous du haut du mat ? Si le bateau observé arrive directement
sur notre bateau, sa trajectoire paraitra droite. Sinon elle
paraitra d’autant plus courbe que le bateau observé passe
loin de nous. De plus, si deux bateaux
s’éloignent avec des trajectoires parallèles alors nous les verrons
se rejoindre sur un point du cercle de
l’horizon tout comme se rejoignent dans l’animation les
lignes du quadrillage.

[2La photographie est due à un photographe amateur américain, Brent Townshend dont on peut admirer le travail ici.

[3pour se familiariser avec la 4ème dimension, nous conseillons de regarder le DVD dimensions, librement téléchargeable sur le site Dimensions.

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Pour citer cet article :

Julien Marché, Erwan Brugallé — «L’infini est une droite comme les autres» — Images des Mathématiques, CNRS, 2010

Commentaire sur l'article

  • Deux droites parallèles se croisent à l’infini.

    le 5 mars 2019 à 14:28, par Stéphane Olivier Van Hoovels

    Démonstration en moins de une minute sans schéma ni aide virtuelle d’une manière simple et compréhensible pour la majorité.
    Qui relève le défi ?

    Répondre à ce message

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