La Quatrième Dimension

Le 2 octobre 2019  - Ecrit par  Raúl Ibáñez Voir les commentaires (2)

Cet article a été écrit en partenariat avec L’Institut Henri Poincaré


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En 2013, l’Institut Henri Poincaré et Images des Mathématiques avaient uni leurs efforts pour superviser la réédition de la collection Le monde est mathématique, publiée par RBA en partenariat avec Le Monde. En 40 ouvrages, cette collection de qualité, issue d’un projet collectif de mathématiciens espagnols, vise à présenter, à travers une grande variété de points de vue, de multiples facettes des sciences mathématiques, sous un aspect historique, humain, social, technique, culturel ...
Reprise et améliorée au niveau de la forme, cette édition avait été entièrement lue et corrigée par l’équipe d’Images des Mathématiques ; des préfaces et listes bibliographiques rajoutées.

En 2019, cette collection est de nouveau éditée, présentée par Étienne Ghys et distribuée par L’Obs.

Chaque semaine, à l’occasion de la sortie d’un nouveau numéro de la série, un extrait sélectionné sera présenté sur Images des Mathématiques. Il sera également accompagné du sommaire du livre et d’une invitation à prolonger votre lecture.

Pourquoi rester à l’étroit dans la troisième dimension ?

Préface de Valerio Vassallo, maître de conférences à l’Université Lille 1 et mathématicien en résidence à la Cité des Géométries

À l’école, on apprend d’abord la ligne droite à l’aide d’une règle ou en observant la trace du pli d’une feuille de papier. Au collège et au lycée, sont ensuite enseignés le plan et l’espace, qu’on comprend avec des images, comme un tableau noir ou une mer étale, une salle de classe ou un édifice. En quittant le lycée, on sait que la ligne droite est de dimension un, le plan de dimension deux et l’espace de dimension trois. Mais que cela signifie-t-il exactement ? Partons de l’exemple du plan pour comprendre. Pour repérer un point quelconque du plan, on sait qu’il suffit de fixer deux axes orthogonaux passant par un même point, appelé origine, auquel on attribue selon certains critères précis, deux nombres, les coordonnées cartésiennes. Au lycée, ces coordonnées sont la plupart du temps des nombres réels. Pour exprimer l’idée d’une manière imagée, on peut dire que, dans un plan, on a la liberté d’aller en avant et en arrière ou à gauche et à droite. Dans l’espace, si nous étions des êtres ailés, on pourrait également monter et descendre. Sur une droite, il est seulement possible d’aller en avant et en arrière. Ainsi, en mathématiques, on parle d’un degré de liberté sur la droite, de deux degrés dans le plan, de trois degrés dans l’espace.

L’espace de dimension trois, ou espace tridimensionnel, paraît familier, car on a tous la quasi-certitude d’évoluer dans un tel espace – c’est celui de notre vie quotidienne. Au lycée, il est rare de rencontrer des dimensions supérieures. Et pourtant la dimension quatre n’est rien d’autre que l’ensemble de tous les quadruplets de nombres réels. On la connaît aussi sous les noms d’« espace de dimension quatre » ou d’« espace quadridimensionnel ». Des lycéens l’ont rencontrée en cours de physique ou dans des films de science-fiction. En physique, cette dimension se révèle particulièrement utile lorsqu’on étudie la théorie de la relativité. Grâce à de nombreuses œuvres de vulgarisation abordant cette théorie, tout le monde connaît l’« espace-temps » de dimension quatre : il est formé de tous les quadruplets de nombres, dont trois pour les coordonnées d’un point de l’espace et un quatrième nombre pour le temps. Quoi qu’il en soit, la dimension quatre reste difficile à visualiser.

Cet ouvrage aidera le lecteur à se familiariser avec la dimension quatre. Pour comprendre l’origine des espaces de dimension quatre, ou plus, il suffit de parcourir l’histoire des sciences qui témoigne de la volonté des mathématiciens à passer sans cesse d’une dimension à une autre. Ces scientifiques ont également fait la démarche inverse, en représentant, par exemple, un édifice (en dimension trois) sur papier (en dimension deux), ou en réalisant des cartes géographiques à l’aide de projections cartographiques.

Parmi les objets les plus importants en mathématiques, il y a les polygones dans le plan (triangles, carrés, pentagones, hexagones...) et les polyèdres dans l’espace (tétraèdres, cubes, octaèdres...). Mais que deviennent-ils en dimension quatre, ou plus ? Pour répondre à cette question, il est utile et instructif de revenir aux dimensions connues et de comprendre comment ont été définis ces objets. Partons ainsi d’un objet simple : le cube. L’on sait, qu’une fois les sommets numérotés de 1 à 8, le cube peut être réduit dans le plan à six carrés (c’est le patron du cube), avec les périmètres identifiés convenablement, puis à un ensemble de douze segments, avec les extrêmes convenablement identifiés grâce aux nombres écrits à côté de chaque sommet. Et pourquoi donc ne pas s’inspirer de cette décomposition pour décrire tous les autres polyèdres dans l’espace tridimensionnel, voire dans l’espace quadridimensionnel ? Vient alors la question suivante : existe-t-il des polyèdres réguliers dans la dimension quatre et dans les suivantes ?

Dans l’espace de dimension quatre, l’analogue d’un cube s’appelle un hypercube. C’est l’un des premiers objets « simples » à partir duquel l’auteur du livre démarre une réflexion passionnante sur l’espace quadridimensionnel.

Nombreux sont les concepts mathématiques qui ont fait l’objet d’études en dimension quatre et plus : la distance entre deux points, les nœuds marins, les sphères... Cette liste de concepts, longue au-delà de toute imagination, a engendré autant de problèmes et de conjectures – l’une des plus célèbres, la conjecture de Poincaré fut résolue après un siècle de recherches par Grigori Perelman – et donné matière à penser à une foule de mathématiciens des quatre coins de la planète.

La dimension quatre est présente ailleurs que dans les mathématiques. On la retrouve en littérature – le roman le plus célèbre traitant du sujet est sûrement Flatland de E. A. Abbott ! –, dans les sciences occultes, en peinture ou en sculpture, mais également en architecture, au cinéma et en sujet de documentaires. L’imagination de l’homme, qui est sans borne, a encore une fois trouvé matière à se nourrir.

Extrait du livre

L’HYPERCUBE DANS L’ART

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À̀ gauche, l’Arche de la Défense de Paris, un hypercube destiné à célébrer le bicentenaire de la Révolution française. À droite, le Monument de la Constitution (1979), à Madrid, conçu par l’architecte Miguel Ángel Ruiz Larrea, utilisant la projection en perspective d’un hypercube.

Les différentes représentations de l’hypercube, dont la projection en perspective, ont captivé les artistes depuis que la quatrième dimension a acquis un intérêt culturel. Architectes, peintres et sculpteurs en ont fait le thème central de bon nombre de leurs œuvres. Le monument à la Constitution, situé dans les jardins du musée des sciences naturelles de Madrid, est un exemple de sculpture utilisant la projection en perspective de l’hypercube. Réalisé en marbre blanc andalou, symbole de pureté, son cube extérieur, de 7,75 m d’arête, a les quatre faces latérales ouvertes. Sur chacune de ces faces, six marches mènent au cube central de sorte que l’on peut y accéder par les quatre points cardinaux, une allusion aux valeurs démocratiques. L’hypercube représente une réalité supérieure à notre espace tridimensionnel,
correspondant aux valeurs de la constitution : justice, liberté...
Nous pouvons trouver un exemple architectural de l’hypercube dans l’Arche de la Défense de Paris. Conçu par l’architecte danois Otto von Spreckelsen en 1989, cet impressionnant édifice de 110 m de côté, ayant la forme d’une projection en perspective d’un hypercube, abrite dans sa partie supérieure un centre de congrès et d’expositions, un musée de l’informatique et un belvédère tandis que des bureaux ministériels occupent les parties latérales.

[...]

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Sommaire du livre

Pour aller plus loin

Post-scriptum :

L’extrait proposé est choisi par le préfacier du livre : Valerio Vassallo. Celui-ci répondra aux commentaires éventuels.

Commentaire sur l'article

  • La Quatrième Dimension

    le 27 avril 2013 à 17:11, par Laurent Paluel-Marmont

    Comme l’écrit l’auteur p. 43 : « Il n’est pas si fréquent que des sujets mathématiques soient des thèmes d’intérêt général. » C’est le cas de la « quatrième dimension » ; ainsi, note-t-il dans la même p. 43 : « Scientifiques, philosophes, théologiens, médiums, écrivains, artistes, musiciens et poètes s’y sont intéressés, tout comme le grand public. » Il en résulte un méli-mélo roboratif, faisant côtoyer Poincaré et Proust, Gauss et Picasso, pour le plus grand plaisir du non-mathématicien - lequel, on le rappelle, constitue la majeure parie du public.

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  • La Quatrième Dimension

    le 20 août 2013 à 12:22, par Audibert

    Dans le livre N°5 la page 129 fournit un excellent petit problème : chercher parmi les 35 hexaminos ceux qui sont les patrons d’un cube .Ce problème peut intéresser n’importe quel élève ou parent d’élève dés la classe de 6ème. On retrouve cette même idée de problème dans le N° 20 à la page 89. G.A.

    Dans le livre N°5 que j’ai trouvé particulièrement intéressant, j’ai eu besoin de revisiter entre autre la notion d’hypercube d’un espace de dimension quatre.
    Pour cela je considère l’hypercube H constitué par les points (x1 ,x2 ,x3 ,x4) où x1 ,x2 ,x3 ,x4 sont des nombres réels appartenant à l’intervalle [0,1] ; le cube0 est constitué par les points (x1 ,x2 ,x3 ,0) où x1 ,x2 ,x3 sont des nombres réels appartenant à l’intervalle [0,1] ; le cube1 est constitué par les points (x1 ,x2 ,x3 ,1) où x1 ,x2 ,x3 sont des nombres réels appartenant à l’intervalle [0,1].
    L’hypercube H est engendré par un mouvement de translation de A vers B avec
    A = (0,0,0,0) et B = (0,0,0,1).

    Les sommets de cet hypercube H sont les points (a1 ,a2 ,a3 ,a4 ) avec a1=0 ou 1,
    a2=0 ou 1, a3=0 ou 1, a4=0 ou 1. On peut aussi dire que ce sont les sommets des cube0 et cube1 .L’hypercube H a donc 2x2x2x2 ou encore 8+8=16 sommets.

    Les arêtes de l’hypercube H sont celles de cube0 et cube1 auxquelles s’ajoutent les arêtes obtenues par le mouvement de translation des sommets du cube0 . Soit au total
    12+12+8=32 arêtes.

    Les faces de l’hypercube H sont celles de cube0 et cube1 auxquelles s’ajoutent les faces obtenues par le mouvement de translation des arêtes du cube0 .Soit au total
    6+6+12=24 faces.

    Les cubes de l’hypercube H sont le cube0 et le cube1 auxquelles s’ajoutent les cubes obtenues par le mouvement de translation des faces du cube0. Soit au total
    1+1+6=8 cubes . G.A.

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