Le collier d’Antoine
Monstre ou bijou ?
Piste bleue Le 4 janvier 2009 Voir les commentaires (1)Lire l'article en


Contre-exemple en topologie à plusieurs titres, le collier d’Antoine est également un bel exemple d’objet fractal.
Voici un collier d’Antoine, objet mathématique inventé par Louis Antoine en 1921.
Que voit-on ?
Un anneau.
Qui consiste en une chaîne.
Dont les maillons sont eux-mêmes des chaînes.
Et ainsi de suite. Si on poursuit le processus indéfiniment, il reste quelquechose : un objet mathématique, infiniment fin, infiniment détaillé, un fractal, le collier d’Antoine . Ou plutôt un collier d’Antoine, car il y a infiniment de variations possibles.
Notez que contrairement à ce que nos yeux nous incitent à croire, cet objet ne contient aucune courbe, même fractale. En fait ses composantes connexes sont des points .
Pourquoi est-ce intéressant ?
Parce que c’est un exemple de poussière de Cantor qui est placé dans l’espace de façon enlacée .
L’archétype de poussière de Cantor c’est l’ensemble triadique de Cantor , construit comme suit : on part d’un segment. On le découpe en trois parties égales et on retire le tiers du milieu. On recommence avec les deux segments restants. Et ainsi de suite... Ce qui reste est la poussière de Cantor. Il contient par exemple toutes les extrémités des segments qui ont été retirés, mais en fait beaucoup plus de points que cela.
Une poussière de Cantor (ou ensemble de Cantor) c’est un sous-ensemble (de l’espace, du plan, d’une ligne, etc) qui lui ressemble, au sens où l’on peut le mettre en correspondance avec l’ensemble triadique de Cantor, avec une correspondance qui ne le déchire pas et ne recolle rien non plus [1].
On peut caractériser mathématiquement une poussière de Cantor : c’est un ensemble sans point isolé et dont les composantes connexes sont des points [2].
Deux poussières de Cantor dans le plan sont placées de la même façon : on peut déformer le plan de façon à rendre les deux ensembles superposables [3]. C’est illustré par les figures ci-dessous : un ensemble de Cantor est toujours intersection de disques ou de disques déformés, plus conditions techniques, qu’on peut mettre en correspondance.
Dans l’espace ce n’est plus vrai : comme contre-exemple, on ne peut pas déformer l’espace de façon à superposer un collier d’Antoine et l’ensemble triadique de Cantor. Une façon de le démontrer est de prouver qu’il existe une boucle qu’on ne peut pas séparer du collier, même en la déformant, comme sur l’image ci-dessous.
Une telle boucle n’existe pas pour l’ensemble triadique. [4]
Le collier d’Antoine est toujours une source d’inspiration pour la recherche contemporaine : voir la bibliographie en fin d’article. Pour un autre objet fractal dont la topologie fait réfléchir : voir la courbe de Menger.
Suppléments
Aspects techniques :
Images réalisé avec le logiciel POV-Ray, par l’auteur. Le code source est téléchargeable via le lien situé quelque part à droite.
Suite à la publication de cet article, Alain Esculier nous a transmis la version ci-contre.
La vie de Louis Antoine :
Sur le site d’Espace des sciences
Bibliographie
L’article original (téléchargeable sur gallica-math) :
Louis Antoine Sur l’homeomorphisme de deux figures et leurs voisinages . Journal de Mathématiques Pures et Appliquées 4 (1921) pp. 221-325.
Pour aller plus loin :
Beverly L. Brechner, John C. Mayer Antoine’s necklace or How to keep a necklace from falling apart . The College Mathematics Journal 19 (1988), no. 4, pp. 306—320.
Horst Ibisch L’œuvre mathématique de Louis Antoine et son influence . Expositiones Mathematicae 9 (1991), no. 3, pp. 251—274.
Exemples de recherche contemporaine :
Sylvain Crovisier, Michaƚ Rams IFS attractors and Cantor sets .
Topology and its Applications 153 (2006), no. 11, pp. 1849—1859.
William Basener Exceptional Sets and Antoine’s Necklace . Prépublication.
Matthew Grayson, Charles Pugh Critical sets in 3-space Publications mathématiques de l’IHÉS No. 77 (1993), pp. 5—61.
Notes
[1] La notion rigoureuse correspondante est celle d’homéomorphisme, i.e. de bijection qui est continue ainsi que son inverse.
[2] Avec d’autres conditions techniques : non vide, et compact (c’est à dire fermé et borné si on est dans l’espace, ou le plan par exemple).
[3] Il existe un homéomorphisme $\phi$ du plan tel que $\phi(K_1)=K_2$ où $K_1$ et $K_2$ sont les deux poussières de Cantor.
[4] car le complémentaire, dans l’espace à trois dimensions, de l’ensemble triadique de Cantor est simplement connexe
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Pour citer cet article :
Arnaud Chéritat — «Le collier d’Antoine» — Images des Mathématiques, CNRS, 2009
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Commentaire sur l'article
Le collier d’Antoine
le 31 janvier 2015 à 18:36, par bayéma