Le recrutement des maîtres de conférences en mathématiques

Piste verte Le 28 mars 2010  - Ecrit par  Ribot, Magali Voir les commentaires (20)

Si je vous parle du mois de mai, vous pensez… Au muguet ? Au défilé ? Aux jours fériés ? Ou bien vous avez déjà eu affaire au recrutement universitaire et vous pensez (selon que vous étiez candidat au recrutement ou recruteur)… Aux déplacements ? Aux auditions ? Aux rapports ?

Les étapes du recrutement d’un maître de conférences

Quelles sont les étapes ? Il est difficile de donner un programme précis. D’abord, il y a les étapes préparatoires pendant les mois (et les années !) précédents : la soumission d’articles, la soutenance de thèse, la fameuse qualification du <lexique|mot=CNU>
 [1], les exposés dans des congrès, les séminaires dans des labos pour se faire connaître et faire connaître ses travaux hors de son laboratoire d’origine.

Passons au vif du sujet : la publication de la majorité des postes [2] intervient par décret du Journal Officiel au début du mois de mars, vous sélectionnez les postes dont le profil [3] vous intéresse. Tiens, certains postes n’ont pas de profil, d’autres des profils très larges ; très bien, envoyons un dossier. Votre ami physicien vous regarde, étonné : pas de profil ? Oui, cela arrive souvent en mathématiques, contrairement à d’autres disciplines où à chaque poste publié est associé un profil de recherche très précis. Les postes sont donc très ouverts. La contrepartie est que les candidats sont très nombreux : il peut y en avoir jusqu’à 200 pour un même poste...

Votre dossier est intéressant ? Bravo, vous allez pouvoir passer les auditions. Il faut se déplacer dans chaque ville pour faire une présentation d’au mieux 30 minutes. Si vous êtes chanceux (ou brillant ?), ça s’apparente au Tour de France en 15 jours. Puis l’attente des classements sur chaque poste en consultant frénétiquement le site de l’Opération Postes.

Et qui va vous évaluer ? Un comité de sélection, composé pour moitié de maîtres de conférences et pour moitié de professeurs. A noter également qu’il contient une moitié de membres extérieurs à l’université de recrutement. Deux personnes écriront un rapport sur votre dossier ; c’est sur la base de ces rapports que seront choisis les auditionnés. Puis ce même comité écoutera avec attention votre audition et au regard des présentations et des dossiers de tous les candidats, établira le fameux classement final.

La transparence du recrutement

L’Opération Postes, qu’est-ce que c’est ? Une page internet créée en 1998 et gérée par quelques volontaires, où les informations sur les dates des commissions, les listes d’auditionnés, les listes de classés sont mises en ligne en temps réel. Cela semble être un outil très pratique, pourquoi est-ce réservé aux mathématiques et à l’informatique ? Pour qu’une telle initiative fonctionne réellement, il a fallu, à un moment donné, l’appui et la volonté de la communauté mathématique toute entière.

Mais, pourtant, on entend dire partout que les recrutements universitaires sont pipés. N’est-ce pas vrai ? A ma connaissance, non. Je vous ai déjà donné un argument ci-dessus : souvent en mathématiques, les profils sont larges et nombreux sont les candidats qui postulent. Et le candidat local n’a-t-il pas plus de chance que les autres ? Justement c’est le contraire, a priori il en a moins. Plus précisément, une règle officieuse, mais appliquée dans la plupart de nos labos, veut qu’un candidat ne puisse être recruté dans le laboratoire où il a fait sa thèse et que pour passer professeur, un maître de conférences doit également changer de laboratoire.

Que faire pour être recruté en mathématiques ?

Déjà, vous l’aurez compris, en règle générale, ne pas candidater dans son laboratoire d’origine. Et ensuite ? Faut-il faire ou non un post-doc ? Ça se discute… On recrute très jeune en mathématiques. Il est fréquent qu’un candidat soit recruté quelques mois après sa soutenance de thèse. Il ne faut donc pas s’autocensurer et candidater dès qu’on peut. Et la sécurité de l’emploi ainsi offerte donne le temps de mûrir sa direction de recherche. Mais un post-doc de deux ans permet aussi d’affirmer un dossier un peu léger. Et surtout, un post-doc à l’étranger permet d’ouvrir de nouveaux horizons. Soyons clairs, la charge d’enseignement d’un maître de conférences est un gros handicap pour se lancer dans des thématiques nouvelles les premières années. Y a-t-il des inconvénients à faire un post-doc alors ? Effectuer le programme décrit au premier paragraphe depuis l’étranger n’est jamais très facile et demande souvent de nombreux déplacements et une grande énergie…

En guise de conclusion…

Alors, est-ce que le recrutement d’un enseignant chercheur en mathématiques est un long parcours sans fin ? Je ne dirais pas cela. Je ne dirais pas non plus que c’est chose facile. Mais comparé aux pays voisins, le nombre régulier de postes mis au concours en mathématiques chaque année fait que tout bon candidat a des chances raisonnables de trouver un poste. Une preuve ? Le nombre de candidats étrangers se présentant aux concours français …

Article édité par Planchon, Fabrice

Notes

[1Je vous laisse lire cet article qui est entièrement consacré à la procédure de qualification.

[2Il existe également des postes publiés « au fil de l’eau » mais leur nombre est jusqu’à présent négligeable par rapport aux postes publiés en « session synchronisée ».

[3Le profil est l’intitulé du poste qui décrit de façon sommaire le domaine de compétence que doit avoir le candidat. Des exemples tirés des postes en mathématiques de l’an dernier : un profil large, « Mathématiques pures et appliquées » et deux profils précis « Mathématiques appliquées et applications au calcul de haute performance en mécanique des fluides » ou encore « Théorie de Lie et applications ».

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Pour citer cet article :

Ribot, Magali — «Le recrutement des maîtres de conférences en mathématiques» — Images des Mathématiques, CNRS, 2010

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  • Le recrutement des maîtres de conférences en mathématiques

    le 6 avril 2010 à 10:31, par Schapira, Barbara

    Voici le lien donne par M Schatzman dans un commentaire de son article sur le plafond de verre, pour les statistiques chiffrees
    http://www.femmes-et-maths.fr/documents/Broze2juin07.pdf

    A priori, je suis tout a fait favorable au recrutement national par concours. Mais un bemol cependant.
    Il y a des villes/regions/universites/postes -beaucoup- moins attractifs que d’autres en moyenne.
    Dans un recrutement national, si le « moins bon » de la liste est affecte dans une region qui lui deplait au plus haut point, il va y aller a reculons, et partir des que possible. (Exemple des CR2 du CNRS, obliges d’aller passer quelques annees en provine, qui reviennent a Paris des que possible)
    Ca empeche alors labo et universite de travailler sur le long terme, et de developper des projets scientifiques entre collegues, entre labos, ou avec les etablissements scolaires ou l’industrie locale.

    Alors qu’un recrutement sur un poste local permet de recruter des gens qui vont rester et s’investir sur place.

    Un exemple caricatural : mes collegues de lettres et sciences humaines n’imaginent pas travailler ailleurs qu’a Paris. Ils ne viennent que pour leurs cours, en coup de vent. Les activites de recherche ne sont developpees qu’a Paris, rien en Picardie.

    Je crains bien qu’un recrutement national sur concours permette en sciences ’dures’ de recruter en moyenne des gens peut etre un chouia meilleurs, mais qui n’auront que faire de la fac et du labo et souhaiteront peut etre partir plus vite.

    (Dans certains coins de Picardie, le recrutement national sur concours des profs du secondaire fait que les jeunes profs se succedent a vitesse acceleree, sans jamais souhaiter s’investir sur place. C’est certes mieux que la profession medicale liberale, dont nous manquons cruellement...)

    Bon, cela etant, je reste par principe tres attachee au recrutement national par concours, mais dans le cas de mon labo, je suis perplexe : je ne suis pas sure que ca donnerait d’aussi bons resultats.

    Le recrutement national sur concours est la meilleure solution pour donner un poste a tous les « meilleurs » matheux, le recrutement par poste dans chaque universite me parait plus adapte pour developper des universites dynamiques, de bon niveau, dans toutes les regions francaises.

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