Les Mesures du monde

Le 22 mars 2020  - Ecrit par  Iolanda Guevara, Carles Puig Voir les commentaires (1)

Cet article a été écrit en partenariat avec L’Institut Henri Poincaré


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L’Institut Henri Poincaré et Images des Mathématiques ont uni leurs efforts pour superviser la réédition de la collection Le monde est mathématique,
publiée par RBA en partenariat avec Le Monde. En 40 ouvrages, cette collection de qualité, issue
d’un projet collectif de mathématiciens espagnols, vise à présenter,
à travers une grande variété de points de vue, de multiples facettes
des sciences mathématiques, sous un aspect historique, humain, social,
technique, culturel ...

Reprise et améliorée au niveau de la forme, cette nouvelle édition a été
entièrement lue et corrigée par l’équipe d’Images des Mathématiques ;
des préfaces et listes bibliographiques ont été ajoutées. Le Monde consacre un cahier spécial au lancement de cette collection présentée par Cédric Villani, qui en a écrit la préface générale.

Chaque semaine, à l’occasion de la sortie d’un nouveau numéro de la série,
un extrait sélectionné sera présenté sur Images des Mathématiques, suivi du sommaire du livre.

Extrait du Chapitre 3 - Mesurer le temps

La réforme julienne

En 46 av. J.-C., Jules César réorganisa le calendrier romain sur les conseils de l’astronome
Sosigène d’Alexandrie et fixa la durée de l’année à 365 jours et un quart
de jour. Le calendrier égyptien, bien connu de Sosigène, s’étalait sur 365 jours, se
rapprochant ainsi de la durée réelle d’une année (365,242199 jours). Mais il ne
tenait pas compte des décimales, ce qui engendrait un décalage de 0,242199 jour
tous les ans, soit 0,968796 jour, presque un jour complet, tous les quatre ans. Jules
César inclut ce jour tous les quatre ans.

Il établit la durée des mois alternativement à 31 et 30 jours, à l’exception de februarius
qui, les années ordinaires, comptait 29 jours. Une année sur quatre, on ajoutait
un jour à februarius, intercalé entre le 23 et le 24, et le mois avait alors 30 jours.
Le nom des jours du calendrier romain était déterminé en fonction du nombre de
jours les séparant de la prochaine date de référence (les calendes, les nones et les
ides). Ainsi, le 24 février était le ante diem sextum Kalendas Martias, et pour désigner
un jour intercalé, on utilisait le préfixe bis, soit ante diem bis sextum Kalendas Martias.
De bis sextum est né bissextile, qui désigne ces années particulières. Voyons le schéma
ci-dessous :

[...]

Extrait du Chapitre 4 - Mesurer la Terre

Les réseaux de triangulation pour la mesure des arcs de méridien

[...]

À partir de la méthode de Snell, Picard parvint ainsi à mesurer la distance correspondant
à un degré de latitude le long du méridien de Paris. Il utilisa un enchaînement
de treize triangles entre Malvoisine, proche de Paris, et le clocher de Sourdon,
localité proche d’Amiens. Le point de départ du réseau de triangles était une base
mesurée au sol, complétée en mesurant les angles depuis des points visibles les uns à
partir des autres qu’il situa sur des tours, des clochers ou d’autres lieux en hauteur.

Les mesures de Picard furent les premières à associer des télescopes aux quadrants.
L’astronome inventa même ses propres instruments de mesure, qui furent utilisés dans la navigation et l’astronomie pour prendre des hauteurs des angles et servirent
à faire le point sur la latitude. Ils consistaient en un quart-de-cercle, dont la limbe
est divisé en 90 degrés ; ils ont un plomb suspendu en leur centre et sont armés de
pinnules (plus tard de lunettes) pour observer. Picard disposait de quarts-de-cercle
mobiles équipés de lunettes et d’un micromètre de l’astronome français Adrien
Auzout qui lui assurait une précision de quelques secondes de degré. Le micromètre
utilise le principe de la vis pour transformer des distances trop petites pour
être mesurées directement, et en rotation trop grandes pour qu’elles puissent être
lues sur une échelle. Sa mesure devait prendre en compte les dénivelés entre les
différents points d’observation ainsi que leurs rapports au plan de référence. Il avait
réussi à obtenir un nivellement d’une précision de l’ordre de 1 cm par kilomètre.

Picard se proposa de chercher le nombre de toises (unité de longueur qu’il utilisa)
sur une ligne droite entre Malvoisine et Sourdon, ainsi que l’écart en latitude,
sur la circonférence du méridien. En effet, il s’agissait d’une mesure géodésique,
en toises, et d’une mesure astronomique, en degrés, minutes et secondes.

Il mesura avec soin une distance de 5 663 toises entre Villejuif et Juvisy-sur-Orge, villes
reliées par une route pavée en ligne droite, et déduisit le reste grâce à la triangulation. Il
choisit pour étalon de mesure la toise du Châtelet, également appelée « toise de Paris », à laquelle on attribuera plus tard, à la fin du xviiie siècle, une longueur de 1 949 m. Pour
un degré d’un arc de méridien, il trouva une valeur de 57 060 toises.

Le travail du scientifique Jean Picard, grâce aux améliorations apportées à ses instruments
et à leur précision, est la première mesure raisonnable du rayon terrestre. Ses
mesures donnèrent un résultat de 110,46 km pour un degré de latitude, soit un rayon
terrestre de 6 328,9 km : le rayon équatorial est actuellement estimé à 6 378,1 km, le
rayon polaire à 6 356,8 km et le rayon moyen à 6 371 km. Isaac Newton utilisa les
données de Picard pour mettre au point sa loi de la gravitation universelle.

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Cinq triangles du réseau de Picard.
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Jean Picard (1620-1682)

L’astronome français Jean Picard, formé au collège jésuite
de La Flèche, a travaillé avec Pierre Gassendi, professeur
de mathématiques au Collège royal de Paris (l’actuel Collège
de France). À la mort de Gassendi, en 1655, il devient
professeur d’astronomie au Collège royal et intègre
l’Académie royale des sciences en 1666, au lendemain
de sa fondation. Il conçoit le micromètre pour mesurer
le diamètre des objets célestes (Soleil, Lune et planètes).
En 1667, il ajoute une mire télescopique au quart-de-cercle,
le rendant plus fonctionnel pour les observations.
Il améliore considérablement la précision des mesures de
la Terre en utilisant la méthode de triangulation de Snell, et applique des procédés scientifiques à
l’élaboration des cartes. En 1671, à l’observatoire d’Uraniborg, il observe avec l’astronome danois
Ole Rømer environ 140 éclipses d’Io, le satellite de Jupiter. À partir des données qu’ils recueillent
ensemble, Rømer parvient à effectuer une première mesure de la vitesse de la lumière.

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Sommaire du livre

Pour aller plus loin

Post-scriptum :

L’extrait proposé est choisi par le préfacier du livre : Anne Broise. Celle-ci répondra aux commentaires éventuels.

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Pour citer cet article :

Iolanda Guevara, Carles Puig — «Les Mesures du monde» — Images des Mathématiques, CNRS, 2020

Crédits image :

Image à la une - Manon Bucciarelli
Cinq triangles du réseau de Picard. - Archives RBA
img_11054 - Archives RBA

Commentaire sur l'article

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  • Les Mesures du monde

    le 16 novembre 2013 à 18:17, par Audibert

    Dans le numéro 34 il est question du Fatland d’Abbott. Cet ouvrage est cité aussi aux numéros 5 et 20. J’ai donc décidé de le lire ( 2€ par internet) et ce fut un trés grand plaisir. Merci MeM. J’ai retrouvé là ,écrit un siècle après lui, du Jonathan Swift adouci (Sa modeste proposition concernant les enfants de classe pauvre est beaucoup plus rude) mais de ce J.Swift qu’Escarpit appelle le premier et le plus grands des humoristes.

    Avec Fatland « Le monde est mathématique » parle souvent d’un hypercube de l’espace à quatre dimensions et je voudrais faire une remarque à propos du dessin d’un hypercube.
    La difficulté de la représentation d’un Hypercube provient des constatations suivantes.

    Tout d’abord remarquons que dessin d’un cube de l’espace à trois dimensions est , le plus souvent ,le dessin de la projection d’un cube sur un plan . On effectue une projection cylindrique si on veut avoir un dessin en perspective cavalière .

    Si on veut avoir le dessin d’un Hypercube H de l’espace à quatre dimensions il faut donc en premier lieu projeter , par exemple selon une projection cylindrique P, l’hypercube H dans l’espace à trois dimensions. On obtient ainsi P(H).Il nous faut ensuite projeter P(H), par exemple au moyen d’une projection cylindrique p, dans l’espace à deux dimensions. On obtient ainsi p(P(H)) une nouvelle projection qui peut se dessiner.

    Remarquons qu’un choix judicieux des projections permet de dessiner cet hypercube comme un chapelet de cubes en perspective cavalière (bien entendu on n’en dessinera que quatre ou cinq) qui s’étaleront en diagonale sur notre feuille de papier.

    En quelque sorte, un hypercube peu se dessiner comme une suite de perspectives cavalières de cubes de même dimension.

    Je regrette quelquefois que ces commentaires ne permettent pas de fournir un dessin...

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