Mikhaïl Gromov

Le 11 août 2009  - Ecrit par  Pierre de la Harpe Voir les commentaires (3)

Mikhaïl Gromov [1], mathématicien, géomètre, et fournisseur d’inspiration
pour quelques générations de scientifiques. Gromov également Prix Abel
2009, sommet de la notoriété, et donc Gromov notable ?

C’est d’abord du contraire qu’il donne l’impression : le regard, la voix,
les rires et les coups de gueule, rien qui soit propre à la respectabilité institutionnelle.
Le regard pétillant, scrutant, impatient, accrocheur derrière les
sourcils en bataille, sauf quand l’homme se replie sur lui-même pour penser à
ce que sans doute personne d’autre n’a pensé avant lui ; la voix inimitable qui
se dépasse elle-même à tout instant et qui sonne étrangement pareille selon
qu’il parle français anglais ou russe ; les rires à usage multiple — saluer un
ami, admirer un raisonnement correct, remettre à sa place un raisonnement
faux ou inopportun — ; et les coups de gueule pour sermonner les autres mathématiciens
quand ils se cantonnent dans des idées sans originalité. Et bien
sûr l’éveil perpétuel de l’intelligence en action : il m’a souvent fait penser
à la première réplique de La vie de Galilée de Brecht : « Pose le lait sur la
table mais ne ferme aucun livre », autre manière de dire « D’accord pour boire
et manger mais sans oublier l’essentiel, les compréhensions nouvelles et les
découvertes espérées ».

Le Prix Abel ne récompense pas un personnage, mais une œuvre. Celle de
Gromov a tout simplement bouleversé un nombre impressionnant de domaines
dans la recherche mathématique actuelle. Et ces bouleversements ont souvent
leurs sources dans une suite de remarques élémentaires, mais si originales et
surtout si originalement imbriquées que personnes n’y avait pensé (n’avait
osé y penser ?) avant lui. Bien sûr, le vocabulaire n’est pas celui du grand
public, puisqu’il a créé ou révolutionné le h-principe, la cohomologie bornée,
les courbes pseudo-holomorphes, les groupes hyperboliques et aléatoires, etc.

A l’occasion d’un repas un peu trop long fin décembre, il a commencé à
me parler de la géométrie du cœur. J’ignore si ce que j’en ai retenu résumait
des idées dues à lui ou à un autre chercheur, mais peu importe pour moi (et
peut-être aussi pour lui). Voici en quelques mots de quoi il s’agissait.

Le cœur humain est (entre autres) un objet géométrique dont la forme est
décrite par un grand nombre de distances entre points significatifs : telle
extrémité de l’oreillette gauche, tel point particulier du ventricule droit,
etc. Il arrive que le chirurgien doive couper dans cette géométrie, et le trajet
du bistouri est dicté notamment par la géométrie de l’organe. Mais imaginons
maintenant une représentation géométrique du cœur dans laquelle les
distances entre points remarquables ne seraient plus mesurée en millimètres,
mais par un indicateur électrique ; par exemple, la « distance » du nouveau
type entre deux points serait d’autant plus grande que la résistance électrique
entre ces points serait élevée. On obtient alors une image du cœur
bien différente de celle dont nous avons l’habitude, certainement passionnante
pour le géomètre, et peut-être (d’après Gromov) pouvant inspirer des coups
de bistouri moins dommageables au fonctionnement de l’organe.

Le domaine de Gromov est l’exemple type de ce qu’on appelle les mathématiques
fondamentales, par opposition aux mathématiques dites appliquées
(même s’il y a globalement beaucoup plus complémentarité qu’opposition).
Mais l’inventivité traverse les barrières, jusque dans cette courte conversation
de « mathématiques géométrico-chirurgicales ». Gromov, c’est surtout un
perpétuel cadeau de Noël. D’ailleurs, il est né un 23 décembre.

Notes

[1voir notre dossier Mikhaïl Gromov, géomètre

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Pour citer cet article :

Pierre de la Harpe — «Mikhaïl Gromov» — Images des Mathématiques, CNRS, 2009

Commentaire sur l'article

  • Mikhaïl Gromov

    le 11 novembre 2009 à 07:17, par Rachid Matta MATTA

    Monsieur Pierre de la Harpe

    Les géométries non-euclidiennes sont inconsistantes et elles sont automatiquement rejetées par mes démonstrations du cinquième postulat d’Euclide. La preuve d’IBN AL-HAITHAM sur le site:www.mathtruth-rachidmatta.com (forum page 1)vous convaincra.

    Amicalement,

    Rachid Matta MATTA
    Le 11 novembre 2009

    Répondre à ce message
    • Prétendue démonstration du postulat des parallèles

      le 19 janvier 2012 à 05:43, par Marc JAMBON

      J’ai pu lire votre démonstration, elle n’est pas convaicante parce que vous vous appuyez sur la notion de translation qui ne découle pas des trois premières demandes d’Euclide.
      Une autre façon de voir les géométries non-euclidiennes est de dire qu’on ne dispose pas de translation dans ces géométries. Il n’y a aucune contradiction.

      Répondre à ce message
  • Mikhaïl Gromov

    le 16 octobre 2010 à 16:09, par EULENSPIEGEL

    Images des maths devarit interdire de tels commentaires quel que soit leur auteur ; il y a des limites à ne pas dépasser

    Répondre à ce message

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