Revue de presse avril 2014

Le 1er mai 2014  - Ecrit par  L’équipe Actualités Voir les commentaires (7)

Où il est question de mariages entre les mathématiques et des applications plus ou moins insolites, plus ou moins enthousiasmantes, entre les mathématiques et l’art, que ce soit peinture, littérature ou BD, où comment nombre de mathématiciens se démènent pour éviter le divorce entre les jeunes et cette science qui leur met la pression...

Pour le meilleur et pour le pire

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Le pire métier du monde

C’est dit, mathématicien (et donc, mathématicienne) c’est LE « meilleur job du monde », en tête d’un classement opéré selon « quatre grands critères : les revenus, l’environnement de travail, les perspectives d’évolution, et onze facteurs de stress » [1]. Cette affirmation reprise par Europe1 vient du site nord-américain CareerCast, qui au passage classait le métier de mathématicien 10ème en 2012 [2]. Quel progrès fulgurant ! On peut cependant s’interroger sur le sens de ce classement en examinant le trio de tête : 1) mathématicien ; 2) professeur d’université ; 3) statisticien. Que dire alors lorsqu’on est les trois à fois ?!

Les exemples de personnalités relevant avec enthousiasme d’une ou plusieurs de ces trois catégories ne manquent pas ce mois-ci. Sur France Culture, en voici deux bien connus qui discutent boutique. Dans le Huffington Post, nous est narrée la suite de l’aventure du mathématicien Max Little concernant un logiciel de détection de la maladie de Parkinson par analyse de la voix [3]. Son objectif actuel est l’analyse directe via le téléphone portable : « la principale chose que l’on voudrait savoir c’est s’il est possible de diagnostiquer la maladie de Parkinson à partir d’un simple coup de téléphone, […], pour l’instant, on sait qu’on peut le faire en utilisant des enregistrements de voix à haute définition sonore, alors est-ce possible avec un téléphone portable, ou bien la qualité sera-t-elle trop mauvaise ? » Dans Le Télégramme, le mathématicien Bruno Wirtz « n’a pas peur du réel », nous dit-on. Fondateur de la start-up Tellus Environnement, « spécialisée dans la réalisation de cartographies haute définition », sa plus grande fierté est d’« avoir créé trois emplois en pleine crise : deux postes de docteurs à Rennes et un à Brest ».
Et il a dernièrement pu repérer la carcasse d’un avion perdu depuis… 1944.

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À la recherche du MH370

Plus proche de nous, une autre carcasse d’avion a fait l’objet de recherches intensives. Étrangement, il semble que personne n’ait songé à faire appel officiellement aux statisticiens dans la recherche du vol MH370 (comme le signale ce billet). Qu’importe, ceux-ci se sont « attelés à la tâche, sur la base des informations rendues publiques », comme le signale TFI. Ce sont ces mêmes statisticiens américains qui, au sein de la « société de conseil scientifique »
Metron, avaient pu localiser grâce à des méthodes Bayesiennes les boîtes noires du Rio-Paris d’Air France, abîmé dans l’océan Atlantique en 2009. Toutefois, « dans ce cas, les recherches, avec la découverte des débris une semaine après l’accident, se concentraient sur un rayon de 130 km, […] autant dire une tête d’épingle comparée à la zone de l’océan Indien où “122 objets éventuels” de l’avion pourraient avoir été repérés par des satellites, selon les autorités malaisiennes. »

« Les mathématiques au secours des sciences sociales, c’est un outil de transparence sans pareil », lit-on sur webmanagercenter. En Tunisie, « l’Association des Tunisiens des grandes écoles “ATUGE” s’est jointe à la vague d’interrogations et de réflexion nationale autour de la question du choix du mode de scrutin électoral », avec en particulier l’intervention de Michel Balinski, mathématicien, directeur de recherche émérite au CNRS. En résumé, « Michel Balinski soutient, chiffres à l’appui, sur des scrutins grandeur nature, que la biproportionnelle est la plus équitable car elle empêche qu’une minorité de voix élise une majorité de députés. » Le processus électoral est aussi analysé par le physicien Christian Borghesi. L’Express détaille sa démarche et nous livre une « loi mathématique simple » pour la participation électorale : $C -A \times \ln(N)$ », où $N$ est le nombre d’inscrits, la constante $C$ « dépend de chaque élection », mais le nombre $A$ est lui universel !

Le « meilleur job du monde » doit-il pour autant servir Big Brother ? « Notre ordinateur nous manipule », avec l’aide des mathématiciens embauchés en nombre par des sociétés dont « l’objectif est de [nous]
“profiler”, c’est-à-dire […] de mieux [nous] connaître afin de [nous] présenter le bon message publicitaire au bon moment et dans le bon format », explique Le Monde. Plusieurs articles du quotidien s’attaquent d’ailleurs aux Big data [4]. L’un d’eux,
intitulé Big Data vous regarde !,
critique notamment l’utilisation inconsidérée des indicateurs de performances. Et de citer
ce mot attribué à l’homme d’État britannique Benjamin Disraeli : « Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les gros mensonges et les statistiques ». « Le problème est la prétendue objectivité du chiffre », dit Barbara Cassin dans un entretien au Monde encore. Selon elle,
« il faut refuser les évaluations lorsqu’elles prennent à contre-pied l’idée que nous avons du commun, du convivial, du politique ».
Et pourtant, les « datascientifiques » ne pratiquent-ils pas un « métier sexy ? ». Question posée par Le Monde toujours : si les objectifs de l’analyse des « big data » sont souvent mercantiles, celle-ci peut se révéler un instrument de gestion profitable. « La mairie de New York s’est ainsi dotée, récemment, d’un service d’analyse des données qui s’est illustré en compilant de très nombreuses séries de chiffres sur les 900 000 immeubles de la ville et en mesurant, à l’aide des modèles mathématiques, la probabilité qu’un immeuble soit dangereux pour ses habitants. »

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Pas besoin de calculs

Conclusion : il faut que les mathématiciens se posent la question de la portée de leur activité. C’est d’ailleurs toute la problématique éthique que décrit le site silicon.fr, en se basant sur ce billet d’opinion [5] de Tom Leinster, mathématicien à l’université d’Édimbourg au Royaume-Uni : « Il appelle la communauté des mathématiciens à prendre ses responsabilités vis-à-vis de l’espionnage de masse opéré par les agences de renseignement américaines (NSA) et anglaises (QCHQ) », et de préciser : « Les mathématiciens sont rarement confrontés à des questions éthiques. Nous apprécions le sentiment que ce que nous faisons est séparé du monde réel. […] Cette idée ne tient plus. Les mathématiques ont clairement des applications pratiques qui sont très pertinentes dans le monde moderne, et pas seulement pour le chiffrement sur Internet. »
Qu’en est-il de la pertinence de la modélisation du cheveu ? À chacun de décider, mais c’est un fait, l’entreprise L’Oréal a établi une collaboration avec le CEA. « Pour concevoir les innovations de demain, plus question de se laisser guider par les recherches en chimie et physico-chimie » rapporte en effet L’Usine digitale. « Désormais, c’est un calcul qui oriente la synthèse d’un nouvel actif ou la réalisation d’une formule physico-chimique. En multipliant les simulations, nous explorons le jamais vu ! » Dans un autre genre, utile peut-être aux mathématiciens globe-trotteurs eux-mêmes et mise au point par des « professeurs de mathématiques à l’Université du Michigan », l’application Entrain vise à accélérer le rétablissement de l’horloge circadienne perturbée par le décalage horaire. C’est une information parue dans La Dépêche. Mesdames, Messieurs, bon vol !

Gros bras

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C’est qui le plus fort ?

Oui, Cédric Villani est toujours présent sur les ondes et sur les routes. Il a donné une conférence début avril au lycée Barthou de Pau comme l’ont indiqué la République des Pyrénées et Sud Ouest. Le « chercheur au look de dandy » y a parlé du temps où « la Terre était trop jeune pour Darwin » [6]. Au lycée Louis-le-Grand à Paris, il a évoqué « Les mathématiques de la chauve-souris », conférence [7] dont un plaisant compte-rendu est fait par un élève de terminale S. L’homme à l’araignée a également donné pas moins de trois conférences en Algérie, comme nous l’apprend l’Ambassade de France en Algérie. Dans un court entretien, il évoque une histoire familiale algérienne, son père y ayant grandi. De cette histoire personnelle il est aussi question sur France Info. L’interview porte sur ses lectures présentes et passées, celles-ci recouvrant aussi bien des ouvrages de vulgarisation mathématique que de science-fiction. Cependant, « la vraie passion de Cédric Villani, c’est la BD ». Preuve en est sans nul doute sa présence début avril au musée de Bastia pour le « Festival de la BD », présence attestée par Corse Net Info et Corse Matin. On y apprend que le plus médiatique des mathématiciens français a débuté un projet de BD avec le dessinateur et scénariste Edmond Baudoin, BD reprenant l’histoire de quatre scientifiques dont Alan Turing. Les auteurs ont d’ailleurs parlé de leur travail lors de leur séjour bastiais sur Dailymotion, où l’on peut voir de nombreuses planches de l’ouvrage à venir.

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Crapaud pas buffle

Moins célèbre pour l’instant, Vincent Calvez est chercheur CNRS à l’École Normale Supérieure (ENS) de Lyon et interviewé sur le site d’Inria à l’occasion de la médaille de bronze (CNRS) qui vient de lui être décernée. L’article, repris sur le portail Medialternative, évoque ses travaux appliqués à la biologie, qui utilisent des modèles mathématiques inspirés de la physique. Après s’être portée sur « les mouvements collectifs de bactéries », sa recherche récente vise à comprendre « la propagation d’une espèce invasive de crapauds en Australie ».

Autre récompense, internationale celle-ci, le prix Abel a été décerné cette année à Iakov Sinaï, comme il est rapporté par Étienne Ghys dans Le Monde. Ce prix décerné chaque année depuis 2003 couronne l’ensemble de l’œuvre d’un mathématicien, et est donc complémentaire de la médaille Fields qui ne concerne que les chercheurs de moins de 40 ans. Sinaï est récompensé « pour ses contributions fondamentales aux systèmes dynamiques, à la théorie ergodique et à la physique mathématique ». Comme le souligne É. Ghys, il s’agit des rapports entre déterminisme et hasard. Futura Sciences évoque notamment les billards chaotiques de Sinaï. Premier récipiendaire du prix Abel à sa création, le français Jean-Pierre Serre donne un entretien au Centre international de rencontres mathématiques (CIRM). Il y parle de son attachement à ce lieu et d’autres beaux endroits où faire des mathématiques, car « cela rend heureux et [...] on fait de meilleures maths quand on est heureux ». Il évoque aussi les différents aspects de l’évolution des mathématiques depuis sa jeunesse, en soulignant l’importance croissante de l’informatique dans le travail du mathématicien à différents niveaux, tout en défendant l’usage du tableau noir.

Des liens entre informatique et mathématiques, il est question dans l’interview sur l’Usine digitale de Philippe Vannier, PDG du constructeur de supercalculateurs Bull. Le sujet en est la course à la puissance de calcul, de plus en plus nécessaire aux mathématiciens mais aussi aux industriels. Une autre facette des interactions entre informatique et mathématiques est abordée dans le portrait de Georges Gonthier dans Le Monde. La spécialité de ce chercheur est la « vérification de preuve » : il s’agit en gros de certifier la validité de preuves mathématiques grâce aux ordinateurs, via des langages de programmation adaptés. En l’occurrence, l’assistant de preuve Coq a permis à G. Gonthier et ses collaborateurs de certifier la preuve du fameux théorème des quatre couleurs il y a une dizaine d’années, et, en 2012, celle du théorème de Feit et Thompson, résultat algébrique très technique dont la preuve humaine occupe plusieurs centaines de pages [8].

Élémentaire, mon cher…

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Réfléchissons

Et si l’on faisait un petit tour en Afrique ? Le site d’informations sénégalais Ferloo a annoncé le lancement du Festival des maths mercredi 23 avril par ImagiNation Afrika dont « un des objectifs [...] est de soutenir et de renforcer le raisonnement et les compétences en mathématiques naissantes chez les élèves des écoles primaires ». Par ailleurs, le 25 avril a vu se dérouler une « Journée des filles dans les TIC », pour marquer la fin d’un projet offrant à des filles « une formation en leadership et programmation informatique », avec une « cérémonie de clôture des ateliers de formation en codage organisés en partenariats avec 8 lycées de Dakar ». L’idée que les mathématiques sont importantes dans l’éducation est assez présente dans l’actualité africaine. En témoigne Dakaractu qui présente le « programme “Jangando” (apprendre ensemble en wolof) [...] de mesure de la qualité des apprentissages [...] qui consiste à évaluer la qualité de l’éducation » au Sénégal. Les résultats pas très positifs amènent le professeur Abdou Salam Fall, coordonnateur du programme, à penser qu’il faut « réviser les contenus des apprentissages et des enseignements » et « réviser les méthodes ». On entend aussi plusieurs professionnels s’exprimer sur RFI sur la question de l’enseignement des mathématiques en Afrique. On apprend à cette occasion que ce continent ne serait pas seulement le berceau de l’humanité mais aussi celui des mathématiques, n’en déplaise aux Grecs (ou aux Chinois, aux Indiens, etc.).

Puisque les mathématiques sont de plus en plus essentielles, on fait en sorte de les montrer sous leur plus beau jour en organisant de nombreuses conférences et autres activités un peu plus ludiques qu’une simple salle de cours avec un professeur. S’est donc déroulée, du 4 au 6 avril, la 25e édition du congrès Maths en Jeans dans plusieurs villes de France et notamment à l’université Lyon 1 à Villeurbanne. L’événement « a réuni 300 élèves issus d’établissements scolaires du quart sud-est de la France » pour des exposés — de ces mêmes élèves —, stands, conférences à la manière « des “vrais” congrès scientifiques » ; et on peut lire sur le site de l’université que celui-ci « a été une véritable réussite ». Mais ça ne se passe pas qu’à Lyon ! La Dépêche mentionne le même événement du côté ouest de l’Hexagone, « sur les sites universitaires bordelais de la Victoire et de Pessac ». Les établissements scolaires sont nombreux à organiser à leur échelle ou à participer à différents rallyes mathématiques partout en France jusqu’à Tahiti, et cette discipline devient de plus en plus « fun ». Tous ces événements semblent en effet nécessaires pour dédramatiser la discipline : à lire Sud Ouest ou La Charente libre, nombre de lycéens ont de fortes réticences voire « de l’aversion envers les maths », tout en ayant conscience de leur importance. Suzy, citée par La Charente libre, dit clairement « c’est bien connu : si t’es pas bon en maths, tu réussis pas dans la vie » ; Amel enchérit : « je sais que si ma moyenne continue à chuter en maths, je pourrai jamais choisir mon orientation ». Corinne Parcelier, leur professeur de mathématiques, reconnaît que « c’est une discipline qui génère de l’angoisse chez certains élèves ». « La faute, en partie, à un système de sélection souvent basé sur les mathématiques », affirme Sud Ouest. Ainsi, il semblerait que cette matière soit catégorisée comme « un outil de sélection et de pression » qui oppresse beaucoup d’élèves.

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Concret ne veut pas dire simple

Parfois considérées comme trop abstraites, les mathématiques sont une science plus appréciée quand l’on n’a pas l’impression de la pratiquer, comme l’a montré une étude menée par l’OCDE citée dans Le Monde, qui prouve que « les jeunes Français font preuve de sens logique, voire stratégique » pour « les problèmes non scolaires ». Outre-Quiévrain, la ministre belge de l’Enseignement, Marie-Martine Schyns, annonce dans L’Avenir que « même si des efforts importants ont déjà été consentis, il est impératif d’être beaucoup plus ambitieux dans les années à venir » en réaction à « la publication des résultats du complément de l’étude PISA 2012 sur la résolution de problèmes ». Pour revenir en France, Le Monde comme RTL présentent quelques chiffres inquiétants. Près de 10% des jeunes de 17 ans ont des « acquis en lecture [...] très fragiles », et « faute de vocabulaire, n’accèdent pas à la compréhension des textes » qui leur sont proposés lors de la « Journée Défense et citoyenneté (JDC) – ex-Journée d’appel de préparation à la Défense (JAPD) ». De plus, le nombre de « jeunes qui peinent dans l’utilisation des mathématiques les plus courantes (numératie) » tourne également autour de 10 %, mais surtout « la moitié (4,8 %) d’entre eux ne sont pas capables de choisir une opération arithmétique pour résoudre un problème concret », sachant que « dans les deux cas, celui de la lecture ou des mathématiques, les résultats sont moins bons dans le nord de la France ». 20 minutes ajoute que 3,8 % des jeunes sont en difficulté dans les deux domaines à la fois. De son côté, L’Est républicain publie des chiffres concernant tous les Français, expliquant que « si l’illettrisme touche 10 % de la population française, 70 % de celle-ci serait affectée par l’innumérisme, ou non maîtrise des fondamentaux en mathématiques. » « Michel Vigier, ingénieur et professeur de mathématiques » répertorie des perles qui semblent, pour certaines, plus qu’improbables. Il dit par exemple : « à la question 350+10, Aurélie, 17 ans, répond 370 et n’en démord pas » ou encore « à la question orale, tu as 16 ans, dans un an quel âge auras-tu, une jeune apprentie répond 17. Et dans deux ans ? 18 (en comptant sur ses doigts). Et dans trois ans ? La réponse n’est jamais venue ». Il y a matière à s’inquiéter. On est loin des réflexions exposées par Jean-Paul Delahaye sur son blog concernant la complexité des résultats mathématiques et de leur démonstration.

Tout un art

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Histoires de triangles

Du 21 au 25 avril, pas moins de cinq émissions furent consacrées par France Culture (Pas la peine de crier) … au triangle ! La première concernait les « triangles dans la peinture, les écrits, la pensée de Kandinsky, avec Olga Medvedkova » avant de s’attaquer au triangle à l’école avec
Stella Baruk. Pour les autres (triangle amoureux, triangles bleus), vous chercherez en vain le rapport avec les mathématiques, si ce n’est peut-être dans le triangle comme instrument.

D’autres artistes savent s’inspirer des mathématiques : ainsi le site La Boite Verte relaie les travaux de graphistes jordaniens qui mélangent tableaux célèbres et figures géométriques. S’il est un peintre qui se prête à l’analyse mathématique, c’est peut-être Jackson Pollock. Le blog du coyote s’est intéressé à la dimension fractale de ses tableaux, une étude ayant montré que ces derniers respectaient le « principe d’autosimilarité statistique ». Mieux, « l’analyse a démontré que les premières œuvres ont une dimension fractale supérieure à 1,1 et, à la fin de sa vie, à 1,7 », tandis qu’un tableau de dimension 1,9 avait été jugé « mauvais » par Pollock.

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Ceci n’est pas du Pollock

Mais la géométrie ne concerne pas que les artistes : pour l’Internaute, « La nature a le compas dans l’œil ». Un billet compile en effet des constructions géométriques « 100 % naturelles » : ruches d’abeille, racines d’arbre, désert de sel et autres toiles d’araignées ! Plus moderne, le jeu vidéo est aussi féru de géométrie : ainsi le jeu pour tablettes Monument Valley est décrit par La Presse comme « une expérience
poétique et unique », un voyage dans les formes impossibles « dans l’esprit revisité des œuvres de M. C. Escher » dont on peut voir un extrait sur le
site officiel. Enfin, le site
Fredzone nous révèle un easter egg mathématique : amusez-vous à taper « Fibonacci » dans
Youtube !

Le lien entre art et maths peut s’apprendre dès l’école. Deux exemples sont fournis par Nord-Éclair : des écoliers de Lambersart ont « fait de l’art avec des maths », un moyen ludique de « s’approprier les chiffres ».
D’après La Voix du Nord, les collégiens de Maubeuge ont monté avec l’aide de la compagnie L’Île logique une « pièce de théâtre avec un contenu mathématique ». Une initiative relayée par l’émission 100% mag de M6 (à 26 min 15). On pourra aussi admirer sur Dailymotion une vidéo des élèves
du collège de Saint-Herblain dessinant des figures géométriques dans leur cour de récréation.
À part ça, Michèle Audin explore en détail les interactions entre mathématiques et littérature dans une conférence diffusée par Lille1tv.

Parutions

Pour rester dans le thème, la revue littéraire québécoise Moebius propose un numéro consacré aux mathématiques. L’introduction de Normand Baillargeon, qui a coordonné le numéro, est disponible en ligne : il y rappelle des ponts existant entre deux domaines apparemment si distincts — mais on a déjà vu plus haut qu’il n’en est rien grâce à Michèle Audin.

À propos de ponts, on pourra s’attarder sur ceux que bâtissent quatorze jeunes chercheurs, étudiants en thèse de mathématiques, de physique ou de sciences de la matière dont l’Université de Bourgogne a fait le portrait. Ce qui est remarquable, c’est le nombre de sujets de thèse qui sont à la frontière entre mathématiques et physique et, même pour ceux qui relèvent des sciences appliquées, leur haut degré de mathématisation.

Pour revenir à la littérature — pour les jeunes — signalons avec un retard incompréhensible la sortie de L’affaire Olympia : les secrets mathématiques de T. Folifou de Mickaël Launay (voir aussi sa chaîne), que relève ce mois-ci SF Mag.

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Un instant, je compte les spirales …

Les liens entre les mathématiques et la nature ne cessent d’interpeller. Roland Bacher, un chercheur en théorie des nombres de l’université Joseph Fourrier, a publié il y a un an un article qui permet de mieux comprendre pourquoi le nombre d’or ou les termes de la suite de Fibonacci interviennent en phyllotaxie. Dans son numéro de mai La Recherche s’en fait l’écho dans la rubrique actualités sous le titre « Les graines du tournesol alignées dans l’espace hyperbolique ».

L’Europe, terre de science. Dans le même numéro Jean-Pierre Bourguignon, le nouveau président de l’ERC, le jeune conseil européen de la recherche, répond sans détour aux questions de Marie-Laure Théodule.
L’occasion de découvrir quelques rouages de la recherche européenne et ses spécificités.
Jean-Pierre Bourguignon promet de tout faire pour défendre au sein de la machine bruxelloise « les deux pièces de l’édifice : l’indépendance et la démarche scientifique ». Et il réfléchit déjà « à ce que pourrait devenir l’ERC après 2020, voire à encore plus long terme ».

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Spidron-man

Dans le numéro de mai de Pour la Science, Jean-Paul Delahaye nous invite à découvrir les Spidrons pliables à l’infini. « Il est étonnant que l’on invente encore de nouvelles formes géométriques simples » nous explique l’auteur. Les Spidrons ont été imaginés il y a une quarantaine d’années par un artiste hongrois, Dániel Erdély, un élève d’Ernő Rubik, l’inventeur du Rubik’s Cube. Il forma par la suite un groupe de recherche autour du Spidron. « Cette aventure montre une fois encore que l’univers mathématique, malgré son apparente difficulté, est ouvert à tous et que même des amateurs peuvent y dénicher de petites merveilles que les professionnels ne voient pas ! »

Pour finir

Beaucoup de hasard ce mois. De la loterie d’abord : le site Tirage-Euromillions nous explique comment on recherche d’éventuels fraudeurs, en utilisant des techniques statistiques ; on imagine que le lecteur s’attendant à ce qu’on lui propose la martingale gagnant à coup sûr sera un peu déçu. Peut-être même que le journaliste n’a pas tout compris, quand il écrit que « l’analyse de la loterie se fait sous l’angle de deux grandes théories mathématiques : la théorie des probabilités et la loi des grands nombres ». Mais si ce même lecteur consulte Gentside, il lira qu’un mathématicien fou (sic) a trouvé le moyen infaillible pour gagner au loto ; c’était en 1992 et pourtant, le mathématicien est depuis mort dans la misère : les lois du hasard sont décidément implacables.

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Machine à calculer π

Encore du hasard : l’aiguille de Buffon est un procédé qui consiste à calculer une approximation du nombre $\pi$ en lançant de nombreuses fois une aiguille sur un parquet [9]. Mais cela fonctionne somme toute fort lentement. Eh bien, comme le rapporte le coyote, on peut faire plus rapide en se servant d’un fusil (en l’occurrence un Mossberg 500) dont les plombs se répartissent aléatoirement. En tirant 200 fois, le résultat n’est pas trop mal. Cette expérience a été faite aux États-Unis, où il est probablement plus facile qu’ailleurs de se procurer le matériel nécessaire.

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Serpents et échelles

Comme chaque fois, un peu de numérologie : le chiffre (ou le nombre) préféré des humains serait 7, d’après une enquête de Slate. C’est discutable : en Chine c’est 8, et les Chinois sont nombreux. Jouons encore : El Jjdx propose une très belle étude probabiliste [10] du jeu Serpents et échelles, originellement appelé Mokshû Patamû (pensez au jeu de l’Oie si vous ne le connaissez pas) : en combien de coups peut-on espérer arriver au but ? La réponse dans le billet précité.

Post-scriptum :

S’il y avait un 31/4, on pourrait célébrer un $\pi$ day à la française !

Article édité par Sylvie Benzoni

Notes

[1Le pire métier du monde étant celui du bûcheron

[2Nous vous en avions parlé ici.

[3Nous en parlions ici.

[4Un sujet qui intéresse le journal décidément, voir cette précédente revue de presse.

[5Paru dans le New Scientist.

[6Plusieurs versions de cette conférence sont à visionner sur la toile, par exemple sur le site de l’Académie des Sciences.

[7à voir par exemple sur le site de l’Université de Strasbourg.

[8On pourra lire cet article plus détaillé à propos de ce tour de force et cet autre très HoTT sur les prolongements étonnants de la démarche de certification de preuve.

[9Étonnant, non ? Oui, mais classique comme la musique de l’époque.

[10Plus précisément, il s’agit de processus de Markov.

Commentaire sur l'article

  • Revue de presse avril 2014

    le 1er mai 2014 à 21:19, par verdurin

    Pour le jour de pi, on peut prendre le 22/7.

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  • Revue de presse avril 2014

    le 1er mai 2014 à 22:32, par Jean-Paul Allouche

    Deux remarques sur cette revue de presse riche et intéressante (comme toujours). D’abord sur les big data et leurs dangers, un article à signaler.
    Ensuite, je vois que les auteurs écrivent : « sur le site d’INRIA ». Ils ont donc obtempéré au diktat de l’INRIA suivant lequel il faudrait dire maintenant « INRIA » sans article [sic]. Il semble que peu de gens aient remarqué que cette mode ridicule (qui fait aussi que dans les trains ---et non sur les trains comme disent certains agents--- on entend :
    « SNCF [re-sic] vous informe que le train 2633 est sans arrêt de Paris à Montluçon ») est en fait la copie servile de l’usage en anglais...

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    • Revue de presse avril 2014

      le 2 mai 2014 à 16:08, par Christophe Boilley

      HEC, EDF, MATh.en.JEANS, Images des Mathématiques et tant d’autres s’énoncent sans article, à ma connaissance sans que l’anglais y soit pour quoi que ce soit. Que dire d’Internet, couramment sans article en français mais avec un article en anglais ? Faudrait-il croire que l’Académie défende une « copie servile de l’anglais » ?

      Tout changement de dénomination est forcément un peu perturbant. Certaines personnes de ma connaissance continuent à parler de France Télécom, FR3, des PTT ou même de P&T, sans que cela les afflige davantage qu’une expression surannée. L’analogie avec le Traité de Versailles me semble difficile à soutenir.

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      • Revue de presse avril 2014

        le 20 octobre 2017 à 16:07, par georgette

        Sauf que, à bien y regarder, les choses - comme souvent en matière d’écriture - sont un peu plus subtiles que cela. Les cas que mentionne Jean-Paul ont cette particularité d’être des dénominations dont le premier mot désigne le type d’établissement ou d’organisme : un institut (l’INRIA), une société (la SNCF), et c’est la raison pour laquelle notre langue choisit de conserver l’article dans la phrase qui comporte le sigle, comme elle le ferait si la dénomination y était déroulée en entier.

        Dès lors, la règle est simple et, qui plus est, logique :
        - si vous écrivez « un chercheur de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique a obtenu le prix Turing », vous écrirez également : « un chercheur de l’INRIA a obtenu le prix Turing » ;
        - si vous écrivez « le président d’Électricité de France jette l’éponge », vous écrivez « le président d’EDF jette l’éponge ».

        Écririez-vous « il a été reçu au concours d’ÉNA » comme on doit écrire « il a été reçu au concours d’HÉC » ? bien sûr que non.

        Comment ne pas voir dans cette usage forcé une n-ième manie des services marketing - particulièrement serviles en effet, question franglais, perpétuellement en quête de fausse nouveauté ? Au mieux, cela relève de la naïveté, au pire d’une complicité coupable... et ridicule.

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  • Revue de presse avril 2014

    le 2 mai 2014 à 16:25, par Jean-Paul Allouche

    Il ne s’agit pas d’une expression utilisée depuis toujours mais d’un changement soudain et non justifié (on a toujours dit l’INRIA depuis que l’IRIA est devenu l’INRIA) et on a toujours dit la SNCF jusqu’à récemment. Non justifié ? voire. Il s’agit de traiter le mot INRIA comme un mot et plus comme un acronyme de manière à oublier la significations des initiales. Le CNRS va peut-être suivre cette « mode » non innocente : il n’est pas inintéressant de lire les explications données lors du changement de logo du CNRS ; on lit en effet ici une phrase lumineuse :

    « Attention, le nouveau logotype n’utilise plus le développé “centre national de la recherche scientifique”. De ce fait, l’explication de l’acronyme ne peut et ne doit plus être associée au logotype d’aucune manière ».

    On ne doit donc plus « entendre » les mots centre et national. De même on ne doit plus entendre national, infomatique, automatique... Ce qui poursuit un but double : vider ces initiales de leur signification, et sacrifier au globbish en n’étant plus capable de traduire at INRIA autrement que chez INRIA, alors qu’en bon français on a toujours dit à l’INRIA. Un peu comme ces Français qui mettent sur leurs CV qu’ils ont un PhD, alors que non seulement il n’y a pas de PhD en France, mais encore que la plupart ignorent la signification originelle de ces trois lettres.

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    • Revue de presse avril 2014

      le 20 octobre 2017 à 17:22, par Jean-Paul Allouche

      PS le lien donné ci-dessus pour le logo du CNRS étant « brisé », voir le nouvel accès ici.

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  • Revue de presse avril 2014

    le 31 mai 2014 à 11:51, par Jean-Paul Allouche

    Post-scriptum : dans Libération du 30 mai 2014, on trouve un article intitulé « Washington fait payer sa géopolitique à BNP » (sic). Quousque tandem abutere Catilina... Encore pour une autre banque (LCL) on peut comprendre le désir de se démarquer d’un nom devenu infamant, mais là ? Heureusement on peut lire à la même date dans La Nouvelle République du Centre-Ouest « Washington réclame 10 milliards de dollars à la BNP, le titre chute ».

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