Revue de presse décembre 2018

Le 1er décembre 2018  - Ecrit par  L’équipe Actualités Voir les commentaires (1)

Un tapis de feuilles mortes pour marquer la fin de l’automne météorologique ? Non, vous avez sous les yeux un gros plan sur la peau d’une roussette, dont on pourrait expliquer la formation grâce aux idées de Turing. Beaucoup de modèles et de critiques de modèles ce mois-ci, ce qui rappelle que la cohérence d’un modèle mathématique n’en assure pas la validité tant qu’il n’est pas confronté au réel. On trouvera aussi des questions aiguës sur l’enseignement, des initiatives de diffusion et notamment un très joli projet pour le mois de #Noethember, et une large variété de parutions passionnantes, sans oublier un problème de combinatoire qui avance grâce à un⋅e inconnu⋅e qui aime les mangas et un auteur de SF.

Recherche, modélisation, applications

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Un étalon en fin de vie

Le grand K, ce vieil étalon du kilogramme, sera remisé au musée à partir de mai 2019 et remplacé par la constante de Planck. France Culture et 20 minutes (et d’autres) expliquent pourquoi ce changement invisible pour presque tout le monde est devenu nécessaire à cause des variations incompréhensibles de l’étalon du pavillon de Breteuil et des besoins croissants de précision des nanotechnologies, et possible grâce aux progrès conceptuels de la science au XXe siècle.

Après les grands primates et les corbeaux, c’est au tour des pachydermes de passer sous la loupe des éthologues mathématophiles. Fredzone, citant un article en anglais de Phys.org, nous permet de découvrir qu’ils ont non seulement une mémoire d’éléphant, mais aussi de bonnes capacités de calcul. Faute de pouvoir faire entrer un éléphant dans un appareil à IRM, il a fallu utiliser une tablette de taille adaptée pour sa trompe.

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Denticules cutanés de requin

Les requins, eux, ne font pas encore de calculs, mais une équipe de Sheffield vient de modéliser leur peau par les règles de morphogenèse de Turing et Sciences et Avenir explique que cela rend bien compte de la forme des denticules sur leur peau.

Si la modélisation vous intéresse, sans doute étiez-vous à Mayotte mi-novembre, pour participer au premier colloque de ce petit bout de France dans l’océan Indien, pour lequel Cédric Villani et l’inspecteur général Charles Torossian ont fait le déplacement. Le Journal de Mayotte vous fait revivre l’événement. Le thème du colloque organisé en l’honneur du Professeur Hamidou Touré à Ouagadougou, rapporté par Le Faso, n’était pas si éloigné.

Cela dit, le scepticisme face aux modèles est un thème récurrent du mois. Dans Sciences et avenir, Giuseppe Longo note que les mathématiques sont « une façon naturelle pour parler de la nature physique », et que « les algorithmes sont une suite d’instructions qui aide à modéliser le réel » mais rappelle que ce ne sont pas les seules approches et qu’elles ont des limites. En bref, « l’identification de l’algorithme au monde réel est une erreur. »

Dans un registre plus spécialisé, Didier Raoult exprime dans Le Point ses doutes face à « la peur de la résistance aux antibiotiques », une analyse « purement spéculative et basée sur des modèles mathématiques » non confirmée par « les données réelles ». D’après les études qu’il cite, il n’est pas possible d’établir une « corrélation directe entre la consommation d’antibiotiques et la résistance aux antibiotiques ».

Un peu dans la même veine, l’économiste et anthropologue Paul Jorion publie dans L’Écho une tribune (reprise dans Le Monde), dans laquelle il remet en cause les formules appliquées par les banques pour accorder des crédits, arguant qu’elles servent, sous couvert de « scientificité », à appliquer des politiques « fondées en réalité sur d’autres critères ».

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Trader : un métier très informatisé

De la banque à la finance : d’après Mathieu Rosenbaum, interrogé par Business Insider, le métier de trader a connu trois révolutions en une vingtaine d’années : « une révolution quantitative ; un phénomène d’électronisation des échanges ; une fragmentation des marchés ». Quand les analystes financiers d’hier faisaient appel au « feeling », ceux d’aujourd’hui font un métier beaucoup plus technique, fondé sur les modèles mathématiques et l’informatique – et moins bien payé...

Pour finir la rubrique, voici une histoire savoureuse rapportée par Numerama. Les fans de la série d’animation Haruhi Suzumiya l’ont vue en trois versions dans lesquelles les épisodes étaient arrangés différemment. Ils se sont demandé combien il fallait regarder d’épisodes au minimum pour les voir consécutivement dans tous les ordres possibles. Par exemple, s’il y avait deux épisodes, il faudrait en regarder au moins trois, dans l’ordre 121 ou 212, pour avoir les deux permutations 12 et 21 ; avec trois épisodes, il faudrait au moins neuf épisodes, arrangés par exemple dans l’ordre 123121321, pour voir les six permutations 123, 231, 312, 213, 132 et 321. C’est un problème connu sous le nom de superpermutation (en). Il se trouve que la meilleure minoration connue (« estimation par en-dessous ») se trouve dans une contribution anonyme de 2011 sur le forum 4chan, remise au goût du jour ce mois-ci par Jay Pantone, et que la meilleure majoration connue a été trouvée par l’auteur de science-fiction Greg Egan (dont les livres font une large part à l’informatique et aux mathématiques).

Intelligence artificielle

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Cathy O’Neil

L’intelligence artificielle (IA), qui repose sur des méthodes d’optimisation, de statistique et d’une grande puissance de calcul, est un thème d’actualité avec de nombreuses applications. Emmanuel Macron voulait que la France se hisse à la pointe du domaine et souhaitait créer des instituts interdisciplinaires d’IA de recherche et de formation. Les Échos détaillent l’annonce des quatre sites présélectionnés pour les accueillir : Grenoble, Nice, Paris et Toulouse. En Afrique, on investit également dans le domaine : Le Point indique qu’un « master africain en intelligence des machines » est lancé à Kigali, « en partenariat avec Facebook et Google ».

Cathy O’Neil est une mathématicienne et scientifique des données connue pour son livre Weapons of Math Destruction dans lequel elle met en garde contre le big data, qui renforce les inégalités et menace la démocratie. Le livre est sorti en 2016 en anglais et Libération interviewe l’auteure à l’occasion de la sortie du livre en français sous le titre Algorithmes : la bombe à retardement. Pour plus de recensions de ce livre, voir plus bas.

Enseignement

La formation par la recherche, c’était le credo de Pierre Duchet, mathématicien mort le 27 octobre dernier, quelques mois seulement avant les trente ans de « Math en Jeans », l’association qu’il avait créée avec Pierre Audin et qui est devenue un des acteurs majeurs de la diffusion des mathématiques auprès des jeunes. Images des mathématiques lui a rendu hommage, ainsi que l’association Math en Jeans, sur son site et sur Facebook.
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Dans le sillage des IREM, qui avaient construit les premiers ponts entre chercheurs et enseignants du secondaire et du primaire, Pierre Duchet avait voulu qu’il y ait aussi des activités associant directement chercheurs et élèves. Incarnée par les ateliers Math en Jeans, cette idée, devenue aujourd’hui banale et incontournable, était alors révolutionnaire. Ajoutons que toutes celles et tous ceux qui ont eu la chance de côtoyer Pierre Duchet savent quel homme extraordinairement attachant il était.

L’actualité est là pour nous rappeler la vitalité de Math en Jeans. Un des principes de ses ateliers est le jumelage de deux établissements, dont les élèves échangent leurs réflexions et leurs pistes de recherche sur le problème commun qui leur est proposé par un chercheur. Et le jumelage ne connaît point de frontières : le site actu.fr nous décrit celui qui associe le lycée Louis Vicat, de Souillac, à un établissement de Varsovie. Preuve, s’il en fallait, que Math en Jeans permet aux élèves de sortir du Lot...

Math en Jeans, voilà une innovation pédagogique digne de ce nom ! On nous permettra de la préférer aux invocations incantatoires de l’intégration des outils numériques à l’enseignement. Le site québécois École branchée nous offre dans ce domaine un hymne à la programmation et au numérique (et, au passage, à Facebook...), qui serait plus convaincant s’il était illustré d’exemples concrets d’activités en classe.

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Einstein à trois ans coloriait-il ses tables d’addition ?

Beaucoup plus classiques, mais présentées par France Net Infos comme « des nouveautés qui vont améliorer l’apprentissage », les « fiches Larousse » ne nous paraissent pas non plus être le summum de l’innovation ! Ces fiches « à détacher et à conserver » comportent par exemple les tables d’addition et de multiplication. Que n’y avait-on pensé plus tôt ! « Associer un nombre à une image », « colorier en vert si le résultat est égal à 3 + 9 », et bien sûr « s’amuser en apprenant » : voilà entre autres ce qui devrait, selon France Net Infos, « sollicite[r] l’attention des enfants d’une façon plus productive qu’une leçon classique ».

Il y a cependant des endroits où l’innovation pédagogique n’a pas (encore ?) produit tous ses bienfaits. Ainsi, le site suisse Arcinfo évoque un « échec massif lors d’un test de math des Écoles techniques neuchâteloises », sans toutefois en fournir d’explication.

L’Éducation nationale avait plutôt hésité jusqu’ici à imposer un langage de programmation pour les enseignements comportant de l’informatique. Cela va changer avec l’apparition d’un enseignement d’informatique à part entière dans les futurs programmes de l’enseignement secondaire. Le site Programmez ! nous indique que Python est en passe de devenir le langage officiel.

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Un outil d’équité en guise de bienvenue

Sous le titre parfaitement hypocrite « Bienvenue en France », le Premier ministre, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères ont présenté leur « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux ». Au sein d’une liste d’objectifs tous plus louables les uns que les autres, ils ont glissé en catimini une mesure scandaleuse : l’augmentation massive (allant jusqu’à une multiplication par 16) des droits d’inscription dans les établissements d’enseignement supérieur français pour les étudiants extra-européens. Ils osent écrire que ces « frais d’inscription différenciés » (on appréciera la langue de bois) « apporteront plus d’équité » ! La promesse « de démultiplier les exonérations et de tripler les bourses » ne trompera personne sur les conséquences dévastatrices de la décision du gouvernement. Ce changement radical dans notre politique éducative est annoncé et commenté dans de nombreux médias, notamment Le Monde (l’intégralité de l’article est ici), L’Humanité, Europe 1, RFI, le site maghrébin du Huffington Post. De leur côté, Les Échos préfèrent insister, témoignages à l’appui, sur la médiocrité de l’accueil actuellement réservé aux étudiants étrangers en France, justifiant ainsi le plan d’ensemble adopté par le gouvernement. Quant au Parisien, il aborde la question de l’augmentation générale des frais d’inscription, que beaucoup voient se profiler à court terme, la mesure concernant les extra-européens n’étant selon eux que la première étape.
Quoi qu’il en soit, l’annonce du gouvernement provoque naturellement, et heureusement, un tollé général. De (trop ?) nombreuses pétitions circulent et recueillent déjà un nombre impressionnant de signatures. Mediapart en publie une, le Huffington Post Maghreb une autre (on notera que cette dernière, qui comptait 36000 signatures lors de la publication de l’article du Huffington Post le 22 novembre, approche des 245000 en ce 1er décembre).
Le Quotidien du Médecin évoque le « tollé des carabins » à propos de cette augmentation des frais d’inscription.
Même la Conférence des présidents d’université (CPU), d’ordinaire peu encline à la critique des décisions gouvernementales, laisse transparaître son embarras dans un texte emberlificoté, alors qu’il y a seulement quelques mois, elle « s’étonn[ait] et regrett[ait] que le ministère ait décidé de baisser les droits d’inscription pour les diplômes nationaux » ! D’ailleurs, certains présidents d’université demandent explicitement au gouvernement de revoir sa copie. C’est le cas, nous dit France Info, de celui de l’université de Poitiers.

À noter enfin une longue analyse sur ce sujet publiée par Paul Cassia sur son blog de Médiapart.

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Entre 12 et 16 ans, Einstein a appris en autodidacte le calcul différentiel et intégral

La réforme du lycée revient sur le devant de la scène. On assiste depuis quelques jours à des mouvements de lycéens et d’enseignants. Ouest-France évoque la mobilisation dans un lycée professionnel de Vitré (Ille-et-Vilaine), Le Journal de Saône-et-Loire décrit la situation en Bresse, Le Dauphiné fait état d’une grève de lycéens dans l’Isère, dirigée à la fois contre la réforme du bac et contre ParcourSup. Les futurs programmes des classes de seconde et de première, qui viennent d’être mis en consultation par le ministère, continuent de susciter interrogations et inquiétudes (voir notre revue de presse de novembre). Le Monde leur consacre un article détaillé, où l’on apprend notamment que les mathématiques ont fait l’objet de nombreuses critiques dont le ministre annonce qu’il sera tenu compte. Elles portent en particulier sur l’absence totale des mathématiques dans le tronc commun de la classe de première, et plus globalement sur le déséquilibre évident entre humanités et sciences, au détriment de ces dernières. Sur toutes ces réformes, on trouvera un dossier sur le site du SNES-FSU, principal syndicat des enseignants du secondaire.

L’utilité d’une formation de tous aux premiers secours (on en est loin en France) est illustrée par cette information rapportée par Le Figaro étudiant : un professeur de mathématiques, victime d’une crise cardiaque pendant un cours, a pu être sauvé grâce à l’intervention de deux de ses élèves.

À l’étranger

À l’étranger non plus, l’enseignement des mathématiques ne va pas de soi. ÉcoActu indique qu’au Maroc, un « programme pilote sera déployé à partir du 15 novembre prochain et durera un mois » grâce à un accord avec le fabricant de calculatrices Casio. Pas sûr que cela suffise « pour rehausser l’enseignement des maths », comme le souhaite Médias 24... L’annonce est reprise par LesEco. En Algérie, El Moudjahid se fait l’écho de la ministre de l’Éducation nationale qui regrette que « seulement 3,46 % des élèves, toutes spécialités confondues, s’intéressent aux mathématiques » et « adopte une stratégie nationale qui promeut les mathématiques »

Radio Canada fait état d’un projet de loi du gouvernement ontarien pour que « les étudiants en enseignement réussissent un test de mathématiques avant d’obtenir leurs diplômes ». Le projet semble encore assez vague mais il suggère quelque inquiétude sur les compétences mathématiques des enseignants.

Médiation scientifique

Grand public

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Magie : cliquez sur cette grille, fixez-la et vous verrez apparaître un rhinocéros

Pour l’aspect à la fois ludique et fascinant des maths, mais aussi pour le plaisir du jeu de mots, on aime à parler de « mathémagiques ». La Dépêche salue ainsi les nombreuses activités de popularisation entreprises par le « mathémagicien » Dominique Souder, qui dévoile les secrets de ses tours de magie mathématiques à l’occasion de la Fête de la science dans le Tarn-et-Garonne. Outre-Atlantique, une conférence de Frédéric Gourdeau à Rivière-du-Loup au Québec mêle aussi maths et magie, relate Infodimanche. Futura Sciences interviewe Hervé Lehning, spécialiste de vulgarisation mathématique, qui parle de maths dans la vie de tous les jours et réfléchit à la beauté artistique que revêt cette discipline.

Pour la Fête de la science, les jeux mathématiques sont aussi à l’honneur à la Réunion, entre autres ateliers, comme l’annonce Clicanoo.

Vous cherchez une idée de sortie à Paris ce weekend ? Jusqu’au 21 décembre à l’Institut Henri-Poincaré, l’exposition Gaston Darboux propose un parcours historique et scientifique dans la vie et l’œuvre passionnantes de ce mathémat(g ?)icien de la Belle Époque. En revanche, il faudra patienter encore un peu pour aller jouer à Abak à la Maison des mathématiques, dont l’ouverture est prévue en 2020. Ouest France s’enthousiasme de l’entrée de ce jeu de stratégie conçu en Sarthe dans la collection du futur musée des maths.

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Un graphe

Si vous préférez rester bien au chaud chez vous, asseyez-vous confortablement et commencez par vous remuer les méninges en résolvant cette sélection d’énigmes publiée par La Recherche ! Continuez en lisant cet article de The Conversation qui vous propose une introduction à la théorie des graphes, facile à lire et riche d’exemples d’applications. Enfin, vous pourrez fermer les yeux pour écouter les podcasts mathématiques du mois : dans la Méthode Scientifique sur France Culture, un court reportage sur l’action de l’association MATh.en.JEANS dans un collège, et une série d’entretiens avec Cédric Villani, baptisée Binôme et publiée par le groupe Challenges, qui aborde le thème à la mode de l’intelligence artificielle sous cinq angles : la recherche, de l’éthique, l’environnement, le genre et l’industrie.

Médiation à l’école

Les initiatives de diffusion mathématique en milieu scolaire nous emmènent ce mois-ci aux quatre coins du monde. Notre tour d’horizon commence dans la Sarthe, où un grand rallye mathématique a rassemblé plus de 19 400 collégien⋅ne⋅s selon le Maine Libre, autour d’exercices ludiques permettant d’appréhender l’utilisation des maths dans des situations concrètes. Rendez-vous en juin prochain pour la finale !

Les mathématiques « concrètes » ont aussi la cote à Brest, où le Télégramme rapporte la visite dans une classe de CM2 de la rectrice de l’académie de Bretagne, pour observer les résultats positifs des méthodes nouvelles mises en place dans le cadre du projet pour l’acquisition des compétences par les élèves en mathématiques (Pacem).

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Au départ de la Route du rhum

Le Télégramme met ensuite le cap sur Saint-Malo, où se tenait le 4 novembre le départ de la Route du Rhum, course de voiliers en solitaire qui relie la cité corsaire à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Selon l’article, les deux villes sont aussi reliées par le partenariat de deux classes de cinquième, qui échangent depuis des mois énigmes et jeux mathématiques par correspondance. Les jeunes Malouin⋅e⋅s ont confié au skipper Maxime Sorel le soin d’apporter à leurs homologues d’outre-mer un drapeau de leur ville.

Traversons les océans pour nous rendre à Mayotte où Cédric Villani donnait une conférence sur la modélisation, résumée par le Journal de Mayotte. Avec son éclectisme habituel, le mathématicien illustre la variété et la complexité du concept de modélisation en passant, entre autres exemples, du sonar de la chauve-souris aux avions de la Seconde Guerre mondiale.

Pour finir notre voyage, quittons la France pour féliciter avec le Top de l’information togolaise, Joëlle Akou-Edi, la lauréate des olympiades de mathématiques du Togo. Non loin de là, l’Agence ivoirienne de presse relate l’organisation d’un concours de maths destiné à remotiver les élèves dans un lycée de Côte-d’Ivoire.

Citons pour conclure la nouvelle application Geogebra Calcul formel conseillée par AndroidPit, qui vous permet enfin de tracer des courbes et de dériver des fonctions sur votre smartphone pendant que vous attendez le bus — et qui, trêve de sarcasmes, représente aussi un bon outil pédagogique potentiel...

À l’honneur

Joseph Fourier est toujours à l’honneur, l’année des 250 ans de sa naissance. L’Institut Fourier de Grenoble le fêtait avec le lancement de l’exposition qui lui est dédiée. C’est aussi l’âge de la méthode d’Euler et Stéphane Cordier la célèbre dans ce post de blog.

Sur Twitter, pour le centième anniversaire de l’article fondateur d’Emmy Noether sur la théorie des invariants, qualifié de « monument de la pensée humaine » par Albert Einstein, le mois de novembre a été dédié à la mathématicienne. Sous le mot-dièse #Noethember, les twittos étaient invités par Constanza Rojas-Molina et le site Aperiodical invite à partager leurs dessins sur chaque thème journalier.Naissance d'Emmy Noether {JPEG} On trouve une première liste des dessins sur la vie de la « mère de l’algèbre moderne » et une collection de tous les dessins devraient bientôt venir.

La vie et l’œuvre du mathématicien anglais Alan Turing continuent d’inspirer les artistes. C’est un pionnier de l’informatique théorique – précurseur des ordinateurs – et le personnage clé dans le décodage de la machine Enigma utilisée par l’Allemagne nazie pour coder ses messages secrets. La fin de sa vie tourne au tragique. Il est condamné à la castration chimique pour homosexualité et finit par mettre fin à ses jours en absorbant du cyanure. Il a été réhabilité et reconnu héros de guerre par la Grande-Bretagne en 2013. Une pièce de théâtre, La machine de Turing, avec Benoît Solès et Amaury de Crayencour, lui rend hommage. France 3 interviewe les deux comédiens.

L’Institut Henri Poincaré a fêté ses 90 ans dans une journée spéciale le 14 novembre à Paris. De grands travaux vont avoir lieu pour agrandir l’Institut et le transformer radicalement. On peut les découvrir sur le site et voter pour le nom du nouvel espace public qui ouvrira en 2021 au sein de l’IHP.

Le site Yabiladi.com revient dans un podcast sur le parcours exceptionnel de Rachid Guerraoui, Marocain né à Rabat, actuellement professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, et qui a donné récemment sa leçon inaugurale au Collège de France, où il est lauréat de la chaire d’informatique et sciences du numérique. Il est aussi l’auteur d’un livre, Ainsi parlaient Lahcen et Lhoucein publié en 2016 dans lequel, il expose son regard sur son pays natal.

Très inspiré par les mathématiciens de sa ville, le site grenoblois Place Gre’net loue Yves Colin de Verdière pour la médaille Émile Picard et Vincent Lafforgue, qui a été évoqué dans la dernière revue de presse et cet article.

Parutions

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Bonne année mathématique !

Le nouveau calendrier mathématique vous permettra de franchir agréablement le cap de 2019. Vous pourrez augmenter votre provision de défis (et tenir peut être jusqu’à l’an prochain), découvrir quelques aspects du monde de l’aléatoire à travers douze textes concoctés par Ségolen Geffray (à qui l’on doit aussi la co-production de l’exposition « Comme par hasard » présentée jusqu’en juin 2019 à la Maison des mathématiques et de l’informatique de Lyon) et Claire Coiffard. Vous allez adorer !

L’aventure du Calendrier mathématique – Un défi quotidien a commencé au Mexique en 2002 et a tout de suite rencontré un franc succès (voir Calendario matemático 2003. La version française existe depuis 2014 (avec une interruption en 2018).

Vous retrouverez bien sûr dans La Recherche la chronique mathématique de Roger Mansuy. Il nous parle d’une géométrie d’ombres et de lumières. Partant de la couverture du livre Gödel, Escher, Bach : les brins d’une guirlande éternelle, qui présente « un solide biscornu éclairé par trois faisceaux lumineux perpendiculaires et les trois ombres portées qui forment les lettres G, E, B, initiales du titre », il se pose des questions géométriques délicates : « peut-on obtenir n’importe quelles ombres ? Peut-on en fixer plus que trois en éclairant selon d’autres axes ? Peut-on construire un solide dont les ombres selon différents axes seront par exemple les lettres de votre nom ou les profils de vos différents amis ? ». Ces questions sont une invitation à voir ou revoir l’exposition « Sous la surface, les maths » actuellement présentée au musée des Arts et Métiers.

Dans Pour la Science, Jean-Paul Delahaye se demande, lui : Faut-il adopter l’avis de ses voisins ?. C’est une promenade autour d’un « problème en apparence élémentaire des “dynamiques majoritaires” [qui] agite les mathématiciens depuis bientôt quarante ans ».

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Un hommage à Einstein – vraiment ?

Du côté des livres, Le Violon d’Einstein retiendra l’attention de ceux qui s’intéressent à l’histoire des idées. Albert Einstein, Georg Cantor et Kurt Gödel ont, chacun de son côté, révolutionné notre vision du temps, de l’infini ou de la matière. Yann Verdo, journaliste aux Échos, imagine un échange très personnel avec ces scientifiques d’exception.

Yoon Ha Lee est un écrivain d’origine coréenne. Son premier roman, [Le Gambit du renard] a remporté le prix Locus du premier roman et été finaliste des prix Hugo et Nebula. Porté par deux personnages dans le même esprit, Le Gambit du renard ne manque pas de profondeur. Le ton général est grave car l’histoire repose sur des faits militaires, un contexte dans lequel Yoon Ha Lee invite les mathématiques. Elles servent à manipuler les foules, à asseoir un système répressif ne souffrant pas de déviations. L’humain est bien peu de choses dans ce roman, il peut être sacrifié pour des intérêts supérieurs dont la trahison semble le remède à tous les maux. Mystérieux, original et exigeant, ce premier roman très réussi plaira aux amateurs de space opera ou plus généralement de science-fiction.

Certains aspects des mathématiques inquièteraient-ils donc de plus en plus ? La traduction du livre de la mathématicienne Cathy O’Neil, Weapons of Math Destruction, qui est sortie en novembre en version française sous le titre Algorithmes : la bombe à retardement semble bien le confirmer quand on lit les nombreux articles qui en parlent : « Les algorithmes exacerbent les inégalités » pour Le Monde, « Les algorithmes, potentielles armes de destruction mathématiques » dans Les Échos, « Les armes de destruction mathématique : comment les algorithmes renforcent nos préjugés » pour L’Express, « les maths discriminatoires » pour Québec Science, « faut-il avoir peur des algorithmes ? » pour RTS, etc.

Le prix Tangente du livre existe depuis 2009. Il a pour objectif de récompenser un livre grand public sur les mathématiques « donnant envie au lecteur d’en savoir plus ». La rédaction a sélectionné douze livres parmi lesquels les lecteurs de Tangente en ont choisi cinq. il s’agit de :

Un jury a sélectionné le vainqueur et décerné une ou deux mentions. Les résultats seront disponibles à partir du dimanche 2 décembre, très bientôt donc... À suivre !

Bien sûr en ce moment on regarde quels livres offrir. Le choix parmi les dernières parutions n’est pas facile, ce serait encore plus difficile de proposer une liste exhaustive. Citons néanmoins l’ouvrage de Leslie Valiant Probablement approximativement correct – Les algorithmes de la nature pour apprendre à vivre et prospérer dans un monde complexe, traduit de l’anglais par Ivan Lavallée chez Cassini. L’original, Probably approximately correct : Nature’s Algorithms for Learning and Prospering in a Complex World, est sorti en 2014.
« D’un océan d’explications et de contributions, plein de redites, émerge à l’occasion un ouvrage véritablement original et ambitieux : c’est le cas de celui de Leslie Valiant, qui rêve de comprendre l’intelligence en général, sa mystérieuse émergence et son étonnante efficacité », nous dit Cédric Villani dans sa préface. Un livre qui se laisse facilement dévorer par un esprit curieux.

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Napoléon en Egypte, Fourier est dans l’expédition

Les deux cent cinquante ans de Fourier donnent l’occasion de (re)découvrir Fourier créateur de la physique-mathématique de Jean Dhombres. Celui-ci a collaboré avec Emmanuel Marie et Emmanuel Cerisier pour une BD très grand public intitulée Les oscillations de Joseph Fourier. « Une page de présentation, trois pages de BD et deux pages de documentation pour chacun des dix chapitres coordonnés par des chercheurs de l’Institut Joseph Fourier de Grenoble » nous dit Florilège. Une manière originale et agréable de découvrir un grand savant.

Ne terminons pas l’année sans saluer la naissance d’un nouvel éditeur scientifique (c’est rare), les éditions Nitens, et la sortie de son premier ouvrage : Mathématiques et mathématiciens de et sur Godfrey Harold Hardy. Il s’agit d’une nouvelle traduction par Alexandre Moreau du célèbre A Mathematician’s Apology écrit en 1940 par Hardy pour tenter de justifier sa vie de mathématicien : le travail qu’un homme accomplit au cours de sa vie mérite-t-il d’être fait, et pourquoi le fait-il ?
L’ouvrage est complété par de nombreux textes de Hardy, en particulier sur l’enseignement des mathématiques, ainsi que des textes de contemporains sur Hardy. Les textes complémentaires occupent environ les deux tiers du volume. « Exception faite d’une poignée de pages (un septième de l’ensemble), le contenu n’exige aucune connaissance mathématique et s’adresse donc à un large public. » Le cadeau de Noël idéal ? Souhaitons un large succès à Nitens...

Du côté des ressources pédagogiques, l’association Paestel lance la plateforme Mat’les ressources, « journal scientifique avec comité de relecture pour gérer un contenu riche et de qualité en mathématiques ». L’idée est de proposer des cours et exercices corrigés, originaux, intéressants et entièrement gratuits, du niveau collège jusqu’au master 2, pour promouvoir notamment une ouverture sociale des mathématiques en milieu scolaire. N’hésitez pas à y contribuer, chères lectrices et chers lecteurs !

Art

La Dépêche nous rappelle grâce à un atelier organisé par Fermat Sciences et animé par « François Buret, maçon et tailleur de pierre », que les techniques d’architecture les plus anciennes sont l’occasion de montrer que la géométrie est toujours indispensable dans notre monde.

Bernar Venet a construit des œuvres monumentales où ces techniques sont utilisées mais, après la rétrospective évoquée le mois dernier, ce sont « [ses] années conceptuelles 1966-1976 » que culturebox nous invite à aller découvrir au musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice : « Chiffres, équations et plans... un langage scientifique recopié sur des grandes toiles blanches, pour enlever toute la subjectivité qui existe généralement dans les œuvres d’art. » La démarche a de quoi surprendre.

Article édité par Jérôme Germoni

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  • Revue de presse décembre 2018

    le 1er décembre 2018 à 11:47, par orion8

    « absence totale des mathématiques dans le tronc commun de la classe de première » c’est effectivement incompréhensible. Certains de mes élèves de seconde, à profil dit « littéraire », s’en plaignent déjà. On pourrait envisager 1h30 par semaine en première et terminale, sur le modèle des « maths-info » de 1°L jadis.

    D’autre part, le programme de « spé maths » de 1ère est plus difficile que l’actuel programme de 1°S. Il va y avoir de nombreux désenchantements, et abandons en fin de première... On dirait que tout cela a été conçu dans le but de compenser la difficulté de recrutement des professeurs de mathématiques...

    Enfin, le programme de seconde, déjà lourd pour des élèves ayant eu un collège allégé, a été alourdi l’année dernière par la programmation Python, et sera encore alourdi l’année prochaine par la réintégration de certaines notions qui avaient été supprimées...

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