Revue de presse décembre 2022

Le 1er janvier 2023  - Ecrit par  L’équipe Actualités Voir les commentaires

Pour ce dernier mois de l’année 2022, nous nous réjouissons de progrès de la recherche sur la conjecture des pavages périodiques, et sur le biais dans les sommes de Gauss cubiques notamment.

Du côté des applications, il sera question encore des récents progrès de l’intelligence artificielle, mais aussi d’un usage médical plutôt inattendu du gömböc, ce solide homogène à une seule position d’équilibre stable.

Sur le plan national, les délibérations pour tenter de réparer les effets délétères avérés de la réforme de l’enseignement des mathématiques au lycée piétinent, et l’on continue à tirer des conclusions des récentes Assises des mathématiques.

Très bonne lecture et excellente année 2023.

Recherche

Dans un premier article sur son blog, suivi d’un deuxième deux mois plus tard, Terence Tao annonçait avoir trouvé, avec sa coautrice Rachel Greenfeld, un contre-exemple aux conjectures de pavage périodique discret et continu. L’information est reprise dans le Pandaily et dans Quanta Magazine (tous les articles sont en anglais). Ces conjectures stipulent que tout pavage de l’espace à $d$ dimensions est périodique. Lorsque $d=1$ ce résultat est bien connu, et dans le cas discret il s’agit d’une conséquence du lemme des tiroirs comme observé par Newman en 1977 (le cas continu a été obtenu par Lagarias et Wang en 1996). Le cas $d=2$ continu a été démontré pour des pavages à une tuile par Siddharta Battacharya, tandis que si deux tuiles sont autorisées, le pavage de Penrose est un exemple de pavage apériodique du plan.

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Un exemple de pavage apériodique à deux tuiles : le pavage de Penrose

L’approche des mathématicien·ne·s est constructive et utilise un programme pour lequel chaque commande traduit une propriété du pavage désiré. Il en résulte une grille d’entiers naturels avec un nombre infini de lignes et un nombre fini de colonnes, un puzzle de Sudoku $p$-adique. Pour $p$ assez grand (très grand), Greenfeld et Tao ont montré que ce type de puzzle admet uniquement des solutions apériodiques.

Quand l’intelligence artificielle ouvre la voie pour trouver de nouveaux algorithmes de multiplication matricielle, plus rapides que les précédents, cela permet une approche complémentaire des méthodes déjà existantes, pour des résultats qui pourraient être de véritables révolutions, explique un nouvel article de Quanta magazine (nous évoquions la percée de Deepmind dans notre revue de presse d’octobre). L’occasion de revenir sur des algorithmes plus ou moins connus et leur subtilité. Attention toutefois : l’article est en anglais et les exemples sont écrits pour des lecteur·ice·s anglophones, habitué·e·s à multiplier les matrices de droite à gauche et non de gauche à droite comme c’est le cas en France, ce qui peut induire en erreur celles et ceux qui souhaiteraient refaire les calculs.

Des matrices qui s’avèrent être un outil précieux dans les dernières avancées sur un problème datant de plusieurs siècles : combien d’entiers sont la somme de deux cubes rationnels (et peut-on les caractériser) ? Un article de Quanta Magazine (en anglais) revient sur de récents travaux qui fournissent un intervalle de possibilités pour ce nombre. L’idée consiste à associer à chaque entier une matrice 4-dimensionnelle $2 \times 2 \times 2 \times 2$, si l’entier concerné n’est pas la somme de deux nombres rationnels élevés au cube, la matrice n’existe pas.

Le comportement particulier des puissances cubiques en comparaison avec les autres puissances entières est également discuté dans des articles de SciTechDaily et de Quanta Magazine dédiés à la conjecture de Patterson et à sa récente résolution. Il s’agit d’un résultat sur la distribution des sommes de nombres de la forme $e^{2i\pi n^3/p}$ où p est un nombre premier et n parcourt les entiers d’un intervalle donné. Ces sommes sont appelées sommes de Gauss cubiques. La conjecture estime que si l’on somme les sommes de Gauss cubiques pour des premiers plus petits qu’un nombre $k$ fixé, le résultat ne devrait pas excéder $k^{5/6}$. Notons qu’il était déjà connu qu’après renormalisation les sommes se répartissaient de manière non uniforme entre $-1$ et $1$. Des méthodes informatiques fournissaient par ailleurs une idée de leur répartition depuis les années 1950.

Les questions de distribution d’entiers font l’objet de nombreuses conjectures, dont celle d’Erdős-Turán, démontrée en 1975 par Endre Szemerédi. Ce résultat stipule que tout sous-ensemble qui possède une « haute densité » d’entiers naturels contient des progressions arithmétiques (de la forme $a, a + r, a + 2r, \ldots , a + (k-1)r$, avec $a$ et $r$ des entiers naturels et $k$ un entier qui est la longueur de la suite) arbitrairement longues. Comme expliqué dans l’article dédié de Quanta Magazine la complexité de la preuve proposée a poussé Hillel Furstenberg à chercher une nouvelle démonstration de ce théorème (qu’il a publiée deux ans plus tard), et dont la méthode, qui consiste en une approche dite dynamique du problème, trouve un écho tout particulier dans la résolution d’une autre conjecture de Paul Erdős, au sujet des sumsets. L’idée est ici de considérer les ensembles d’entiers non comme des entités fixes mais plutôt comme des états instantanés d’un système dynamique, ce qui permet d’emprunter les outils de théorie ergodique pour résoudre des problèmes de nature a priori combinatoire. Un sumset est un ensemble qui résulte de la somme de deux autres ensembles. Une première conjecture estime que pour tout ensemble qui possède une haute densité d’entiers naturels, il existe d’autres sous-ensembles infinis $\mathrm A$ et $\mathrm B$ tels que l’ensemble de départ contienne le sumset $\mathrm A+ \mathrm B$. De nombreuses questions en découlent, certaines ont déjà trouvé une réponse à l’aide de cette approche ergodique, d’autres sont encore ouvertes et désormais « à portée de main » [1], d’après Terence Tao.

Vie de la recherche

À travers plusieurs témoignages, un article du Monde 🔒 relate les obstacles engendrés par la grossesse pour les jeunes chercheuses. Les difficultés évoquées dans ces entretiens sont nombreuses et liées à la compétitivité toujours croissante dans le milieu académique ainsi qu’aux inégalités de genre qui sont structurelles dans la recherche.

Dans une interview accordée au CNRS, Alain Schuhl fait la promotion de la stratégie de non-cession des droits d’auteurs. Il s’agit pour les chercheurs et chercheuses de ne pas céder les droits d’auteurs de leurs travaux aux éditeurs, mais de les conserver et de mettre leurs travaux en libre accès.

Sur le site de l’Inria on peut lire ce mois-ci un entretien avec Jacques Sainte-Marie sur le programme numérique et environnement. Ce projet, récemment lancé par l’Inria, a pour but d’accompagner les grands projets pilotés par l’institut sur les défis environnementaux, mais aussi de réfléchir aux impacts du numérique sur l’environnement.

Applications

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Gömböc
Le gömböc est un exemple d’objet géométrique mono-monostatique, convexe et homogène.

La rubrique applications de ce mois commence par une nouvelle notable pour les mathématiques théoriques « En tant que mathématicien, vous n’imaginez pas que ce que vous avez prouvé de façon théorique puisse avoir une utilité pour administrer de l’insuline ou un vaccin » déclare Gábor Domokos. Un article de Science et Vie🔒 explique en effet comment une forme géométrique, le gömböc, [2] se met au service de nouvelles techniques d’injections médicales par voies mucosales. L’idée est de créer une pilule qui, une fois ingérée, injectera son contenu directement dans la paroi de l’estomac. Le prototype se compose d’une petite aiguille maintenue à l’aide d’un ressort, l’ensemble du dispositif est figé dans une pièce de sucre et le tout est enrobé d’une capsule protectrice afin d’éviter qu’enzymes digestifs et acidité gastrique ne dénaturent le principe actif. Une fois dans l’estomac, le ressort est libéré par les liquides gastriques, poussant ainsi la seringue, avant qu’un second mécanisme rétracte l’aiguille, permettant à la capsule d’être évacuée sans risque, comme un aliment. Encore faut-il que la seringue atteigne sa cible : la paroi stomacale.

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Si on n’a pas observé de gömböc dans la nature jusqu’à présent, certaines tortues semblent s’en inspirer pour la forme de leur carapace.

C’est ici que la géométrie rentre en jeu : quelle que soit la position dans laquelle la capsule se trouve après ingestion elle doit pouvoir se redresser pour que l’aiguille soit en position verticale. Cette propriété est précisément satisfaite par un gömböc qui rejoint son unique position d’équilibre stable à la moindre perturbation.

À l’heure où tous les projecteurs sont braqués sur les progrès de l’intelligence artificielle (cf. plus bas, et plus généralement le contenu de cette rubrique chaque mois), il reste encore beaucoup à comprendre sur l’intelligence « naturelle » et les mécanismes du cerveau. Wired (article en anglais) décrit les découvertes récentes à ce sujet d’une équipe du MIT, qui a tâché de comprendre comment notre cerveau peut prévoir l’arrêt d’une séquence mouvement avec une précision redoutable, à la manière d’un sportif qui s’arrête soudainement en pleine course pour attraper une balle. Fascinante surprise : il ne s’agit pas d’un simple signal nerveux, mais plutôt de la mesure de l’intervalle de temps entre deux signaux, ce que l’équipe assimile à une forme primitive de « dérivation » ou d’analyse mathématique.

Mais revenons à ce qui passionne la presse : l’intelligence artificielle et la science des données. Au-delà des prouesses du chatbot ChatGPT, analysées dans un court article de Libération (abonné·es), et d’un exemple classique d’exploitation de données pour aider la justice et les assureurs à fixer le montant des indemnisations dans The Conversation, on notera cet article de Quanta (en anglais) proposant une réflexion de fond sur le problème de l’ « alignement » entre ce que l’on demande de faire à une IA et ce que l’on souhaite réellement qu’elle accomplisse. Exemple extrême donné dans l’article : si l’on demande « maximise la production de trombones » de notre usine à une IA omnisciente et omnipotente, elle va mobiliser toutes les ressources disponibles sur Terre pour maximiser cette production, conduisant l’humanité à sa perte. La machine a exécuté l’ordre, qui ne représentait pas fidèlement ce que l’humain voulait en réalité. Bien que caricaturale, cette expérience de pensée représente bien l’épineux problème que pose le manque de « valeurs morales » des intelligences artificielles, et la difficulté à les leur apprendre au même titre que d’autres compétences — sans doute car il s’agit, même pour les êtres humains, d’un problème terriblement « mal posé » au sens mathématique du terme.

Pour finir sur une note plus légère, deux clins d’œil à l’actualité. Football d’abord : le Monde évoque, dans une chronique consacrée aux différentes générations de supporters français, l’opposition entre des fans de foot « littéraires » qui se fient à leurs émotions, et d’autres « mathématiciens » qui voudraient tout expliquer et prédire par les sacro-saintes données. Dans quel camp vous situez-vous ?

Une fois la coupe du monde terminée, il est temps de passer au marronnier suivant : Noël et la distribution de cadeaux. The Conversation (article en anglais) propose une étude numérique à la sauce théorie des jeux d’un jeu de cadeaux à la popularité croissante (quoique peut-être davantage outre-Atlantique), dans lequel les participant·e·s ont la possibilité de dérober un cadeau déjà offert à quelqu’un d’autre au lieu d’en prendre un dans la pile de cadeaux emballés — il convient dès lors d’élaborer une stratégie pour repartir avec le meilleur présent possible. Joyeux Noël !

À l’honneur

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Bleu hyperbolique
par Rémi Coulon, Sabetta Matsumoto, Henry Segerman et Steve Trettel

Les votes pour le concours La preuve par l’image organisé par le CNRS en partenariat avec l’Acfas sont clos ! Dans la rubrique parutions de la revue de presse du mois de septembre nous vous avions présenté les deux images mathématiques lauréates, Bleu hyperbolique (qui a reçu l’un des deux Grands prix du jury) et L’infini trouve toujours son chemin que nous avions choisi pour illustrer la revue de presse. La revue Sciences & Avenir est revenue sur « les plus belles images scientifiques […] de 2022 », et c’est finalement La face cachée de la cellule proposée par deux chercheur·ses du centre d’immunologie de Marseille-Luminy qui a remporté le prix du public. Les vingt images lauréates, avec une courte description des recherches associées et l’explication de la technique utilisée pour obtenir l’image, sont à retrouver sur le site du concours.
On trouve aussi ce mois dans Le Monde un article sur l’autre Grand prix du jury, L’œil du cyclope veille, avec une mention lapidaire du travail de Rémi Coulon, Sabetta Matsumoto, Henry Segerman et Steve Trettel, « une image mathématique créée par ordinateur ».

Le tout récent médaillé Fields Hugo Duminil-Copin, que l’on retrouve tous les mois dans les médias depuis le mois de juillet, a reçu en décembre le Grand Prix des Personnalités de l’année 2022 de L’Express, l’un des cinq prix décernés par le journal à des personnalités aussi diverses que Valérie Masson-Delmotte ou Salman Rushdie. Le journal lui a donc dédié un portrait🔒, qui n’est pas un énième portrait rabâchant les mêmes faits. On y trouve par exemple une réflexion sur les « petits incidents de parcours » du chercheur qui lui ont permis de prendre un peu de recul, semble-t-il, au sein de ce système éducatif français tout de même très élitiste et un poil rouleau-compresseur, qui ne permet pas toujours aux jeunes adultes de réfléchir à ce qu’ils voudraient ou aiment faire. Le chercheur fait honneur aux maths, en rappelant que « Le raisonnement mathématique ne se résume pas à une suite de chiffres posés sur un tableau ou écrits sur un écran. […] C’est une activité infiniment créatrice, comme un architecte imaginerait une maison : on part d’une idée grossière, avec des lignes directrices. Puis on passe par des étapes de précisions supplémentaires jusqu’à arrêter définitivement notre raisonnement. » Une petite réflexion sur les obligations morales qui viennent avec une médaille Fields conclut ce portrait bien ficelé. Le tout accompagné d’une comparaison filée entre le mathématicien et Alain Souchon !

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Après la Lady Gaga des maths, l’Alain Souchon des maths ?
Alain Souchon aux Vieilles Charrues en 2010

La chercheuse Barbara Dembin, qui travaille aussi sur la percolation et appartient à la même communauté mathématique qu’Hugo Duminil-Copin, a reçu en juillet l’un des deux prix SwissMAP Innovator, décerné tous les ans à des chercheur·ses en thèse ou en post-doc pour des « réalisations scientifiques importantes ». L’École Polytechnique Fédérale de Zürich a publié sur son site un portrait (en anglais) de la jeune chercheuse fin novembre. Celle-ci revient sur sa pratique des mathématiques, sur son parcours et sur son ressenti en tant que femme, ou encore sur les points communs entre la cuisine et les maths !

Enseignement

Remathématisation ou démathématisation ?

La « démathématisation » de la France. Ce mot compliqué à prononcer est utilisé par Les Échos🔒 pour illustrer un problème mis en avant depuis quelques années maintenant. Le désintérêt des élèves face aux mathématiques, le manque d’enseignant·e·s toujours plus important et la récente réforme du lycée n’arrangent rien. Pourtant comme le souligne très justement l’article mentionné précédemment : « Les mathématiques sont partout » et même elles sont « omniprésentes dans la nature ». Même si l’importance de savoir calculer n’est plus à démontrer, il ne faut pas sous-estimer l’importance d’avoir un bon esprit logique. Savoir prendre du recul par rapport à ses raisonnements ou avoir un regard critique sur des données sont des compétences primordiales dans le monde actuel. Celles-ci sont en grande partie acquises grâce aux mathématiques. Ces quelques justifications pourraient être suffisantes pour répondre à cette question du Figaro🔒 : « Devons-nous tous être bons en maths ? ». Le débat de cet article concerne le retour des mathématiques dans le tronc commun au lycée. Néanmoins la bonne question à se poser devrait être « À quel point devons-nous être bons en maths ? ». Celles et ceux qui voudront se diriger vers des carrières orientées sur les sciences auront besoin d’un bon bagage tandis que d’autres auront besoin de moins. Toutefois nous serons toutes et tous d’accord pour dire que n’importe qui aura toujours besoin d’une bonne base afin d’avoir un minimum d’esprit critique et une logique développée.

Mais alors en cette fin d’année 2023, quels sont les points importants à noter qui vont en ce sens ? Tout d’abord, sur le plan financier comme le mentionne cet article du Café Pédagogique : « Deux décrets […] annoncent des transferts de fonds concernant l’éducation ». Un peu plus loin nous pouvons lire que « 23 millions sont prélevés […] pour les cordées de la réussite et des mesures en faveur des néobacheliers (dont 3 pour le privé). Un autre décret transfert 83 millions à l’Éducation nationale […] ». Ce sont toujours de bonnes nouvelles à entendre, mais il va falloir attendre de voir si cela sera suffisant.

Ensuite, sur le plan pratique cet article du Parisien étudiant relaie une annonce de Sylvie Retailleau, l’actuelle ministre de l’Enseignement supérieur, concernant une simplification des inscriptions en Master. En effet une plateforme unique dans le style de Parcoursup va être mise en place pour effectuer ces candidatures. Même si on pourrait être dubitatif au premier abord en repensant à l’arrivée chaotique de Parcoursup en 2018, nous avons de bonnes raisons de croire que ça se passera mieux cette fois-ci. Effectivement comme le mentionne l’article : « Jusqu’ici les aspirants à ce diplôme devaient […] postuler sur le site de chacune des facs visées. Procédure longue et d’autant plus complexe qu’il fallait jongler entre des calendriers et des procédures différentes ». Cette annonce date de septembre dernier, mais ladite plateforme devrait faire son apparition courant février 2023. Nous aurons donc très sûrement plus d’informations à vous donner lors de la prochaine Revue de Presse !

Enfin, notons qu’Eduscol a mis à jour début décembre les repères annuels de progression et les attendus de fins d’année pour « permettre aux équipes pédagogiques de mener un enseignement rigoureux, explicite et progressif à l’école élémentaire et au collège ». Ces repères sont importants et complètent les programmes de mathématiques et de français. Ils permettent notamment de donner un objectif commun à atteindre en termes de compétences à la fin du collège.

Mais c’est bien connu, les bonnes nouvelles ne viennent jamais sans les mauvaises, surtout quand on parle d’enseignement des mathématiques en France. Cet article de La Tribune évoque le souhait de l’État quant à la fin de l’utilisation des logiciels affiliés à Microsoft et Google à l’école. Selon lui, ceux-ci seraient en contradiction avec le respect du RGPD (règlement général sur la protection des données). Pourtant certains outils comme Excel sont très utilisés par les enseignant·e·s de mathématiques. Leur ergonomie n’est plus à prouver et au final ce sont les logiciels les plus couramment utilisés dans la vie quotidienne. Le bon côté des choses est que les entreprises françaises qui travaillent dans ce domaine seront certainement privilégiées à l’avenir. Une bonne occasion de mettre une nouvelle fois en avant le Made In France !

Baisse du nombre d’enseignant·e·s

Nous l’avons déjà évoqué dans de précédentes Revues de Presse : le manque d’enseignant·e·s, surtout en mathématiques, est alarmant depuis quelques années. À en juger selon certains articles la situation n’a pas l’air de s’améliorer, au contraire. Comme nous pouvons le lire dans le Figaro étudiant, le nombre de candidat·e·s aux concours d’enseignants est si bas que l’Éducation nationale a prolongé de 2 semaines la période d’inscription. En 2022 plus de 4.000 postes (public et privé confondus) n’avaient pas été pourvus et sur le podium nous retrouvons les mathématiques. Il semblerait qu’à la rentrée 2023 ce bien triste record sera battu. Deux causes majeures pour expliquer cela sont relevées dans l’article : « les concours d’enseignants sont loin de faire le plein, conséquence d’une réforme de leur organisation mais surtout d’une crise d’attractivité du métier ».

À chaque fois que nous abordons ce sujet ici, la question naturelle que nous nous posons est : « comment le gouvernement prévoit-il d’y remédier ? » La principale réforme mise en avant pour la rentrée prochaine concerne la suppression de 2.000 postes d’enseignant·e·s. C’est ce que nous pouvons constater dans ces articles des Échos et du Monde. Dans le détail il est question de 1.500 postes dans le public (1.000 dans le primaire et 500 dans le secondaire) et 500 dans le privé. Cette réforme a l’air en contradiction totale avec le manque cruel d’enseignant·e·s constaté, mais le ministère de l’Éducation nationale assure que c’est simplement lié à une baisse démographique. Cette tendance n’est pas nouvelle et comme mentionné dans l’article des Échos : « En septembre dernier, les écoles publiques ont perdu près de 50.000 élèves. Ils seront encore 64.000 de moins à la rentrée prochaine ». Édouard Geffray, le directeur général de l’enseignement scolaire, en rajoute une couche : « Ils sont sans commune mesure avec la simple baisse démographique. Si on avait appliqué une règle de trois entre la baisse du nombre d’élèves et celle du nombre de professeurs, 5.000 postes auraient été supprimés au lieu de 2.000 ». À l’entendre nous devons presque remercier le Ministère pour sa grande clémence ! Ces annonces sont inquiétantes pour l’avenir et comme le mentionnent certains syndicats dans l’article du Monde : « cette carte scolaire tourne le dos aux enjeux et aux besoins réels du service public d’éducation pour réduire les inégalités scolaires ». Selon eux « il faudrait profiter de la baisse démographique pour répondre aux besoins des élèves et du service public d’éducation ».

Des initiatives remarquables

Terminons cette rubrique sur une bonne note. Nous avons relevé des articles concernant diverses innovations pour faciliter ou rendre plus ludique l’apprentissage des mathématiques. Déjà, du côté des collèges où intéresser les élèves (et pas que pour les mathématiques) est de plus en plus difficile, certaines initiatives sont notables. Dans La voix du Nord, le collège Bayard dans l’académie de Lille est mis à l’honneur. Début décembre, un laboratoire de mathématiques a été inauguré par la rectrice. Son objectif est de « répondre aux défis actuels de l’enseignement des mathématiques en connectant cette discipline aux autres sciences et de manière générale aux autres disciplines ». Il est de plus en plus fréquent de voir des collèges mettre en place ce genre de dispositif et la pratique a montré que cela fonctionne. Comme dit dans l’article, il faut « permettre aux élèves d’avoir un autre regard sur l’enseignement scientifique et technique ». Dans la même démarche, cet article de Ouest France note que le collège René-Cassin en Mayenne a adhéré au projet « Notre école, faisons-la ensemble » de l’Education nationale. Un programme que nous saluons qui a permis à cet établissement de mettre en place un « Projet maths français en classe 6e ». Une nouvelle fois grâce à un projet pluridisciplinaire : « les maths sont abordées de manière ludique via des jeux ».

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Le jeu d’awalé

D’ailleurs en parlant de jeu, cet article de La République Centre relaie « un jeu pour les férus de mathématiques ». Il s’agit d’awalé, un jeu d’origine africaine mêlant réflexion et anticipation. Il n’y a aucune part de hasard et seule une bonne logique mathématique fait la différence ici ! Un concours a même été créé dans un collège d’Orléans et la finale de la 6e édition se déroulera au mois de janvier 2023. Toujours du côté du jeu, mais dans l’académie de Nantes cette fois-ci, un escape game mathématique va voir le jour en 2024. Comme annoncé ici : « En forme pour 2024 est un Escape Game numérique qui permet de réinvestir les apprentissages mathématiques et couvre sur trois niveaux les champs de la numération, de la géométrie, de la mesure, de la résolution de problèmes, du calcul et de la programmation ».

Pour continuer sur le plan du numérique, cet article du Journal du dimanche🔒 présente « une application pour aider les lycéens en difficulté en mathématiques et en français ». Basée sur l’intelligence artificielle, elle devrait permettre aux lycéen·ne·s de rattraper leur retard dans ces deux matières. Ce souhait émis par l’Éducation nationale en 2021 devrait voir le jour en automne 2023.

Finissons sur cet article du Figaro étudiant qui parle du Tescia, un « test national indépendant de l’Éducation nationale ». Cette année les inscriptions sont ouvertes jusqu’à fin février 2023 et les organisateur·rice·s espèrent avoir 3.000 candidats (contre 1.800 l’année dernière). Concrètement il s’agit d’un QCM se déroulant quelques jours après l’épreuve de mathématiques du baccalauréat qui permet principalement de situer son niveau en mathématiques à la fin du lycée. Comme présenté dans l’article : « L’examen national ne permet pas de tester suffisamment certaines capacités comme la rapidité, la réaction aux situations nouvelles ou l’autonomie de calcul. Il nous semblait donc important de créer un test qui permette de mesurer encore mieux le niveau des étudiants ». Cependant il est bien précisé qu’il ne s’agit en aucun cas d’une certification et donc que le Tescia n’est pas reconnu par l’Éducation nationale. Autrement dit, il est possible de mettre en avant les résultats obtenus à ce concours pour postuler sur Parcoursup mais cela sera à l’appréciation de chacun·e de juger de leur intérêt.

Diffusion

Avant de réellement débuter la rubrique Diffusion, arrêtons-nous sur l’appel à contribution lancé par le Café Pédagogique. Ce média associatif est la source la plus riche sur le monde de l’éducation. On peut par exemple mentionner cet article qui nous explique comment le ministère de l’Éducation nationale est en train d’échouer à rafistoler sa propre réforme et en particulier son volet mathématique. Dans cet édito, le Café appelle ses lecteurs et lectrices à adhérer à l’association, et ainsi à soutenir son action sur toujours plus de plateformes (site internet, fil Twitter, page Facebook).

Diffusion et pédagogie

Le principal vecteur de diffusion des mathématiques est l’enseignement, et de nombreuses initiatives locales s’évertuent à renverser le cliché comme quoi l’école nous fait toutes et tous détester les maths. Ce mois-ci, nous en mettons deux à l’honneur.

Premièrement, le Défi Maths, organisé par les équipes du Collège Cousteau à Séné dans le Morbihan. Évoquée dans un article d’Ouest-France, cette initiative a rassemblé le 29 novembre dernier trois classes de CM2 et les élèves de 6e du collège, autour de problèmes mathématiques de leur niveau. Outre de passer un bon moment et de faire des mathématiques différemment, l’objectif était aussi de dédramatiser l’entrée au collège et d’éviter le stress de la rentrée.

Deuxièmement, le laboratoire de la cité scolaire de Montchapet à Dijon. L’idée d’installer des « laboratoires » de mathématiques dans les établissements du secondaire remonte au rapport Villani-Torossian, et on en trouve seize rien que dans l’académie de Dijon ! En décembre 2022, France Bleu Bourgogne s’est donc rendu à la cité scolaire de Montchapet, qui regroupe collégiens et lycéens. Là, dans le cadre du laboratoire, les enseignants innovent et proposent aux élèves des ateliers, des problèmes originaux à résoudre en groupe mélangeant jeunes et encore plus jeunes. Les élèves semblent apprécier !

Diffusion et information

Une bonne diffusion des mathématiques passe par une diffusion des sciences en général. Cette tâche complexe incombe aux journalistes scientifiques, s’exprimant dans des médias spécialisés mais aussi généralistes. La complexité de cette tâche est proportionnelle à la complexité des sujets et des concepts à transmettre, et inversement proportionnelle à la capacité des médias à faire de la place pour ces derniers. Dans cette superbe édition de La Science CQFD sur France Culture, Natacha Triou et ses invitées essaient de répondre à la question : les médias maltraitent-ils les sciences ? À l’origine de ce podcast, cette enquête, qui décrit la place de la connaissance scientifique dans trois journaux nationaux (Le Monde, Le Soir et Le Temps).

Ce rapport s’intéresse en particulier à la diffusion de nos connaissances sur le changement climatique. Cette thématique est peut-être la plus maltraitée par les médias, en raison de son lien avec la politique et la géopolitique. Comment une partie de nos certitudes sur le changement climatique (et en premier lieu son existence même) peut encore aujourd’hui relever de l’opinion ? Cette autre émission de France Culture tente de désigner les coupables, à travers les compétences mathématiques et sociologiques de ses deux invités.

Diffusion et rencontre

Quoi de mieux pour diffuser les mathématiques que d’organiser des rencontres entre mathématicien·nes et non-mathématicien·nes ? Pourrait-on aussi imaginer d’enlever les deux points médians de la phrase précédente et d’organiser ces rencontres en non-mixité féminine ? C’est le pari des Rendez-vous des Jeunes Mathématiciennes et Informaticiennes (RJMI). Il s’agit de week-ends encadrés par les associations Animath et Femmes & Maths, et organisés localement par des étudiant·es dans des universités ou des grandes écoles. Ces week-ends rassemblent une vingtaine de lycéennes motivées à découvrir les mathématiques et l’informatique à travers des conférences, des ateliers, des rencontres avec des chercheuses etc. L’objectif principal est évidemment la déconstruction des clichés et des stéréotypes. Le Télégramme nous en parle dans un article racontant les RJMI organisés à l’École normale supérieure de Rennes cette année. Tous les renseignements (en particulier les événements à venir et le formulaire d’inscription) sont à retrouver sur le site Filles & Maths.

Programme télé

En conclusion de la rubrique Diffusion, un peu de télévision ! Ce dimanche, premier jour de 2023, Arte diffusera un documentaire sur la mathématicienne Maryam Mirzakhani. Première femme et première personne de nationalité iranienne récipiendaire de la médaille Fields (en 2014), elle décède des suites d’un cancer du sein en 2017 à l’âge de 40 ans. Son destin exceptionnel et tragique n’a d’égale que la qualité de ses contributions mathématiques en géométrie et dynamique des espaces de modules de surfaces. On espère que ce documentaire saura lui rendre hommage !

Parutions

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Tablette d’Uruk
Elle emploie un signe pour le zéro de position (seconde moitié du Ier millénaire AC)

Les nombres, le mook trimestriel (janvier-mars) publié par La Recherche, est sorti courant décembre dans les kiosques et les librairies avec une première de couverture qui accroche l’œil. Il a été accueilli avec enthousiasme par Claire Lommé séduite d’emblée par la toile 0 through 9 de Jasper Johns qui introduit le dossier : « Elle représente les dix chiffres, redimensionnés pour s’adapter à la toile, et superposés les uns sur les autres ». Enthousiaste elle poursuit : « Les thèmes traités sont souvent en lien avec ce dont je parle avec mes élèves, et j’ai déjà vu des articles utilisables en classe, dans le dossier ». Ajoutons qu’il ne passionnera pas seulement les enseignants !

Tous mathématiciens, l’éditorial de Philippe Pajot, rédacteur en chef de La Recherche, est clair sur les intentions qui ont présidées la sortie de cette publication. Après la tenue des Assises des Mathématiques mi-novembre, il revient « sur les manques, tant en termes d’enseignement, d’inégalités sociales et de genre, que d’accès aux études », le décrochage du nombre de filles choisissant cette spécialité en terminale et rappelle le constat de Stéphane Jaffard, directeur du projet des Assises des mathématiques : Le nombre de postes d’enseignants-chercheurs en mathématiques proposé chaque année a été divisé par deux entre 2011 et 2020. Une situation inquiétante et plus que jamais d’actualité plus d’une décennie après la sortie de son livre Parcours de mathématiciens.

C’est un épais dossier qui comporte pas moins de seize articles faciles à lire. Avec un équilibre et une variété des sujets abordés qui couvre un large panel de champs disciplinaires, ce livre restera un document de référence d’autant plus que la thématique retenue a toujours attiré la curiosité des petits comme des grands. Elle permet de croiser à la fois les regards de spécialistes de mathématique, de physique, d’informatique, de statistique, mais aussi d’épidémiologie, de neurosciences, de biochimie, de sociologie, d’anthropologie, d’histoire ...
Le lecteur non spécialiste pourra mieux comprendre où se cachent les mathématiques, comment a émergé et évoluée au fil des millénaires la notion de nombre, ce qu’elle recouvre, quelle approche on peut en donner actuellement et ce que l’on en fait. Il apprendra qu’il y a presque autant d’usages des nombres que de types de mathématiciens comme l’affirme David Madore dans l’entretien qu’il a eu avec Philippe Pajot. Il pourra mieux comprendre pourquoi le rôle joué par le numérique est si crucial de nos jours, ce pouvoir des nombres qui envahit tout notre quotidien. Chaque article, et c’est peut être le plus important, donne envie d’en savoir plus, d’aller un peu plus loin, de chercher dans votre librairie préférée un ouvrage de culture mathématique ou scientifique qui vous fera passer d’autres agréables moments.

Comme c’est la règle choisie par la rédaction, la majorité des textes sont signés par des spécialistes qui apportent l’éclairage le plus récent sur leur domaine. Vous pourrez, par exemple, faire une excursion dans l’intimité des nombres premiers avec Cathy Swaenepoel. Ou encore plonger dans les équations diophantiennes avec Cyril Demarche, découvrir l’originalité des mondes p-adiques avec Ramla Abdellatif, retrouver les nombres surréels avec la journaliste scientifique Charlotte Mauger.
Depuis sa fusion avec Sciences et Avenir c’est le premier numéro consacré à un tel sujet. Il fallait donc s’y attarder un peu. Trente et un scientifiques ont participé à sa réalisation et les autres sujets abordés sont tous aussi passionnants. Nous vous laissons le plaisir de les découvrir tranquillement.

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La pseudosphère de la MMI
Réalisée en bois laqué par l’artiste mathématicien Pierre Gallais

Le mensuel Science et Avenir est de son côté beaucoup plus généraliste et, c’est vrai, les articles traitant des mathématiques sont plutôt dans le trimestriel. Il y a cependant chaque mois une rubrique (limitée à 1500 caractères ...) que se partagent alternativement Claire Mathieu, nouvelle titulaire de la chaire Informatique et sciences numériques au Collège de France et Sylvie Benzoni, actuelle directrice de l’Institut Henri Poincaré et ancienne rédactrice en chef de cette revue de presse. En novembre la première parlait de la difficile et complexe prise de parole des chercheurs dans l’espace public lorsqu’ils s’engagent sur des questions autres que celles de leur sujet de recherche. Elle posait à la fois les problèmes soulevés et les enjeux, en apportait un élément de réponse en proposant de faire reposer le discours sur des références.
En décembre la seconde s’intéressait aux liens que tissent arts et mathématique, lorsque l’art touche du doigt l’infini. En quelques secondes le lecteur est transporté dans le monde des Nœuds sauvages de Jean-Michel Othoniel, des Aiguilles de Toshimasa Kikuchi, des pseudosphères en aluminium d’Hiroshi Sugimoto et des impressionnants coraux réalisés au crochet par Christine et Margaret Wertheim. « Au travers de l’émotion esthétique qu’elles suscitent, toutes ces œuvres semblent plus tangibles que les concepts mathématiques qu’elles abritent. Pour autant, elles n’en représentent qu’une forme tronquée. Elles suggèrent l’infini sans pouvoir le montrer tout à fait. À nous alors de l’imaginer » nous dit Sylvie Benzoni.
Il n’est pas rare qu’arts et mathématiques se rencontrent. Justement la pseudosphère avait inspiré l’artiste et mathématicien lyonnais Pierre Gallais qui avait exposé il y a quelques années à la Maison des mathématiques et de l’Informatique un superbe modèle en bois laqué.

Pour la Science, autre acteur incontournable de l’information scientifique francophone, met à la une dans le premier numéro de la nouvelle année l’intelligence. « De nombreux chercheurs, aux confins des neurosciences et de l’informatique, se sont mis en quête des principes susceptibles de former le socle algorithmique commun des intelligences humaine et artificielle » écrit François Lassagne dans l’éditorial.
Nous y apprenons aussi que le Codex Climaci Rescriptus, un manuscrit du Moyen Âge recelait un trésor scientifique, des fragments effacés du premier catalogue d’étoiles d’Hipparque (connu pour avoir découvert la précession des équinoxes) datant du second siècle avant notre ère. L’article d’Emanuel Zingg et Victor Gysembergh narre cette importante découverte dont parlait par ailleurs cet article du CNRS d’octobre dernier.
Chaque mois le magazine publie un article partenaire. En janvier c’est un article d’Omar Fawzi publié dans la revue Interstices de janvier 2021 qui a été retenu pour le plaisir des amateurs de cryptologie. Le titre est devenu La mécanique quantique, clé de la sécurité des échanges et quelques aménagements mineurs différencient les deux textes.
La rubrique récurrente Science & gastronomie est ce mois-ci consacrée au café : « les baristas ont désormais à leur disposition des équations pour guider leur confection des meilleurs expressos ». Dans une tribune de ce site Paul Vigneaux signalait qu’un distributeur australien de café avait choisi « d’invoquer Fibonacci et sa suite en guise de slogan » : Café Fibonacci - Parfait par nature. Et bien, il sera certainement heureux d’apprendre que les secrets d’un bon café ont été enfin percés. Des chercheurs ont réussi à modéliser les différents paramètres (qui parfois défient l’intuition) et à créer un modèle physique de la percolation permettant d’obtenir le plus délicieux café tout en réduisant de 25% la masse de poudre. Pour terminer sa rubrique, Hervé This offre une recette de « Chaptal au café sur vauquelin au café ».

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Pavage de Voderberg

Toujours dans ce mensuel le rendez-vous mathématique de Jean-Paul Delahaye aborde deux questions bien différentes : en quoi consiste principalement l’activité mathématique du mathématicien et comment définir un pavage en spirale. La démonstration rigoureuse qui prouve un résultat ou un théorème n’est pas toujours la partie la plus importante du travail d’un chercheur, loin de là. La créativité, l’élaboration de concepts ou d’objets nouveaux, de nouvelles notations, la modélisation , la mise en évidence de ponts reliant des domaines a priori très différents ne sont pas des activités démonstratives mais cependant cruciales (à un moment ou à un autre) pour faire progresser les mathématiques. Pour étayer son propos, l’auteur cite quelques exemples pris dans l’histoire ancienne ou récente des mathématiques et de l’informatique. Par exemple l’introduction des nombres complexes ou des nombres surréels (revoir par exemple cet article ou celui-ci) « est un travail où la créativité du mathématicien importe plus que sa capacité à démontrer des propriétés difficiles ». Il ajoute que « Les développements de l’informatique ont créé de nombreuses activités mathématiques nouvelles qui ne se réduisent pas à la recherche de démonstrations ».
Le corps de l’article développe un cas où l’enjeu « était simplement de trouver une bonne définition des pavages en spirale », une question pas si simple considérée comme ouverte.
L’article, bien servi par des illustrations nombreuses, fera découvrir à ceux qui ne le connaissent pas le pavage (et son histoire) trouvé en 1936 par le mathématicien Heinz Voderberg (pavage constitué uniquement d’un ensemble d’ennéagones) ainsi que les travaux, plus récents, de Bernhard Klaassen qui a proposé en 2017 une définition d’un pavage en spirale. « Jusque là aucune définition satisfaisante n’avait été donnée » ! Un simple jeu pour mathématiciens ? Jean-Paul Delahaye nous explique que la recherche de la bonne définition est « un travail préalable à l’écriture d’un programme, travail qui indiquera, conformément à ce que notre œil voit, quels sont les pavages qu’il faut considérer en spirale ». Il remarque aussi, en passant, qu’il s’agit d’une activité mathématique qui ne consiste pas en une démonstration...

Pour la Science profite de cette fin d’année pour faire le point sur les dix articles les plus populaires en 2022, les dix articles préférés par les lecteurs du magazine. On y trouve en première place le mécanisme d’Anticythère (dont nous parlions en février) mais aussi les mathématiques des engrenages, l’importance des nombres complexes en physique quantique et les travaux du mathématicien Yitang Zhang qui « affirme aujourd’hui avoir résolu une version faible de la conjecture des zéros de Landau-Siegel, équivalente à la célèbre conjecture de Riemann ».
Quanta Magazine de son côté, jette un coup d’œil dans le rétroviseur et propose un retour sur l’année en mathématiques. « Quatre médailles Fields ont été décernées pour des percées majeures dans les domaines de la géométrie, de la combinatoire, de la physique statistique et de la théorie des nombres, alors même que les mathématiciens continuaient de se débattre avec la façon dont les ordinateurs changeaient la discipline ».

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Pythagore
Détail de l’École d’Athènes de Raphaël, 1509

« Qu’est-ce qui est le plus savant ? Le nombre » enseignait l’école pythagoricienne. En kiosque, vous trouverez dans le dernier numéro de philosophie magazine un article sur le mathématicien que connaissent le mieux les collégien(ne)s : Pythagore. Martin Duru en trace un portrait et explique pourquoi il n’a jamais été autant d’actualité dans ce numéro de Philo-mag. Qui étaient Pythagore et les pythagoriciens ? La réponse est d’autant moins aisée que « les sources sont lacunaires, pour ne pas dire absentes » car il subsiste d’autant plus de zones d’ombre que le personnage et ses disciples restaient discrets. L’intérêt de l’article est qu’il permet un survol rapide de ce que l’on sait de Pythagore et des pythagoriciens.
Si vous voulez ensuite aller un peu plus loin, vous pourrez, par exemple, lire un livre comme Pythagore en Inde de Pierre Brémaud (voir ici).

Rappelons qu’Alain Connes avait déjà publié chez Odile Jacob plusieurs ouvrages non mathématiques : Triangle de pensées (avec André Lichnerowicz et Marcel Paul Schützenberger), une confrontation des points de vue de trois mathématiciens sur les mathématiques et de trois pratiques de cette discipline, Le Théâtre quantique (avec Danye Chéreau et Jacques Dixmier), qui entraine le lecteur dans l’univers magique de la mécanique quantique et Le Spectre d’Atacama (toujours avec Danye Chéreau et Jacques Dixmier), un roman scientifique. Son dernier ouvrage, sorti en mai, À l’ombre de Grothendieck et de Lacan - Un topos sur l’inconscient co-écrit avec le psychiatre et psychanalyste Patrick Gauthier-Lafaye s’écarte nettement des sujets abordés dans ses précédents livres. D’emblée le titre surprend et interroge : comment le concept de topos de Grothendieck et la pensée de Jacques Lacan sur l’inconscient peuvent-ils se rencontrer ? Une réponse émerge au fil de l’émission de RFI de décembre dernier Comment les maths créent des concepts fondamentaux ?. C’est « une rencontre lumineuse entre un mathématicien et un psychanalyste à propos de la vérité et de l’inconscient ». Alain Connes invite les auditeurs « toujours à penser un peu plus loin un peu autrement un peu à côté », à « s’approprier le problème » qu’ils rencontrent, à « créer dans son propre cerveau une image mentale du problème en question mais tout seul, sans se presser et sans avoir cette idée qu’il y a des gens plus doués que d’autres ». On écoute avec plaisir ce grand mathématicien qui sait se mettre à la portée de tout le monde. À la fin il ne reste plus qu’à lire son livre !

Arts et Histoire

Dans un article, la BBC se replonge au cœur du problème des écolières de Thomas Kirkman, énoncé en 1850. « Quinze jeunes écolières se promènent tous les jours de la semaine, du lundi au dimanche, de manière ordonnée, formant cinq rangées de trois écolières chacune. Comment devrions-nous les organiser tous les jours de la semaine pour qu’aucune paire d’écolières ne partage la même file d’attente pendant plus d’une journée ? » La biographie de ce mathématicien anglais en filigrane, la chronologie de ce problème et sa généralisation est rappelée.
El Pais (en anglais) aussi se rappelle d’un mathématicien, Godfrey Harold Hardy mort le 1er décembre 1947. L’occasion de se rappeler son génie notamment en théorie des nombres et de sa collaboration avec Srinivasa Ramanujan.

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Quipu inca

Toujours dans le quotidien espagnol, on a pu lire ce mois-ci un article relatant le dénombrement chez les Incas. Ils utilisaient le quipu, qui en Quechua signifie nœud. Et justement, les quipu sont des cordes où, selon leur place, les nœuds signifient les unités, dizaines ou centaines.

Pour finir

L’INA, qui a manifestement eu vent de nos préoccupations sur l’évolution des compétences mathématiques dans la population générale, ressort un micro-trottoir de 1986 où les français·es sont interrogé·es sur diverses notions. On y apprend avec inquiétude qu’une table de logarithmes doit pouvoir servir à « remplacer deux ou trois musiciens ». Heureusement, on ne se sert plus guère de ces tables de nos jours !

Post-scriptum :

L’équipe de la revue de presse recrute ! Si vous voulez participer, contactez les secrétaires de rédaction d’IdM.

Article édité par L’équipe Actualités

Notes

[1There are other questions involving infinite sets that were considered hopeless before, now within reach.”

[2On dit aussi la gömböc, son nom vient du hongrois (sphère) et il n’y a pas de genre dans cette langue.

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Pour citer cet article :

L’équipe Actualités — «Revue de presse décembre 2022» — Images des Mathématiques, CNRS, 2023

Crédits image :

Image à la une - Un nœud d’Othoniel, photographié par Sylvie Benzoni.
Crédits photo : Sylvie Benzoni
img_26568 - Wikimedia Commons
Après la Lady Gaga des maths, l’Alain Souchon des maths ? - Wikimedia Commons
Bleu hyperbolique - Rémi Coulon, Sabetta Matsumoto, Henry Segerman et Steve Trettel
Tablette d’Uruk - Wikipédia
Pavage de Voderberg - Wikipédia
La pseudosphère de la MMI - R. Goiffon 30/06/2018
Pythagore - Wikipédia
img_26581 - Kuribo, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/license...> , via Wikimedia Commons

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