Revue de presse janvier 2014
Le 1er février 2014 Voir les commentaires
Impossible d’y échapper, une fois de plus ! L’engagement politique à Paris d’un mathématicien mondialement célèbre lui fait à nouveau faire le tour des médias. Mais on entend d’autres voix, d’autres sons de cloche, quand même. S’y ajoutent une rumeur de résolution d’un problème à un million de dollars, et de louables efforts de la presse pour faire connaître l’univers des chercheurs, et des mathématiciens en particulier, en décrivant leurs lieux favoris et des sujets de recherche aussi insolites que fascinants...
Villani fait son cinéma
« Une salle de l’Alhambra pleine, trois grands ballons d’hélium aux slogans “Paris qui ose”,“ municipales 2014” et “Anne Hidalgo”. Au milieu de la scène, un pupitre. » C’est ainsi que le journal Libération plante le décor du lancement du comité de soutien à la candidate socialiste à la mairie de Paris, Anne Hidalgo. Et à ce pupitre, le mathématicien Cédric Villani, directeur de l’Institut Henri Poincaré, médaille Fields 2010 et président de ce comité. « L’enseignement supérieur est imbriqué avec l’animation culturelle, lance le chercheur décrivant les bienfaits de Paris. Un environnement urbain de qualité est inspirant pour le chercheur. »
Nombreux sont les journaux traitant cette information (Le Monde, Le Parisien par exemple). On peut lire entre autres déclarations :
« Je n’ai pas de carte de parti politique et j’ai toujours voulu conserver personnellement une grande liberté de pensée ». Il n’épargne pourtant pas la candidate UMP : « Je n’avais pas d’a priori contre Nathalie Kosciusko-Morizet et son équipe, et j’ai bien sûr cherché à comparer les programmes des deux candidates. Cependant, malgré mes efforts je n’ai pas trouvé de programme à proprement parler chez NKM : sur son site Web, on ne voit que quelques vignettes et slogans assez vagues... le travail de réflexion approfondi n’a visiblement pas été fait. » On peut lire l’intégralité du discours prononcé par C. Villani sur le site du Huffington Post.
À ses côtés dans ce comité, on trouve entre autres les artistes Enrico Macias, Jacques Higelin, Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui, le généticien Axel Kahn, le médecin Willy Rozenbaum, le sociologue Christian Baudelot ou le rugbyman Pascal Papé. Nathalie Rykiel (présidente et directrice artistique de Sonia Rykiel – et auteure d’un manifeste pour « L’Elégance » (éditions Autrement)), dans une interview dans La Voix du Nord, lui fait côtoyer quant à elle, parmi ses « icônes de l’élégance contemporaine », le pâtissier Pierre Hermé, l’étoile Sylvie Guillem, la dessinatrice Claire Bretécher, l’écrivain Emmanuel Carrère, le jardinier Pascal Cribier et la rockeuse Izïa, « des personnages excentriques qui ont un talent fou ».
Plus détonnant encore, l’article du chercheur en neurosciences Alexander Stipanovich sur le site du Huffington Post : il ose en effet la comparaison entre Cédric Villani et les Hell’s Angels. « Qu’ont donc en commun le mathématicien français d’exception [...], lauréat 2010 de la Médaille Fields, et Sonny Barger, fondateur du chapitre des Hell’s Angels Motorcycle Club d’Oakland en Californie en 1957 ? » se demande-t-il. Et de s’enthousiasmer : « ils aiment partir, en actes ou en pensée, à pleine vitesse, fendre l’obscurité, avec la peur dans le rétroviseur, afin de percer les mystères de l’horizon », ou encore : « Des pionniers. Des explorateurs d’un genre nouveau. Villani emportant ses équations à la plage, Barger expliquant ses convictions à coups de poing. Ensemble, ils n’aiment qu’une seule chose : la route, la quête, l’envol. »
« Quand la réalité (scientifique) dépasse la fiction (cinématographique) » : c’est ainsi que l’hebdomadaire Le Point signale une initiative originale, présentée dans ce prochain billet. « Cédric Villani et Jean-Philippe Uzan lancent un ciné-club pour animer des débats entre scientifiques et grand public. » Il s’agit d’un cycle de projections de films, organisé au cinéma Grand Action par l’Institut Henri Poincaré, Univers convergents. Sciences, Fictions, Société. Au programme jusqu’en juin, « des films qui posent des questions éthiques et scientifiques comme Agora, Le voyage fantastique, Bienvenue à Gattaca, Gravity... » Par exemple, dans Bienvenue à Gattaca, « nos descendants peuvent choisir le génotype de leurs enfants, de leurs employés, de leurs amants... À sa sortie en 1998, le film a été classé dans la catégorie science-fiction. Aujourd’hui, avec les découvertes sur le génome humain, on peut se demander si la fiction n’est pas en passe de devenir réalité. Alors, pourquoi ne pas poser directement la question à un biologiste moléculaire ? »
Cheminements
- David Ruelle en marche
- (mais ce n’est pas David Ruelle)
Mais comment ça marche, l’esprit d’un chercheur ? Si des livres récents comme Théorème vivant, dont on a déjà beaucoup parlé, ou Chercheur au quotidien (voir la rubrique Parutions), donnent quelques pistes, Marco Zito revient dans
Le Monde sur une référence
du siècle dernier : Essai sur la psychologie de l’invention dans le domaine mathématique par Jacques Hadamard. Il a selon lui « la vertu de nous rappeler qu’aucune découverte ne se fait uniquement par le biais de la pure logique ni d’un calcul formalisé. » Pour un éclairage à plusieurs cerveaux sur la question de l’émergence d’une idée mathématique, on pourra visionner la vidéo Parlez-nous de mathématiques sur universcience. Sur France Info, c’est Michel Broué qui nous fait partager sa passion des mathématiques (sans oublier d’ailleurs son engagement politique). Car, « au-delà des applications dans la vie quotidienne ou dans la finance, les mathématiques sont aussi, selon Michel Broué, une hygiène de vie ». Et même : « On peut être transporté par une très belle démonstration comme on l’est par un poème. »
Serons-nous transportés par celle de Mukhtarbay Otelbaev ? On constate en tous cas une effervescence inhabituelle [1] depuis que ce mathématicien kazakh affirme avoir résolu le problème de l’existence et l’unicité des solutions fortes de l’équation de Navier-Stokes 3D (avec conditions aux limites périodiques, si vous voulez tout savoir). L’article est paru, en russe, dans le journal kazakh Математический журнал, en accès libre ici. Il va falloir attendre un peu pour savoir si ce problème du millénaire est vraiment résolu. De bonnes volontés s’affairent à traduire l’article en anglais sur GitHub. Et surtout, même si La Voix de la Russie annonce que Mukhtarbay Otelbaev en a « trouvé une solution partielle », « ces résultats doivent être vérifiés par ses collègues mathématiciens. »
Sur TechnoScience, des progrès sont annoncés concernant un autre vieux gros problème, celui de l’écart entre les nombres premiers successifs. Nous vous avons déjà parlé du polymath. Ce projet collaboratif avait permis de montrer qu’il y a une infinité de couples de nombres premiers successifs espacés de moins de 4680 (contre 70 millions d’après les travaux Yitang Zhang).
Le jeune mathématicien James Maynard semble avoir réussi à abaisser cette borne à 600. Il avait déjà fait parler de lui à l’automne ici et là (comme le titre du premier ne l’indique pas, ces deux articles sont en anglais), lorsqu’il avait déposé son article sur le portail ArXiv. Tout le monde a alors en ligne de mire la conjecture des nombres premiers jumeaux, qui fixerait cette borne à 2, mais l’auteur lui-même n’y croit pas. Il pense qu’avec sa méthode « on devrait pouvoir atteindre un écart de 6 », une méthode qui « peut être enseignée dans un cours de troisième cycle » d’après « son directeur de recherche », Andrew Granville.
Il semble que la nouvelle de l’avancée par James Maynard soit partie d’Oberwolfach, « le petit paradis des maths » joliment décrit, en mots et en vidéo par
France 3 Alsace. « Le cadre est magnifique, des bungalows nichés au pied de forêts, de l’espace, des logements pour les visiteurs, une cafétéria, un salon de musique, des salles de conférence, et surtout une prestigieuse bibliothèque consacrée aux mathématiques. » C’est là que « la crème de la crème en matière de recherche mathématique » se retrouve périodiquement. Un lieu d’où est également partie la superbe exposition Imaginary (voir par exemple ce billet), et qui abrite un musée des mathématiques et des minéraux. C’est à voir !
Sujet bien plus sombre, l’affaire Maurice Audin. Si la presse en reparle ce mois-ci, au travers d’une dépêche AFP reprise par L’Express et Le Point, c’est à l’occasion de la sortie d’un livre du journaliste Jean-Charles Deniau, qui prétend donner « La vérité sur la mort de Maurice Audin », « après une enquête menée notamment auprès du général Paul Aussaresses ».
Ces « révélations posthumes d’Aussaresses sur un crime d’Etat » vont « dans le sens de l’hypothèse [2] de l’exécution par le sous-lieutenant Gérard Garcet », selon Nathalie Funès dans Le Nouvel Observateur. Elle rappelle néanmoins que : « Aussaresses a souvent menti par le passé et ses propos ont toujours été sujets à caution ».
En parlant de mensonges : « On dit : il y a trois degrés dans le mensonge : le mensonge simple, le fieffé mensonge et la statistique ; pourtant les statistiques sont souvent utiles, alors que faire ? » Vous en saurez plus en lisant sur le blog La Revue du Projet, un savoureux entretien imaginaire entre mathématiciens. Exemple de piège : ce n’est pas parce que « la fréquentation des églises à Carpentras et la vente des glaces et gaufres au Parc de la Tête d’Or à Lyon sont bien corrélées par rapport aux jours de la semaine » qu’elles ont un lien de cause à effet. Un autre pour se remuer les méninges : après-guerre, « dans chaque région de France, les agriculteurs consommaient plus de pommes de terre que les non agriculteurs et, pour l’ensemble de la France, c’était le contraire. Comment cela était-il possible ? ». Rassurez vous, « le meilleur statisticien, tant qu’il n’y a pas été confronté lui-même, peut tomber dans le panneau ». Lisez donc l’entretien imaginaire.
Étonnant
Oui, étonnant ce « cubli », repéré par le Coyote. Créé à l’aide de gyroscopes, des objets « au comportement quasi mystique », par des scientifiques de l’ETH à Zürich, le cubli illustre quelques principes géométriques liés à la gravité et au mouvement circulaire. Encore du mouvement, avec « cet aéronef miniature et ultra-léger », « premier engin volant capable de vol stationnaire et de se déplacer en l’air en battant des ailes selon un mouvement qui reproduit la nage des méduses ». Oui, vous avez bien lu : ce « robot inspiré d’une méduse », « nage dans l’air » ! L’objet est présenté sur le Huffington Post québécois, ainsi que par le Figaro, vidéos à l’appui.
Deux chercheurs du laboratoire de mathématiques appliquées de l’Université de New York ont donc créé ce minuscule et étonnant objet, ayant la particularité de voler de manière bien plus stable que les « robots qui imitent la libellule ou le colibri ». Reste donc à lui trouver des applications intéressantes et néanmoins non militaires. Autre sorte de nage difficile : celle des spermatozoïdes !
Comparés par Purcell en 1976 à de la natation dans de la mélasse [3], les déplacements des spermatozoïdes inspirent les mathématiciens d’aujourd’hui. Laetitia Giraldi raconte comment sur le blog Mathématiques de la planète terre. Elle précise que la « natation à l’échelle microscopique » est décrite « par des équations dites de Stokes, une version simplifiée des fameuses équations de Navier-Stokes », et soulève le problème de
« la présence de parois autour du fluide ». Si les parois ne semblent pas affecter la mobilité des micro-organismes, on ne s’explique toujours pas « la tendance des micro-organismes à s’agglutiner sur le pourtour de leur milieu ». Les Lyonnais qui veulent en savoir plus peuvent assister à la conférence de François Alouges intitulée Natation, viscosité, coquilles Saint-Jacques et géométrie.
Appliquer les mathématiques à l’humain, donc ? Voici un autre exemple, rapporté par le site 20
minutes suisse : des chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Zurich ont montré comment « déceler la schizophrénie grâce aux maths », en appliquant certains modèles mathématiques à des images cérébrales de patients atteints par cette maladie. Pas de confusion possible : les mathématiciens sont bien ici du côté des médecins, et non des malades !
Les mathématiciens rédigent des textes mathématiques, tout le monde le sait (n’est-ce pas ?), mais dans quelle langue ? En effet, si certains d’entre vous pensent que « la langue importe peu puisqu’il s’agit de formules mises bout à bout », la réalité est tout autre.
Étienne Ghys dévoile « la lingua franca des mathématiciens » (« mais aussi des informaticiens et d’une bonne partie des physiciens ») dans Le Monde Science et Techno : elle s’appelle « TeX (prononcer tekk) » ! Bien sûr, on ne peut pas savoir
si les documents ainsi produits traverseront les âges comme celui dont parle Radio Chine Internationale, « le plus ancien document de mathématiques du pays ». Il a été récemment reconstitué à partir de plus de « 2500 fragments de bandelettes en bambous » et contient une « méthode de multiplication de deux nombres entiers inférieurs à 100 », qui daterait de « plus de 2 200 ans ». Sur le blog Science de Sur-la-Toile et sur celui du Coyote, on apprend que « même si les tables de multiplication les plus vieilles datent de plus de 4000 ans », cette récente découverte est la plus ancienne table utilisant la base décimale.
Dans un tout autre registre, se tient en Belgique une exposition forcément intéressante puisqu’elle s’intitule Art & Math ! Portée par Gisèle De Meur, directrice du laboratoire de recherche en mathématiques et sciences humaines de l’Université Libre de Bruxelles, elle a commencé le 17 janvier et se terminera le 1er mars. Selon le blog Sudinfo, outre les œuvres d’« auteurs et plasticiens de renom », des « artistes en devenir seront également accueillis ». Comme le précise le site RTL Belgique, l’idée est de montrer aux spectateurs à quel point de nombreuses formes d’art « disposent d’un fondement mathématique profond », ce qui est « souvent totalement incompris ou tout simplement invisible aux yeux du public ». Avec « des œuvres de Léonard De Vinci, Albrecht Dürer, Lewis Carroll, Boris Vian ou encore Philippe Geluck ». Avis aux amateurs !
De l’art et des maths encore, d’une manière pour le moins étonnante : la RATP et le CNRS s’associent pendant deux mois ! Les chanceux voyageurs traversant la station de métro Montparnasse-Bienvenüe à Paris pourront en effet découvrir une « fresque géante illustrant “Le monde en équations” ». La collaboration entre ces deux institutions n’est en fait pas nouvelle, l’idée étant pour le CNRS de « rendre accessible au grand public le sens et la portée des recherches actuelles », et pour la RATP d’« enrichir le parcours des voyageurs, les surprendre, les étonner et leur donner une possibilité d’accéder à la culture sous toutes ses formes ».
Force est donc de constater que des « maths, il y en a partout » ! Voici ce que l’on peut, entre autres, entendre dans l’interview en vidéo, lors du salon de l’éducation 2013, de Véronique Chauveau, professeure de mathématiques et vice-présidente de l’association Femmes et mathématiques, sur le site de l’onisep. Elle démontre ainsi « par A+B avec humour que les maths sont passionnantes et faites pour tout le monde »... Alors, étonnant ou non ? À vous de juger !
FUN
Do you wanna have fun ? Il faudrait lire ici FUN, acronyme accrocheur qui désigne l’initiative lancée par la ministre Geneviève Fioraso en Octobre 2013 : France Université Numérique, tout un programme, soutenu par … devinez qui ? Le site internet propose ses premiers MOOCs, ces « Massive Open Online Courses », diffusés en ligne et ouverts au plus grand nombre. Un cours de mathématiques par exemple ? Arithmétique : en route pour la cryptographie. Le Monde propose une courte vidéo expliquant comment profiter de ces cours, qui « ont été pris d’assaut depuis leur lancement sur la plate-forme française F.U.N, le jeudi 16 janvier 2014 », d’après le site Notre temps. L’article détaille également les étapes pour s’inscrire, et évoque d’autres plateformes similaires, francophones et anglophones.
Nous avons déjà évoqué longuement le film Comment j’ai détesté les maths d’Olivier Peyon, sorti le 27 novembre dernier. Le film est toujours à l’affiche çà et là dans les salles obscures, et des projections suivies de débat ont ainsi encore été organisées en ce mois de Janvier. Ce fut par exemple le cas à Clermont-l’Hérault, comme le rapporte Le Midi Libre et à Caen, comme on peut le lire sur le site du Bonhomme libre. Rappelons cependant que ce film ne fait pas l’unité parmi les mathématiciens : en témoigne en particulier ce récent billet d’Étienne Ghys.
Fait pour les jeunes, le logiciel de géométrie Cabri 3D [4] fête ses dix ans. À cette occasion Ludovia Magazine décrit l’historique et les fonctionnalités de cette création française dans un article élogieux. L’auteur évoque l’existence d’ « équipes russes et américaines qui étaient convaincues de pouvoir égaler et dépasser Cabri 3D. En vain ». Sans doute cet article richement illustré manque-t-il un peu de sens critique...
Sinon, une nouvelle Maison pour la Science va prochainement ouvrir ses portes à Bordeaux. C’est annoncé dans le journal Sud-Ouest. Ces établissements ont pour vocation de « diffuser la culture scientifique », et s’adressent spécifiquement aux professeurs des écoles et des collèges. « Nous voulons aider les enseignants à transmettre le goût des sciences » : c’est ainsi que l’objectif est résumé par un codirecteur de la future Maison d’Aquitaine, qui sera la cinquième du type à ouvrir en France.
La queue de la comète
Le feu PISA n’est pas encore tout à fait éteint. On peut par exemple lire sur le site de la Fondation Res Publica, dans un « texte de Daniel Bloch, ancien Président d’université, ancien Recteur, ancien Directeur des enseignements supérieurs », que « les compétences en mathématiques sont simplement proportionnelles aux compétences en compréhension de l’écrit ». Avec un graphique à l’appui que l’on se gardera de reproduire. L’OCDE serait-elle en passe de devenir « un ministère mondial de l’Éducation » ? C’est une suggestion de « Harvey Goldstein, de l’Université de Bristol » sur le site
euronews, dans un article qui nous explique aussi comment font les petits Chinois et les petits Estoniens pour réussir les tests PISA.
- La nouvelle
- © Matthieu Riegler, CC-BY
L’ancienne ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et l’actuelle ministre sont sur le pont. L’une « s’engage contre l’échec scolaire », cette « véritable bombe à retardement dans la société française », et lance une fondation qui « vise à jouer un rôle d’agence de financement pour les initiatives innovantes ». Elle est « en quête de projets réellement innovants » et a réuni « des personnalités de très grande qualité, issues du monde scolaire et de l’enseignement supérieur », dont … « le mathématicien Cédric Villani », bien sûr ! L’autre déplore que « la plupart des universités n’ont pas la culture d’un centre de coûts » et insiste : « si on est autonome, si on gère son budget, on est un centre de coûts et un centre de profits. Il faut qu’elles acquièrent cette culture ». Faudrait-il selon elle « d’autres ressources nouvelles, comme la hausse des droits d’inscription ? ». Réponse qui se passe de commentaires : « Pour l’instant, non. » Laquelle est laquelle de ces ministres ? À vous de le découvrir dans Les Échos et sur le site EducPros.
Parutions
Le Monde Science et Techno nous fait découvrir le dernier livre du physicien Sébastien Balibar,
Chercheur au quotidien, et tente de décrire « ce qui fait courir un chercheur ». Car « Sébastien Balibar court. Tout le temps. ll fait aussi du vélo. Mais il n’est pas sportif de profession. » Il court « après des contrats, après des postes, après des articles, après des collègues ». Au fil du livre, on « fait connaissance avec son instrument de travail, le fameux réfrigérateur qui refroidit à – 273 °C », on visite « la cave sans lumière » et « même son petit bureau de [? [5]] mètres carrés avec un tableau à craie ». Et d’après David Larousserie, « la mécanique littéraire marche finalement aussi bien que dans le best-seller du mathématicien Cédric Villani ». À découvrir donc (on pourra trouver un extrait ici).
Du côté de France Télévisions, c’est « le premier roman réussi » [sic] de la mathématicienne Michèle Audin qui est à l’honneur. Olivier en parlait le
mercredi 22 janvier dans son magazine littéraire Un livre, un jour. « Pourquoi ce titre, « Cent vingt et un jours » ? Parce c’est le nombre de « jours de bonheur » vécus par un des héros, André Silberberg. Le temps d’une histoire d’amour, avant que ce jeune mathématicien prodige de l’université de Strasbourg ne soit emporté dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale », explique Anne Brigaudeau. Elle prévient que le livre est « d’ une construction savante », oulipienne, ce qui n’étonnera pas ceux qui connaissent un peu Michèle Audin. La journaliste mentionne également le précédent livre de Michèle Audin, Une vie brève, qui n’avait rien d’une fiction, malheureusement. Ceci dit, le roman Cent vingt et un jours puise aussi « dans des documents d’époque - archives, journaux, récits, photographies », dont certains font froid dans le dos, comme ces « exercices peu innocents « sur la multiplication et la division » soumis aux écoliers en 1937, dans l’Allemagne nazie » (dont elle parlait ici). En tous cas, la journaliste a été séduite par l’ouvrage : « Un beau travail en mosaïque dont le lecteur sort ému et rêveur. »
Au tour de la presse magazine maintenant.
Au « top 10 des découvertes de l’année », abeilles sauvages, nombres premiers, faux souvenirs … Sous le titre « Réduire l’écart des nombres premiers », La Recherche consacre le travail d’Yitang Zhang publié en mai 2013 dans Annals of Mathematics et dont il a été question à plusieurs reprises ici. L’article se termine avec une brève interview de Timothy Gowers, qui a été le fondateur du projet Polymath évoqué plus haut : « Les mathématiques collaboratives ne nuisent pas à la paternité des idées ».
En février le mensuel consacre un dossier en trois volets à ces « mathématiques qui révolutionnent les images numériques ». Le premier volet, « des images aussi précises avec moins de mesures » s’intéresse à la reconstitution d’images dont on n’a enregistré que quelques pixels. L’acquisition comprimée a déjà reçu des applications en tomographie, en particulier pour l’IRM et la tomodensitométrie, et de nouvelles avancées ne sauraient tarder ! Le second volet, « L’appareil photographique à un seul pixel », annonce la fin de la course aux « pixels » pour nos photocopes … Le troisième volet est une interview d’Emmanuel Candès, un statisticien français professeur à l’Université de Stanford depuis 2009, dont les travaux avec en particulier Terence Tao dans le domaine du « compressed sensing » ont eu un impact considérable pour le traitement de données en grande dimension.
Visualiser des nombres ? La rubrique Logique et calcul du magazine « Pour la Science » nous invite à une nouvelle promenade mathématique, « Figurations de nombres ». Des ensembles de nombres en images, des nombres premiers sur des spirales, des « nombres zébrés » … Les méthodes de visualisation et de représentation imagée de l’information numérique rencontrent un succès grandissant. Nous « sommes loin d’avoir exploité toutes les possibilités de cette méthode, et les nouveaux procédés proposés pour engendrer des images à partir des nombres ». Après nous avoir donné des exemples variés, Jean-Paul Delahaye écrit en conclusion : « Le mathématicien, s’il ne sait pas encore lire sur ces images géométriques, ne peut manquer de se réjouir de voir ses constantes préférées se dévoiler et révéler de nouvelles formes, jusque-là inconnues, de la beauté mathématique. »
Et de belles surfaces ? Justement vous pouvez maintenant, grâce à l’impression 3D, en réaliser (un peu plus facilement) de très belles. Un exemple en est donné en première de couverture du numéro 436 qui fait le point sur ces nouvelles techniques.
Que diriez-vous ensuite d’un petit séjour aux Gambiers, l’un des cinq archipels de Polynésie française ? Toujours dans son dernier numéro, « Pour la Science » nous rappelle que sur l’île de Mangareva, les habitants avaient développé un système de numération unique au monde qui avait trois étapes binaires superposées sur une structure décimale. Vous retrouverez l’article original dans les Proceedings of the National Academy of Sciences de novembre.
Science et Vie fait un point abondamment illustré sur « la révolution fractale » et constate que « rares sont les mathématiciens, comme Xavier Buff et Arnaud Chéritat, à l’Institut de mathématiques de Toulouse à étudier ces structures difficiles à manipuler ».
Pour les « kids » Robin Jamet, alias Magic Maths, propose dans Science et Vie Junior d’apprendre à dessiner des entrelacs. De beaux entrelacs. Ceux qui avaient assisté à l’atelier de Christian Mercat au dernier Salon des Jeux mathématiques du CIJM comme ceux qui n’avaient pas pu venir seront comblés !
Pour finir
Plein de mathématiques cachées partout nous dit-on...
Repéré par le Coyote, un billet sur blogsdemaths commence par un constat bouleversant : 2014 n’a « point de carré » [6]. Mais c’est juste un prétexte que l’auteur saisit pour raconter un peu de théorie des nombres et tordre le cou à une idée fausse sur les intervalles de confiance.
Ailleurs, il s’agit plutôt de numérologie que de mathématiques : ou comment attribuer des propriétés cachées et réputées magiques à des combinaisons de nombres. Dans un genre sulfureux, Thomas Messias nous explique sur slate.fr que le film Nymphomaniac de Lars von Trier est « fourré aux Mathématiques » ! Ainsi les performances sexuelles seraient un idéal engendré par deux éléments (on vous passe les détails). Il s’ensuit un cours sur les suites de Fibonacci et le nombre d’or. Et puis, comme on entend un cantus firmus de Bach, on nous fait observer qu’en notant A=1, B=2 etc., alors B+A+C+H=14 et que tout ça, c’est dans la suite de Fibonacci et... dans Nymphomaniac ! Toujours d’après l’auteur de l’article, la sortie du Volume 2 du film le 29 janvier devrait offrir quelques clés de compréhension supplémentaires. Ça promet. L’écriture sous contrainte est un sujet passionnant, qu’il soit pratiqué explicitement (comme par les oulipiens) ou de manière certaine (Bach) : mais tenter de voir de l’écriture sous contrainte un peu partout n’est pas sérieux.
Les maths sont partout, on vous dit ! En lisant centerblog.net, nous apprenons au détour d’une phrase d’une longueur sur-Proustienne que « les mathématiques et la science physique sont fondues en une sorte de magma ou d’élixir de pensée »... Restons sobres, quand même.
Si vous ne comprenez pas la raison du logo, c’est normal ! Allez donc jeter un œil sur slate.
Notes
[2] Une hypothèse déjà révélée par Nathalie Funès en 2012.
[5] Tiens, le chiffre manque : c’est un sujet sensible, la taille des bureaux !
[6] Les lecteurs les plus affûtés trouveront par eux-mêmes que 2 x 19 x 53 est la décomposition en facteurs premiers de 2014.
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Pour citer cet article :
L’équipe Actualités — «Revue de presse janvier 2014» — Images des Mathématiques, CNRS, 2014
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