Жизнь в лаборатории им. Понселе

Tribune libre

La vie au laboratoire Poncelet

Écrit par Xavier Caruso
Publié le 29 janvier 2010

Comme je l’ai déjà dit sur ce site, je suis affecté cette année au laboratoire Poncelet à Moscou. Pour ceux qui seraient tentés par l’aventure — et plus généralement pour les curieux —, j’aimerais décrire sommairement comment on y vit, et comment on y travaille.


D’un point de vue administratif tout d’abord, le laboratoire Poncelet est ce que l’on appelle une UMI (Unité Mixte Internationale). Cela signifie qu’il est géré en co-tutelle par l’Université d’accueil (ici, l’Université Indépendante de Moscou) et le [lexique|mot=CNRS>. Il s’agit donc d’un laboratoire franco-russe dont l’objectif premier est de faire fructifier les échanges entre mathématiciens de ces deux pays.

Je ne vous étonnerais donc pas si je vous dis que l’on y croise là-bas aussi bien des chercheurs français que des chercheurs russes, la plupart d’entre eux 4Sauf moi, évidemment !, d’ailleurs, parlant couramment les deux langues (en plus de l’anglais). La secrétaire du laboratoire est également trilingue, ce qui peut être assez pratique. Malgré tout, pour vivre en Russie, il faut mieux baragouiner un peu de russe car dès que l’on sort du territoire « Poncelet », on se heurte à des autochtones qui en général ne parlent ni français, ni même anglais.

Au laboratoire Poncelet, on travaille sur des domaines en général très variés allant de la théorie des nombres à l’étude des liens statistiques entre les phénotypes et les séquences d’ADN en passant par la théorie des tresses ou la combinatoire. En réalité, le laboratoire est plutôt petit et regroupe finalement peu de permanents. La majorité des chercheurs sont, comme moi, des gens de passage. Ce qui explique que les thèmes de recherche se renouvèlent au fil des mois, des semestres ou des années. Il faut remarquer, malgré tout, qu’un certain nombre de ces chercheurs sont d’origine russe, mais travaillent maintenant en France ; le laboratoire Poncelet apparaît donc aussi comme un moyen pratique pour eux de revenir au pays et retrouver au choix l’ambiance moscovite, ou des collaborateurs, ou les deux.

Malgré sa taille, le laboratoire organise un séminaire hebdomadaire généraliste qui peut parfois être accompagné d’un séminaire spécialisé ou d’un groupe de travail. Cette année, par exemple, étant donné les thématiques représentées, nous organisons un groupe de travail axé sur l’arithmétique. Comme son nom l’indique, le séminaire généraliste ne s’adresse pas à des spécialistes du sujet et est donc l’occasion, pour des gens comme moi, d’être introduit régulièrement à des nouvelles mathématiques. En plus de cela, il y a d’autres instituts à Moscou (et notamment l’Université d’État ou l’institut Steklov) où il est possible d’aller assister à d’autres séminaires plus proches de sa propre thématique. Bref, la vie mathématique est assez active.

Je disais que le laboratoire était petit, et c’est sans doute une des premières choses que l’on remarque en arrivant : pas de bureaux personnels mais en tout et pour tout seulement deux (grandes) pièces, une plutôt consacrée à ceux qui veulent travailler dans le silence, et l’autre plutôt à ceux qui veulent discuter autour d’un tableau et d’un café (ou d’un thé) 5l y a, dans un coin de cette salle, une cafetière, une théière et même en général de délicieux gâteaux.. Le laboratoire met aussi à disposition quelques ordinateurs en libre service pour tout le monde, mais pas d’ordinateur personnel pour les visiteurs (fussent-ils longue durée) ; il est donc fortement conseillé de se déplacer avec son ordinateur portable ou, au moins, de stocker tous ses documents sur un espace facilement accessible depuis n’importe où (ce que, bien sûr, maintenant, tout bon mathématicien fait, n’est-ce pas ?). Malgré tout, je trouve qu’on s’y habitue rapidement, qu’il est agréable de travailler dans ces conditions (notamment, on hésite moins à poser une question à un collègue quand on n’a pas à se déplacer jusqu’à son bureau) et qu’au final, on n’est pas tant dérangé si l’on n’a pas envie de l’être.

Un mot enfin sur l’Université Indépendante. Ce n’est pas à proprement parler une université dans le sens où, si j’ai bien compris, elle ne délivre pas de diplômes. Par contre, elle dispense des cours que les étudiants (inscrits dans d’autres universités) peuvent suivre et faire valider pour leur diplôme. Pour éviter le plus possible les conflits d’horaire, les cours de l’Université Indépendante ont tous lieu en soirée (de 17h30 à 21h30). Ceci explique sans doute que le laboratoire est souvent désert le matin et commence à s’animer à peine vers 14h 6Mais, il y a malgré tout une cantine qui fonctionne tous les jours (sauf le week-end)., tandis qu’il n’est pas rare le soir, après 21h, de croiser encore du monde en train de travailler. Si comme certains de mes amis, vous appréciez les horaires décalés, vous serez servis. D’autant plus qu’avec les deux heures de décalage horaire avec la France, vous n’aurez aucune difficulté à discuter avec vos coauteurs restés au pays.

Post-scriptum

Sinon, pour ceux qui seraient vraiment intéressés par mes aventures (plutôt sur le plan humain que mathématique), je vous signale que je tiens un blog familial très rudimentaire que vous pouvez consulter à l’adresse http://boumbo.toonywood.org/xavier/russie/

Vous tomberez ici sur l’entrée la plus récente. Si vous préférez commencer du début, suivez l’URL http://boumbo.toonywood.org/xavier/russie/arrivee.html

Crédits images

En logo, un portrait de Jean-Victor Poncelet.

ÉCRIT PAR

Xavier Caruso

Directeur de recherche - Institut Mathématique de Bordeaux (IMB), Université de Bordeaux - CNRS

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