12=24

Tribune libre
Publié le 25 juillet 2012

Il y a actuellement au château de Chambord une exposition d’œuvres de Paul Rebeyrolle. Je dois avouer que je ne connaissais pas (!) cet artiste dont les peintures dégagent une énergie extraordinaire. J’engage donc vivement les lecteurs à passer une journée à Chambord pour, en plus du domaine et du château, profiter de cette exposition impressionnante et magnifique. Mais pourquoi parler de Rebeyrolle dans Images des Mathématiques ? Eh bien j’ai un prétexte pseudo-mathématique.
Un des tableaux de Rebeyrolle s’intitule Bacchus embêté par les chiffres, un autre a pour titre Le Petit Commerce et une opération bizarre y est indiquée. Et un troisième s’intitule Soldes. C’est dans ce dernier qu’on voit sur une ardoise quatre « égalités » : 10 = 10, 11=11, 12=24, 24=12.

Je ne me hasarderai pas à imaginer ce que Rebeyrolle avait en tête lorsqu’il a peint ces nombres. En revanche j’y vois une occasion de rappeler les mauvaises manipulations des pourcentages que l’on voit, entre autres, à l’occasion des soldes justement. Rouerie ou incompétence ?
Cela va du « 50% sur le deuxième article » à « 20% supplémentaires sur les 20% déjà accordés » (demandez au passant combien cela fait de réduction au total…). Et, à Chambord justement, pour des biscuits réputés, « 6 boîtes pour le prix de 5, soit 20% de réduction » (je ne ferai pas l’injure aux lecteurs de leur demander de montrer que la réduction est en fait de 16,66%).

Dans un ordre d’idée voisin, essayez, en lisant toutes les quantités données dans la presse de 2007, de déterminer la vraie valeur de \(x\) telle que le Président de la République de l’époque avait fait augmenter son salaire de \(x\)%. (Je m’attendais d’ailleurs que quelqu’un dise en 2012, que le nouveau Président ayant baissé ledit salaire de 30%, cela faisait quand même une augmentation de \((x-30)\)% mais, à ma connaissance, personne n’a fait cette erreur.)
Et un Président en chassant un autre, si j’ose dire, il me souvient que, lors de l’une des dévaluations du franc dans les années 1974-1981, le Président expliquait d’un air docte qu’il y avait deux taux de dévaluation, un taux je crois dit interne et un taux externe ! Sans enfumage, si la valeur disons du Mark en francs est passée de \({y}\) à \({y’}\), le taux de la dévaluation est évidemment \(|{y’} – {y}|/{y}\) et essayer faire croire que le taux pourrait être autrement défini comme \(|{y’} – {y}|/{y’}\) est juste une manière bien naïve de tenter de minorer l’ampleur de la dévaluation…

ÉCRIT PAR

Jean-Paul Allouche

Directeur de Recherche émérite - CNRS - Institut Mathématique de Jussieu-PRG

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