Graine de maths

Tribune libre
Version espagnole
Publié le 24 juillet 2009

Voici une jolie histoire que m’a racontée Manfredo do Carmo, il a plus de vingt ans. Manfredo est l’un des pionniers des mathématiques brésiliennes, sans doute un des premiers mathématiciens brésiliens à travailler dans le domaine de la géométrie différentielle et riemannienne. Il a eu une influence profonde dans ce domaine tant au niveau de la formation que de la recherche. Manfredo do Carmo est né dans le Nordeste brésilien malheureusement réputé pour les graves problèmes sociaux liés à la sécheresse. Comme de nombreux étudiants brillants de l’époque au Brésil, il a d’abord passé un diplôme d’ingénieur puis est allé aux Etats-unis pour faire un doctorat en mathématiques à Berkeley en 1963 sous la direction de Shiing-Shen Chern.

Mais l’histoire qui suit n’a rien à voir avec des travaux mathématiques sophistiqués, je la rappelle soucieux malgré le temps d’en préserver l’esprit. Brillant mathématicien, Manfredo do Carmo souffrait de ne pas savoir transmettre sa passion des mathématiques à ses anciens collègues devenus ingénieurs : « A quoi ça sert, pourquoi tant d’abstraction, où sont les applications  ? »

Autant de questions auxquelles le mathématicien amateur ou professionnel est bien habitué. Or, un jour, au cours d’un voyage dans sa terre natale, Manfredo do Carmo rencontra un paysan avec qui il entama une conversation amicale. Celle-ci commença par des discussions habituelles : les semailles, la pluie, la difficulté de vivre au pays. Puis, après avoir longuement parlé de la vie agricole du Nordeste, le paysan en retour demanda à Manfredo do Carmo quelles étaient ses activités, de quoi vivait-il ?

Notre mathématicien un peu inquiet se lança courageusement dans la description de son travail, parlant des outils mathématiques comme on parle d’outils en général, décrivant de la façon la plus simple possible ses quelques objets mathématiques favoris. Le paysan marqua une pause, laissant Manfredo do Carmo dans un embarras que nous connaissons bien, mais, à la fin de cette pause, il déclara : « Monsieur le Professeur, votre métier est vraiment un métier formidable. Moi qui ne suis qu’un ignorant, je suis déjà tellement fasciné par les jeux que je peux faire avec les chiffres et les nombres et je comprends très bien que vous, qui avez la chance de pouvoir créer de nouvelles idées en mathématiques , soyez complètement passionné par votre travail ! »

En s’ouvrant de façon radicale au public le plus large, Images des Mathématiques prend le pari de renouer le lien qui, comme cette petite histoire nous l’a montré, unit le citoyen aux mathématiques. Nous savons bien que l’intérêt des jeunes générations pour la science en général n’est pas du tout à la hauteur des enjeux et des défis qui les attendent. Bien au delà d’une expérience culturelle sympathique, ce véritable travail de fond sur notre communication est tout simplement vital pour notre discipline.

ÉCRIT PAR

Jean-Marc Gambaudo

Directeur de Recherche - Retraité

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