J’ai été amené à regarder le contrat d’assurance obligatoire contracté par des proches pour accompagner un prêt immobilier d’une durée de 15 ans et je dois dire que les libertés que les compagnies d’assurance prennent avec l’arithmétique m’ont laissé perplexe.
Le taux annoncé est de 1,92% par an, mais si on regarde de plus près on réalise que le taux effectif est proche de 3,5% par an, en partant de 1,98% la première année, 2,54% la 5-ième année, 4,44% la 10-ième année et plus de 35% la dernière année…
Comment cela est-il possible ? Tout simplement parce que les cotisations restent inchangées bien que la valeur de ce qui est assuré diminue de mois en mois du fait des remboursements (cerise sur le gâteau, il y a une clause concernant l’âge qui fait que dans le cas présent, la garantie ne s’applique pas les 4 dernières années).
C’est clairement malhonnête, mais est-ce légal ?
23h14
Une autre entourloupe des banques et compagnies d’assurances est que le « taux annuel » T indiqué est en fait le résultat de l’opération : T=12*t où t est le taux mensuel (celui qui est vraiment important, puisqu’il correspond aux échéances du remboursement) ce qui donne un vrai taux annuel de T’=(1+T/12)^12-1. Une erreur certes petite, mais pas négligeable (surtout sur 15 ou 30 ans), et évidemment dans le bon sens pour la banque.
12h34
Bonjour,
Pour donner une opinion perso sur la dernière phrase,
et en insistant que je n’ai pas vu le contrat en question,
je dirais que cela ne me paraît pas être malhonnête et a fortiori parfaitement légal.
Pour ma part, tous les contrats que j’ai vus précisaient que la prime d’assurance est fixe tout au long du contrat et fixée en fonction d’un pourcentage du capital initial prêté (l’ordre de grandeur étant entre 0,02% et 0,05% du capital emprunté versés chaque mois comme prime).
Voilà ce qui figure dans un contrat que j’ai sous les yeux
« COTISATIONS : elles sont nivelées et donc constantes pendant toute la durée de l’adhésion et elles ne subissent pas de réduction après la fin des garanties IAD et IT au 65ème anniversaire »
Par ailleurs, les contrats précisent en gros caractères le montant des mensualités, constantes, et sont accompagnés d’un tableau d’amortissement où figurent, mois par mois, les sommes versées pour l’assurance. Et le client paraphe chacune des pages et signe au final.
Voilà pourquoi, malgré tout ce que je peux penser par ailleurs des banques, ceci ne me paraît a priori ni malhonnête ni illégal.
Du coup, j’avoue ne pas bien comprendre : « le taux annoncé est de 1,92% ». Que représente donc la somme obtenue et de quoi est-elle le pourcentage ? Je rappelle qu’en général,
les assurances représentent de 0,02% à 0,05% du capital initialement emprunté chaque mois. On est donc très très loin de 1,92% par an !
13h32
Le taux de 1,92% correspond à une assurance « senior » assurant jusqu’à 75 ans ; il y a aussi une assurance « junior » de 0,396% par an mais dont la couverture s’arrête à 70 ans.
Le prêt est bien sûr accompagné d’un échéancier, et du calcul du coût total : c’est un prêt de type épargne-logement à 3,77% par an accompagné d’une assurance à 1,92% par an ; le coût total des intérêts est de 7018 euros et celui de l’assurance de 6734 euros (ce qui correspond à un taux effectif de près de 3,5% et pas 1,92%). La seule justification que je voie à la non diminution des cotisations d’assurance est que le capital assuré reste le même tout au long de la durée du prêt (ce n’est pas le cas),
sinon la présentation relève de l’arnaque (peut-être légale). Quant à faire payer une cotisation pour un risque non couvert pour des raisons d’age, je ne suis pas sûr du qualificatif à employer.
22h24
J’avoue humblement ne strictement plus rien comprendre à tout ce que vous me dites, au point que j’aimerais que l’on en revienne à notre métier de mathématiciens, c’est-à-dire de donner des données précises et de définir précisément les objets dont on parle. Quand un mathématicien parle d’un pourcentage, il devrait pouvoir dire ce qu’est le numérateur, le dénominateur, et à quoi correspond le quotient (exprimé en pour cent) !
Je précise que je ne connais pas de prêt épargne-logement à 3,77% (que ce soit en taux actuariel ou proportionnel), que le fait que le coût de l’assurance puisse être du même ordre de grandeur que les intérêts versés me paraît absolument hallucinant (chacun pourra vérifier sur son propre contrat de prêt).
Enfin, le fait qu’un prêt sur 15 ans à un taux de 3,77% (alors qu’aujourd’hui n’importe quelle banque prête à moins de 3% sur une telle durée) crée seulement 7018 euros d’intérêts montre que le montant emprunté est forcément très faible !
Bref, encore une fois, je ne comprends strictement rien. Pourrait-on avoir : -le capital emprunté ; -la durée de l’emprunt ; -le taux périodique ; -la mensualité (dont amortissement et assurance) afin que l’on puisse discuter, comme mathématiciens, sur des bases précises et claires ?
2h05
Il me semble qu’il y a suffisamment d’informations dans ce que j’ai écrit jusqu’ici pour répondre à toutes les questions ci-dessus, mais comme cela demande un travail non négligeable, voici les réponses (bien qu’elles me semblent superflues pour juger le phénomène) : Il s’agit d’un prêt (épargne
logement) contracté en juillet 2002,
d’un montant de 23.000 euros, sur 15 ans, taux du prêt 3,77% par an (fruit d’un plan dont les taux ont évolué au cours du temps) et taux de l’assurance 0.16% par mois soit 1.92% par an (c’est ce qui est annoncé).
Première échéance : 203,6 euros, assurance 36,8 intérêts 71.04
60-ième échéance 203,6 euros, assurance 36.8, intérêts 51.94
120-ième échéance 203,6 euros, assurance 36.8, intérêts 28.6
180-ième échéance 203,6 euros, assurance 36.8, intérêts 0.
Si on s’amuse à traduire en taux annuel la cotisation d’assurance du dernier mois, on arrive à un taux de plus de 1000% (on ne nous a pas menti : 1/x tend vite vers ∞ quand x tend vers 0, surtout si on multiplie tout par 100 pour exprimer les résultats en pourcentages…).
12h53
Merci,
avec ces précisions et ayant réfléchi depuis mercredi, je perçois aujourd’hui bien la situation.
Il me semble désormais que le problème soulève une vraie question de mathématique.
Si un assureur veut proposer des assurances-emprunt en cas de décès de l’emprunteur, comment estime-t-il le coût (i.e. la prime d’assurance qu’il réclamera) en fonction de l’âge de l’emprunteur (puisque le métier d’un assureur est de « mutualiser » les risques en prenant une marge sur la situation moyenne) ?
Ici, au cas précis, il s’agit de personnes empruntant pour 15 ans après 65 ans. Le prêt s’achèvera donc après l’espérance moyenne de vie des français…
Dans une telle situation, qui (les actuaires de la société d’assurance ?) définit le contenu de la garantie à proposer et calcule le montant de la prime d’assurance ?
Cela est-il établi en fonction de tables de mortalité ? Et comment ?
Il s’agit quand même d’une question cruciale pour l’assureur
qui doit assurer un risque qui a toutes les chances de se produire…
Et du coup la prime d’assurance est élevée…
La seconde question qui doit être dissociée selon moi, c’est « comment est payée cette prime d’assurance ? ». Il y a plusieurs possibilités, qui se négocient entre les parties, mais c’est du droit, pas des maths. On pourrait pas exemple imaginer que l’assureur dise qu’il veut une prime de 6624 euros payée dès la signature du prêt…
La question m’intéressant, je ferai, quand je disposerai de temps, en réponse au message initial, quelques messages sur le problème.
Pour l’heure, je note que le contrat (synallagmatique, quand même) prévoit explicitement que la prime d’assurance sera payée en 180 mensualités égales de 36,8 euros, chacune représentant très exactement 0,16% du capital emprunté (23000 euros).
Ainsi, le contrat prévoit bien explicitement que la prime d’assurance du prêt sera versée tout au long du prêt, le « montant versé chaque année » représentant très exactement « 1,92% » du « capital emprunté ».
Cependant, je note que 180 fois 36,8 euros font 6624 euros
et pas 6734, ce qui explique qu’après quelques rapides calculs, je m’interrogeais sur les données.
Enfin, je signale que pour moi, 23000 euros empruntés sur 15 ans au taux actuariel (voir le commentaire de Grégory, mais c’est la règle en matière d’épargne-logement) de 3,77%, plus 36,8 par mois d’assurance, font une mensualité de 203,56 euros et pas 203,60, mais on ne va pas chipoter.
13h08
Une précision supplémentaire.
Vu le fonctionnement même de ces prêts, il n’est pas possible que les intérêts versés à une période (même la dernière) soient exactement nuls, puisque le principe est que l’on commence par payer les intérêts sur la somme restant due le mois dernier (voir mon article sur les emprunts). La dernière mensualité doit donc comprendre 0,51 euros d’intérêts.
En revanche, ce qui est, par définition même, strictement nul à la dernière échéance, c’est le capital restant dû. De sorte que si « vous vous amusez » à calculer le taux obtenu
en faisant le rapport de la dernière cotisation d’assurance versée (numérateur) et la somme restant due sur le prêt à la même date (dénominateur qui vaut 0), vous trouverez exactement l’infini !
À ma connaissance, il en est de même pour absolument tous les prêts souscrits en France : au moment où l’on paye la dernière prime d’assurance, le risque couvert n’existe plus.
13h38
TAUX EFFECTIF GLOBAL
Pour un prêt épargne-logement (normalement pas de frais de dossier) à un taux actuariel de 3,77%, ce qui fait un taux par période (avec une racine douzième) d’environ 0,308865%
par mois, montant emprunté de 23000 euros sur 15 ans (180 mensualités) et mensualité constante de 203,6 euros,
Le taux effectif global ressort à 0,562963% par mois, soit
par an 6,76% en méthode proportionnelle et 6,97% en méthode actuarielle pour 1 an (j’ai arrondi selon l’usage).
Cela veut dire que l’assurance augmente le taux d’emprunt de 2,99%.
Oublions un instant les maths
En fait : En 2002, les taux pratiqués par les banques pour des prêts bancaires classiques sur 15 ans approchaient les 6%, hors coût de l’assurance.
En droit :
Si le contrat de prêt mentionne bien le taux effectif global, je déconseille toute action judiciaire, le coût de l’avocat et de la procédure a de très fortes chances d’être
infiniment supérieur au gain.
Si le contrat de prêt avait omis de mentionner le taux effectif global, ça peut être le jackpot, puisqu’il me semble que les tribunaux sanctionnent cette omission par un recalcul des intérêts selon le taux d’intérêt légal (0,71% en 2012 ; 0,38% en 2011 ; etc.).
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