Avez-vous attrapé l’hypatite ?

Tribune libre
Publié le 12 février 2010

Hypatie d’Alexandrie était à l’honneur ce vendredi 29 janvier 2010 à Marseille. Une journée spéciale s’est tenue à la FRUMAM organisée par l’association « Femmes et Mathématiques »  5Femmes et Mathématiques, la FRUMAM 6Fédération de Recherche des Unités de MAthématiques de Marseille, l’IMERA 7Institut MÉditerranéen de Recherches Avancées et par le « Séminaire Hypatie » à l’occasion de la représentation de la pièce de théâtre « Hypatie ou la mémoire des hommes » au Théâtre Gyptis. Elle était composée de trois conférences :

  • une d’Anne TIHON, professeur émérite d’histoire des sciences à l’université catholique de Louvain, qui a décrit l’état de la science et sa pratique entre le IVe et le VIe siècle ;
  • une de Didier PRALON, professeur de langue et littérature grecques à l’université de Provence, qui a plus insisté sur le contexte historique, en soulignant le rôle des guerres de religions ;
  • la dernière était donnée par Andonis VOUYOUCAS, le metteur en scène, qui nous a expliqué son interprétation de la pièce. Cette journée était couronnée dans la soirée par la représentation de la pièce.

Hypatie (v. 370 — 415 après J.C.) est la seule (et première) femme savante de l’époque dont on connaît l’existence. Elle était fille de Théon, lui-même philosophe. On ne sait en fait que très peu de choses sur elle : elle était philosophe et scientifique, ayant effectué des travaux en astronomie et mathématiques, a dispensé un enseignement public aux frais de l’État, et est morte dans d’affreuses souffrances, tuée par des chrétiens à la solde de l’évêque Cyrille. La raison principale de son assassinat tiendrait dans son rôle de chef de fil de l’école néoplatonicienne et par sa popularité qui gênaient le développement de la chrétienté.

Aucun de ses écrits ne nous est parvenu. Nous avons néanmoins trace de son existence par des témoignages de ses contemporains, notamment par Théon dans une scholie qui atteste du travail d’Hypatie sur le Livre III de Ptolémée et par des lettres de Synésios de Cyrène, un de ses anciens élèves qui devint évêque.

Hypatie jouit d’une certaine popularité car elle porte une symbolique forte pour différentes raisons : femme de science et philosophe reconnue, massacrée pour des raisons politico-religieuses. Elle a aussi donné le nom à un séminaire de probabilités 8Séminaire Hypatie organisé par Lyon et Marseille depuis plus de dix ans, qui était l’hôte de cette manifestation.

Cette manifestation organisée par des mathématicien(ne)s mais dont les invités ne l’étaient pas, a été très appréciée. Elle a attiré une centaine de participants. J’espère que d’autres opportunités permettront de rapprocher les communautés de lettres et sciences humaines et de sciences « dures ». La difficulté vient en particulier du fait que ces disciplines ne sont pas toujours représentées en France sur un même campus, voire dans une même université, comme c’est généralement le cas aux États-Unis. Je ne peux m’empêcher de faire la remarque suivante : alors qu’on nous vante le modèle universitaire des États-Unis, il me semble que les nouvelles lois organiques de l’Université française tendent à encore plus séparer les disciplines les unes des autres, incitant chaque université à développer ses « points forts » au détriment des moins « rentables ».

Crédits images

Le portrait imaginaire de Hypathie est tiré de wikipedia

ÉCRIT PAR

Peter Haïssinsky

Professeur - Université d’Aix-Marseille

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