Argument
Ce billet à la fois léger et sérieux propose un extrait ciblé, adapté et remanié du livre :
« Sophus Lie, Friedrich Engel et le problème de Riemann-Helmholtz »
à paraître en 2010 ([J]). Moins à la mode de nos jours en France que, disons, la dynamique holomorphe avec ses arabesques chamarrées et dentelées, la théorie des groupes continus locaux de transformations a été érigée entre 1873 et 1899 par le mathématicien norvégien Sophus Lie 9En 1886, Klein accepte un poste de professeur à Göttingen (capitale mathématique internationale de l’époque) et parvient à persuader Lie de quitter sa patrie norvégienne adorée pour lui succéder à Leipzig.comme un « continent mathématique nouveau surgi de sa pensée ». Plus de six mille pages publiées en trente années par un seul homme ! 10Mais les travaux de Lie ne sont quasiment plus jamais cités, et son œuvre serait vraisemblablement considérée comme un ensemble de mesure nulle par la bibliométrie contemporaine. Il n’en reste pas moins que lire Lie (je lis Lie) en allemand dans le texte, c’est une satisfaction supérieure pour la pensée, sans compter (soyons un tout petit peu polémique) qu’un retour aux œuvres englouties par le temps permet facilement de ridiculiser l’obsession stupide pour la performance au Citation Index : en effet, si même les travaux des plus grands mathématiciens du passé ne sont plus lus ou cités, qu’adviendra-t-il des nôtres dans cinquante ans ? Ce ne sont assurément plus nos logiciels contemporains de recherche bibliométrique qui feront autorité dans cet avenir lointain, et certains mathématiciens futurs auront peut-être autant de condescendance pour nos productions actuelles que nous sommes tentés — hélas — d’en avoir pour les œuvres mathématiques des temps anciens.
Irrigation en France
Au-delà de Leipzig avec les travaux de Friedrich Engel 11Engel a commencé à travailler avec Lie en septembre 1884 à Christiania (Oslo), et en juin 1885, il retourne en Allemagne avec un manuscrit d’une taille déjà conséquente. À Leipzig, il soutient son Habilitationsschrift sur les groupes de transformations et devient chargé de cours, Privatdozent. et de Gehrard Kowalewki, la théorie des groupes continus de transformations s’est ensuite aussi développée en France de 1890 jusqu’à la fin des années 1930, grâce à l’intérêt que Henri Poincaré portait aux fondements de la géométrie, et surtout grâce aux relais scientifiques que Gaston Darboux, Camille Jordan et Jules Tannery fournissaient à Paris. Leurs travaux en géométrie et en théorie des groupes de substitutions les avaient bien entendu convaincus de l’intérêt de ce nouveau « continent d’origine norvégienne expatrié à Leipzig », et c’est pourquoi ils ont incité plusieurs élèves de l’École Normale Supérieure à passer un an à Leipzig au contact de Lie, en particulier Jules Drach, Arthur Tresse et surtout Ernest Vessiot et Élie Cartan, les deux continuateurs principaux de Lie. Pour la petite histoire, voici un extrait d’une allocution d’Élie Cartan.
[…] Nous avons la grande joie de voir sortir de l’École Normale des générations successives de brillants mathématiciens ; nous sommes assurés ainsi qu’elle n’abdique pas le rôle de pépinière des mathématiques qu’elle joue depuis longtemps et qui inspira autrefois à Sophus Lie l’idée de lui dédier son grand traité sur la théorie des groupes. Et puisque, par une pensée touchante, le fils de Sophus Lie a voulu marquer ce Jubilée par l’envoi du buste de son père 12Deux bustes imposants de Lie au regard altier et intimidant trônent magistralement dans la salle de conférence du département de mathématiques d’Oslo. ne serait-il pas naturel que la place de ce buste soit à la bibliothèque des Sciences de l’École Normale ? Il rappellerait aux promotions successives à la fois le grand mathématicien norvégien et les normaliens qui ont été ses élèves à Leipzig, les Vessiot, les Tresse, les Drach ([A], p. 278).
Beauté des œuvres systématiques
Du point de vue du grand public auquel s’adresse le site « Image des Mathématiques », ce billet sera peut-être l’occasion de démontrer qu’il n’est pas impossible de féconder encore les problématiques contemporaines au contact des œuvres systématiques du dix-neuvième siècle. D’un point de vue plus « littéraire », la Theorie der Transformationsgruppen, monument en trois volumes de plus de 2000 pages ([B], [C], [D]) qu’Engel avait fini de rédiger à 32 ans sous la direction de Lie, pourrait éventuellement accéder au rang de classique intemporel du corpus mathématique, si elle était traduite en anglais, relue et appréciée à sa juste valeur.
Théorème principal
Mais ce billet sera surtout l’occasion de redémontrer un théorème incontestable en soi et bien connu de tous : « Le maître » (en l’occurrence ici Sophus Lie) « a toujours raison ».
Évariste Galois permutait des racines
Dans les années 1873 à 1880, l’idée fixe de Sophus Lie était d’ériger, dans le domaine des continua n-dimensionnels, une théorie qui corresponde à la théorie de Galois des substitutions des racines d’une équation algébrique et qui lui soit en tout point analogue. Or un difféomorphisme analytique local quelconque d’une variété de dimension n peut être considéré comme effectuant une permutation (différentiable) entre tous les points considérés, car en particulier, un difféomorphisme, c’est une bijection. Ainsi, bien que les difféomorphismes agissent sur un ensemble de cardinal infini (non dénombrable), ils sont les analogues continus des permutations discontinues d’un ensemble fini.
Principe de raison suffisante et économie des axiomes
Soit donc:
\[
x ‘
=
f(x;\,a_1,\dots,a_r)
=:
f_a(x)
\]
une famille de difféomorphismes locaux analytiques paramétrée par un nombre fini \(r\) de paramètres \((a_1, \dots, a_r)\). Pour Sophus Lie, le seul axiome de groupe vraiment significatif est celui qui demande qu’une telle famille soit fermée par composition, à savoir que l’on ait toujours:
\[
f_a\big(f_b(x)\big)
\equiv
f_c(x),
\]
pour un certain \(c\) qui dépend de \(a\) et de \(b\), mais avec une restriction de localité afin d’assurer qu’une telle composition ait un sens. C’est bien cette propriété qu’ont les mouvements des corps rigides dans l’espace: la composition est évidente, et les retours en arrière sont évidemment permis. En s’inspirant de sa connaissance du Traité des substitutions de Jordan, Lie s’est alors demandé au tout début de ses recherches s’il était possible d’économiser les deux autres axiomes standard de la structure de groupe: l’axiome d’existence d’un élément identité, et l’axiome d’existence d’un inverse pour tout élément du groupe.
Assertion. [F]
Soit \(H\) un sous-ensemble quelconque d’un groupe abstrait \(G\) dont le cardinal est fini: \({\rm Card}\, H < \infty\), et qui est fermé par composition:
\[
h_1 h_2\in H
\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \
{\rm toutes}\
{\rm les}\
{\rm fois}\
{\rm que}
\ \ \ \ \ \ \
h_1,\,h_2\in H.
\]
Alors \(H\) contient l’élément identité \(e\) de \(G\) et tout élément \(h \in H\) possède un inverse dans \(H\), de telle sorte que \(H\) lui-même est un vrai sous-groupe de \(G\).
Preuve.
En effet, soit \(h \in H\) arbitraire. La suite infinie \(h, h^2, h^3,\dots, h^k, \dots\) d’éléments de l’ensemble fini \(H\) doit nécessairement devenir périodique: \(h^a = h^{ a + n}\) pour un certain \(a \geq 1\) et pour un certain \(n \geq 1\), d’où \(e = h^n\), donc \(e \in H\) et \(h^{ n – 1}\) est l’inverse de \(h\).
Éliminer l'axiome d'inverse pour les groupes continus
Dans ses travaux pionniers des années 1873 à 1880 et aussi dans la Theorie der Transformationsgruppen qu’Engel a rédigée sous sa direction entre 1884 et 1893, Lie est parvenu à transférer tous les concepts de la théorie des groupes de substitutions (Galois, Serret, Jordan) du discontinu vers le continu : loi de groupe, actions de groupe, sous-groupes, sous-groupes normaux, groupe quotient, classification à conjugaison près, groupe adjoint, représentation adjointe, formes normales, (in)transitivité, (im)primitivité, prolongement holoédrique, prolongement mériédrique, asystaticité, etc. Le principe de raison suffisante (Leibniz) suggère alors naturellement qu’au fondement même de la théorie générale, l’ élimination des deux axiomes concernant l’élément identité et l’existence d’inverses soit aussi possible dans l’univers des groupes continus finis de transformations. Pendant plus de dix années, Lie a en effet été convaincu qu’une assertion purement similaire à celle énoncée ci-dessus devait être vraie dans le domaine du continu, avec \(G = {\rm
Diff }_n\) le pseudo-groupe (infini, continu) des difféomorphismes locaux de \(\mathbb{C}^n\) (ou de \(\mathbb{R}^n\)) et en prenant pour \(H
\subset {\rm Diff }_n\) une collection finiment paramétrée d’équations de transformations \(x’ = f ( x; \, a)\) qui est stable par composition.
Citons un extrait du premier mémoire systématique de Lie, paru en 1880 aux Mathematische Annalen ([S])
Comme on le sait, on montre dans la théorie des substitutions que les permutations d’un groupe de substitutions peuvent être ordonnées en paires de permutations inverses l’une de l’autre. Mais comme la différence entre un groupe de substitutions et un groupe de transformations réside seulement dans le fait que le premier contient un ensemble fini, et le second un ensemble infini d’opérations, il est naturel de conjecturer que les transformations d’un groupe de transformations puissent aussi être ordonnées par paires de transformations inverses l’une de l’autre. Dans des travaux antérieurs, je suis parvenu à la conclusion que tel devrait être le cas. Mais comme au cours de mes investigations en question, certaines hypothèses implicites se sont introduites au sujet des fonctions qui apparaissent, je pense alors qu’il est nécessaire d’ ajouter expressément l’exigence que les transformations du groupe puissent être ordonnées par paires de transformations inverses l’une de l’autre. En tout cas, je conjecture que cette exigence est une condition nécessaire de ma définition originale du concept [Begriff] de groupe de transformations. Toutefois, il m’a été impossible de démontrer cela en général.
L’élève Engel trouve rapidement un contre-exemple
Cependant, en 1884, dans sa toute première année de travail de rédaction en collaboration, Engel proposa un contre-exemple à cette conjecture de Lie. Considérons en effet la famille d’équations de transformations:
\[
x’
=
\zeta\,x,
\]
où \(x, \, x’ \in \mathbb{C}\) sont les coordonnées de l’espace-source et de l’espace-image, et où le paramètre \(\zeta \in \mathbb{C}\) est restreint à \(\vert \zeta \vert < 1\). Évidemment, cette famille est fermée par composition, à savoir: lorsque \(x’ = \zeta_1 \, x\) et lorsque \(x″ = \zeta_2 \, x’\), la composition donne \(x″ = \zeta_2 \, x’ = \zeta_2 \zeta_1 x\), et elle appartient en effet à la famille en question, puisque \(\vert \zeta_2 \,\zeta_1 \vert < 1\) découle de \(\vert \zeta_1 \vert, \, \vert \zeta_2 \vert < 1\). Par contre, ni l’élément identité, ni l’inverse de toute transformation n’appartiennent à la famille ainsi définie.
Ce n'est pas un contre-exemple! objecte Maître Lie
Comme on l’aura noté, cette proposition de contre-exemple n’est en fait pas réellement convaincante. En effet, la condition \(\vert \zeta \vert < 1\) est ici visiblement artificielle, puisque la famille se prolonge en fait trivialement comme groupe complet des dilatations \(\big( x’ = \zeta\, x \big)_{ \zeta \in \mathbb{C}}\) de la droite complexe.
Construction d'un meilleur contre-exemple!
L’idée de Engel était d’en appeler à une application holomorphe univalente \(\omega : \Delta \to \mathbb{C}\) du disque unité \(\Delta := \{ \zeta \in
\mathbb{ C} \colon \vert \zeta \vert < 1 \}\) à valeurs dans \(\mathbb{ C}\) qui possède le cercle unité \(\{ \vert \zeta \vert = 1 \}\) comme coupure, à savoir: \(\omega\) ne peut être prolongée holomorphiquement
au-delà d’aucun point \(\zeta_0 \in \partial \Delta = \{ \vert \zeta \vert = 1 \}\) du bord du disque unité13
Comme telle application, on peut utiliser n’importe quelle application detype uniformisante de Riemann \(\zeta \longmapsto \omega ( \zeta) =:\lambda\) qui établit un biholomorphisme du disque unité \(\Delta\) sur un domaine simplement connexe \(\Lambda := \omega ( \Delta)\) dont le bord est une courbe de Jordan nulle part localement analytique réelle. On peut même considérer un domaine dont le bord est une courbe de Jordan continue nulle part différentiable, voire dont le bord est un ensemble fractal, comme par exemple le flocon de Von Koch..
Désignons alors par \(\lambda \longmapsto \chi ( \lambda) =:\zeta\) l’inverse d’une telle application, et considérons la famille d’équations de transformations:
\[
\big(
x’
=
\chi(\lambda)\,x
\big)_{\lambda\in\Lambda}.
\]
Par construction, \(\vert \chi ( \lambda) \vert < 1\) pour tout \(\lambda \in \Lambda\). Toute composition de \(x’ = \chi ( \lambda_1) \, x\) et de \(x » = \chi ( \lambda_2) \, x’\) est de la forme \(x » = \chi ( \lambda) \, x\), avec le paramètre défini de manière unique \(\lambda := \omega \big( \chi ( \lambda_1)\, \chi ( \lambda_2) \big)\), donc
l’axiome de composition de groupe est satisfait. Cependant, il n’y a à nouveau pas d’élément identité, et à nouveau, aucune transformation ne possède un inverse. Et de plus crucialement (et pour terminer), il n’existe aucun prolongement de cette famille à un domaine plus grand \(\widetilde{ \Lambda} \supset \Lambda\) qui soit accompagné d’un prolongement holomorphe \(\widetilde{\chi}\) de \(\chi\) à \(\widetilde{ \Lambda}\) de telle sorte que \(\widetilde{ \chi} \big( \widetilde{ \Lambda} \big)\) contienne un voisinage de \(\{ 1 \}\) (afin d’atteindre l’élément identité), et même a fortiori, il n’existe aucun prolongement holomorphe tel de \(\chi\) à un voisinage de \(\overline{ \Delta}\) (afin d’obtenir les inverses des transformations \(x’ = \chi(\lambda) \, x\) avec \(\lambda \in \Lambda\) proche de \(\partial \Lambda\)).
Cacher ce contre-exemple dans le Grand Traité
Dans le volume I de la Theorie der Transformationsgruppen, cet exemple apparaît seulement au Chapitre 9, pp. 163—165, et il est écrit en petits caractères. Constatation frappante : pour des raisons de pureté et de systématicité dans la pensée, la structure des neuf premiers chapitres est organisée afin de faire autant que possible l’économie de l’existence d’un élément identité et de transformations inverses l’une de l’autre par paires. Ce choix théorique complexifie considérablement la présentation de la théorie fondamentale, pourtant censée être relativement facile d’accès afin de toucher un public assez large de mathématiciens. Mais il est bien connu que la meilleure qualité dans l’exposition des premiers éléments d’un ouvrage et que les meilleurs choix stratégiques quant à son organisation thématique, ne peuvent être atteints, paradoxalement, qu’à la fin du processus de mise en forme dans son ensemble. Impossible, donc, de demander au jeune et novice Friedrich Engel (alors âgé de 23 ans) de faire prévaloir un point de vue d’accessibilité et de simplicité dans la présentation. Au contraire, l’objectif affirmé de son maître Sophus Lie était d’atteindre la plus grande généralité, de s’élever le plus haut possible dans un tel traité.
Rester à tout prix très systématique
Et malgré le contre-exemple du jeune Engel que nous venons de détailler, Lie était quand même persuadé que l’analogie profonde de sa théorie des groupes continus avec la théorie des groupes finis de substitutions n’était pas, dans sa racine métaphysique profonde, réellement remise en cause. Ainsi, toutes les fois que cela est possible du point de vue abstrait de Lie, les énoncés des neuf premiers chapitres de la Theorie der Transformationsgruppen n’utilisent ni l’existence d’un élément identité, ni l’existence de transformations inverses l’une de l’autre par paires. Engel et Lie étudient seulement les familles continues finies d’équations de transformations \(x_i’ = f_i ( x; \, a_1, \dots, a_r)\), \(i = 1, \dots, n\) qui sont fermées par composition, sans hypothèse supplémentaire : grand degré d’abstraction et de généralité14C’est presque du Bourbaki avant l’heure !. En fait, à partir de cette seule condition de fermeture par composition, Engel et Lie déduisent que les équations finies \(x_i’ = f_i ( x; \, a)
\) satisfont certaines équations différentielles fondamentales. C’est alors l’existence de telles équations différentielles qu’ils prennent systématiquement comme hypothèse principale, à la place de la fermeture par composition, toujours sans élément identité et sans transformations inverses.
Vaincre l’élève absolument
Le Théorème 26 est énoncé à la page 163 de [B] et il est démontré tout juste avant que n’apparaisse le contre-exemple de Engel, relégué au rang d’illustration de la nécessité de faire des hypothèses spéciales. En fait, ce théorème objecte une seconde fois à Engel que son contre-exemple n’est pas véritablement un vrai contre-exemple, puisqu’il suffirait en fait de restituer les bonnes coordonnées ζ dans l’espace des paramètres afin de retrouver un vrai groupe qui contient l’identité et des transformations inverses l’une de l’autre par paires. Pour être bref, le Théorème 26 va dire que quitte à effectuer un changement de coordonnées dans l’espace des paramètres, on pourra capturer l’identité et les inverses, et donc alors avec ce Théorème 26 15Il y a 114 théorèmes dans le premier volume [B]., le contre-exemple de Engel est en fait magistralement vaincu en toute généralité !
Persévérance métaphysique de Lie
Ainsi, c’est un théorème raffiné et subtil qui confirme la croyance métaphysique de Lie, montre sa persévérance intellectuelle, et prouve à nouveau sa remarquable force de conceptualisation.
Présentation technique (à ne pas lire ?) du Théorème 26
En résumé, le théorème de Maître Lie qui répond au contre-exemple de l’élève Engel s’énonce techniquement comme suit. Soit:
\[
x_i’
=
f_i (x;\,a_1,\dots,a_r)
\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \
{\scriptstyle{(i\,=\,1\,\cdots\,n)}},
\]
une collection de transformations fermée par compositions locales. D’après le premier théorème fondamental de la théorie, il existe un système d’équations différentielles de la forme:
\[
\frac{\partial x_i’}{\partial a_k}
=
\sum_{j=1}^r\,\psi_{kj}(a)\cdot\xi_{ji}(x’)
\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \
{\scriptstyle{(i\,=\,1\,\cdots\,n\,;\,k\,=\,1\,\cdots\,r)}}.
\]
qui est satisfait identiquement par les fonctions \(f_i ( x, a)\), où les \(\psi_{ kj}\) sont certaines fonctions analytiques des paramètres \((a_1, \dots, a_r)\). Si l’on introduit alors les \(r\) transformations infinitésimales (champs de vecteurs) qui sont définies par:
\[
\sum_{i=1}^n\,\xi_{ki}(x)\,\frac{\partial f}{\partial x_i}
=:
X_k(f)
\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \
{\scriptstyle{(k\,=\,1\,\cdots\,r)}},
\]
et si l’on forme les équations finies:
\[
x_i’
=
\exp\big(\lambda_1X_1+\cdots+\lambda_kX_k\big)(x)
=:
g_i(x;\,\lambda_1,\dots,\lambda_r)
\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \
{\scriptstyle{(i\,=\,1\,\cdots\,n)}}
\]
du groupe à \(r\) paramètres qui est engendré par ces \(r\)
transformations infinitésimales, alors ce groupe contient l’élément identité \(g( x; \, 0)\) et ses transformations sont ordonnées par paires inverses l’une de l’autre, puisque: \(g(x; \, – \lambda) = g (x; \, \lambda)^{ -1}\). Enfin, le Théorème 26 en question énonce que dans
ces équations finies \(x_i’ = g_i ( x; \, \lambda)\), il est possible d’introduire de {\em nouveaux} paramètres locaux \(\overline{ a}_1, \dots, \overline{ a}_r\) à la place de \(\lambda_1, \dots, \lambda_r\) de telle sorte que les équations de transformations qui en résultent:
\[
x_i’
=
g_i\big(x;\,\lambda_1(\overline{a}),\dots,\lambda_r(\overline{a})\big)
=:
\overline{f}_i
(x_1,\dots,x_n,\,\overline{a}_1,\dots,\overline{a}_r)
\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \
{\scriptstyle{(i\,=\,1\,\cdots\,n)}}
\]
représentent une famille de \(\infty^r\) transformations qui embrasse, après un prolongement analytique éventuel}, toutes les \(\infty^r\) transformations initiales:
\[
x_i’
=
f_i(x_1,\dots,x_n,\,a_1,\dots,a_r).\]
Capturer des vérités supérieures
Ainsi Lie réalise-t-il et confirme-t-il son idée d’épuration
axiomatique. En répondant à Engel que l’on doit s’autoriser à changer éventuellement de paramètres16 Réaffirmons qu’en changeant de paramètre dans la famille \(x’ = \chi ( \lambda) \, x\), on retrouve évidemment le groupe complet des dilatations \(x’ = \zeta \, x\)., on peut toujours élargir le domaine initial d’existence pour capturer l’identité et les transformations inverses. À la contre-exemplification contrariante répond donc la dialectique complexifiante de vérités supérieures qui doivent être quêtées sans relâche.
Conclusion incontestable : Le maître a toujours raison !
Akivis, S. ; Rosenfeld, B.A. : Élie Cartan (1869—1951), Translations of mathematical monographs, vol. 123, Amer. Math. Soc., Providence, RI, 1993. xii+317 pp. retour
Engel, F. ; Lie, S. : Theorie der transformationsgruppen. Erster Abschnitt. Unter Mitwirkung von Dr. Friedrich Engel, bearbeitet von Sophus Lie, B.G. Teubner, Leipzig, 1888. Reprinted by Chelsea Publishing Co. (New York, N.Y., 1970).
retour
Engel, F. ; Lie, S. : Theorie der transformationsgruppen. Zweiter Abschnitt. Unter Mitwirkung von Prof. Dr. Friedrich Engel, bearbeitet von Sophus Lie, B.G. Teubner, Leipzig, 1890. Reprinted by Chelsea Publishing Co. (New York, N.Y., 1970).
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Engel, F. ; Lie, S. : Theorie der transformationsgruppen. Dritter und Letzter Abschnitt. Unter Mitwirkung von Prof. Dr. Friedrich Engel, bearbeitet von Sophus Lie, B.G. Teubner, Leipzig, 1893. Reprinted by Chelsea Publishing Co. (New York, N.Y., 1970).
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Hawkins, T. : Emergence of the theory of Lie groups, An essay in the history of mathematics 1869—1926, Sources and studies in the history of mathematics and physical sciences, Springer-Verlag, Berlin, 2001, xiii+564 pp.
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Jordan, C. : Traité des substitutions et des équations algébriques, Gauthier-Villars, Paris, 1870. Nouveau tirage. Paris : Librairie Scientifique & Technique Albert Blanchard XVIII, 667 pp., 1957.
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Lie, S. : Theorie der Transformationsgruppen, Math. Ann. 16 (1880), 441—528.
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Merker, J. : Sophus Lie, Friedrich Engel et le problème de Riemann-Helmholtz, arxiv.org/abs/0910.0801/, Hermann, Éditeur des Sciences et des Arts, Paris, ∼320 pages, à paraître en 2010.
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Crédits images
La photo de Sophus Lie en logo vient du site Wikipédia.