Cinq millions de fans d’IdM ne peuvent pas avoir tort !

Tribune libre
Écrit par Étienne Ghys
Publié le 16 février 2015

Vers le 18 février 2015, le site Images des Mathématiques recevra son cinq millionième visiteur.

De là à comparer IdM à Dread Zeppelin et à leur « album 5 000 000 », ce serait prendre IdM un peu trop au sérieux. D’ailleurs Dread Zeppelin ne se prenait pas au sérieux en faisant allusion à l’album d’Elvis Presley « 50,000,000 Elvis fans can’t be wrong ». Cinquante millions, ce sera pour plus tard.

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Restons modestes. Un clic n’est qu’un clic et ne signifie pas nécessairement un lecteur qui est venu lire un article. À vrai dire, je ne sais pas trop ce que mesure cet outil statistique qu’on trouve dans la face cachée de IdM et qui affiche les millions de clics en question. J’imagine qu’il comptabilise les numéros IP, c’est-à-dire que si un internaute visite vingt fois le site dans la même journée (ça peut arriver, peut-être ?) il ne sera comptabilisé qu’une seule fois. Nous disposons d’un autre outil, google analytics, qui donne des chiffres légèrement inférieurs. Et puis, il ne faut pas oublier le fameux « taux de rebond » : le pourcentage d’internautes qui quittent un site immédiatement après y être arrivé, soit parce qu’ils cherchaient autre chose, soit parce que ça ne leur plaît pas. On dit qu’un taux de rebond inférieur à 50% est satisfaisant.

Quoi qu’il en soit, c’est l’occasion de se réjouir et de constater que IdM a atteint une certaine maturité après six ans d’activité.

Un brin d’histoire

Le CNRS publiait depuis longtemps une revue de « diffusion » intitulée « Images des Mathématiques ». Il s’agissait d’une publication très épisodique qui paraissait tous les deux ans environ et qui contenait des articles en principe accessibles à un vaste public. La revue était belle et le papier glacé de qualité. J’y avais même publié un article en 1989 à l’époque où la revue était pilotée par le regretté Jean-Louis Loday. Et puis la revue a disparu. Bien plus tard, à la demande du CNRS, Jacques Istas et moi-même avons fait renaître la revue en publiant deux volumes, en 2004 et 2006 : une quinzaine d’articles pour chaque volume. Hélas, nous avons dû nous rendre à l’évidence. Cette « revue » n’était pas diffusée correctement, passait totalement inaperçue, et coûtait très cher au CNRS. C’est en trouvant par hasard des paquets entiers encore sous cellophane dans la remise d’un département de mathématiques (que je ne dénoncerai pas), que nous nous sommes dit que nous perdions notre temps. L’idée est alors née d’une revue électronique, fonctionnant à un rythme bien plus élevé et surtout destinée à un public bien plus large. C’est ainsi que la version électronique de IdM a vu le jour en janvier 2009.

Le présent

Six ans et cinq millions de clics plus tard, IdM est toujours en croissance même s’il reste beaucoup de progrès à faire. Comme dans toutes les revues « sérieuses », il est sain que les comités de rédaction évoluent et l’équipe a en effet été largement renouvelée en janvier. Je n’ai pas de doutes que IdM saura relever les défis qui se présentent. Il faudrait beaucoup plus d’articles courts et faciles à lire. Et puis, il faudra réussir à toucher le public des jeunes, voire des très jeunes, ce qui est encore loin d’être le cas. Très bientôt, une toute nouvelle présentation du site sera rendue publique.

Des courbes

Comme je suis mathématicien, j’aime les courbes. Je vais vous en montrer quelques-unes.

Voici le nombre de visites sur IdM par jour durant les 2215 premiers jours de son existence.

Graphique 1

Le maximum a été atteint le 14 novembre dernier avec 15987 visites. Devinerez-vous la cause de ce pic de fréquentation ?

Le minimum a été atteint le 28 janvier dernier : 0 visite. Ce jour-là, le serveur qui nous héberge n’a pas fonctionné.

Il est intéressant d’inspecter la courbe avec soin. On y voit les vacances scolaires, les jours de fête, les fins de semaine. Sur ce graphique, je superpose la courbe « lissée » où, pour chaque jour, on indique la moyenne de fréquentation dans un intervalle de deux semaines autour de la date en question.

Graphique 2

On voit clairement une variation saisonnière superposée à une croissance indiscutable. Comment décrire cette croissance ? Avec une mauvaise foi assumée, j’y vois une croissance exponentielle (pour être honnête on pourrait aussi y voir une croissance linéaire, mais j’ai calculé les corrélations sous les hypothèses linéaire et exponentielle et c’est l’exponentielle qui l’emporte, de peu il est vrai.). Je viens de demander à mon logiciel de calcul favori de trouver la meilleure exponentielle qui décrit cette croissance (ou si vous préférez, j’ai fait une régression linéaire sur le logarithme du nombre de visites). Il m’a proposé l’exponentielle suivante :
$$
F(t) = \exp(6.76877 + 0.000720392 t)
$$
où \(t\) est le nombre de jours écoulés depuis le début de IdM et \(F(t)\) est une estimation du nombre de clics ce jour-là.
Vous voyez le graphe de \(F\) dessiné en vert ici.

Graphique 3

En termes plus concrets, cela veut dire que chaque année la fréquentation du site a été multipliée par \(\exp(365 \times 0.000720392) \simeq 1,30 \), ou si vous préférez une augmentation de\(30\) % par an. C’est mieux que la Caisse d’Épargne. En six ans, cela fait presque une multiplication par \(5\).

Le futur

La tentation est grande d’extrapoler ces courbes. Je pense que dans les six prochaines années, il y aura encore cinq fois plus de visiteurs, soit 25 millions, et que dans les six années suivantes il y en aura 125 millions.

Je conjecture donc qu’en février 2027, le cent cinquante-cinq millionième visiteur cliquera sur IdM.

Longue vie à IdM !

ÉCRIT PAR

Étienne Ghys

Directeur de recherche CNRS, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences - École Normale Supérieure de Lyon

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