Le 18 juillet 1731, vers 15 h 00 si le règlement est respecté, Alexis Clairaut prend place à l’Académie des sciences. Il connaît déjà l’institution pour y avoir présenté plusieurs mémoires de mathématiques et même un livre entier sur la théorie des courbes gauches, mais c’est la première fois qu’il assiste à une séance en tant que membre. Clairaut est alors âgé de 18 ans et deux mois, ce qui nous rappelle que 2013 est l’année du tricentenaire de sa naissance.
Clairaut ne le sait pas encore, mais il se tiendra 2 550 séances jusqu’à sa mort le 17 mai 1765. L’Académie se réunit alors en principe le mercredi et le samedi, sauf fêtes et périodes de vacances, ce qui représente autour de 75 assemblées par an. Deux fois dans l’année, aux rentrées de Pâques et de la Saint-Martin (aujourd’hui 11 Novembre), la séance est publique, ce qui explique sans doute que le secrétaire perpétuel ne procède pas ces deux jours-là au relevé des présents.
De fait, les registres de l’Académie des sciences donnent la liste des présents pour 2 475 des 2 550 séances qui se sont tenues du temps de Clairaut. Son nom s’y trouve 2 151 fois, comme chacun pourra le vérifier.
En 1731 et 1732, ses premières années académiques, Clairaut a assisté à toutes les séances. En 1733, il en rate 10. Il est vrai qu’il perd cette année-là son frère cadet, auquel il était très attaché :
L’amitié, qui les unissait plus encore que le sang, lui fit sentir ce coup si vivement, qu’on craignit quelque temps pour lui-même 2Fouchy (Jean-Paul Grandjean de), « Éloge de M. Clairaut », Histoire de l’Académie royale des sciences pour l’année 1765, pp. 144-159..
Une étude serrée de sa correspondance montre que Clairaut a raté trois séances en 1742 et une en 1744 pour cause de maladie. Sans parler des deux qui marquent son agonie en 1765…
Clairaut manque un nombre incroyable de séances en 1736 et 1737. Est-ce à dire qu’il se désintéresse alors de l’Académie ? Allons donc… Clairaut est avec Maupertuis et quelques autres en Laponie pour déterminer si la Terre est bien légèrement aplatie aux pôles comme le prévoit la théorie newtonienne.
Ce même problème de la figure de la Terre lui fera encore rater neuf séances en 1739, quand il faudra se rendre à Amiens pour des opérations de vérifications.
Plus tôt en 1734, il avait été à Bâle, rendre visite à la famille Bernoulli. Entre 1752 et 1754, il séjourne deux fois en Angleterre et y rencontre ses homologues de la Royal Society.
De fait, si l’on ne tient pas compte de ses 203 absences pour cause de voyage à vocation scientifique, on trouve que le taux d’assiduité de Clairaut à l’Académie se monte à 94,67 %, et même à 97,55 % quand il en devient pensionnaire (en mai 1738).
Il me paraît donc hors de doute que les séances bihebdomadaires de l’Académie des sciences ont entièrement réglé la vie d’adulte de Clairaut. À une époque où le concept même d’adolescence n’existait pas, cela revient au fond, me semble-t-il, à dire que son enfance s’est achevée le 18 juillet 1731 à 15 h 00.