Code de la route

Tribune libre
Écrit par Bertrand Rémy
Publié le 4 janvier 2009

Il est interdit de téléphoner au volant d’une voiture, mais il n’est pas interdit de d’écouter de la musique dans les mêmes circonstances.

À quoi cela tient-il ? Sans doute au fait que, aussi nulle soit-elle (ou presque), une conversation téléphonique requiert une part de « créativité » (dans un sens aussi neutre que celui de « qualité », quand je parle en qualité de mathématicien). Même si c’est discutable (et en tout cas hors sujet), on considère en gros qu’écouter de la musique, c’est recevoir des signaux, qui produisent automatiquement des sensations. Et que cela n’affecte pas la capacité d’un conducteur à faire attention à la vie d’autrui.

Le fait d’élaborer une réponse destinée à un interlocuteur n’est pas vu de la même façon.

Supposons maintenant – je ne le souhaite pas – qu’un mathématicien renverse et tue un autre usager de la route ou du trottoir, que l’événement soit plus tragique que la mort d’un « ami-à-quatre-pattes », et que paniqué, il ne trouve rien de mieux à dire à la police qu’il a été distrait par un problème mathématique qui le travaillait à ce moment-là. Ça colle avec l’image qu’on se fait d’un mathématicien, non ? Imaginons aussi qu’on soit dans une période vaguement électorale, ou dans toute autre période où les législateurs et les exécuteurs doivent prendre des décisions (énergiques, rapides, efficaces etc.).

Il s’agirait donc de savoir si faire des mathématiques en conduisant met en danger la vie d’autrui. Eh bien, je serais très intéressé par le résultat :

1) parce que ça m’intéresse de savoir si une part de « créativité » du travail de mathématicien serait socialement – ou disons institutionnellement – reconnue (par les temps qui courent, ce serait réconfortant) ;

2) parce que si on reconnaît un danger (un de plus, en plus de tout le mal fait par les maths à la finance, bien sûr !), j’aimerais bien savoir quelles techniques on mettrait en œuvre pour repérer les matheux actifs (au volant).

Ces deux questions ne sont bien entendu pas propres aux mathématiciens mais, disons, à tout « travailleur-intellectuel-pas-seulement-technicien ».

ÉCRIT PAR

Bertrand Rémy

Professeur - Université Claude Bernard Lyon 1

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