Communiquer les mathématiques à la société ?

Tribune libre
Écrit par Étienne Ghys
Version espagnole
Publié le 26 août 2010

J’ai assisté hier à une table ronde intitulée « Communicating mathematics to the society at large ». Nos lecteurs se doutent bien que le comité de rédaction de Images des Maths réfléchit beaucoup à la « bonne » façon de présenter les maths « à la société en général ». Travail difficile en particulier parce que nous n’avons que peu d’expérience dans ce domaine. J’étais donc heureux de voir que le Congrès International proposait une table ronde sur ce sujet, par cinq experts de ces questions. Il ne serait pas utile de faire un compte-rendu détaillé ici. Disons simplement que plutôt que d’apprendre des choses nouvelles, j’ai été rassuré de constater que nous nous posons les mêmes questions, que nous avons les mêmes pistes de réflexion et que nous rencontrons les mêmes difficultés…

Les intervenants étaient :

  • R. Ramachandran, Frontline/The Hindu, India.
  • Christiane Rousseau, Université de Montréal, Canada, s’occupe en particulier de la revue francophone Accromath, que je recommande chaleureusement.

Voici quelques opinions entendues pendant la table ronde [entre crochets, quelques commentaires personnels].

  • Le message doit être scientifique [certes !].
  • La langue employée doit être adaptée aux moins instruits de l’audience visée, même s’il est concevable qu’un même texte soit « multi-audience ».
  • Il n’est pas nécessaire qu’un mathématicien écrive ses articles de divulgation sur les sujets précis de sa recherche personnelle, pour lesquels il est le plus compétent. [Nous débattons beaucoup de cette question au sein de IdM. Personnellement, je suis d’accord avec ce point de vue et je n’hésite pas à écrire sur des choses dont je ne suis pas spécialiste 🙂]
  • Il faut éviter les détails le plus possible. Chaque détail doit transmettre un « message ». [Facile à dire, plus difficile à réaliser].
  • Essayer de ne transmettre qu’un message par article.
  • Communiquer et enseigner des maths sont des activités différentes. [En effet, nous pensons que IdM ne devrait pas être une source pédagogique mais bien un lieu où on présente une image des maths.]
  • Avant de divulguer, il faut motiver. [Là aussi, facile à dire…]
  • Savoir pour qui on écrit. Il faut savoir ce que le lecteur souhaite lire plutôt que de lui imposer ce que vous voulez. Beaucoup de publics différents sont possibles. [Sans aucun doute, il s’agit d’une difficulté majeure. Nos couleurs vont un peu dans cette direction mais il nous faudra apprendre à connaître nos publics.]
  • Les équations ne sont pas lisibles par l’immense majorité des lecteurs. [Moi-même, j’ai souvent de grandes difficultés à lire des équations trop compliquées.]
  • Attention aux mots qui ont un sens « évident » pour les matheux et qui ont un tout autre sens dans la langue de tous les jours, comme fonction, anneau, champ, compact, etc. [Nous en sommes convaincus à IdM et nous chassons ces mots, mais il est vrai que c’est une chasse bien difficile.]
  • Les images et vidéos sont une grande aide à la compréhension. [Nous en sommes également convaincus.]
  • Chercher les maths dans les situations que tout le monde rencontre. Extraire les maths de situations familières. [Oui, mais, pas toujours facile…]
  • Marianne Freiberger a expliqué que Plus Magazine a essayé de faire un « portrait robot » des articles qui ont le plus de succès auprès des lecteurs, c’est-à-dire qui sont les plus consultés. La réponse est qu’il n’y en a pas… Il y a plusieurs publics qui ont des intérêts différents.

Beaucoup d’autres choses ont été dites mais il semble clair que nous rencontrons tous les mêmes difficultés. C’est déjà ça !

ÉCRIT PAR

Étienne Ghys

Directeur de recherche CNRS émérite, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences - École Normale Supérieure de Lyon

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Commentaires

  1. Secrétariat de rédaction
    août 26, 2010
    19h14

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